Intervention de Odette Terrade

Réunion du 10 juillet 2008 à 22h15
Modernisation de l'économie — Intitulé du projet de loi

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement porte sur l’intitulé du projet de loi, qui, sous bien des aspects, ne nous semble pas correspondre, notamment d’un point de vue qualitatif, au contenu actuel du texte.

Il serait question de modernisation l’économie. Cela reste à voir !

Nous aurions pu, nous ou d’autres parlementaires, proposer d’intituler ce texte « projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier », tant le caractère disparate des mesures qu’il contient apparaît au premier coup d’œil. Sans doute inspirée par la période des soldes d’été qui s’ouvrait, j’avais osé reprendre un slogan publicitaire bien connu. Il est vrai que l’on se croirait à la Samaritaine, car on trouve de tout dans ce projet de loi !

Ce matin, la « petite loi » comportait déjà plus de 150 articles, en lieu et place des 44 articles du texte initial. Avec les amendements visant à insérer des articles additionnels dont nous avons débattu aujourd'hui, nous devrions approcher les 200 articles !

Cet accroissement est dû, me direz-vous, à l’exercice du droit d’amendement parlementaire. Mais ce serait oublier un peu vite que, pour une bonne part, les amendements adoptés sont le fait du Gouvernement lui-même ou de la commission spéciale, celle-ci étant d’ailleurs assez souvent porteuse de propositions qui auraient dû figurer dans le texte initial du projet de loi.

Ne nous y trompons donc pas : de bout en bout, et contrairement aux apparences, ce texte dispose d’une cohérence et d’une logique qui lui sont propres, et que nous aurions mauvaise grâce à mettre en question.

C’est précisément pour exprimer cette logique et cette cohérence que nous vous proposons un nouvel intitulé pour ce projet de loi : « projet de loi en faveur des monopoles économiques et financiers » !

Cela aurait, dans un premier temps, le mérite de la clarté, ce qui permettrait la juste appréciation par la population du contenu de ce texte d’abord abrupt.

D’aucuns trouveront peut-être cet intitulé excessif. Mais n’est-ce pas servir les monopoles économiques et financiers que de leur permettre, au motif de développer l’entreprise individuelle, de transformer demain leurs salariés en pseudo auto-entrepreneurs qui n’auront d’autre droit que celui de travailler plus pour gagner bien souvent moins ?

N’est-ce pas servir les monopoles économiques et financiers que de dépénaliser le droit des affaires ? Comme si la délinquance économique était moins condamnable que les autres formes de délinquance… C’est oublier qu’une liquidation judiciaire qui fait suite à des agissements relevant de cette délinquance économique ne touche pas seulement un chef d’entreprise, condamné par ses pairs. Elle touche d’abord et avant tout des salariés, qui perdent leur emploi, et des familles, qui connaissent des difficultés et la précarité.

N’est-ce pas servir les monopoles économiques et financiers que de légaliser les marges arrière en offrant aux géants de la distribution la possibilité de contraindre leurs fournisseurs à accepter les pires conditions de vente, sans aucun encadrement, pas même des délais de paiement réduits ? Bel exemple de cette liberté du « renard libre dans le poulailler libre » !

N’est-ce pas servir les monopoles économiques et financiers que d’offrir des rentes de situation aux multinationales de la téléphonie mobile et de la télévision numérique terrestre ?

N’est-ce pas servir les monopoles économiques et financiers que de transformer la Caisse des dépôts et consignations en bras séculier de la spéculation financière, en acteur public intervenant sur les marchés boursiers au gré des desiderata des grands groupes du CAC 40 et de leur stratégie d’investissement ?

N’est-ce pas servir les monopoles économiques et financiers que de réduire la mobilisation des financements pour la croissance à une banalisation du livret A, dont l’un des effets les plus sûrs sera de livrer 50 milliards d’euros d’argent frais, au moins, issus de l’épargne populaire, à des banques et à des établissements financiers empêtrés dans la crise immobilière nord-américaine et ses répliques en Europe ?

Tout, dans ce projet de loi, peut être ramené à deux chiffres : 50 millions d’exonérations sociales pour les auto-entrepreneurs contre 50 milliards d’épargne populaire confisqués par les banques !

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