Avec la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le Gouvernement a rendu obligatoire l’inscription des infirmiers au sein d’un nouvel ordre professionnel, après avoir imposé la même mesure aux masseurs-kinésithérapeutes en 2004.
Nous devons replacer cette décision dans le contexte de l’application de cette loi, qui conduit à fermer des hôpitaux, à supprimer des services, à réduire le personnel, à rationner les moyens et même à ne pas reconnaître les qualifications des personnels. Dans les hôpitaux publics, la contestation de cette politique enfle.
À Tours, par exemple, les infirmiers anesthésistes se sont mis en grève pour se faire entendre, car on leur refuse injustement une reconnaissance à la hauteur de leurs responsabilités et de leurs qualifications. De même, à l’hôpital pour enfants de Clocheville, les services de néphrologie et d’hémodialyse manquent d’effectifs et la fermeture de l’unité saisonnière, un moment envisagée, aurait entraîné la suppression de vingt-neuf postes. D’autres services sont en grève pour dénoncer le manque de moyens pour répondre aux besoins des malades.
Il en va de même du démantèlement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui aura de graves conséquences pour la population de l’Île-de-France, car il en résultera une réduction de l’offre de soins.
Parallèlement, vous remettez en cause le droit au départ à la retraite à 55 ans pour les infirmiers, partant du principe que la pénibilité peut être compensée financièrement. Cette position n’est naturellement pas acceptable, la seule compensation possible de la pénibilité étant une réduction du temps de cotisation, c’est-à-dire la possibilité de partir à la retraite de manière anticipée en bénéficiant du taux plein.
À vos yeux, l’hôpital doit être rentable et vous n’avez qu’une hâte : faire réaliser demain par des professionnels libéraux les soins prodigués aujourd’hui par les personnels publics.
La tentative de mise au pas de la profession à travers ces différentes réformes n’a qu’un objectif : rendre inopérant notre système de santé public pour justifier qu’il soit livré au secteur privé. Vous voulez imposer à notre hôpital public le modèle libéral, compatible avec la tarification à l’activité, la T2A, et le transformer en entreprise de soins.
La création des ordres infirmiers participe de cette logique. En affaiblissant les organes de représentation existants, professionnels et syndicaux, vous espérez diviser les salariés en leur imposant, au travers de ces ordres professionnels, un carcan qu’ils rejettent de façon quasiment unanime. Vous souhaitez contenir par la contrainte la contestation montante des salariés dans les hôpitaux, mise en évidence par les manifestations de ces dernières années, celles de 2003 en particulier.
Lors de son audition à l’Assemblée nationale, la présidente du conseil national de l’ordre des infirmiers s’en prenait d’ailleurs aux syndicats, qu’elle considère hostiles à la reconnaissance « des dimensions fondamentales de fierté, de responsabilité et d’autonomie que l’ordre incarne », en les accusant de « désinformation systématique, [de] menaces personnelles, [d’]actes de délinquance organisée, [de] dégradations, [de] campagnes tapageuses », du blocage ou de la destruction des courriers d’inscription à l’ordre. Ces attaques violentes contre l’activité syndicale ne changent rien au fait que les salariés refusent d’être enfermés dans un ordre dont ils ne veulent pas !
La seule solution, me semble-t-il, c’est l’abrogation de cette loi qui fait l’unanimité contre elle. Le taux de participation de 13 % aux dernières élections ordinales exprime d’ailleurs clairement la réponse des salariés.
En transférant au conseil de l’ordre les missions des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, concernant l’enregistrement des diplômes, l’attribution d’un numéro dans le registre commun des professions paramédicales, la tenue du tableau de démographie professionnelle, le suivi des densités de professionnels par territoire, vous faites financer par la profession ce qui l’était auparavant par la solidarité nationale.
Ne croyez pas que tous les infirmiers et kinésithérapeutes libéraux soient favorables à la création d’un ordre professionnel, car j’en ai rencontré de nombreux qui ne comprennent pas l’utilité d’une telle institution !
Madame la secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement face à cette levée de boucliers contre ces ordres professionnels dont il projette de renforcer encore les prérogatives alors qu’ils sont rejetés, à la quasi-unanimité, par les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes ?