Monsieur le garde des sceaux, nous avons assisté, lundi dernier, à la remarquable audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation consacrée au thème de l'Europe judiciaire. La Cour nous a ainsi donné un bel exemple du niveau élevé et de l'horizon élargi de ses réflexions.
Assez curieusement, M. le procureur général a cru devoir évacuer rapidement le sujet pour se livrer à un plaidoyer quelque peu fracassant en faveur de l'indépendance du parquet.
Après avoir recouru à des allusions transparentes pour dénoncer ce qu'il a appelé une « éventuelle mainmise politique », M. Nadal a rappelé qu'en transférant au parquet non seulement la poursuite mais, pour une part grandissante, le jugement des affaires pénales, le législateur avait, en quelque sorte, mis les juges du parquet en situation de revendiquer - et on les comprend - la même indépendance que celle de leurs collègues du siège, ce qui signifie une remise en cause du système des nominations et de la pratique des instructions individuelles.
Au sujet de ces dernières - ce fut le passage le plus intéressant ou le plus curieux de son discours -, le procureur général a précisé que le problème ne venait pas tant de celles qui sont données, mais plutôt et surtout de celles qui ne le sont pas - ah ! le danger des instructions qui ne sont pas données ! -, ce qui n'a pas manqué de faire sourciller quelques-unes des plus hautes autorités présentes et de faire sourire quelques autres, sans doute mieux averties.