L'article 5 est exemplaire en ce qu’il contredit les affirmations du Président de la République sur le renforcement du rôle du Parlement.
L’article 16 de la Constitution, qui donne les pleins pouvoirs au Président de la République, est une anomalie profonde dans notre République. Il permet au Président de la République de se saisir de tous les pouvoirs en cas de nécessité. Motivées par le souvenir du désastre du mois de juin 1940, ses dispositions sont sans précédent dans la tradition républicaine. J’irai même jusqu’à dire qu’elles autorisent une véritable dictature, au sens romain du terme : durant la Rome antique, la dictature était définie comme un état de la république romaine où un magistrat se voyait confier de manière temporaire et légale les pleins pouvoirs en cas de trouble grave.
Aujourd’hui, il n’est évidemment pas question de parler de dictature, mais je rappelle que, lorsque le Général de Gaulle a utilisé les pleins pouvoirs en 1961, les capacités d’action des assemblées parlementaires ont été pour ainsi dire réduites à néant. Pour illustrer mon propos, je reprendrai l’analyse de Guy Carcassonne : « C’est d’abord dans son message au Parlement du 25 avril 1961 que le Général de Gaulle invite expressément les élus à ne pas s’immiscer dans les mesures prises ou à prendre en vertu de l’article 16. Exit l’actualité ! C’est ensuite par une lettre à son Premier ministre du 31 août qu’il exclut que, hors les périodes normales de session, la réunion du Parlement ait un aboutissement législatif. Exit la fonction législative ! C’est enfin le président de l’Assemblée nationale qui prend sur lui, le 19 septembre 1961, de décider qu’une motion de censure déposée en dehors des sessions normales ne peut être reçue. Exit la fonction de contrôle ! »
Les propos de Guy Carcassonne sont sans appel. Le fait que l’article 5 encadre, très légèrement cependant, les conditions d’exercice de l’article 16 de la Constitution ne change pas sur le fond nos critiques.
En effet, il n’est proposé que de compléter l’article 16 afin de confier au Conseil constitutionnel, saisi par le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, ou par soixante députés ou sénateurs, le contrôle de la durée d’exercice des pouvoirs exceptionnels du Président de la République.
Cela s’explique notamment par la prolongation totalement injustifiée par le général de Gaulle des pleins pouvoirs en 1961. Il est indiscutable que les circonstances graves ayant motivé la mise en application de l’article 16 avaient cessé de l’être au bout d’une semaine, ce qui n’a pas empêché le général de Gaulle de maintenir ses pouvoirs exceptionnels jusqu’à la fin du mois de septembre.
Ce projet de loi ne limite pas totalement la durée d’exercice des pleins pouvoirs, puisque le Conseil constitutionnel ne peut être saisi qu’au terme de trente jours, puis, dans les mêmes conditions au terme de soixante jours, et à tout moment au-delà de cette durée.
L’article 5 du projet de loi prévoit donc un aménagement de l’article 16 qui ne correspond pas aux enjeux en cause pour la démocratie. C’est pourquoi nous demandons l’abrogation pure et simple de cet article 16 de la Constitution.