Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous abordons ici une nouvelle étape dans la lutte contre les violences au sein des couples.
Tout d’abord, je tiens à saluer le travail des membres de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, dont une partie de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est la traduction.
Je veux aussi à remercier l’ensemble de mes collègues qui se sont mobilisés sur ce texte et, plus particulièrement, Roland Courteau, qui mène ce combat depuis plusieurs années et dont les efforts ont trouvé une concrétisation partielle avec l’adoption de la première loi sur les violences conjugales, en 2006.
Comme chacun l’a rappelé, les violences exercées au sein des couples sont un fléau social majeur. Les données officielles dont nous disposons à ce sujet sont alarmantes.
En effet, une femme sur dix serait victime de violences conjugales en France. Or, selon une évaluation de l’Observatoire national de la délinquance, le nombre de plaintes déposées par les victimes représenterait moins de 9 % des violences conjugales réellement subies.
L’ampleur du phénomène est donc dramatique !
Même si nous pouvons constater, depuis quelques années, une certaine prise de conscience dans ce domaine, le tabou reste néanmoins la norme.
Les victimes, bien souvent des femmes, éprouvent de grandes difficultés à porter plainte ou ne serait-ce qu’à parler des violences qu’elles subissent. Ces difficultés sont dues, bien souvent, à un renversement de la culpabilité et à une honte, infondée, à l’idée de se manifester.
Il fallait donc légiférer afin que les victimes disposent de tous les outils possibles pour être encouragées à sortir de leur prison, tant mentale que physique.
Je me félicite, par exemple, que la notion de « violences psychologiques » soit enfin reconnue, car ces dernières représentent les trois quarts des violences recensées en France. Leurs manifestations peuvent être très diverses, allant des insultes, des humiliations régulières et répétées au harcèlement moral et au rapport de domination extrême, autant de violences dont les répercussions peuvent être dramatiques et irrémédiables pour celles et ceux qui les subissent, les entraînant, notamment, dans l’isolement social, voire la dépression.
Ces situations sont très difficiles, nous le savons tous, et c’est pour cette raison que, nous, législateurs, devons apporter notre aide aux victimes : il est de notre rôle d’essayer de rompre la spirale du silence qui entoure les violences conjugales et de créer des outils juridiques pour tenter d’enrayer ce fléau.
Ce texte s’inscrit en partie sur cette voie, et je m’en félicite.
Je tiens maintenant à revenir sur l’une des avancées essentielles de cette proposition de loi, à savoir la prise en compte de l’enfant comme personne à part entière.
Il est indispensable de prendre conscience que les enfants sont, eux aussi, victimes des violences, qu’elles soient directes ou indirectes, manifestes ou impalpables.
L’impact de ces violences peut être considérable sur l’enfant, tant dans sa construction personnelle que dans son comportement social.
Si certains enfants sont à même de développer des capacités de résistance incroyables, d’autres subissent les effets de ces violences. Elles affectent bien souvent leur conduite et peuvent se traduire soit par des problèmes extériorisés, comme des comportements agressifs et l’usage de la violence, soit par des problèmes intériorisés, comme le repli sur soi, la dépression ou la propension à se poser en victime.
Comme l’a souligné l’Observatoire national de l'enfance en danger, l’ONED, « À l’âge adulte, ces enfants exposés ont un moins bon fonctionnement social et psychologique et présentent un risque de reproduire les comportements violents, que ce soit dans la position d’auteur ou de victime ».
Afin de limiter ces risques, il faut apporter à ces enfants une protection au sein de la cellule familiale tout en les sensibilisant et en les accompagnant dans leur vie de tous les jours.
C’est pour cela qu’il est indispensable que ces enfants puissent bénéficier, dès le plus jeune âge, de campagnes de prévention et de sensibilisation en milieu scolaire. Dès les bancs de l’école, il faut leur inculquer les valeurs de respect et d’égalité entre les sexes. C’est seulement ainsi que nous pourrons « prendre le mal à la racine », tout en poussant certains enfants à prendre conscience de la nécessité de parler des violences dont ils sont témoins ou victimes.
L’école a un rôle clé à jouer dans ce domaine afin d’éviter que certains préjugés et comportements ne s’ancrent dès le plus jeune âge.
D’une manière générale, et même s’il reste du chemin à parcourir, le présent texte contient de nombreuses avancées qu’il faut saluer, notamment la réaffirmation de la primauté de l’intérêt de l’enfant en cas de violences conjugales.
Il n’est plus à démontrer aujourd’hui que les violences au sein du couple ont de multiples conséquences sur les victimes et leurs proches. Il est donc indispensable que des textes législatifs, telle la présente proposition de loi, traduisent concrètement ce constat en posant un cadre juridique strict et efficace afin de protéger les victimes de ces violences, tout en essayant d’enrayer ce mal profond.