Intervention de Richard Yung

Réunion du 2 février 2010 à 9h30
Questions orales — Abattage des troupeaux de bovins de moutons et de mouflons sur les îles australes de kerguelen et de saint-paul-et-amsterdam dans le territoire des terres australes et antarctiques françaises

Photo de Richard YungRichard Yung :

Ma question porte sur l’abattage organisé des troupeaux de bovins, de moutons et de mouflons sur les îles australes de Kerguelen et de Saint-Paul-et-Amsterdam dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF. Pour se poser loin d’ici, les problèmes que soulève cet abattage n’en sont pas moins bien réels, y compris pour la métropole et même au-delà.

Les TAAF se sont engagées dans un important programme de préservation de la biodiversité. Afin de protéger la reproduction de certains oiseaux, il est actuellement procédé à l’abattage – je ne sais pas dans quelle proportion – des troupeaux de mouflons et de moutons localisés sur deux petites îles de l’archipel des Kerguelen, ainsi que du troupeau de bovins contenu dans un enclos représentant un cinquième de l’île d’Amsterdam. Il semble que ces abattages aient été décidés sans qu’on en ait vraiment envisagé toutes les conséquences.

L’impact environnemental de ces troupeaux est indéniable, mais il est minimisé par leur installation ancienne et sur des portions très réduites des TAAF. En outre, leur élimination n’est pas un gage de retour à un état antérieur des systèmes biologiques insulaires. Des actions concernant les espèces invasives telles que les rats, les souris, les chats, les rennes, entre autres, paraissent bien plus urgentes et devraient être entreprises prioritairement. La destruction définitive de ces troupeaux pourrait, quant à elle, facilement intervenir si les TAAF redevenaient un sanctuaire naturel, comme l’île Saint-Paul, par exemple.

Il importe de signaler que les mouflons, les moutons – de race Bizet, une veille race française à faible effectif – et les bovins – originaires de la Réunion – qui sont présents sur ces îles possèdent un patrimoine génétique et biologique exceptionnel du fait de leur isolement génétique et géographique extrême, depuis plus de cinquante ans pour les mouflons et les moutons, depuis près de cent cinquante ans pour les bovins.

En cas d’épizootie de grande gravité dans le reste du monde, ces animaux pourraient servir en quelque sorte d’étalons… dans tous les sens du terme. (Sourires.) Ils permettraient en effet de repeupler les troupeaux.

Je tiens également à indiquer que ces animaux garantissent un approvisionnement en viande de très haute qualité sanitaire pour les chercheurs en poste dans ces bases. Leur exploitation raisonnée a fait l’objet de maints investissements, qui vont être perdus. Dans la mesure où l’apport de viande extérieure au territoire, même sous garantie sanitaire sérieuse, est fortement déconseillé sur des îles aussi isolées, leur maintien est une sécurité supplémentaire pour les populations de mammifères et d’oiseaux autochtones vivant sur ces îles. En réduisant très sensiblement l’apport en viande importée sur les districts – aussi rigoureux que soient les contrôles dont elle fait l’objet, cette viande peut toujours être porteuse de micro-organismes susceptibles, dans un tel milieu, de provoquer des ravages –, ils préservent la faune et la flore de l’apparition de maladies extérieures.

Ces troupeaux représentent en vérité un patrimoine tout à fait exceptionnel et précieux. Ces animaux contribuent au rayonnement des TAAF et sont universellement connus.

Dans ces conditions, je souhaiterais savoir s’il ne serait pas possible, d’une part, d’instaurer un moratoire sur l’abattage des mouflons, moutons et bovins et, d’autre part, d’organiser un débat contradictoire en saisissant le Conseil consultatif des terres australes et antarctiques françaises.

Je précise que cette demande émane d’un groupe de scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle ayant séjourné aux Kerguelen. Ils m’ont entretenu de cette question et je me fais ici l’écho de leur préoccupation.

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