Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, à cette heure matinale, apporter quelques réflexions complémentaires.
C’est peu de dire que le projet de loi n’a pas rencontré, et ne rencontre toujours pas, un large soutien dans l’opinion publique. Ce texte suscite plutôt réticences, craintes et franche hostilité qu’approbation pleine et entière des dispositions qu’il contient !
Qu’il s’agisse d’économistes faisant état « des effets pervers de la loi de modernisation économique », d’une grande association de consommateurs qui évoque une loi « à conséquences douteuses pour les consommateurs », des organisations syndicales du secteur financier public qui rejettent « la privatisation de la Caisse des dépôts » ou « le racket du livret A », de l’Union sociale pour l’habitat qui s’inquiète du financement futur du logement social, de l’Union professionnelle artisanale ou de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment qui mettent en garde contre les atteintes aux entreprises petites ou artisanales, des centres de gestion comptable qui craignent la fraude et la dissimulation fiscale, nombreux sont ceux qui avaient exprimé leur méfiance, sinon leur rejet de ce texte.
En face, qui soutient ce projet de loi, au-delà des parlementaires de la majorité ? Michel-Édouard Leclerc, qui va ainsi continuer à fragiliser le commerce de proximité et à imposer sa vision ; Arnaud Lagardère, qui va pouvoir se maintenir dans les médias ; Martin Bouygues, qui peut préparer dans les meilleures conditions la cession de TF1 et l’acquisition d’au moins une minorité de blocage dans le capital d’Areva ; et le PDG de Carrefour, qui annonce que, dans la foulée de la loi, il va « dynamiser le développement de ses hypermarchés en France ». Avec ce texte, vous avez fait le choix de défendre ces intérêts-là.
Cette prétendue modernisation de l’économie fait évidemment pendant à la rénovation du dialogue social que vous nous annoncez.
Le projet de loi de modernisation de l’économie doit donc être mesuré à l’aune du contexte dans lequel il est débattu. Ce que vous nous proposez aujourd’hui, c’est l’opacité des relations commerciales et des modes de gestion des entreprises, et la défense inconditionnelle des rentes de situation acquises par quelques grands groupes, que vous accompagnerez, à l’avenir, de la mise en cause de la durée du temps de travail, des droits syndicaux et des garanties collectives des salariés.
Dégrader le code du travail est un complément indispensable de votre course effrénée à la baisse des prix, présentée comme la raison d’être de ce texte.
Demain, vous mettrez dans les mains des grands groupes toutes les armes : ajustement des coûts de main-d’œuvre, liberté absolue des conditions de prix, précarisation des conditions de travail.
Tout pour le profit, telle est la véritable nature de votre prétendue modernisation de l’économie. La modernité dont vous vous prévalez a pourtant des traits foncièrement archaïques. En effet, vous revenez sur des équilibres établis au fil du temps par la société française et sur nombre d’acquis sociaux que des générations de salariés ont arrachés à la seule loi du profit.
Nous ne voulons décidément pas de tout cela, et nous ne voterons donc pas ce projet de loi.