Séance en hémicycle du 20 juin 2008 à 9h45

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Michel Charasse, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, je souhaite appeler l’attention des autorités du Sénat et du Gouvernement sur l’ordre du jour de nos travaux.

Nous sommes maintenant dans la plus grande incertitude en ce qui concerne la journée de demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La conférence des présidents a arrêté l’ordre du jour !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Je ne suis pas totalement sourd – cela viendra !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

– et j’entends dire ici et là, dans les couloirs et à la buvette, que vous ne fréquentez pas, monsieur le président

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Cette assemblée est composée, comme il se doit, de parisiens et de provinciaux. Nous, les malheureux provinciaux, nous avons quelques dispositions à prendre pour réserver notre billet d’avion ou de train, d’autant plus que le samedi, comme tout le monde le sait – et cela ne date pas de « l’austérité sarkozienne » –, les services publics ne fonctionnent pas forcément comme les autres jours de la semaine.

Par conséquent, j’aimerais que l’on nous indique si possible quelles sont les perspectives pour demain, afin que nous soyons en mesure d’organiser notre retour dans nos départements respectifs. Il va de soi que je ne remets pas en cause l’intention, affirmée par la conférence des présidents, de poursuivre nos travaux lundi.

Il est bien évident que, si l’on nous apprend ce soir, à vingt-trois heures ou à minuit, que le Sénat ne siégera pas demain, je ne sais pas comment nous pourrons réserver notre billet d’avion ou de train, même si le bureau des transports est ouvert !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mon cher collègue, je ne peux vous répondre autre chose que ce que je viens de vous indiquer, à savoir que la conférence des présidents a établi l’ordre du jour.

Pour ce qui est des rumeurs que l’on entend ici ou là sur une éventuelle modification de l’organisation de nos travaux, je vous conseille de ne pas trop écouter ce qui se raconte !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Cela dit, monsieur le secrétaire d'État, qu’en pense le Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, la situation est simple : la conférence des présidents a établi que le Sénat pourrait siéger demain et lundi pour achever l’examen de ce texte.

Si les travaux s’étaient déroulés à un rythme plus soutenu, nous aurions pu envisager de ne les reprendre que lundi. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, depuis le début de la discussion, les débats avancent si lentement qu’il paraît peu probable de supprimer des jours de séance prévus par la conférence des présidents.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux malheureusement pas vous en dire beaucoup plus. Il se peut qu’aujourd'hui nous assistions à un miracle...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Vous ferez comme bon vous semble. Pour ma part, je n’ai pas d’état d’âme : l’examen du projet de loi constitutionnelle peut se poursuivre demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

C’est très clair, mais on n’en sait toujours pas plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, nous avons longuement débattu de sujets importants, mais qui ne constituaient guère le cœur du texte. Ainsi, hier soir, la question qui nous a occupés était extrêmement intéressante, mais elle reste périphérique par rapport à l’objet de la réforme.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Voilà !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

D’ailleurs – et ce n’est pas un reproche –, un certain nombre de nos collègues qui se sont exprimés hier ne nous feront certainement pas l’honneur d’être présents aujourd'hui pour poursuivre l’examen de ce texte …

Mes chers collègues, c’est très simple : si nous avançons à un rythme satisfaisant, comme c’est le cas habituellement, nous pourrons progresser rapidement. Cela suppose que chacun veuille bien ne pas s’exprimer plusieurs fois sur le même sujet !

M. Alain Gournac sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certains sont raisonnables : ils exposent leurs amendements, qui sont ensuite soumis au vote, sans demander la parole pour des explications de vote qui peuvent parfois durer plusieurs minutes !

M. Josselin de Rohan acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le secrétaire d'État, l’examen de ce texte est prévu jusqu’à lundi, mais nous verrons en fin d’après-midi où nous en sommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Vers dix-huit heures, ce serait bien qu’on nous tienne informés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je pense que nous aurons l’occasion de faire le point avec M. le président et M. le secrétaire d'État en fin d’après-midi.

Nous avons établi des projections : il paraît envisageable de clore nos débats dans de bonnes conditions mardi en fin de journée, à condition que nous siégions aujourd'hui assez tard dans la soirée. Il va de soi que, si la séance est levée à minuit, nous ne pourrons achever l’examen de ce texte dans les délais.

Tout dépendra donc de la vitesse à laquelle se dérouleront nos travaux aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Monsieur le président, lors du scrutin public n° 98 portant sur les six amendements tendant à supprimer l'article 1er A du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, notre collègue Raymond Couderc a été déclaré comme votant pour, alors qu’il souhaitait voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Braye.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République (nos 365, 387, 388).

Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 5.

L'article 16 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 175 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 363 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 426 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 16 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 175.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L'article 5 est exemplaire en ce qu’il contredit les affirmations du Président de la République sur le renforcement du rôle du Parlement.

L’article 16 de la Constitution, qui donne les pleins pouvoirs au Président de la République, est une anomalie profonde dans notre République. Il permet au Président de la République de se saisir de tous les pouvoirs en cas de nécessité. Motivées par le souvenir du désastre du mois de juin 1940, ses dispositions sont sans précédent dans la tradition républicaine. J’irai même jusqu’à dire qu’elles autorisent une véritable dictature, au sens romain du terme : durant la Rome antique, la dictature était définie comme un état de la république romaine où un magistrat se voyait confier de manière temporaire et légale les pleins pouvoirs en cas de trouble grave.

Aujourd’hui, il n’est évidemment pas question de parler de dictature, mais je rappelle que, lorsque le Général de Gaulle a utilisé les pleins pouvoirs en 1961, les capacités d’action des assemblées parlementaires ont été pour ainsi dire réduites à néant. Pour illustrer mon propos, je reprendrai l’analyse de Guy Carcassonne : « C’est d’abord dans son message au Parlement du 25 avril 1961 que le Général de Gaulle invite expressément les élus à ne pas s’immiscer dans les mesures prises ou à prendre en vertu de l’article 16. Exit l’actualité ! C’est ensuite par une lettre à son Premier ministre du 31 août qu’il exclut que, hors les périodes normales de session, la réunion du Parlement ait un aboutissement législatif. Exit la fonction législative ! C’est enfin le président de l’Assemblée nationale qui prend sur lui, le 19 septembre 1961, de décider qu’une motion de censure déposée en dehors des sessions normales ne peut être reçue. Exit la fonction de contrôle ! »

Les propos de Guy Carcassonne sont sans appel. Le fait que l’article 5 encadre, très légèrement cependant, les conditions d’exercice de l’article 16 de la Constitution ne change pas sur le fond nos critiques.

En effet, il n’est proposé que de compléter l’article 16 afin de confier au Conseil constitutionnel, saisi par le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, ou par soixante députés ou sénateurs, le contrôle de la durée d’exercice des pouvoirs exceptionnels du Président de la République.

Cela s’explique notamment par la prolongation totalement injustifiée par le général de Gaulle des pleins pouvoirs en 1961. Il est indiscutable que les circonstances graves ayant motivé la mise en application de l’article 16 avaient cessé de l’être au bout d’une semaine, ce qui n’a pas empêché le général de Gaulle de maintenir ses pouvoirs exceptionnels jusqu’à la fin du mois de septembre.

Ce projet de loi ne limite pas totalement la durée d’exercice des pleins pouvoirs, puisque le Conseil constitutionnel ne peut être saisi qu’au terme de trente jours, puis, dans les mêmes conditions au terme de soixante jours, et à tout moment au-delà de cette durée.

L’article 5 du projet de loi prévoit donc un aménagement de l’article 16 qui ne correspond pas aux enjeux en cause pour la démocratie. C’est pourquoi nous demandons l’abrogation pure et simple de cet article 16 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 363.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’objet de cet amendement est de supprimer l’article 16 de la Constitution.

On a beau aménager les conditions d’exercice des pouvoirs exceptionnels, ils restent des pouvoirs exorbitants, puisqu’ils confèrent au Président de la République la faculté de se prononcer sur tout et à tout moment en ôtant littéralement au Parlement son pouvoir législatif. Quand un Président de la République décide seul, on n’est pas loin de la dictature, comme le disait tout à l’heure ma collègue Josiane Mathon-Poinat.

Aujourd’hui, on nous parle de monocratie contre la démocratie. Cela me rend inquiète, car je ne comprends pas dans quelle mesure il est possible de moderniser nos institutions sans supprimer une disposition qui avait, certes, son utilité de 1958 à 1962, mais qui est devenue aujourd’hui absolument inutile.

Dans les cas de crise grave, nous disposons de l’état d’urgence et de l’état de crise. Nul besoin de maintenir le fait du prince dans une Constitution modernisée.

On nous dit que cet article peut être utile dans des cas qui n’entrent pas dans le champ de l’état d’urgence ou de l’état de crise. On évoque les actes de terrorisme pour justifier son maintien.

Mais je vous le demande : dans quelle démocratie le Parlement est-il totalement destitué de ses pouvoirs au profit du Chef de l’État, qui, je le répète, peut se prononcer à tout moment, quand il le veut, en interrompant tout processus démocratique ?

On s’évertue à associer le Parlement pour toute intervention des forces armées, on lui soumet la prolongation de cette intervention et on lui permet de contrôler les états de siège et d’urgence. En somme, on associe le Parlement dans toutes les situations de crise. Voilà un article 16 qui est aujourd’hui une aberration constitutionnelle, car aucune démocratie, pas même les États-Unis, ne prévoit une telle suspension des pouvoirs du Parlement afin de donner tout pouvoir au Président !

Par ailleurs, en cherchant à encadrer l’article 16, qui n’a servi qu’une fois en avril 1961, vous ne faites que le restaurer et lui donner une actualité qu’il ne mérite plus. Je vous propose au contraire de le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 426.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le débat sur l’article 16 est très important. Vous savez que les formations politiques de la gauche ont, depuis 1972, demandé à chaque occasion la suppression de l’article 16 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Pourquoi François Mitterrand ne l’a-t-il pas fait ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Nous aurions préféré qu’il ne le propose pas et qu’il le fasse !

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

On perd du temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, j’aimerais, avec votre permission, pouvoir continuer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous me connaissez, je suis toujours très calme !

En ce qui concerne cet article très important, je me demande si l’encadrement qui est proposé ne complique pas et n’aggrave pas les choses par rapport à la situation actuelle, puisque le Conseil constitutionnel se voit saisi d’une possibilité de donner des avis, voire davantage, et cela finalement au détriment des pouvoirs du Parlement.

Nous ne comprenons pas du tout pourquoi, en situation de crise, le Parlement n’a plus rien à dire, sinon saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il donne un avis sur l’opportunité de maintenir l’article 16.

Nous ne voulons absolument pas d’une banalisation de l’usage de l’article 16, qui n’a été appliqué qu’une seule fois. Nous pensons qu’une démocratie moderne et sûre d’elle-même ne peut se permettre de déléguer à un homme seul la gestion d’une situation exceptionnelle, dans une version modernisée de nos institutions. Ce sont l’ensemble des pouvoirs publics qui doivent s’attacher à affronter les états de crise exceptionnelle.

Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré à l’Assemblée nationale que nous n’étions pas à l’abri de circonstances particulières liées au terrorisme. Attention ! Si, à chaque menace terroriste, on envisage une mesure aussi radicale, on risque de réduire le niveau de gravité à partir duquel les pleins pouvoirs pourraient s’appliquer, et d’élargir les cas d’application aux exigences de la sûreté de l’État ou de la sécurité publique.

Bien entendu, nous sommes pleinement conscients des responsabilités qui sont celles du Chef de l’État et de l’ensemble des pouvoirs publics en cas de crise. Mais nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à l’article 16, qu’il est très important de supprimer.

Pour terminer, mes chers collègues, je voudrais avancer un dernier argument. Vous savez que l’article 16 est une exception dans la tradition démocratique du monde occidental. Aucun des pays développés démocratiques d’Europe ne possède un dispositif juridique autorisant une telle concentration de compétences aussi contraire aux principes républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 152 rectifié, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Avant le dernier alinéa de l'article 16 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut être recouru aux pouvoirs exceptionnels lorsque l'Assemblée Nationale est dissoute. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 176, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer le second alinéa de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le Conseil constitutionnel peut être saisi à tout moment par le Président de l'Assemblée Nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, un groupe politique, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa sont réunies. Il se prononce dans un délai d'un jour franc par un avis public.

« Il procède de plein droit à cet examen.

« Une fois l'avis rendu public, le Parlement se prononce à la majorité des trois cinquièmes par un vote après un débat en séance publique. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Il s’agit d’un amendement de repli, qui a déjà été défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 267 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat et Payet, MM. J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, remplacer le mot :

trente

par le mot :

quinze

La parole est à M. Michel Mercier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Notre groupe est favorable au maintien de l’article 16, parce qu’il est le fruit de l’histoire et que des circonstances exceptionnelles peuvent justifier de telles dispositions dans la Constitution. Nous souhaitons simplement l’encadrer un peu plus. Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On ne peut écarter, à l’avenir, que des circonstances exceptionnelles justifient le recours aux pouvoirs exceptionnels. Je pense aux risques liés au terrorisme mondialisé.

Le comité Balladur, qui a longuement réfléchi sur ce sujet, a conclu que l’absence de toute disposition visant à contrôler la durée d’exercice des pouvoirs du Président de la République était une des faiblesses de l’article 16, qui devait être corrigée. Le Gouvernement a d’ailleurs repris cette proposition, en décidant de maintenir cet article, mais en l’encadrant.

La commission souhaite donc le maintien de l’article 16 de la Constitution et émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 175, 363 et 426.

L’amendement n° 176 va au-delà des dispositions proposées par le projet de loi constitutionnelle pour l’article 16.

La saisine du Conseil constitutionnel serait possible à tout moment. Le Parlement pourrait se prononcer à la majorité des trois cinquièmes, une fois l’avis rendu public.

Nous estimons qu’il faut laisser au Président de la République le temps de prendre des mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement régulier des pouvoirs publics. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n°267 rectifié, monsieur Mercier, la faculté donnée au président du Sénat, à celui de l’Assemblée nationale ainsi qu’à soixante sénateurs ou députés de saisir le Conseil constitutionnel après trente jours d’exercice des pouvoirs constitue une réelle avancée. Ce délai nous paraît raisonnable.

En revanche, un délai de quinze jours serait trop court pour permettre au Président de la République de rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

Par conséquent, je sollicite le retrait de l’amendement n° 267 rectifié.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Je voudrais rappeler que la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels exige la réunion de deux conditions.

La première est l’existence d’une menace grave et immédiate pesant sur les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux.

La seconde condition est l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.

Je répondrai aux auteurs des amendements identiques n° 175, 363 et 426 que l’article 16 de notre Constitution est lié à des circonstances historiques, notamment aux événements de 1940, et qu’il n’a été mis en œuvre qu’une seule fois lors de la guerre d’Algérie, en 1961. Il est donc difficile de dire que son utilisation a été abusive.

Mais ce n’est pas parce que cet article n’a pas été utilisé depuis quarante ans qu’il est inutile.

Depuis 1945, nous avons eu une grande chance, aucune guerre n’a affecté le territoire. Malheureusement, nous vivons aujourd’hui dans un monde où des risques graves existent, même s’ils ont changé de nature.

Nous avons déjà eu un débat sur les attaques terroristes à l’Assemblée nationale, où l’on m’avait opposé que leur nature ne pouvait les faire entrer dans le champ de l’article 16. Or ces attaques pourraient viser simultanément, on l’a vu dans d’autres pays, plusieurs institutions du pays et interrompre le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

On ne peut donc totalement exclure que nous connaissions une situation tout à fait exceptionnelle dans ces circonstances. Si cela arrive, il faut que le Président de la République puisse exercer les pouvoirs exceptionnels pour y faire face.

C’est pourquoi le Gouvernement a considéré qu’il était sage de maintenir cette disposition dans notre Constitution. L’expérience de 1961 a montré que la difficulté résidait non pas dans sa mise en œuvre abusive, mais plutôt dans la durée et l’encadrement de son application. C’est ce qui est proposé par l’article 5 du projet de loi constitutionnelle.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements identiques.

Avec les amendements n° 176 et 267 rectifié, vous souhaitez qu’on aille encore plus loin dans le renforcement du contrôle opéré sur la prolongation du recours à l’article 16.

Dans un premier temps, vous proposez, par le biais de l’amendement n° 176, que le Conseil constitutionnel puisse exercer un contrôle à tout moment et que le Parlement se prononce à la majorité des trois cinquièmes par un vote après un débat en séance publique.

Avec l’amendement n° 267 rectifié, vous proposez que la seconde consultation du Conseil constitutionnel intervienne au bout de quinze jours au lieu de trente jours.

Les dispositions du projet de loi qui prévoient des rendez-vous au bout de trente jours, de soixante jours, puis « à tout moment » respectent l’équilibre que vous réclamez.

Cette solution nous paraît satisfaisante et il n’est pas nécessaire de permettre une nouvelle saisine du Conseil constitutionnel dès l’expiration du délai de quinze jours, alors qu’il a déjà été consulté au moment de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels.

Donc, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Ayant été complètement convaincu par M. le rapporteur et par Mme le garde des sceaux, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 267 rectifié est retiré.

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l’amendement n° 176.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Il est vrai que depuis 1958 l’article 16 de la Constitution fait l’objet de polémiques. C’est d’ailleurs ce qui a conduit, à cette époque, au moment du référendum, les socialistes à se diviser, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

… certains ayant voté oui et d’autres non, principalement sur la question de l’article 16. C’est donc un sujet de controverse.

Je considère que l’article 5 du projet de loi constitutionnelle est absolument inutile, dans la mesure où, à l’occasion de la seule mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution depuis 1958, il a été constaté – et personne n’est revenu sur ce point – que les décisions prises dans ce cadre peuvent porter sur tous les domaines, y compris une suspension temporaire de la Constitution ; en effet, une décision prise en application de l’article 16 a supprimé temporairement l’inamovibilité des magistrats du siège en Algérie, donc une disposition de nature constitutionnelle.

Madame le garde des sceaux, on peut ajouter tout ce que l’on voudra dans la Constitution pour prendre toutes les précautions du monde, mais cela ne sert à rien puisque l’article 16 ne limite pas le champ d’intervention des décisions du Président de la République.

Par ailleurs, cet article est difficile à mettre en œuvre, puisqu’il requiert le respect d’un certain nombre de conditions cumulatives. Je dois rappeler que, en 1961, sa mise en œuvre a été vraiment « tirée par les cheveux. » Certes, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire, les institutions de la République et le respect de nos engagements internationaux étaient en cause. Il existait alors un problème grave en raison du putsch en Algérie, mais on ne peut pas considérer que, parce que le ministre des transports était retenu par les putschistes en Algérie, « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels » était interrompu. C’est pourtant le seul élément que le général de Gaulle et ses collaborateurs ont trouvé alors pour soutenir que les conditions de la mise en œuvre de l’article 16 étaient réunies.

Je suis très attaché à l’autorité publique et à l’autorité de l’État, tout le monde le sait, en tout cas plus que le courant de pensée actuel. Je suis de ceux qui considèrent que l’on a peu de risques de se retrouver dans la situation de 1940 ou de 1961 parce que, aujourd’hui, la guerre ne prend pas les mêmes formes. De surcroît, nous disposons déjà d’un certain nombre de moyens.

À mon avis, on se fait peur pour rien. D’ailleurs, je le répète, l’article 16 n’a été invoqué qu’une seule fois depuis 1958.

Je terminerai mon intervention par deux considérations. Tout d’abord, monsieur Sueur, l’article 16 n’est pas la seule disposition de cette nature existant dans les grands États. Je rappelle que la constitution d’Atatürk, qui règle, actuellement, le fonctionnement des institutions turques, comporte l’obligation pour l’armée de prendre le pouvoir pour garantir la laïcité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

J’attends avec intérêt le jour où la Turquie entrera dans l’Europe et où siègera, parmi les chefs d’État et de Gouvernement, réunis à un sommet européen, le général chef d’état-major de l’armée turque gouvernant provisoirement la République d’Ankara…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

En réalité, je pense que tout cela ne sert à rien.

Par ailleurs, étant donné que le comité Vedel, en 1993, a envisagé la suppression de l’article 16 et que le président François Mitterrand a déposé, en mars 1993, un projet de loi de révision constitutionnelle prévoyant la suppression de l’article 16, par fidélité à sa mémoire et à sa pensée – et il avait un haut sens de l’État, plus que beaucoup aujourd’hui –, je voterai en faveur des amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, j’attire votre attention sur l’importance des adjonctions dans le cadre de la révision constitutionnelle.

Pour ma part, je suis radicalement opposé à l’article 16 de la Constitution. Je comprends parfaitement que le général de Gaulle, ayant vécu le désastre national dans lequel se sont « englouties » les institutions de la République et ayant sauvé l’honneur de la nation, ait été obsédé par la volonté de pouvoir incarner la nation et sa légitimité, dans des circonstances exceptionnelles.

Nous nous souvenons tous des événements de la guerre d’Algérie. Je ne pense pas qu’ils aient justifié le recours à l’article 16. Que le général de Gaulle l’ait utilisé, soit ! Il s’agissait d’un putsch. Depuis lors, plus personne n’a songé à ce qu’on puisse appliquer cet article. Si la France subit une invasion ou si une insurrection fait disparaître les institutions de la République, le recours à l’article 16 ne servira à rien.

Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que, si l’article 16 impose la réunion de certaines conditions, que l’on connaît, la disposition qui nous est proposée aujourd’hui tend à le rendre pérenne.

Actuellement, et ce sont les conditions fixées par le général de Gaulle, le Parlement se réunit de plein droit et l'Assemblée nationale ne peut être dissoute. De surcroît, le Conseil constitutionnel est consulté pour avis.

Aux termes de l’article 5 du projet de loi constitutionnelle, des périodes successives s’enchaînent, comme si les dispositions de l’article 16 pouvaient, en quelque sorte, s’installer dans la durée. Il ne s’agit pas de l’état de siège ou de l’état d’urgence.

Ainsi, « après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels », ce laps de temps est, selon moi, fort long, « le Conseil constitutionnel peut être saisi », selon la procédure habituelle, « aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. » Cette instance rend alors un avis, que le Président de la République n’est pas du tout obligé de suivre. À quoi sert donc un tel avis ?

Après cette période, le Conseil constitutionnel « procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée ». Mais, si le Parlement se réunit de plein droit, comme le prévoit l’article 16, pourquoi le Conseil constitutionnel donnerait-il des avis en s’autosaisissant, ce qui n’est en rien sa mission ? C’est au Parlement, à soixante députés ou soixante sénateurs, de le saisir et de prendre des résolutions.

Je vous demande très fermement, mes chers collègues, de ne pas accepter cette forme de dessaisissement des pouvoirs des assemblées réunies, qui peuvent alors adopter toutes les résolutions nécessaires, dans une hypothèse que je ne conçois même pas. Quoi qu’il en soit, on ne peut dessaisir le Parlement au profit d’une instance juridictionnelle !

Imaginez la Cour suprême des États-Unis se réunissant. Aucune cour constitutionnelle n’a jamais eu ce pouvoir. Donc ne le donnons pas au Conseil constitutionnel. On sait pourtant que je fais volontiers l’éloge de ses pouvoirs. Mais, dans ce cas précis, si une instance doit se prononcer, c’est le Parlement. En tout cas, il doit au moins avoir le droit de saisine.

Tel qu’il est rédigé, l’article 5 est inutilisable et dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Au-delà de l’ironie de certains et du fait que l’article 16 serait pérenne, nous sommes censés accroître les pouvoirs du Parlement. Par conséquent, notre discussion mériterait plus de sérieux.

Cet article est une spécificité nationale, même si M. Charasse vient de faire observer que la constitution de la Turquie comporte une disposition analogue. Il est une survivance d’un pouvoir autoritaire ; il découle de notre histoire.

Comment imaginer le maintien d’un article qui donne les pleins pouvoirs au Président de la République, dans des conditions aussi larges ? On se plaît à évoquer les menaces de terrorisme. Mais c’est extrêmement flou.

On sait que les personnes qui détiennent des pouvoirs exceptionnels ont tendance à en abuser. De surcroît, ces pouvoirs pourraient être exercés pendant un mois renouvelable, ce qui est aberrant.

Pour le moins, il faudrait prévoir que le Parlement puisse se prononcer sur la prolongation de l’état d’urgence, qui, en tout état de cause, ne pourrait être que très bref. En fait, on légitime la détention par le Président de la République, et sur une longue durée, des pouvoirs exceptionnels. Ce n’est pas admissible !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Je souhaite revenir sur les propos qu’a tenus M. Badinter. Je partage le début de son raisonnement. Aujourd’hui, tous les textes qui ont trait aux situations de crise sont obsolètes.

Rappelons-nous que l’article 16 de la Constitution a été rédigé en 1958, eu égard aux événements de 1940 et du 13 mai 1958. Il a été utilisé pendant six mois pour faire face à un coup d’état qui a duré deux jours !

L’amendement déposé par M. Lecerf – et qui, je le regrette, n’a pas pu être examiné – tendait à reconnaître que l’on ne peut pas recourir pendant six mois à une disposition exceptionnelle qui trouverait sa justification dans deux jours de crise.

La mise en œuvre de l’article 16 repose sur un certain nombre d’outils, non seulement juridiques, mais aussi militaires. Après les propos que nous avons entendus cette semaine sur l’avenir de la défense nationale, nous pouvons nous demander si la réorganisation de cette dernière, telle qu’elle est prévue, est compatible avec le recours à l’article 16.

Les autres dispositions législatives qui concernent la défense nationale et les pouvoirs de crise sont également dépassées. Je vous rappelle qu’une ordonnance de 1959, toujours en vigueur officiellement, prévoit des cas de figure surréalistes d’utilisation des pouvoirs, non par le Président de la République, mais par le Gouvernement, en période de guerre ou de crise. Elle est inapplicable.

De surcroît, les lois relatives à l’état de siège et à l’état d’urgence, comme nous avons pu le constater voilà peu de temps, sont, elles aussi, inapplicables, car elles font référence à des situations qui n’ont plus rien à voir avec les situations de crise que nous pourrions connaître aujourd’hui.

Selon moi, l’ensemble de ce dispositif constitutionnel, hors loi organique et loi ordinaire, est obsolète. Il faudrait le réécrire intégralement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

La meilleure solution serait de conserver l’article 16 actuel, avant de tout remettre à plat. Comme le disait M. Badinter, de toute façon, l’article 16 est actuellement inapplicable. Gardons à l’esprit que nous devons réécrire tout le dispositif normatif en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Robert Badinter a apporté des éléments nouveaux dans le débat. Il a mis en évidence la situation absurde dans laquelle l’article 16 serait appliqué. À partir de ce moment-là, le Parlement se réunit de plein droit, aux termes de la Constitution. Par la suite, il faut attendre trente jours pour que soixante sénateurs, soixante députés, le président du Sénat ou celui de l’Assemblée nationale sollicitent un avis du Conseil constitutionnel.

Puis, au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, ce qui porte à quatre-vingt-dix jours la durée d’application de l’article 16 et de l’état d’urgence, le Conseil constitutionnel pourra procéder de plein droit à cet examen et donner un avis sans être saisi par personne. C’est vraiment aberrant !

Nous savons bien que le rôle du Conseil constitutionnel est de statuer sur la constitutionnalité des textes de loi. Mais le Parlement, qui représente la souveraineté nationale et se réunit de plein droit, peut également s’exprimer à tout moment ! Que signifie ce recours baroque au Conseil constitutionnel dans de telles circonstances ?

Nous sommes pour la suppression de l’article 16. C’est la raison pour laquelle nous nous associons à la demande de scrutin public sur ces amendements.

Mais ne pensez-vous pas, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, qu’il serait utile, à la suite des remarques très pertinentes formulées par Robert Badinter, de revoir votre position ou, tout au moins, de déposer un amendement, comme vous pouvez le faire à tout moment, afin d’éviter cette situation aussi absurde !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 175, 363 et 426.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 106 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 176.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 5 est adopté.

L'article 17 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 17. - Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. Il exerce ce droit après avis d'une commission dont la composition est fixée par la loi. »

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 386 rectifié, présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin, Vendasi et Alfonsi, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Le droit de grâce est une prérogative attachée à la fonction présidentielle.

L’article 6 du projet de loi constitutionnelle supprime la grâce collective et ne maintient que la grâce individuelle. Nous souhaitons, pour notre part, que l’article 17 de la Constitution demeure en l’état.

Nous avons le sentiment que le Président de la République veut seulement maintenir le droit de grâce individuelle pour des convenances personnelles.

Nous n’ignorons pas que le droit de grâce collective a été quelque peu dénaturé par la pratique des amnisties collectives. Par ailleurs le Président de la République n’a pas exercé son droit de grâce collective à l’occasion de l’amnistie présidentielle. Nous pouvons comprendre les motivations de ce choix personnel. Mais nous considérons que nous ne sommes pas à l’abri de circonstances exceptionnelles nécessitant le recours au droit de grâce collective. Nous souhaitons très fortement que ce droit soit maintenu.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 339, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 17 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Les Verts considèrent que le droit de grâce, même encadré par une commission dont on ne connaît d’ailleurs pas la nature, est une survivance insupportable de l’Ancien Régime.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

La Constitution de 1958 doit se débarrasser de ses oripeaux monarchiques. Le droit de grâce est selon nous un fait du prince, dont le maintien ne nous permettra pas de moderniser nos institutions.

De quel droit le Président de la République pourrait-il effacer une peine prononcée par un juge au nom du peuple?

Le Gouvernement a évoqué, pour justifier le maintien de cette prérogative du Président de la République, la nécessité de désengorger les prisons.

Madame la garde des sceaux, ce n’est pas le droit de grâce qui doit jouer le rôle de « soupape républicaine limitant l’engorgement des prisons », pour reprendre les mots du professeur Guy Carcassonne. Seule une volonté politique peut remédier à l’état catastrophique de nos prisons.

Je n’ouvrirai pas un débat que nous aurons tout le loisir de mener lors de l’examen de la loi pénitentiaire, si elle arrive un jour. Je dirai simplement, en conclusion de cette intervention, que ce pouvoir exorbitant dont dispose le Président de la République n’est pas justifié.

Nous ne sommes plus au temps de l’affaire Dreyfus et il est urgent, si nous voulons moderniser nos institutions, d’en finir avec toutes les dispositions qui ne sont rien d’autre que des faits du prince.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 427, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article 17 de la Constitution.

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Au début de son intervention, Mme Boumediene-Thiery a parlé au sujet du droit de grâce de survivances monarchiques. Nous sommes d’accord avec elle sur ce point, mais cette prérogative ne nous semble pas insupportable.

Il est nécessaire de conserver le droit de grâce, qui existe d’ailleurs dans d’autres pays. Ce droit constitue un ultime recours dont il ne faut pas nous priver, car il peut offrir une issue satisfaisante dans des situations particulières.

Le droit de grâce, qui consiste à revenir sur une décision de justice, peut être exercé à n’importe quel moment par le Président de la République et n’a plus le même sens depuis que, sur l’initiative du président François Mitterrand et de Robert Badinter, la peine de mort a été abolie.

En revanche, l’article 6 du projet de loi constitutionnelle dispose que le Président de la République exerce ce droit après avis d’une commission dont la composition est fixée par la loi. Au-delà du problème de la grâce collective visant à désengorger les prisons – je rappelle qu’il y a plus de 66 000 détenus pour 50 000 places –, qui ne peut laisser personne indifférent, c’est la référence à la commission qui nous gêne.

Le droit de grâce est une prérogative du Président de la République qui, avant de l’exercer, a la possibilité de prendre tous les conseils et les avis qu’il juge utiles. Qu’est-il besoin de créer une commission, dont nous ignorons tout de la composition et de la nature de l’avis ?

Si le Président de la République suit l’avis de la commission, le droit de grâce sera transféré à la commission, dont l’avis servira d’alibi aux décisions présidentielles, ce qui ne nous semble pas sain.

Il doit assumer pleinement le fait de gracier ou non, car ce droit est attaché à sa fonction. L’amendement n° 427 tend donc à supprimer la référence à la commission.

Nous acceptons le principe du droit de grâce individuel, mais nous nous interrogeons très fortement sur la nécessité de conserver le droit de grâce collective, ne serait-ce que conjoncturellement, compte tenu de la situation de surpopulation carcérale que nous connaissons.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 177, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer la seconde phrase du second alinéa de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Il exerce ce droit après avis des bureaux de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil supérieur de la magistrature. Sa décision est contresignée par le Premier ministre et le garde des sceaux.

La parole est à M. Bernard Vera.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Notre volonté, tout au long de ces débats, est de moderniser l’exercice par le chef de l’État de ses attributions, non pour renforcer ses pouvoirs propres mais, au contraire, pour les démocratiser.

Nombre de nos amendements visent donc à limiter les prérogatives du Président de la République, auxquelles le Gouvernement n’a pas souhaité toucher ou, comme c’est le cas avec celui-ci, à mieux encadrer le dispositif proposé par le projet de loi.

Nous reconnaissons l’avancée que constitue la limitation du droit de grâce, prérogative qui se situe plus dans une tradition monarchique que républicaine.

L’article 6 prévoit, fort opportunément, de cantonner ce droit de grâce aux grâces individuelles, ce qui prive le Président de la République du droit d’accorder des grâces collectives.

Ces grâces devaient être abandonnées. Elles constituaient, en effet, une sorte de soupape de la justice républicaine, selon l’expression de M. Guy Carcassonne, puisque la tradition de telles grâces tenait lieu de mécanisme de régulation de l’engorgement des lieux de détention.

En revanche, la suppression des grâces collectives devrait être l’occasion pour le Gouvernement de nous donner des éléments sur l’action qu’il compte mener, s’agissant, comme vient de l’indiquer M. Frimat, des 63 838 détenus qui peuplent nos prisons depuis le 1er juin, alors que nous ne dénombrons que 50 746 places disponibles.

Nous avons toujours contesté les grâces collectives en raison des sorties sèches, sans accompagnement des détenus, qu’elles entraînent, mais la suppression de cette prérogative présidentielle doit, madame le garde des sceaux, vous conduire à revoir votre politique pénale et votre régulation de la population carcérale.

Je referme cette parenthèse, qui me semble néanmoins capitale, pour en revenir à l’article 6, dont je rappelle les termes : « Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. Il exerce ce droit après avis d’une commission dont la composition est fixée par la loi. »

Si nous sommes d’accord sur le premier point, il nous semble, en revanche, que le second pose problème.

Certes, il est nécessaire d’encadrer le droit de grâce à titre individuel afin d’éviter tout risque de dérive, mais qu’il le soit par une commission dont nous ignorons tout de la composition, puisqu’elle sera déterminée par une loi ultérieure, n’est pas acceptable.

Ce choix est d’autant plus difficilement compréhensible que, avant la révision constitutionnelle de 1993, c’était le Conseil supérieur de la magistrature qui donnait son avis au chef de l’État avant que celui-ci exerce son droit de grâce. C’est également ce que proposait le comité Balladur.

Aussi, dans le prolongement de cette idée, nous proposons que le droit de grâce présidentielle soit plus strictement encadré, puisque exercé après avis, d’une part, des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat et, d’autre part, du Conseil supérieur de la magistrature », plutôt que, comme je viens de le dire, après avis d’une énième commission dont nous ne savons rien.

Nous proposons également que le décret de grâce soit « contresigné par le Premier ministre et le garde des sceaux », et ce afin de marquer politiquement une décision qui sera nécessairement politique.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je ne doute pas que vous voterez en faveur de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et Laffitte, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article 17 de la Constitution, après le mot :

avis

insérer le mot :

éventuel

La parole est à M. Michel Charasse. Mon cher collègue, soyez concis tout en étant précis, s’il vous plaît !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, il y a quand même quelques moments où l’on est bien obligé d’aborder les questions sérieuses. Nous avons dû en examiner suffisamment qui n’étaient pas sérieuses depuis trois jours pour, lorsque nous en arrivons aux questions sérieuses, nous y attarder un instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Le droit de grâce est un élément de la fonction d’État au sens le plus noble et le plus élevé du terme. Par conséquent, dans la mesure où il convient de laisser au Président de la République le libre choix, je suis par principe contre toutes les dispositions qui visent à encadrer son exercice.

La question d’une éventuelle suppression du droit de grâce peut toujours se poser mais, si l’on supprime tous les éléments qui permettent à la société et à la République de respirer, on finit par être coincé dans des situations absolument épouvantables et inextricables.

S’agissant de la grâce collective, je suis, moi, partisan de ne rien changer, étant entendu que la grâce collective relève de la seule appréciation du Président de la République.

Vers la fin de son second septennat, le Président François Mitterrand considérait que la grâce collective n’était pas de son ressort. Il disait : « J’en ai assez de pratiquer une espèce d’amnistie à la place du Parlement. Après tout, le Parlement, s’il veut vider les prisons, n’a qu’à prendre ses responsabilités. »

Il avait donc envisagé, en 1993-1994, un système dans lequel il aurait, par décret, déterminé les modalités et les contours d’une grâce collective dont la mise en œuvre individuelle aurait été laissée au juge de l’application des peines agissant au regard de l’ordre public.

Il a finalement renoncé car c’était compliqué en raison de la cohabitation.

En revanche, j’insiste sur le fait que désormais la grâce serait accordée après avis d’une commission. Le Président de la République, avant d’accorder la grâce, – il faut quand même le savoir : nous sommes quelques-uns, ici, à avoir vécu de tels épisodes – consulte qui il veut.

Autrefois, la procédure prévoyait la consultation facultative du Conseil supérieur de la magistrature, sauf pour les condamnés à mort. Elle était alors obligatoire. La peine de mort ayant été abrogée – notre collègue du groupe communiste républicain et citoyen vient de le rappeler –, n’en parlons plus !

Savez-vous, mes chers collègues, qu’il y a environ 100 000 demandes de grâce par an ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

En effet, 7 000 !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je parle du paquet complet, y compris, donc, des demandes fantaisistes et irrecevables, car plusieurs milliers de demandes de grâce par an arrivent directement à l’Élysée plutôt qu’à la Chancellerie.

Ladite commission se trouverait fort encombrée, mais passons !

Je souhaiterais surtout insister sur une situation que j’ai vécue aux côtés du Président Mitterrand : un avion est détourné à Téhéran ou ailleurs, les terroristes menacent de tuer un passager tous les quarts d’heure si n’est pas sorti de prison un individu incarcéré à Lannemezan, à Muret ou ailleurs ! Seul le droit de grâce peut permettre d’agir. Il est quatre heures du matin et, à quatre heures du matin, il faut réunir une commission Théodule pour donner un avis dont le Président de la République se fiche et se contrefiche, parce qu’il a déjà décidé ce qu’il va faire.

Par conséquent, je propose, par cet amendement, de préciser que la consultation de la commission, si on y tient vraiment, est éventuelle, mais pas obligatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission est défavorable à l’amendement n° 386 rectifié, car il lui paraît que l’avis préalable aux mesures de grâce accordées par le Président de la République permettra d’éclairer sa décision de façon plus collégiale que ne le fait aujourd’hui un chef du bureau des grâces de la Chancellerie.

La composition de la commission devra intégrer des personnes compétentes en matière de justice pénale, en particulier. Nous aurons bien entendu notre mot à dire lors de l’examen du projet de loi aux termes duquel elle sera fixée.

L’amendement n° 339 vise à abroger l’article 17 de la Constitution. Certes, le droit de grâce peut être perçu comme un héritage de la monarchie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

…mais cela ne suffit pas à le rendre condamnable. D’ailleurs, de telles mesures existent dans presque toutes les grandes démocraties.

Il s’agit d’un dispositif essentiel à la justice des hommes, qui est faillible. J’admire votre optimisme, madame Boumediene-Thiery : selon vous, il ne peut pas y avoir d’erreur judiciaire !

Ce dispositif correspond à la nécessité d’accorder, de façon très exceptionnelle, un geste de pardon, pour des raisons morales ou humanitaires, parce que ce geste peut être ce qui permettra à son bénéficiaire de se reconstruire et de retrouver une place dans la société.

N’oublions pas que le droit de grâce a permis au président Émile Loubet de rendre la liberté au capitaine Dreyfus en 1899, six années avant que son innocence soit enfin reconnue après la révision de son procès, en 1906.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La révision est une procédure longue, incertaine. Si l’erreur judiciaire paraît évidente, alors, le droit de grâce permet de mettre fin immédiatement à l’injustice.

Le droit de grâce paraît donc relever de ces gestes qui sauvent la dignité humaine face à l’intolérable.

C’est pourquoi la commission est défavorable à la suppression du droit de grâce.

Concernant l’amendement n° 427, j’ai déjà répondu : l’avis de la commission permettra d’éclairer de façon collégiale la décision du chef de l’État en matière de droit de grâce. Aussi, j’émets un avis défavorable.

L’amendement n° 177 tend à ce que les bureaux de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil supérieur de la magistrature donnent leur avis sur les demandes de grâce. Il leur faudrait donc examiner quelque 7 000 demandes de grâce par an. Cela ne manquerait pas de transformer l’activité du bureau des assemblées. Monsieur le président, vous pourriez réunir jour et nuit le bureau du Sénat pour examiner toutes ces requêtes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Autrefois, l’avis du Conseil supérieur de la magistrature était requis pour les mesures de grâce visant les condamnations à la peine de mort.

La tâche du CSM est d’assister le Président de la République dans sa mission de garantie de l’indépendance de l’autorité judiciaire, en exerçant des compétences relatives à la nomination et à la discipline des magistrats.

Le droit de grâce est d’une portée différente. Il s’agit d’un geste de pardon social, accordé par le Président de la République au nom du peuple souverain, sur le fondement de considérations morales et humaines…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Seul le chef de l’État, élu de la nation tout entière, est habilité à accorder la grâce. Les dispositifs d’aménagement de peine ont fortement réduit l’utilisation de la grâce à titre individuel.

Il paraît suffisant et approprié de soumettre l’exercice de cette prérogative présidentielle au simple avis d’une commission, qui sera mise en place par la loi.

Le Parlement, qui vote la loi pénale, ne saurait intervenir dans ce processus qui consacre l’application des décisions de justice. Ce serait assez contradictoire avec le principe de séparation des pouvoirs.

Enfin, l’amendement n° 8 rectifié vise à ce que l’avis de la commission soit éventuel.

S’agissant des demandes de grâce infondées, la commission établira sans doute rapidement un mode de traitement efficace, comme le fait le bureau des grâces, d’ailleurs.

Il paraît utile, dans l’objectif d’encadrement des prérogatives du chef de l’État, de prévoir un avis de cette commission des sages.

Aussi, je suis défavorable à cet amendement.

À plusieurs reprises, ont été évoquées ici les grâces collectives. Le droit de grâce était à l’origine conçu comme individuel. Son utilisation à des fins de gestion pénitentiaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

…n’est pas satisfaisante.

Nous examinerons le projet de loi pénitentiaire à l’automne. J’espère que toutes les mesures qui seront proposées permettront enfin de résoudre ce problème, lequel est, pour notre République, une humiliation – n’est-ce pas, monsieur le président Badinter ? –, et que nous disposerons de tous les moyens permettant de faire progresser les choses en ce domaine.

En tout état de cause, les grâces collectives seraient plutôt du ressort du Parlement, à travers l’amnistie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il y a eu des lois d’amnistie, mais, désormais, elles ne sont plus d’actualité. Or lorsque c’est collectif, peut-être cela relève-t-il de la responsabilité du Parlement ?

En résumé, la commission émet, hélas ! un avis défavorable sur tous ces amendements.

Mes chers collègues, j’ai été très long, mais j’incite chacun d’entre vous à être bref lorsqu’il expliquera son vote.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement veut mettre fin aux grâces collectives, car, à son avis, il ne s’agit pas d’un bon système. Le droit de grâce ne doit pas servir à réguler le taux d’occupation des prisons.

Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je rappellerai quelques chiffres.

En 1987, est lancé le premier grand programme de construction, le « programme 13 000 », mené par M. Chalandon et qui prévoit la création de 13 000 places supplémentaires. En 1997, on dénombrait 49 791 places de prison.

De 1997 à 2002, la gauche, qui était alors au pouvoir, décide la fermeture de 4 % des places.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

En 2002, la surpopulation carcérale est flagrante, à cause des choix politiques de la gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Et c’est comme cela que l’on remet les délinquants dans la rue !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je fais ce rappel pour expliquer que nous, nous ne souhaitons pas nous servir de la grâce comme d’un outil de régulation de la population carcérale, pour la simple raison que cela favorise la récidive.

Aucune place de prison supplémentaire n’a été prévue, non plus qu’aucun aménagement de peine. La fermeture de places de prison était légitime, d’ailleurs, entre 1997 et 2002, compte tenu de l’insalubrité des prisons. C’est vrai, vous avez raison : les prisons ne sont pas forcément à l’honneur de la France.

Ainsi donc, 4 % des places sont fermées, ce qui aboutit, en 2002, à une surpopulation carcérale.

Un programme assez ambitieux de construction de places de prison est alors lancé, puis repris en 2007. Notre pays compte aujourd’hui 50 500 places de prison. Entre 2002 et 2007, de nombreuses places ont été fermées ou réhabilitées, des établissements ont été ouverts.

Le programme qui est en cours va aboutir, en 2012, à 13 200 places supplémentaires ; 3 000 places seront créées en 2008 ; d’ici à la fin de l’année, 2 850 places de plus seront disponibles. De nouveaux établissements sont en cours de construction.

Il y a deux moyens de lutter contre la surpopulation carcérale, afin que les personnes qui sont privées de leur liberté ne soient pas privées également de leur dignité.

Le premier consiste à avoir des prisons qui fassent honneur à la France. Un programme de construction est donc en cours.

Le second moyen de lutter contre la surpopulation carcérale, c’est d’aménager les peines, car nous n’avons qu’un seul objectif : lutter contre la récidive. Or, vous l’avez tous dit, les sorties sèches favorisent cette récidive.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

La surpopulation, il faut également s’en occuper. Nous rattrapons le retard accumulé.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je le rappelle, les réductions de peine automatiques, que l’opinion publique ne comprend pas, ne facilitent pas la réinsertion des personnes détenues et favorisent au contraire la récidive.

Sans grâce collective, sans réduction de peine, entre mai 2007 et mai 2008, la population carcérale n’a augmenté que de 4 %. Nous luttons donc efficacement contre la récidive. Certes, le taux d’aménagement de peine a connu, sur cette même période, une augmentation sans précédent, pour atteindre 34 %. Mais, je le rappelle, l’aménagement de peine est une décision prononcée par des juges indépendants. Voilà la réalité statistique ! Quant au placement sous bracelet électronique, il a progressé de 52 %. Ce dernier est un outil efficace dans le cadre d’un aménagement de peine, …

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

…car il favorise la réinsertion sociale.

Par ailleurs, je suis plus favorable, à titre personnel, à la libération conditionnelle qu’à la réduction de peine automatique : la première, comme son nom l’indique, c’est une libération sous condition ; avec la seconde, il n'y a aucune contrepartie.

Alors que le taux de libération conditionnelle stagnait depuis 2002, et était de l’ordre de 5 % à 6 %, nous avons relancé ce dispositif, avec une augmentation de plus de 10 % constatée de mai 2007 à mai 2008.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les chiffres sont là pour le prouver : nous luttons de manière ferme et efficace contre la délinquance et la récidive ; nous avons augmenté le taux d’aménagement des peines sans avoir à déplorer un accroissement de la surpopulation.

Lors de l’adoption des dispositions législatives relatives à la récidive et à la rétention de sûreté, certains d’entre vous avaient prédit une augmentation de plus de 10 000 détenus entre juillet et décembre 2007. Tel n’a pas été le cas, grâce à notre politique volontariste d’aménagement des peines et de réinsertion.

Par ailleurs, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui aurait pu être mis en place dès 2000, c’est nous qui l’avons institué. Vous le voyez, nous mettons donc tout en œuvre pour favoriser la réinsertion des personnes détenues, tout en veillant à ne pas les priver de leur dignité.

Dans ces conditions, la grâce doit être réservée à des situations exceptionnelles et humanitaires. Pour cela, nous souhaitons que le Président de la République ne puisse plus statuer tout seul. Il sera éclairé sur des demandes de grâce individuelle par une commission restreinte de dix membres, composée de parlementaires, …

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

…d’universitaires, de spécialistes de la criminologie. Nous avons proposé la participation éventuelle de deux membres de la Cour de cassation. Il y a certes le bureau des grâces à la Chancellerie, mais ladite commission pourra aider le Président de la République à prendre des décisions souvent très difficiles.

Monsieur le rapporteur, vous l’avez précisé, 7 000 demandes de grâce ont été déposées l’année dernière.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Vous ne recensez que les seules demandes recevables !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Sur ces 7 000 demandes, 12 %, soit environ 800, étaient irrecevables.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Nous avons souhaité, conformément à l'engagement du Président de la République, mettre fin aux grâces collectives. Il n’y en a pas eu l’année dernière, et il n’y en aura pas plus cette année.

Toutefois, nous souhaitons vraiment conserver le droit de grâce à titre individuel. Il peut rester utile, comme je le rappelais, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Son usage est d’ailleurs modéré, puisque 43 grâces ont été accordées en 2007, et une centaine pour les deux années précédentes. Elles concernaient souvent des personnes condamnées à de simples amendes. Le droit de grâce n’a donc pas été utilisé de manière abusive.

Monsieur Charasse, le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement n° 8 rectifié, par lequel vous proposez de rendre l’avis de la commission facultatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Alors, à quatre heures du matin, on fait comment ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Si l’on veut que la commission prévue joue pleinement son rôle, il convient qu’elle rende un avis pour chaque demande de grâce. Il sera tout à fait possible de la réunir de manière urgente.

L’exemple de la demande de libération de tel ou tel détenu à l’occasion d’un acte terroriste, que vous avez donné tout à l’heure, n’entre pas dans le cadre d’une demande de grâce. §Cela relève d’un autre registre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Me permettez-vous de vous interrompre, madame le garde des sceaux ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je vous en prie, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Michel Charasse, avec l’autorisation de Mme le garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Hyest me le signale très justement, dans la situation d’urgence que vous décrivez, où il faut prendre une décision à quatre heures du matin, c’est d’une libération conditionnelle qu’il s’agit.

Il se trouve que j’ai un cas en mémoire où le juge a refusé. Comme c’était un juge du siège, et non un parquetier, on ne pouvait pas lui donner d’ordre.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Mais qu’a-t-il refusé, monsieur Charasse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Par conséquent, il n’y avait que la grâce qui était envisageable, c’est tout.

Vous allez me dire, dans ces conditions, si le texte est voté, une telle mesure de grâce pourra être considérée comme irrégulière. Les personnes concernées par la détention de l’intéressé, à savoir les victimes, auront la possibilité de saisir le Conseil d'État et de faire casser la mesure, ce qui serait vraiment très agréable pour le Président de la République ! Mais je n’insiste pas !

Mes chers collègues, c’est un problème qui touche au cœur du fonctionnement de l’État. Alors, on peut évidemment souhaiter, dans la Constitution, s’occuper de tout sauf du cœur du fonctionnement de l’État. Mais il n’empêche que de tels cas existent.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Monsieur Charasse, si le juge refuse, c’est ainsi. Il est dans son rôle, il n’a pas de prérogative spéciale en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Dans ce cas-là, on laisse les types se faire flinguer à Téhéran !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je le répète, le juge n’a pas de prérogative de grâce. Dans votre exemple, il ne s’agit pas d’une demande de grâce.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

La libération conditionnelle, c’est une décision du juge de l’application des peines. C’est une libération sous certaines conditions, explicitées dans le code de procédure pénale.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le droit de grâce est une prérogative du Président de la République. Ce n’est pas le rôle du juge.

Dans votre exemple, on est en dehors du droit de grâce et de la libération conditionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Madame le garde des sceaux, ne vous laissez pas interrompre !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il s’agit de mesures exceptionnelles. Ce n’est ni une mesure de grâce ni une mesure de libération conditionnelle.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Absolument !

En ce qui concerne l’amendement n° 177, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, vous proposez une procédure qui consiste, en définitive, à recueillir trois avis : celui du Conseil supérieur de la magistrature et ceux des bureaux des deux assemblées.

Tout d’abord, une telle procédure paraît lourde, d’autant que certains de vos collègues souhaitent l’alléger en la rendant facultative.

Ensuite, le Conseil supérieur de la magistrature n’est pas le mieux placé pour donner un avis sur le droit de grâce. Son domaine de compétences porte sur le fonctionnement de la magistrature, sur les promotions, les nominations et l’avancement des magistrats. Ce n’est pas son rôle que de donner un avis sur la grâce ou les demandes de grâce. C’était le cas avant, en matière de peine de mort. C’est d’ailleurs pourquoi une telle précision a été exclue lors de la révision constitutionnelle de 1993.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous les amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 386 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la ministre, je le reconnais, la procédure d’avis que nous proposons est un peu lourde et s’inspire effectivement davantage du droit de grâce tel qu’il existait à l’époque de la peine de mort. Néanmoins, le fait d’encadrer la décision me paraît tout à fait justifié.

Certes, vous nous avez dispensé de bonnes paroles sur votre politique pénitentiaire, mais vous avez oublié la politique pénale !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Cela va ensemble !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous aurons donc l’occasion d’en discuter au moment de l'examen de la loi pénitentiaire, si, du moins, celle-ci nous est soumise. En effet, telle l’Arlésienne, nous en parlons beaucoup, mais nous ne la voyons jamais ! D’après ce qui a été annoncé, elle pourrait être débattue à la rentrée. Nous verrons bien ce qu’il en est.

Franchement, madame la ministre, l'augmentation du nombre de détenus est tout de même très directement liée à l’application de la loi pénale, sans cesse aggravée, qui a eu pour conséquences de remplir nos prisons.

Vous nous l’avez expliqué, les dispositions votées visent à lutter contre la récidive. Mais nous le savons ! Nous avons tous participé aux débats lors de l’adoption, en un temps record, des huit lois successives mettant en œuvre cette politique d’« aggravation pénale ».

Il faudrait donc aussi s’intéresser à l’incarcération elle-même et à ce qui se passe pendant le temps de détention. Nous aurons d’ailleurs l’occasion, me semble-t-il, d’en discuter au moment de l'examen de la loi pénitentiaire.

Il s’agit d’une question très sérieuse, et vous ne pouvez pas vous contenter de dire que, depuis votre arrivée au ministère, les libérations conditionnelles se sont accrues.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Bien sûr que si ! Ce sont des décisions judiciaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je ne mets pas du tout en cause votre volonté d’agir en ce sens. Pour autant, n’oubliez pas de préciser que la politique menée par vous-même et par vos prédécesseurs immédiats a contribué à augmenter, jour après jour, le nombre de personnes détenues. En effet, le fait d’être passé, en quelques années, de 40 000 détenus au nombre actuel n’est tout de même pas anodin !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il doit sûrement s’adresser à moi. Apparemment, il croit que j’étais chargée de la politique pénale !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Ne vous adressez pas à M. de Rohan de cette façon ! Il préside tout de même la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Tout ce que vous faites, c’est de nous faire perdre du temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Un peu de silence, mes chers collègues !

Veuillez poursuivre, madame la sénatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous ajoutez que vous faites construire des places de prison. Là aussi, est-ce pour remplacer les cellules complètement délabrées, indignes d’un pays démocratique, ou est-ce pour avoir la possibilité de mettre sans cesse de plus en plus de gens en prison ? Je m’interroge !

En tout cas, vous l’avez dit vous-même et vous ne pouvez donc pas me contredire, tout cela ne prendra effet qu’à partir de 2012. Par conséquent, quoi que vous fassiez, surtout dans la logique de la politique pénale qui est la vôtre, jusqu’en 2012, nos prisons seront surpeuplées et le problème perdurera.

Il faudrait tout de même, me semble-t-il, avoir un regard plus réaliste sur ce qu’il se passe dans les prisons. C'est pourquoi nous maintenons notre position sur cette question des grâces collectives.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le président du Sénat – et non pas monsieur le président de la Cour ! –, madame la ministre, nous ne sommes pas en train de traiter de la loi pénitentiaire et de nous interroger sur la meilleure politique pénale à mener.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

C’est vous qui l’avez évoquée !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Nous sommes sur la question, très importante, du droit de grâce du Président de la République, tel que la Constitution l’a défini. À cet égard, l'article 17 est clair, concis et correspond à ce qui a été notre tradition républicaine : « Le Président de la République a le droit de faire grâce. » À mon sens, nous devons nous en tenir là.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je soutiens donc en particulier l’amendement défendu par M. Alfonsi, et ce pour deux raisons.

Premièrement, vous souhaitez ajouter à cet article l’exigence de la création d’une commission : le Président de la République ne pourrait alors exercer son droit de grâce qu’après avoir recueilli l’avis de cette dernière.

Pourquoi voulez-vous inscrire, dans la Constitution, la création d’une commission, qui sera définie par une loi organique mais qui ne pourra pas être supprimée sans réviser la Constitution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Puisqu’il ne s’agit que d’émettre un avis, le Gouvernement pourrait parfaitement envisager, à l’occasion de telle ou telle loi, de nous demander d’instaurer une commission consultative auprès du Président de la République. J’ajoute d’ailleurs, comme l’a très bien dit Michel Charasse, que celui-ci a toute latitude aujourd'hui pour consulter qui il entend, à commencer – je peux en témoigner ! – par le garde des sceaux et les services de la Chancellerie.

Vous voulez instaurer une commission : pourquoi pas ? Mais ne l’inscrivez pas dans la Constitution ! Cela ne fera que créer des problèmes : il faudra, d’abord, la réunir, dans les conditions prévues, puis s’assurer que le droit de grâce aura été exercé conformément à l’avis ainsi émis.

Ce faisant, nous nous créons, à nous-mêmes et au Président de la République, des difficultés parfaitement inutiles. Cela n’a rien à voir, cela n’a pas à figurer dans la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Deuxièmement, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, mène une politique en ce qui concerne le droit de grâce qui relève de son appréciation souveraine. Il refuse de procéder à des grâces collectives, contrairement à ses prédécesseurs, MM. Chirac, Mitterrand et Giscard d’Estaing. C’est son choix personnel ; j’ajouterai que c’est une prérogative constitutionnelle. Nous ne sommes pas là pour apprécier. Cela a déjà été dit.

Le droit de grâce s’exerce face à des situations souvent imprévisibles, dont l’une, que je connais bien, a été mentionnée. Je pourrais en évoquer d’autres, tout aussi imprévisibles. Le droit de grâce est possible au regard de la Constitution. Mais pourquoi le Président nous demande-t-il de supprimer pour l’avenir – car les mandats prennent toujours fin – une prérogative que ses prédécesseurs ont utilisée parce qu’elle était nécessaire pour faire face à des crises de surpopulation pénale ?

Pourquoi constitutionnaliser un choix personnel de politique pénale et en faire non seulement une loi, mais également un principe constitutionnel liant ses successeurs, confrontés à une situation qui peut, croyez-en mon expérience, être dramatique ? Face à tel ou tel événement, on ne pourra pas faire grâce faute de pouvoir réviser la Constitution. Il y aura 1 000 ou 1 200 dossiers en instance, avec le risque d’émeutes étudiantes, de troubles sociaux ou de surpopulation carcérale.

Que le Président Sarkozy choisisse de refuser le principe de la grâce collective, c’est une chose. Mais que l’on n’entrave pas dans la Constitution le droit de ses successeurs !

Nous savons qu’il souhaite que l’on ne puisse exercer que deux mandats. On ne doit pas compromettre le droit de ses successeurs à utiliser ce qui peut se révéler nécessaire dans les circonstances les plus extrêmes. Le droit de grâce, c’est la prérogative du Président de la République. Il existe pour faire face à des situations exceptionnelles. Il n’y a pas de raison de constitutionnaliser un choix personnel de politique pénale en matière de grâce.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Les débats dans l’hémicycle sont faits pour échanger des arguments, pour confronter des idées, afin de faire émerger l’opinion la plus largement partagée possible.

C’est ce qui vient de se produire, puisque mon idée a évolué après avoir écouté les arguments de mes collègues Charasse et Badinter : on doit en tenir compte, car ils sont très pertinents. Cela explique que, bien qu’ayant voté contre ces amendements en commission, dans cette enceinte, j’en voterai un.

D’ailleurs, il n’a pas été très difficile de me faire changer d’avis, puisque, par nature, je n’aime pas qu’on touche aux compétences du Président de la République telles qu’elles sont définies dans la Constitution du général de Gaulle. Chaque fois qu’on met en cause son appréciation, sa faculté de décision, en l’entourant d’avis plus ou moins autorisés, je ne suis pas naturellement enclin à l’accepter !

J’ai donc pu être facilement convaincu. C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement du groupe socialiste qui supprime la seconde phrase du texte proposé pour l’article 17 de la Constitution, c’est-à-dire celle qui a trait à une commission.

Nous savons très bien que les présidents ne rendent une grâce qu’après avoir recueilli les avis autorisés. Il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans la Constitution.

En plus, comme on l’a fait remarquer, cela peut créer des difficultés en cas d’urgence…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

…et nous devons être vigilants à cet égard.

Tout le monde connaît la fameuse phrase de Montesquieu : « On ne touche à la loi que d’une main tremblante. » La prudence est encore plus de mise quand il s’agit de la Constitution.

Voilà pourquoi si cet amendement n’était pas adopté, je me rallierai à celui de M. Charasse. Certes, je n’adhère pas totalement à la rédaction – je n’aime pas beaucoup le mot « éventuel » et je préférerais que lui soit substituée, par exemple, l’expression « le cas échéant ». Mais l’essentiel, pour moi, c’est de bien montrer qu’il ne doit pas y avoir un avis liant préalablement le Président de la République, lequel doit conserver toute liberté de manœuvre dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Je veux simplement dire que je partage totalement le point de vue du président Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Je voulais rappeler, madame le garde des sceaux, un chiffre qui m’a profondément marqué. Établi par un observatoire installé dans les Yvelines, ce chiffre concerne la délinquance et le problème des places de prison.

Sur une durée d’un an, dans les Yvelines, vingt-six individus sont responsables, à eux seuls, de 30 % de la délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Et, en moyenne, sur une période de six mois, ces individus sont passés devant le juge de cinq à dix-huit fois.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. Manifestement, il faut revoir les choses pour permettre aux citoyens de vivre tout à fait normalement.

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. Pour en revenir au débat qui nous occupe, je rejoins, comme M. Cointat, les propositions de nos collègues Alfonsi et Charasse. Elles reflètent tout à fait à l’idée que je me fais des prérogatives du Président de la République, lequel ne manque pas de s’entourer de précautions et d’avis avant de prendre une décision de cet ordre.

M. David Assouline s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

M. Nicolas Alfonsi. Je vais intervenir brièvement pour clarifier le débat et resituer les choses. Le problème porte non pas sur les aspects de la politique pénitentiaire, mais sur le droit de grâce.

Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

L’amendement que j’ai déposé se suffit à lui-même et n’a pas besoin d’être assorti d’amendements de substitution s’agissant, notamment, de l’exercice du droit de grâce individuelle.

Sur les causes de la suppression de la grâce collective, Mme le garde des sceaux a répondu en liant ce problème exclusivement aux problèmes pénitentiaires. La grâce collective peut continuer d’exister, les problèmes pénitentiaires peuvent être réglés tout autant.

Par conséquent, je maintiens l’amendement, et je souhaite qu’on le vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Les arguments développés par M. Badinter m’ayant convaincue, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission des lois aurait souhaité qu’on ne modifie pas le texte voté par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On peut faire ce qu’on veut, mais si on détricote le texte d’un bout à l’autre, il va finir par être difficile de progresser.

L’amendement de M. Alfonsi en reste à la situation actuelle. Celui de M. Frimat vise à supprimer les grâces collectives, mais aussi la commission chargée d’émettre un avis sur les grâces individuelles. Je le dis à l’intention de M. Beaumont, ce ne sont pas les mêmes.

Certains souhaitent en rester à la situation actuelle. Ce qui m’apparaît, c’est que nombreux sont ceux qui ne veulent pas que le droit de grâce du Président de la République soit encadré. Mais, en même temps, ils ne souhaitent pas le maintien des grâces collectives. C’est une autre chose, la nuance est importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Le Président de la République fait ce qu’il veut !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

En conséquence, l'article 6 est supprimé et les amendements n° 427, 177 et 8 rectifié n’ont plus d’objet.

L'article 18 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote. » ;

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « le Parlement est réuni » sont remplacés par les mots : « les assemblées parlementaires sont réunies ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 7 constitue en quelque sorte le prétexte du dépôt de ce projet de loi constitutionnelle.

En effet, la réforme de nos institutions, qui nous réunit aujourd’hui, est principalement issue du souhait de l’actuel Président de la République de venir s’exprimer devant le Parlement. C’était d’ailleurs un désir qu’il avait exprimé au préalable lorsqu’il n’était que candidat à l’élection présidentielle. Je ne reprendrai que quelques mots de son programme de campagne, mais ils sont significatifs.

Nicolas Sarkozy tenait alors ces propos : « Je rendrai compte régulièrement de mon action devant les Français et devant le Parlement. » Il est donc clair qu’il se voyait en chef de l’exécutif. « Je renforcerai les pouvoirs de celui-ci, notamment de l’opposition, parce que je ne veux pas gouverner seul et que je pense qu’une démocratie se protège des risques de dérive lorsqu’elle est capable d’organiser et d’accepter ses propres contre-pouvoirs. ».

Je ne suis pas la seule à le dire, on peine à trouver le renforcement des pouvoirs du Parlement et ceux de l’opposition. Mais, en tout cas, on voit bien la concrétisation législative de la première idée du Président.

Le risque de dérive existe donc bel et bien, puisque le Parlement ne disposera pas des moyens de résister à la pression politique exercée par le Président lors de sa venue devant le Congrès.

Le projet de loi ne prévoit aucune contrepartie à cet article, puisque le débat ne sera même pas suivi d’un vote et le Président ne sera évidemment pas responsable devant l’Assemblée nationale. Le Président de la République nous propose bel et bien, contrairement à ce qu’il affirmait durant la campagne présidentielle – les propos de campagne, on sait ce que cela vaut ! – de gouverner seul. Là encore, les mots sont importants.

Dans notre Constitution, ce n’est pas le Président qui gouverne, mais le Premier ministre et le Gouvernement. Cependant, le fait de venir s’exprimer, autant de fois qu’il le souhaitera, devant le Parlement aura justement pour effet de rendre en réalité caduque la responsabilité du Gouvernement.

À l’avenir, il n’est pas difficile d’imaginer que c’est le Président qui, à la tribune du Congrès, fera le discours de politique générale que fait aujourd’hui le Premier ministre.

Ce faisant, il devient officiellement le chef de l’exécutif, le chef de la majorité parlementaire – ce qu’il est déjà dans les faits – et perd sa qualité d’arbitre et de Président censé représenter tous les Français.

Sur ce sujet, on a déjà dit beaucoup de choses : il est aussi le chef du parti de la majorité et, lors de ses visites en province, il réunit les parlementaires de la majorité, mais aussi les militants du parti majoritaire… Tout cela est déjà connu, et on nous propose de le constitutionnaliser !

Voilà pourquoi cet article rompt à l’évidence l’équilibre déjà fragile de nos institutions : il met en cause le principe de la séparation des pouvoirs, que la Constitution avait précisément entendu respecter en instaurant, certes de façon bien imparfaite et insuffisante, quelques contre-pouvoirs égalisant un tant soit peu les relations entre l’exécutif et le législatif. Et encore, je n’évoquerai ni le droit de dissolution, ni l’article 16 de la Constitution !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet article, qui est tout à fait révélateur, peut donc se définir en quelques mots : prééminence institutionnelle et irresponsabilité politique du président. À ce titre, il est totalement inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je n’ai pas déposé d’amendement sur cet article. Je souhaite simplement indiquer que mon groupe est très favorable à l’intervention directe du Président de la République devant le Parlement.

En effet, dans une démocratie moderne, il n’y a aucune raison pour qu’un tel dialogue n’ait pas lieu. Il me semble tout à fait normal et actuel que le chef du pouvoir exécutif puisse venir s’exprimer devant le Parlement. Pour ma part, je souhaite même que cette intervention soit suivie d’un débat et que le Président de la République reste présent pour l’écouter.

En effet, dans le cas contraire, nous nous réunirons tous à Versailles, le Président de la République s’exprimera et à la fin de son intervention tout le monde partira aussitôt, sans qu’il y ait de débat, et nous aurons donc manqué l’occasion d’inscrire dans la Constitution la modernité et la sérénité de notre vie politique. D'ailleurs, je suis certain que le Président de la République serait heureux de nous écouter.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Alors, pourquoi avez-vous cosigné un amendement qui l’interdit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 178 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 329 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 428 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 178.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mes chers collègues, honnêtement, quelle raison aurions-nous de maintenir cet article dans le projet de loi constitutionnelle, si ce n’est la volonté de satisfaire l’obsession d’omniprésence de l’actuel chef de l’État ?

Le Président de la République veut être partout et occuper toutes les fonctions dans le moindre détail. Un jour il est chef de l’État, un autre ministre de la pêche ou de l’industrie. Il multiplie les déplacements, au Guilvinec, à Gandrange, à Rungis, mais aussi les annonces, qui d'ailleurs relèvent avant tout de l’affichage.

On a même vu, ce qui est tout de même terrible quand il s’agit d’un Président de la République, des annonces présidentielles qui sont aussitôt contredites par des membres du Gouvernement ou de la majorité, et qui finalement disparaissent – qu’on se rappelle la proposition de faire « parrainer » par chaque élève de primaire un enfant victime de la Shoah.

Aujourd'hui, le Président de la République veut également occuper le poste de Premier ministre, ce qui a au moins le mérite d’être cohérent. Contrairement à la lettre de la Constitution, Nicolas Sarkozy veut diriger l’action du Gouvernement officiellement et sans intermédiaire. Que lui manque-t-il pour parvenir à ses fins, sinon la prérogative, dont seul le Premier ministre dispose, de s’exprimer devant le Parlement ?

Telle est l’unique raison de l’inscription de cette disposition dans le projet de loi constitutionnelle. Je le répète, nous doutons qu’il respecte le principe de la séparation des pouvoirs, mais nous ne sommes pas les seuls à être circonspects : la quasi-unanimité des personnalités entendues par la commission des lois ont exprimé leur scepticisme quant à cette disposition. Afin de vous éclairer, mes chers collègues, je reprendrai les propos qu’elles ont tenus lors de ces auditions.

M. Jean-Pierre Duprat, professeur de droit public à l’université Montesquieu Bordeaux-IV, a relevé quelques contradictions. Ainsi, le Président de la République se verrait autorisé à prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès, suivant l’exemple américain, alors que son droit de dissoudre l’Assemblée nationale se trouverait maintenu – mes chers collègues, nous devrions tout de même réfléchir sur ce point !

Il a également estimé que le projet de loi constitutionnelle fragilisait l’institution du Premier ministre – tout le monde le savait ! –, déjà mise à mal par la réduction à cinq ans de la durée du mandat du Président de la République.

De son côté, M. Jean-Claude Colliard, professeur à l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne et ancien membre du Conseil constitutionnel, s’est montré sceptique quant à l’apport de l’amendement, adopté par les députés, qui tend à permettre au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, mais qui prévoit que sa déclaration pourra donner lieu à un simple débat, organisé « hors sa présence » et, de surcroît, ne faisant l’objet d’aucun vote.

Il s’est en outre demandé si ce nouveau droit d’expression accordé au chef de l’État, et qui est susceptible de traduire une forte impulsion politique, n’était pas contraire au rôle d’arbitre reconnu au Président de la République par la Constitution – pour ma part, j’en suis persuadée !

Enfin, – nous avons déjà évoqué ce point en défendant la motion d’irrecevabilité que nous avions déposée – Mme Élisabeth Zoller, professeur à l’université de Paris-II, a considéré que la modification du droit de message proposée par ce texte entraînerait un bouleversement institutionnel, qu’elle a qualifié de « changement de régime ». Comme tout le monde, elle a noté que l’on entendait inscrire dans notre Constitution des dispositions calquées sur le modèle américain, …

Souriressur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

…mais avec cette différence que le président des États-Unis ne dispose pas du droit de dissoudre le Congrès. Les interventions du président Sarkozy, que l’on peut qualifier de partisanes, montrent parfaitement que l’ambition du chef de l’État ne peut guère être transposée dans notre Constitution. D'ailleurs, – c’est un signe qui ne trompe pas ! – les critiques formulées sur cet article sont venues de toute part, y compris, je vous le fais observer, mes chers collègues, de membres de la majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je crois qu’il faut revenir à la raison : nous ne sommes pas là pour constitutionnaliser l’emploi du temps du Président de la République !

C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 329.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Oui, monsieur Gournac, mais je le défendrai avec un argumentaire différent, si vous me le permettez, et je serai certainement plus brève.

Même si cette disposition a déjà suscité bien des commentaires, il me semble important de rappeler qu’elle participe d’une réelle défiance à l’égard du Parlement, tout comme d'ailleurs l’article 16 de la Constitution. Dans une réforme qui vise à moderniser notre loi fondamentale, elle n’est donc pas la bienvenue.

En effet, le Président de la République est aujourd'hui partout. Il n'y a pas un champ qu’il ne puisse investir, pas un média où on ne l’ait pas vu, que ce soit en famille, au travail ou en vacances. Il est omniprésent et souhaite même désormais être omniscient ! L’interdiction qui lui est faite de s’exprimer devant le Parlement se justifie à mon sens aussi bien historiquement que politiquement et juridiquement. Elle s’appuie sur plusieurs raisons, dont la première est l’irresponsabilité politique du chef de l’État : celui-ci ne doit pas se présenter devant une chambre sur laquelle il dispose par ailleurs pratiquement d’un droit de vie et de mort.

Par conséquent, l’article 7 du projet de loi constitutionnelle sert tout simplement, me semble-t-il, à permettre à M. Sarkozy de faire sauter le seul verrou qui lui résiste à ce jour, le seul endroit où il reste persona non grata, c'est-à-dire le Parlement.

Si cette réforme vise à rééquilibrer les pouvoirs, je ne vois pas la pertinence de cette disposition, à laquelle je m’oppose au nom de la séparation des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 428.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous examinons un projet de loi constitutionnelle qui vise prétendument la modernisation des institutions, et en l’occurrence du droit de message, mais qui selon nous ne modernise rien !

Si le Président de la République souhaite s’adresser à la nation, il en a la possibilité, et il en use déjà quotidiennement ! Cette disposition, qui lui permettrait de s’exprimer devant les deux chambres réunies en Congrès à Versailles, symbolise à nos yeux une évolution, lourde de conséquence, de nos institutions vers un régime que certains qualifieraient de « présidentiel », mais qui ne l’est pas vraiment, tant il prend en réalité dans tous les systèmes afin de concentrer tous les pouvoirs entre les mains d’une seule personne. Or ce régime, nous ne l’appelons pas de nos vœux.

Selon nous, cette mesure mettrait gravement en cause l’équilibre actuel des institutions, parce qu’en même temps qu’elle permettrait au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement, elle amoindrirait les pouvoirs du Premier ministre, qui est le chef naturel de la majorité.

En outre, cette atteinte à la composante parlementaire du régime ira crescendo, car le Président de la République ne s’arrêtera pas à un seul discours : nous serons bientôt réunis tous les deux mois à Versailles pour entendre la bonne parole !

Sourires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Quant au Premier ministre, il se verra de plus en plus cantonné dans un rôle de coordinateur, peut-être même seulement de collaborateur.

L’intervention du Président de la République devant le Congrès ne fera qu’ajouter à la confusion observée aujourd'hui entre les deux têtes de l’exécutif, en rendant leurs rapports plus difficiles encore.

Par ailleurs, on ne peut tracer un parallèle entre les discours prononcés par le Président de la République devant les deux chambres réunies à Versailles et ceux qu’il tient devant les parlements étrangers : dans ce dernier cas, le chef de l’État évoque les questions internationales et la relation du pays où il se trouve avec la France – les présidents étrangers qui s’expriment devant le Parlement français font d'ailleurs de même.

On affirme que le Président de la République, s’il ne dispose pas du droit de prendre la parole devant l’Assemblée nationale et le Sénat, sera encouragé à aller s’exprimer ailleurs. Mais c’est précisément ce qu’il fait, tous les jours !

Nous reprenons donc à notre compte l’analyse développée par Mme Élisabeth Zoller, professeur de droit constitutionnel américain à l’université de Paris-II, que certains orateurs ont déjà évoquée. Celle-ci, au cours d’une audition très marquante, à laquelle certains d’entre vous ont assisté, mes chers collègues, a dénoncé cette réforme en des termes forts.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Elle a souligné qu’avec cette disposition nous retournerions au régime consulaire, celui de la Constitution de l’an VIII !

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 7 du projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 268 rectifié bis, présenté par MM. Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, MM. Fauchon et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. J.L. Dupont, Dubois, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du 1° de cet article :

Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat. Elle ne fait l'objet d'aucun vote.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

M. Pierre Fauchon. « Nous retournerions au régime consulaire » ! Voilà typiquement un phantasme de professeur de droit !

Sourires sur les travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

J’entends dire que le Président de la République peut intervenir partout, à la radio comme à la télévision, qu’il a la possibilité de réunir les parlementaires à l’Élysée, qu’il dispose d’innombrables moyens pour s’exprimer, et que, par conséquent, il ne doit pas bénéficier en outre de cette occasion-là.

Mais précisément, c’est parce qu’il dispose de tous les autres moyens de s’exprimer qu’il doit pouvoir, aussi, avoir recours à celui-là, qui est le plus sûr ! §Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, je suis content de vous faire rire, car généralement vous me faites la grimace ! Pour une fois que je vous mets en joie, j’en suis ravi, continuez ! Votre réaction m’encourage à vous dire que s’il existe un milieu que le Président de la République ne peut influencer par des effets oratoires suspects, c’est bien, du moins je l’espère, le Parlement, dont les membres en ont vu et en verront d’autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

M. Pierre Fauchon. Nous entendrons donc le chef de l’État, dont je suis content qu’il se donne la peine de nous exposer sa politique directement, plutôt qu’à travers de petites lucarnes ou à l’Élysée lors de réunions particulières ou de cocktails – qui sont d'ailleurs excellents, je le reconnais bien volontiers, et je ne sais pas si l’on fera aussi bien à Versailles !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Nous nous faisons une montagne d’une procédure banale.

Madame Alima Boumediene-Thiery, vous avez affirmé que, depuis un an, le Président de la République se répandait dans tous les médias, en abusait, savait tout, etc. Mais avez-vous vu le résultat de cette politique dans l’opinion ? Ne croyez-vous pas que s’il avait été un peu moins présent, sa cote serait un peu moins basse dans les sondages ? Apparemment, le peuple français, lui aussi, en a vu d’autres et conserve sa liberté d’appréciation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

…tout autant, bien sûr, que le Parlement.

Monsieur le président, je rectifie cet amendement n° 268 rectifié bis, pour y supprimer les mots : « hors sa présence », car cette précision, elle aussi, est puérile. Pour le coup, il s'agit d’un cérémonial qui fleure bon l’Ancien Régime, avec un personnage qui prononce son discours puis s’en va, tandis que les parlementaires ont fait à grands frais le déplacement à Versailles !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le Président de la République ne doit pas se faire insulter !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Mais mon cher collègue, il ne sera pas assommé, nous ne sommes pas des sauvages ! Pour ma part, je préfère faire confiance. Comme le disait le cardinal de Retz, que j’ai déjà cité hier : « L’on est plus souvent dupe par la défiance que par la confiance ».

Sous le signe de la confiance, je vous propose donc de préciser que la déclaration du Président de la République pourra donner lieu, en sa présence, à un débat. Naturellement, il ne faut pas que celui-ci soit suivi par un vote, car dans ce cas nous changerions de régime.

Comme je l’ai expliqué hier, je suis partisan d’un régime présidentiel, dans lequel, par conséquent, le Président de la République et le Parlement disposent tous deux de la plénitude de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités. Le présent amendement me semble tout à fait cohérent avec ce souci.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis donc saisi d’un amendement n° 268 rectifié ter, présenté par MM. Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, MM. Fauchon et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. J.L. Dupont, Dubois, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste-UDF, et qui est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du 1° de cet article :

Sa déclaration peut donner lieu à un débat. Elle ne fait l'objet d'aucun vote.

Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Beaucoup d’entre nous considèrent, ainsi que je l’ai dit dans la discussion générale, que les dispositions de l’article 18 étaient un anachronisme et qu’elles étaient d’ailleurs très datées historiquement.

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. C’est une rivalité locale !

Sourires.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission émet un avis défavorable sur les amendements de suppression ainsi que sur l’amendement présenté par M. Fauchon, à partir du moment où les mots « hors sa présence » ont été supprimés.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Je rappellerai simplement que le droit de message du Président de la République a besoin d’être modernisé, ce qui, bien entendu, ne signifie ni hyperprésidentialisation ni confusion des genres.

Une telle modernisation tient simplement compte du fait que le Président de la République peut d’ores et déjà s’exprimer à la télévision pour annoncer les grandes orientations de la nation. Il serait peut-être plus pertinent qu’il s’adresse directement aux représentants de la nation dans le cadre du Congrès. Bien évidemment, son allocution ne serait suivie d’aucun vote, de telle sorte que cela ne modifie en rien la nature du régime ou l’équilibre des institutions de la Ve République.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à tous les amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 178, 329 et 428.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

C’est avec un intérêt amusé que j’ai écouté ce débat.

En effet, quand Adolphe Thiers, dont tout le monde connaissait l’éloquence, a été accusé par ses adversaires de certaines pratiques que l’on reproche aujourd’hui à Nicolas Sarkozy, à savoir un activisme excessif, c’est la majorité monarchiste de l’Assemblée nationale qui lui a mis des bâtons dans les roues pour l’empêcher de venir s’exprimer devant l’Assemblée !

Aujourd’hui, c’est la gauche qui reprend cet argumentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Il est assez plaisant d’entendre cela, surtout quand on est l’arrière petit-fils de l’un des députés qui avaient alors interdit à M. Thiers de venir s’exprimer devant l’Assemblée nationale !

D’ailleurs, les monarchistes étaient un peu gênés, Thiers étant tout de même le libérateur du territoire. C’est ce qui explique qu’ils ne lui avaient pas interdit expressément de parler, mais ils y avaient mis tellement de réserves que le Président de la République de l’époque avait estimé qu’il ne pourrait jamais surmonter les obstacles qu’on lui opposait et que, dans ces conditions, il était préférable de démissionner, ce qu’il avait fait.

Par conséquent, dès les débuts de la IIIe République, le Président de la République avait la possibilité de s’exprimer devant l’Assemblée nationale.

Les pratiques ont changé, mais, aujourd’hui, le Président de la République désire s’exprimer devant le Parlement. Le général de Gaulle l’avait lui-même souhaité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

…mais les juristes qui l’entouraient lui avaient fait remarquer que cela n’était pas possible. Dès lors, quand le général de Gaulle souhaitait faire passer des messages à sa majorité, il réunissait très régulièrement les parlementaires à l’Élysée et communiquait avec eux. Je pense d’ailleurs que ses successeurs ont tous fait la même chose.

Le fait que le Président de la République puisse venir s’exprimer devant le Parlement ne représente donc pas un bouleversement.

Pourquoi, alors qu’il peut s’exprimer à la télévision et dans toutes les autres enceintes, lui serait-il interdit d’expliquer les grandes orientations de sa politique devant les parlementaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Simplement, il convient d’y mettre les formes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Le Président de la République, qui représente l’État et la République, ne peut pas, lorsqu’il s’adresse aux parlementaires, être traité comme le chef d’un gouvernement qui serait responsable devant l’Assemblée, tant la nature des fonctions est différente.

Lorsque le président des États-Unis s’adresse au Congrès américain lors du message sur l’état de l’Union, les pires de ses adversaires – je dis bien « les pires » – se lèvent pour l’accueillir, pour l’applaudir, et pour l’écouter dans le silence le plus respectueux, même si aucun d’entre eux ne partage sa vision de ce que doivent être les États-Unis !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Je souhaite que lorsque le Président de la République française vient devant le Parlement exposer les grandes lignes de sa politique, il soit écouté avec l’attention et le respect que mérite sa fonction !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Telles sont les raisons pour lesquelles je suis fondamentalement opposé à ce que l’on débatte en sa présence.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Chacun des groupes politiques qui composent le Parlement doit avoir une attitude responsable lorsque le chef d’État est devant lui. Et je dis d’avance que si certains veulent traiter le Président de la République comme ils traitent un certain nombre de membres du Gouvernement dans nos deux hémicycles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Eh oui ! Le Président de la République est le représentant de tous les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan. Par conséquent, vous ne devez pas nous présenter le Président de la République comme un Bonaparte venant imposer sa loi devant les parlementaires ! Il s’agit certes d’une innovation, mais elle ne met pas en cause l’équilibre des pouvoirs et la République : soyons un peu sérieux !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, c’est avec un grand intérêt que j’ai écouté notre collègue M. de Rohan. J’ai d’ailleurs appris à cette occasion que l’un de ses arrière-grands-pères avait voté une certaine loi, alors que, pour sa part, il souhaite aujourd’hui aller dans le sens opposé ; c’est son choix ! Mais le problème n’est pas là.

Dans le monde où nous vivons, le Président de la République dispose de tous les moyens d’information et peut faire venir à l’Élysée, quand il le veut, les caméras de télévision. Il peut alors choisir le monologue – c’est-à-dire l’adresse solennelle au pays –, à l’occasion du journal de vingt heures regardé par tout le monde et qui est en quelque sorte un porte-drapeau. Toute la solennité de l’État est en jeu : le chef de l’État s’adresse à la nation, donc à chacun d’entre nous. Il ne lui est par conséquent pas difficile, dans des circonstances qu’il estime importantes, de s’adresser en même temps à la nation et au Parlement.

Aussi, je me suis interrogé : pourquoi cette innovation nous est-elle proposée ? Le général de Gaulle l’avait lui-même souhaitée, avez-vous dit. Or il me semble connaître suffisamment les travaux préparatoires de la Constitution pour affirmer que si le général de Gaulle l’avait voulue, il l’aurait eue ; je note, d’ailleurs, qu’aucun de ses successeurs n’a jamais souhaité disposer d’une telle prérogative.

J’ai finalement compris que, derrière son aspect après tout plutôt anodin, je dirais presque médiatique, se cachait autre chose.

Le Président a beaucoup de talent, on le sait, et le fait qu’il soit entendu par le Congrès réuni, les télévisions relayant l’événement dans le cadre républicain ne me posait pas de problème a priori. En effet, s’il pense que c’est là une manière plus heureuse de mettre en scène son talent, pourquoi pas ?

Or, par la suite, je me suis dit : cela ne va pas. En réalité, que le Président en soit ou non conscient, cette disposition est beaucoup plus importante qu’il n’y paraît.

En effet, physiquement, que va-t-il se passer ? Le Président de la République monte à la tribune, mais, contrairement au président des États-Unis lorsqu’il lit le message sur l’état de l’Union, il ne viendra pas rendre compte au Parlement, ce n’est pas son rôle. En effet, par définition, en tant que Président de la République, il n’est pas responsable devant le Parlement. Par conséquent, ce qu’il va faire nécessairement, c’est exposer son programme. Il ne viendra pas discourir ; il viendra exposer son programme.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Qu’est-ce que cela signifie ? Dans la Constitution, le chef de la majorité parlementaire, c’est le Premier ministre. C’est donc celui-ci qui expose le programme du Gouvernement.

Or, de par la mise en scène que j’ai évoquée, le Président de la République, venant exposer son programme, après avoir été nécessairement applaudi par toute la majorité debout et, ensuite, à la fin de son discours, ovationné par cette même majorité, se transformera inévitablement en chef de la majorité présidentielle

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat opine

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Par ailleurs et surtout, cette présence entraîne une conséquence que je vous demande, mes chers collègues, de bien méditer : l’effacement du Premier ministre, déjà si caractéristique compte tenu de l’actuelle pratique présidentielle. Cet effacement sera ici visuellement acquis, car le Premier ministre lorsqu’il interviendra n’apparaîtra plus que comme la doublure du Président.

Pourtant, dans une République conçue au départ comme étant une république où le Président de la République définit les grandes orientations, les grands choix et, chacun le sait, s’occupe par-dessus tout de maintenir la place de la France dans le monde, le Premier ministre est le chef de la majorité parlementaire.

Donc, c’est clair. D’un seul coup, avec cette pratique, qui aura un formidable retentissement médiatique, vous changez, sans que l’on s’en aperçoive, la fonction présidentielle…

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

…et, surtout, vous réduisez considérablement celle du Premier ministre.

J’ai parfaitement entendu le vœu de M. de Rohan et il serait effectivement souhaitable que, dans l’éventualité où le Président de la République viendrait à s’exprimer devant le Congrès, les choses se passent comme il l’a dit.

Toutefois, ne vous y trompez pas, mes chers collègues : si le Président prend la place de chef du Gouvernement devant le Parlement, croyez-moi, il y aura toujours des parlementaires de l’opposition qui interviendront.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

J’ajoute que cela sera désagréable car, inévitablement, c’est de ces incidents-là que la télévision s’emparera. La tentation sera en effet trop forte et personne n’y gagnera rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Je voterai contre ces amendements, à titre conservatoire.

M. de Rohan vient de nous dire que le Président de la République doit être accueilli avec solennité ; je partage totalement ce sentiment. Néanmoins, étant donné que je ne sais pas s’il viendra rarement ou souvent devant le Parlement, je redoute que le régime ne soit peu à peu dénaturé. La raison essentielle de mon vote est donc la suivante : on risque de ne plus rien maîtriser.

J’ajoute que, dans le cas très hypothétique où l’article 16 de la Constitution serait mis en œuvre, il est prévu que le Président de la République informe la nation par un message. Selon moi, cette disposition n’est pas exclusive de sa présence devant le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Certes, je peux comprendre les motifs qui poussent le Président de la République à souhaiter venir s’exprimer devant le Parlement. Il n’est d’ailleurs pas le premier à y avoir pensé, même si ce ne fut pas le cas du président Pompidou ; je ne sais pas qu’elle était exactement la position du président Giscard d’Estaing à ce sujet, mais tel n’était sûrement pas le souhait de François Mitterrand ni, je crois, celui du président Chirac.

Cela étant dit, je pense, mes chers collègues, que cette disposition est un mélange des genres peu souhaitable.

En tout cas, compte tenu du fait que le seul endroit de la République – séparation des pouvoirs oblige – où le Président de la République n’est pas chez lui mais où il sera reçu est le Parlement, il faudra, à mon avis, beaucoup de retenue de part et d’autre pour ne pas aboutir à une première séance épouvantable ! Par conséquent, cette mesure si elle était votée – et elle le sera – risque de tomber vite en désuétude.

Et je ne parle pas de la situation d’un président de la République qui viendra, en période de cohabitation, s’exprimer devant un Parlement qui lui sera majoritairement hostile !

Par conséquent, monsieur le président, je suis plus que réservé, mais on me permettra tout de même une note d’humour : ceux qui n’ont pas digéré l’élection de Nicolas Sarkozy et qui pensent tous les jours à ne lui faire que des méchancetés, qui vont mettre des cierges pour qu’il lui arrive des malheurs, devraient penser simplement que c’est l’abus de la tribune parlementaire qui a permis de débarrasser la République naissante de l’insupportable M. Thiers.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Je rappelle que Thiers avait obtenu de l’Assemblée nationale le titre de Président de la République mais qu’il était en même temps chef du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. Il cumulait la fonction de chef du Gouvernement et le titre de Président de la République et c’est dans ce contexte tout à fait particulier que l’Assemblée nationale l’a empêché de venir s’exprimer devant elle, pour les raisons qu’a très bien rappelées M. de Rohan.

M. Michel Charasse s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Ensuite, lorsqu’on a adopté une Constitution en bonne et due forme avec les lois constitutionnelles de 1875, le système a été pérennisé, mais la majorité de l’époque a agi ainsi dans l’espoir de transformer rapidement le Président de la République en monarque.

M. Michel Charasse opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

C’était un monarque présomptif auquel on accordait un certain nombre de pouvoirs assortis de limites.

On ne peut donc pas aujourd’hui raisonner en faisant des comparaisons avec la IIIe République, même si ce système a été maintenu sous la IIIe République et sous la IVe République.

D’ailleurs, je trouve assez drôle l’accusation de « comportement consulaire » pour caractériser le risque de ce type de dispositif quand on sait le mépris qu’avait Bonaparte pour les assemblées, qu’il ne réunissait jamais. La seule fois où il s’est approché des assemblées, cela a été pour les faire disperser par la force. C’est donc un contresens historique.

La question qui se pose aujourd’hui et qu’a très bien rappelée M. Michel Charasse est d’ordre pratique. Je suis pour ma part totalement « agnostique » sur ce sujet et je n’ai donc rien contre le fait que le Président de la République puisse s’exprimer devant les parlementaires, s’il le souhaite. Pourquoi ne le ferait-il pas lui aussi puisque d’autres le font ?

Mais la pérennisation de ce système que personnellement je voterai repose sur la pratique et sur l’état d’esprit des uns et des autres. Si nous sommes capables de donner quelque dignité à cet usage, il se pérennisera, mais, dans le cas contraire, il disparaîtra, comme beaucoup d’autres dispositions constitutionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je vais tenter de convaincre M. Badinter, en reprenant ses deux arguments et en prenant le second pour démontrer le premier.

Vous nous dites en premier que le Président de la République va être tenté de faire un discours de politique générale et vous nous dites en second que le Parlement ne pourra pas respecter un climat de sérénité. C’est la raison pour laquelle le Président de la République ne fera pas un discours de politique générale. Son intérêt et l’intérêt de sa fonction seront justement de faire un discours très différent d’un discours de politique générale prononcé par un Premier ministre.

Comme les deux fonctions sont différentes dans notre République, c’est aussi l’occasion d’affirmer clairement et devant la représentation nationale ce qu’est l’essentiel de la fonction du Président de la République, les grandes orientations, et donner à notre vie politique la hauteur nécessaire. Il y a là, au contraire, une occasion de revaloriser la fonction présidentielle, pivot de notre Ve République.

Enfin, cette intervention n’aura rien à voir avec un discours de politique générale car le Premier ministre sera de toute façon obligé d’aller devant le Parlement pour poser la question de la confiance lors de son discours de politique générale.

On voit bien aujourd’hui, en effet, qu’il ne peut y avoir de Gouvernement sans confiance et que le Premier ministre est obligé d’aller faire valider cette confiance devant le Parlement, si ce n’est tous les ans comme le souhaitait le président Chirac, du moins au début de sa prise de fonction.

Voilà pourquoi le risque d’un discours de politique générale du Président peut être écarté.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Nous l’avons toujours dit : la Constitution, c’est une question de pratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur Raffarin, vous n’êtes pas très convaincant.

Revenons un peu en arrière.

Le comité Balladur, composé majoritairement de partisans du régime présidentiel, avait clairement donné le ton et la philosophie de cette réforme, puisque, de fait, le Président de la République devenait le chef de l’exécutif et le Premier ministre devenait en quelque sorte un « coordinateur » de l’action gouvernementale, le comité proposant de modifier l’article 5. Les choses étaient claires.

Peut-être cette réforme n’était-elle pas très largement souhaitée dans votre propre majorité, ou pas assez largement souhaitée ? Je n’en sais rien. Toujours est-il que, dans l’avant-projet de M. Fillon, la modification de l’article 5 avait déjà disparu. M. Fillon, qui d’ailleurs ne se cache pas d’être présidentialiste, disait que la réforme constitutionnelle constituait une première étape et que l’on irait ensuite plus loin en supprimant purement et simplement la fonction de Premier ministre et en la remplaçant par un « coordinateur » ou un vice-président comme aux États-Unis.

Bref, tout cela a été écrit, expliqué et soutenu par un certain nombre de personnes aujourd’hui au pouvoir : le Président de la République, le Premier ministre actuel, des membres de la majorité, M. Balladur.

Donc, ne vous cachez pas derrière votre petit doigt en disant que l’on fait quelque chose qui n’est pas gênant ; vous vous référez même aux balbutiements de la République, avant 1875.

En réalité, nous allons vers un changement de régime et vers un régime présidentiel. Si d’aucuns parmi vous y sont favorables, qu’ils le disent et que ceux qui n’y sont pas favorables le disent également.

Alors allez jusqu’au bout de la démarche. En effet, si vous voulez vraiment aller vers un régime présidentiel, il faut supprimer le droit de dissolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ainsi, ça sera plus clair !

Ne vous cachez pas derrière des arguties qui n’en sont pas. Vos arguments ne tiennent absolument pas la route. Nous sommes convaincus, en vous entendant, qu’il ne faut pas voter cet article.

M. de Rohan nous dit qu’il faudra accueillir le Président de la République avec dignité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

…sous-entendant que les parlementaires de l’opposition n’en sont pas capables. On peut vous retourner le compliment. Il faudrait déjà que le Président de la République ne se permette pas des écarts de vocabulaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Charles Pasqua, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

N’applaudissez pas trop vite, madame !

Le Président de la République souhaite venir s’exprimer devant le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

En ce qui me concerne, cela ne me gêne absolument pas. Ce qui me dérangerait, c’est qu’il y ait un débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

Oui, s’il y avait un débat en sa présence, je serais absolument contre.

Mais je ne vois pas pour quelle raison le Président de la République serait interdit de venir devant le Parlement. Cela me semble parfaitement déraisonnable. Aussi, je voterai cette disposition.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 178, 329 et 428.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 107 :

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à M. Michel Mercier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

En déposant mon amendement, je pensais que nous étions dans une démocratie apaisée, qui nous permettrait d’organiser une séance au cours de laquelle le Président de la République s’exprimerait devant tous les parlementaires présents qui l’écouteraient avec le respect dû à sa fonction, avant de débattre en sa présence ou non. Mais puisque l’on vit encore dans un tout autre système, mon amendement n’a plus lieu d’être. Aussi, je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° 268 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote sur l'article 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je serai très bref, monsieur le président, ce qui réjouira nos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je me félicite de ce que nous venons de vivre à l’instant, grâce à M. Pasqua, qui a livré un élément de clarification tout à fait intéressant.

On nous avait annoncé que cette réforme serait une étape importante du renforcement des droits du Parlement. Or la réalité est tout autre : M. Pasqua vient de dire que nous étions là pour exaucer un désir, satisfaire une volonté, un diktat, un caprice du Président de la République

Exclamations sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Pitié, monsieur Bel ! C’est pathétique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

…qui souhaitait s’exprimer devant le Parlement !

Nous nous sommes exprimés sur ce sujet. La pratique est certes un élément important par rapport aux dispositions qui seront adoptées. Nous constatons que la clarification est venue ce matin d’un sénateur de l’UMP, …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

C’est cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré. Je tiens simplement à dire à M. Bel qu’il peut tout de même avoir un minimum de respect pour le Président de la République. On ne parle pas de « caprice » à propos du Président de la République !

M. Christian Cointat applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, je vous en prie.

La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Lorsque je suis intervenu il y a quelques jours dans la discussion générale de ce projet de loi constitutionnelle, j’ai rappelé la position des radicaux de gauche en faveur d’un régime présidentiel, allant même jusqu’à demander la suppression de la fonction de Premier ministre, du droit de dissolution et de l’article 49-3 de la Constitution. Aussi, par cohérence, nous ne sommes pas opposés à la venue du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès.

Cela étant dit, je vous rappelle, monsieur de Rohan, vous qui êtes, comme moi, un parlementaire de longue date, que la gauche et la droite se partagent les apostrophes, les épithètes et les qualificatifs à l’encontre des différents ministres et Premiers ministres. En revanche, je vous rejoins pour demander une démocratie plus apaisée et plus respectueuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On a voté contre la suppression de l’article 7 ; tout le monde a expliqué son vote ! Je vais finir par demander l’application du premier alinéa de l’article 38 de notre règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Dès lors qu’il y a un scrutin public, vous le savez, mes chers collègues, le groupe du RDSE rencontre des difficultés pour exprimer sa position, compte tenu des sensibilités différentes qui sont représentées en son sein. Le propos de M. Baylet n’engage pas totalement notre groupe. Personnellement, j’ai voté contre la suppression de l’article 7. Lors d’un scrutin public, la manipulation des bulletins est toujours un exercice très difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, dans cette assemblée, chacun fait ce qu’il veut ! Il est désagréable d’entendre dire que nous délibérerions sous la pression et la menace !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Il y a trop de pays dans le monde où les parlementaires n’ont pas le droit de voter contre ceci ou cela sans se retrouver en prison à la sortie de l’hémicycle…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. …pour que j’accepte ces propos !

Applaudissements sur quelques travées de l ’ UMP. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je pose une question très simple : en quoi le mot « caprice » serait-il une injure ? Ce terme dénote tout simplement un trait de caractère, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Le Président de la République n’est pas un enfant !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il n’y a pas que les enfants qui sont capricieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

…que l’on trouve d’ailleurs souvent chez les enfants.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

On avance !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’ai perçu une grande émotion au banc du Gouvernement lorsque Jean-Pierre Bel a simplement rappelé l’intervention, qui est peut-être passée inaperçue, de M. Pasqua, laquelle avait au moins le mérite de ne pas donner lieu à interprétation ! Je vérifierai les mots exacts qu’il a utilisés dans le compte rendu des débats.

Pour ma part, j’aurais été favorable à ce qu’un seul article vise à réformer la Constitution en autorisant le Président de la République à s’exprimer devant les assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Certes ! Mais, en général, je dis les choses assez crûment et je ne tourne pas autour du pot !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Quand ça vous arrange ! On vous le rappellera parce que vous ne dites pas toujours cela !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et nos collègues de droite nous parlent de respect et nous donnent des leçons en la matière ! Ne m’étant pas beaucoup exprimé ce matin, je voudrais exposer mon point de vue, en une minute.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Ça suffit !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Pour autant, je ne souhaite pas remuer le couteau dans la plaie.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Dès l’annonce de cette réforme constitutionnelle, les parlementaires de gauche – qui méritent aussi le respect – ont pensé que le Président de la République n’était animé que par la volonté de faire inscrire cette disposition dans la Constitution, et que tout le reste n’était qu’habillage.

Mais, loin de faire un procès d’intention, nous avons participé au débat en nous disant que nous allions peut-être y découvrir autre chose, …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

…notamment une démocratisation de la Constitution et de nos institutions !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous avons donc posé des marqueurs sur quatre ou cinq questions. Or nous constatons un verrouillage complet sur toutes nos propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Quand nous parlons du droit de vote des étrangers, on nous répond : circulez, il n’y a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est la même chose quand nous évoquons le rôle des médias !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je dispose de cinq minutes pour expliquer mon vote !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous remarquerez, monsieur le président, que je suis interrompu. Mais ce n’est pas grave. Mes chers collègues, votre énervement montre quelque chose !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Monsieur Braye, nous savons bien que vous n’êtes pas énervé ! D’ailleurs, vous ne l’êtes jamais !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. Braye va même sans doute nous expliquer comment nous devons nous comporter quand l’un de nos collègues s’exprime dans cette enceinte !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Imaginez un Président de la République de gauche dans une assemblée où siège M. Braye !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Ce n’est pas demain la veille ! Je n’aurai pas l’occasion de le voir !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. Bel n’a fait que rappeler un élément important, en pointant le fait que M. Pasqua avait fait une révélation. Il n’y a pas à s’en indigner !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

N’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

et de faire pression sur nous pour que nous disions amen lorsqu’il viendra s’exprimer à Versailles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On demande au Président de la République de respecter les citoyens !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

…tandis que vous, vous l’acclamerez debout !

En votant cet article, vous prenez des risques, alors que nous, nous prenons nos responsabilités !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

Je veux rappeler à M. Assouline que le seul Président de la République qui ait fait prendre des sanctions contre des parlementaires pour des propos qu’il estimait déplacés à son égard, c’est François Mitterrand à l'Assemblée nationale, …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

…contre Jacques Toubon et certains autres collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Il n’a jamais rien demandé ! C’est faux !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

En tout cas, le président de l'Assemblée nationale a affirmé que c’était à la demande du Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

C’est l’Assemblée nationale qui a sanctionné !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Monsieur Charasse, ne revenons pas sur ce point !

Monsieur Bel, j’ai sincèrement beaucoup de respect pour vous, comme pour l’ensemble des parlementaires qui sont ici, parce que j’ai longtemps siégé à vos côtés et que j’estime que la démocratie est un combat. Elle se mérite et se conquiert.

Mais nous présenter les propos d’un parlementaire, aussi respectable soit-il, comme la vérité du Gouvernement et le fondement de la réforme constitutionnelle, …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

…c’est une manière de légitimer…

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

…par avance votre opinion. En fait, avant même que nous n’entamions ce débat, vous ne vouliez pas de la réforme !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Jamais, à l'Assemblée nationale, les élus socialistes, ou communistes, d’ailleurs, n’ont dit, pendant tout le débat, que la réforme se réduisait à cette question. La preuve en est, plus de vingt amendements de gauche ont été adoptés sur le référendum d’initiative populaire et sur l’extension des pouvoirs du Parlement.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le vrai débat concerne l’extension des pouvoirs du Parlement. Vous savez parfaitement que la réforme est centrée sur cette question

M. Jean-Pierre Bel fait un signe de dénégation

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je vous le dis, monsieur Bel, ou bien nous travaillons ensemble pour trouver un terrain d’entente sur l’ensemble des pouvoirs du Parlement, ou bien vous dites d’office que vous ne souhaitez pas avancer sur ce point, …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …et là, c’est vous qui fermez le débat !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Un mot pour l’Histoire, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je ne puis laisser dire – mais M. Karoutchi a pu se tromper – que le président Mitterrand a demandé des sanctions contre des parlementaires !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

C’est ce qu’a dit le président de l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Lorsque M. Toubon l’a interpellé violemment à l'Assemblée nationale, c’est un groupe de députés de droite résistants dirigé par le général de Bénouville…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

…qui a demandé aux autorités de l'Assemblée nationale de prendre des sanctions ! François Mitterrand était trop fier pour s’abaisser à ce genre de choses !

En revanche, monsieur le secrétaire d'État, lorsque le député socialiste Berson a mis en cause publiquement et gravement Roger Frey, alors président du Conseil constitutionnel, en l’accusant de s’opposer aux nationalisations pour défendre ses intérêts personnels, le Président de la République a publié un communiqué pour regretter ces propos, soulignant en particulier qu’ils visaient une personne qui, en raison de son statut et de sa stricte obligation de réserve, ne pouvait se défendre publiquement.

L’incident est clos, mais, je vous en prie, ne mêlez pas François Mitterrand à ce type de bassesse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Concernant l’intervention de M. le secrétaire d’État, puis-je avoir un droit de réponse, monsieur le président ?

L'article 7 est adopté.

M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article 19 de la Constitution, les références : « 56 et 61 » sont remplacées par les références : « 56, 61 et 65 ».

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Alors que le président de la République, aux termes de l’article 64 de la Constitution, « est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire », il est la seule des autorités de nomination énumérées à l’article 65 de la Constitution qui est soumise à la règle du contreseing pour nommer une personnalité qualifiée au Conseil supérieur de la magistrature.

Les présidents des assemblées, le défenseur des droits des citoyens et le président du Conseil économique et social n’étant soumis à aucune formalité particulière, hormis les consultations parlementaires préalables, il est suggéré d’ajouter l’article 65 à la liste des formalités que le président de la République peut accomplir sans contreseing. Il est en effet la seule personne à être tenue à cette obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La règle du contreseing n’apparaît pas, en l’occurrence, comme une limitation du pouvoir de nomination du président de la République, qui sera par ailleurs soumis à l’avis du Parlement.

Par définition, il n’y a pas de contreseing pour les autres autorités, puisque le président de la République est le seul ! Par conséquent, cet amendement ne nous paraît ni indispensable, ni même très utile, et la commission des lois y est défavorable.

Nous verrons pour la désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Le président de la République ne peut pas être la seule autorité à avoir besoin d’un contreseing pour désigner librement un membre du Conseil supérieur de la magistrature ! On pourrait quand même ajouter l’article 65 à la liste des actes dispensés de contreseing.

Le président du Conseil économique et social, qui est élu dans les conditions que vous savez, pourrait librement désigner, et le président de la République, après l’avis de la commission, ne pourrait nommer que si le Premier ministre veut bien contresigner ? Non, mais, franchement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je vous rappelle que nous ne souhaitons pas que le défenseur des droits des citoyens et le président du Conseil économique et social désignent des membres du Conseil supérieur, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Mais les présidents des assemblées n’ont pas besoin de contreseing !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Par définition ! Tous les pouvoirs du président de la République nécessitent un contreseing.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais il y a des raisons majeures !

Personnellement, je ne suis donc pas favorable à votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 179, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’article 23 de la Constitution stipule que « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».

En 1997, la décision du gouvernement Jospin d’ajouter à cette liste d’incompatibilités tout mandat exécutif local a créé une véritable jurisprudence, reconduite par les gouvernements successifs et qui, à quelques exceptions près, est devenue la norme.

Véritable progrès démocratique, adopté par des gouvernements de gauche comme de droite, cette règle aurait dû tout naturellement passer du statut coutumier au statut constitutionnel. C’est d’ailleurs ce que proposait le comité présidé par M. Balladur.

Je vous épargne des épisodes récents – dont beaucoup des acteurs sont aujourd’hui ministres ou secrétaires d’État – qui illustrent combien cette règle a été largement abandonnée, permettant aux cumuls des mandats de croître de nouveau !

Madame le garde des sceaux, vous êtes bien placée pour savoir que la tâche de ministre est exigeante et qu’elle demande une disponibilité quasiment absolue, peu conciliable avec une fonction d’élu.

Il nous paraît absolument nécessaire de redonner aujourd’hui à la règle de non-cumul toute sa place en l’inscrivant dans l’article 23 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 364, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé : Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les fonctions de membre de Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, la présidence d'un exécutif ou d'une assemblée d'une des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72, les fonctions de maire, toute fonction de représentation professionnelle à caractère national, tout emploi public et toute activité professionnelle.

« Un membre du Gouvernement ne peut exercer qu'un seul mandat électif au sein d'une assemblée territoriale. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

La question de la possibilité pour les ministres d’être également élus est une question centrale. Elle a fait l’objet d’une attention particulière de la part du comité Balladur. Selon un extrait de son rapport, « rien ne justifie qu’un ministre ne se consacre pas exclusivement à sa tâche ».

Je vous rappelle que le Président lui-même était favorable à la règle de non-cumul de la fonction de ministre avec l’exercice d’un mandat exécutif local. Je vous renvoie à sa lettre de mission envoyée au Premier ministre à l’époque. Bref, nous avions là un consensus, mais sa traduction a disparu du projet de loi constitutionnelle...

Nous pensons aujourd’hui qu’il est inconcevable d’être ministre et maire d’une commune, notamment de plus de 20 000 habitants. La fonction de ministre est une fonction à plein temps. À défaut de preuve scientifique du don d’ubiquité, cette fonction est incompatible avec toute fonction exécutive ou tout emploi. C’est la raison du dépôt de cet amendement.

Je vous rappelle que les ministres disposeront bientôt d’un parachute leur permettant de retrouver leur siège de parlementaire : il me semble qu’il s’agit là d’une compensation suffisante à l’interdiction de cumul des mandats.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Et pour Mme Voynet, qu’est-ce qu’on fait ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. Elle est cosignataire, donc décidée à s’appliquer la règle.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mes chers collègues, je vous propose d’arrêter les discussions particulières, sinon M. Frimat ne pourra pas présenter ses excellents amendements !

L'amendement n° 429, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».

L'amendement n° 430, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, après les mots : « mandat parlementaire, », sont insérés les mots : « de tout mandat de maire dans une commune de plus de 3 500 habitants, de toute fonction de président de conseil général ou de conseil régional, de toute fonction exécutive au sein d'un établissement public de coopération intercommunale, ».

L'amendement n° 431, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les incompatibilités applicables aux membres du Parlement le sont également aux membres du Gouvernement. »

Vous avez la parole, monsieur Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir qualifié ces amendements d’excellents. C’est un jugement de valeur qui me va droit au cœur

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° 430 est une disposition de repli par rapport à l’amendement n° 429, qui pose le problème, important me semble-t-il, de l’exercice des fonctions ministérielles.

Nous sommes tout à fait persuadés que, même en ces temps de travail précaire ou de développement du travail à mi-temps, la fonction de ministre exige d’être exercée à plein temps. On ne peut pas être ministre trois jours par semaine et, le reste de la semaine, regagner son département, sa collectivité territoriale, sa ville. Cela ne nous semble pas sain.

Dans l’opinion publique, d’ailleurs, cette idée se répand de plus en plus. Le président de la République lui-même – Alima Boumediene-Thiery le rappelait –, dans sa lettre de mission, avait clairement évoqué ce thème dans le sens du non-cumul de la fonction ministérielle et de l’exercice d’un quelconque mandat électif. L’ancien Premier ministre Édouard Balladur et les membres de son comité, à l’unanimité, sont arrivés à une conclusion identique.

Par conséquent, il nous semble que cette modification est nécessaire dans un souci de modernisation.

Monsieur Karoutchi, vous devez être sensible à ce sujet de cumul de fonctions ministérielles avec d’éventuelles autres fonctions. Mais ne dites pas que nous abordons ce débat de manière fermée. Nous avons suffisamment dit que nous attendions de connaître l’attitude du Gouvernement et que nous l’écouterions dans le débat. Or de quoi nous apercevons-nous ? Après les déclarations qui sont faites, quand nous engageons le débat, les positions ne varient jamais !

Pourtant, une telle modification s’inscrit vraiment dans la modernisation de la vie politique. Le fait que des ministres soient des ministres à plein temps semble être une nécessité.

Permettez-moi, monsieur le président, de faire allusion à quelque chose que vous avez bien connu dans une vie antérieure : le développement de la décentralisation. Les fonctions au sein des collectivités locales ont connu un tel développement que, de la même façon, elles réclament un temps de plus en plus important. En vérité, c’est le problème général du cumul qui est posé.

Ne sombrons pas dans le travers qui consiste à nous renvoyer les exemples de la situation d’un tel ou d’un tel. Dépassons ce stade ! Si nous voulons véritablement que les ministres assument leurs fonctions, il faut qu’ils l’exercent à plein temps. À mes yeux, il en va de même pour les parlementaires.

Voilà les raisons pour lesquelles nous soutenons ces amendements de principe. Ces dispositions seront d’autant plus comprises par les citoyens qu’elles correspondent parfaitement à leur attente.

Certes, je comprends très bien le déchirement qu’elles provoqueront pour un certain nombre des personnes qui cumulent aujourd’hui des fonctions. Il faudra sans doute que le changement s’opère à une vitesse permettant qu’un tel déchirement ne se transforme pas en arrachement, mais ce changement est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Le président Jean-Jacques Hyest, rapporteur, m’a demandé de le remplacer quelques instants. Je vais donc m’efforcer de le suppléer le mieux possible.

Mes chers collègues, là encore, ces amendements constituent une série cohérente traitant du même sujet : le cumul des mandats.

La majeure partie de ces amendements tend à restreindre les règles d’incompatibilité applicables aux fonctions gouvernementales.

Ainsi, l’amendement n° 429 mais aussi l’amendement n° 364 de Mme Boumediene-Thiery et l’amendement n° 179 du groupe CRC interdisent tout cumul entre une fonction gouvernementale et un mandat électif.

L’amendement n° 430 du groupe socialiste est plus restrictif en posant une incompatibilité entre une fonction gouvernementale et une fonction exécutive locale, à l’exception du mandat de maire d’une commune de moins de 3 500 habitants, et l’amendement n° 431 des mêmes auteurs prévoit l’application aux ministres des incompatibilités en vigueur pour les parlementaires, définies aux articles L.O. 137 à L.O. 153 du code électoral.

Sur la forme, il faut tout d’abord souligner que la révision constitutionnelle examinée ne traitait pas initialement de ce sujet et que l’article 23 de la Constitution n’a pas été modifié par le projet de loi initial.

Bien sûr, monsieur Frimat, les ministres doivent bénéficier d’assez de temps pour assumer leurs responsabilités. Mais, si j’en crois le nombre de ministres qui ont aujourd’hui un mandat local, c’est tout à fait possible, car ils remplissent parfaitement leur mission. De plus, cet ancrage local est, à notre sens, tout à fait essentiel pour un membre du Gouvernement qui doit vraiment « coller » à la réalité du terrain.

Un mandat local peut précisément aider un ministre « à garder un pied dans la réalité », puisqu’il est sollicité par les électeurs de sa commune ou de sa circonscription, et qu’il a donc à justifier ses choix devant eux.

En outre, je l’ai dit, l’amendement n° 431 du groupe socialiste prévoit d’appliquer l’intégralité des incompatibilités parlementaires aux membres du Gouvernement. Mais, vous le savez, mes chers collègues, il faudrait au préalable « nettoyer » le droit existant, car ces incompatibilités ne sont souvent plus adaptées, visant des fonctions obsolètes ou oubliant certaines fonctions essentielles aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois est défavorable à ces différents amendements.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pour compléter les observations qui viennent d’être faites, je dirai que les amendements limitent ou excluent la possibilité pour un ministre d’exercer des responsabilités locales.

Le Gouvernement considère que ce n’est absolument pas une bonne idée, puisque les Français reprochent souvent – on l’a constaté lors des dernières élections – à ceux qui les gouvernent d’être éloignés de leurs préoccupations. Il est donc utile que les ministres puissent avoir un ancrage local ou en tout cas le conserver quand ils l’ont déjà.

Ils doivent disposer du temps suffisant pour se consacrer à leurs responsabilités nationales. Il n’est absolument pas impossible, on l’a d’ailleurs vu, de concilier une fonction ministérielle et la responsabilité d’élu d’une collectivité.

Par conséquent, le Gouvernement n’est pas favorable à une interdiction pure et simple. Il ne l’est pas non plus à la limitation que certains d’entre vous proposent, à savoir une distinction selon la taille de la commune, car elle n’est pas pertinente. En effet, beaucoup de maires de petites communes sont extrêmement sollicités sur le terrain et ont une tâche parfois aussi lourde que des maires de grandes villes qui, eux, sont entourés de collaborateurs et dotés d’une administration.

Par ailleurs, je rappelle que, dans beaucoup de grandes démocraties, le parlementaire qui devient ministre demeure parlementaire. Ce n’est pas le cas dans notre régime, puisque notre Constitution interdit radicalement le cumul des fonctions ministérielles et parlementaires.

Il faut donc laisser le dernier mot aux électeurs : soit un élu est capable d’assumer à la fois des fonctions ministérielles et un mandat local, soit il ne le peut pas, et les électeurs trancheront.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 179.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Il s’agit d’une question essentielle dont, malheureusement, du moins je le crains, on ne mesure pas l’importance dans la perception qu’ont les citoyens français de la vie politique.

Être ministre de la République, c’est un grand honneur ! Les citoyens considèrent avec raison qu’on doit alors tout son temps au gouvernement de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Ils considèrent qu’on ne doit pas se consacrer, fût-ce partiellement, à une fraction du territoire national, qu’on ne doit à aucun moment détourner son attention de cette première responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Le cumul est un mal français. Que des ministres en exercice cumulent leur devoir – qui devrait les accaparer sans discontinuer, même pendant les jours de repos, et plus encore au moment de la construction européenne – et la gestion d’une collectivité territoriale – c’est tout à fait respectable, mais cela relève d’une autre fonction –, à laquelle ils consacrent une partie de leur temps, de leur énergie et de leur réflexion, est un défi jeté aux citoyens.

Mes chers collègues, je vais vous dire ce que pensent les citoyens. Selon eux, la seule chose qui intéresse ceux qui assument des responsabilités nationales, c’est leur carrière, qui, politiquement, se joue d’abord sur le terrain.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Ça suffit !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

On y pourvoit maintenant précisément par la disposition concernant le ministre lorsqu’il est parlementaire. N’allez pas au-delà ! Ce n’est pas sans raison que tous les comités, les uns après les autres, préconisent la fin des cumuls.

C’est un défi que vous lancez à la face de tous les citoyens : on pourrait être ministre et s’occuper d’une grande ville ou d’un exécutif local !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Vous plaisantez ! Quand on veut véritablement assumer un ministère, on est occupé le matin, l’après-midi et le soir, monsieur de Rohan !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

À cet égard, il n’y a pas de surhomme ! Et dites-vous bien que les citoyens ne croient pas au surhomme ! Ils croient en la réalité du cumul des fonctions et ils nous interpellent sur ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Pour ma part, je n’ai jamais cumulé deux fonctions !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Vous n’êtes pas assez proche des citoyens !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Écoutez-moi bien, monsieur de Rohan. Le nom que portent ceux qui se livrent à cette double activité, c’est celui de cumulard ! Je vous le laisse.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Monsieur Badinter, c’est indigne !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je dis toujours qu’il ne faut pas cumuler des fonctions qu’on ne peut pas assumer, ce qui n’est pas la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quand on a des mandats locaux, on doit parfois y renoncer, parce qu’on estime qu’on ne peut pas tout accomplir.

Monsieur Badinter, je conçois très bien votre position et je la respecte. D’ailleurs, avec toutes les fonctions que vous avez occupées, vous ne pouviez pas, en outre, avoir des mandats locaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous avez tellement d’activités, d’ailleurs extrêmement importantes, sur le plan international !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il cumule aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quoi qu’il en soit, ne dites pas, monsieur Badinter, que des Premiers ministres ou des ministres – je pourrais vous citer de nombreux noms – n’ont pas assumé pleinement leurs fonctions alors même qu’ils conservaient des mandats locaux importants.

Je pense notamment à un maire de Lille, pour qui j’ai beaucoup de respect et qui siège dans notre assemblée. Il fut parallèlement Premier ministre. A-t-on considéré à l’époque qu’il faisait du mi-temps ? Non, il faisait du double temps ! En tant que maire, il était apprécié de ses concitoyens lillois. Pour autant, on ne peut pas dire qu’il était un mauvais Premier ministre, même si je n’avais pas les mêmes idées que lui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On pourrait également évoquer, en effet, Gaston Defferre, ou encore Laurent Fabius !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il ne faut pas avoir de position définitive sur ce sujet, bien que je conçoive très bien qu’on ait une position théorique.

Vous avez fait allusion, mon cher collègue, à ce qui s’est passé sous le gouvernement de Lionel Jospin. Cette jurisprudence avait abouti à la situation suivante : les maires n’étaient plus maires, mais premiers adjoints. Parfois, ils occupaient toujours leur bureau de maire, en attendant de quitter leur fonction de ministre. Franchement, dans ce cas, l’hypocrisie était encore plus grande !

Par conséquent, j’estime que nous n’avons pas à légiférer dans ce domaine. Ce sont les citoyens qui jugeront si un ministre, ou un parlementaire, continue à bien s’occuper de sa ville ou de son département.

Il est vrai que l’aggravation des charges entraînée par la décentralisation devrait inciter certains à ne pas cumuler plusieurs fonctions. Mais cela relève de la responsabilité de chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Écoutez nos compatriotes ! Partout, ils n’ont que le mot de « cumulard » à la bouche !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ils critiquent les parlementaires, et plus encore les ministres, qui cumulent différents mandats, parce qu’ils ne croient pas au surhomme !

Exclamations de plus en plus vives sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Allez le dire à M. Fabius, qui préside une communauté d’agglomération de 500 000 habitants !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je vous en prie, mes chers collègues ! Écoutons les orateurs, lesquels doivent respecter, autant que possible, leur temps de parole, ce qui permettra au débat d’avancer. Ensuite, nous voterons. Il est donc inutile de s’enflammer ! En intervenant calmement et lucidement, les arguments porteront tout autant !

Veuillez poursuivre, madame Cerisier-ben Guiga.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Comme je le disais, nos compatriotes ne croient ni aux surhommes ni aux femmes supérieures capables de tout faire à la fois. Ils constatent simplement ce que nous avons observé lors de la dernière campagne pour les élections municipales, à savoir le grand vide des ministères. Il n’était pas possible, à cette période, pour un parlementaire, d’obtenir une réponse à un courrier ou à une question écrite ! Ce n’était là qu’un moment de crise. Hors ces circonstances, en l’absence du ministre plusieurs jours par semaine, …

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

…les responsabilités ministérielles sont laissées à des collaborateurs certes de qualité, mais qui ont besoin d’être dirigés et qui ne sont pas habilités à prendre des décisions engageant la responsabilité de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Cela entraîne un lourd dysfonctionnement des ministères.

Il faut bien le reconnaître, si les ministres tiennent à conserver leur mandat local, c’est, comme le disent d’ailleurs tous nos compatriotes, pour assurer leur avenir politique lorsque l’intermède ministériel sera terminé.

Enfin, il y a réellement un conflit d’intérêt entre un mandat exécutif national et un mandat exécutif local. Les cumuls donnent lieu régulièrement à des choix aberrants concernant l’implantation, dans telle ou telle ville ou tel ou tel département, d’industries, d’administrations et de pôles de compétence ou d’influence, lorsqu’un ministre en exercice a confondu l’intérêt de l’État avec celui de sa ville ou de sa région, au détriment de l’intérêt de l’État.

M. Robert Badinter applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je m’étonne de la passion suscitée par ce débat, alors que cette question semble recueillir depuis quelques années – c’est du moins ce que j’avais cru comprendre – un consensus de plus en plus large au sein du débat public.

En effet, après que le gouvernement de Lionel Jospin a posé une règle de non-cumul pour les ministres en exercice, ce principe a perduré. Même le Président de la République actuel a souhaité…

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Non ! Il ne l’a jamais souhaité !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Certes, il ne l’a pas imposé, mais il a souhaité conserver cette pratique. Je me réfère sur ce point aux directives qu’il a adressées à son Premier ministre.

Il n’y a donc pas matière à intenter des procès aux uns et aux autres au cours du débat le plus passionné que nous ayons eu depuis le début de l’examen de ce texte.

Pourquoi ce sujet suscite-t-il un énervement aussi grand ? Selon moi, nous sommes en train de toucher à quelque chose qui est devenu limpide.

Cette question a en effet dégagé un véritable consensus, puisque le comité Balladur a voté à l’unanimité contre les cumuls.

Par ailleurs, ce sujet rentre totalement dans le cadre de ce que l’on peut nommer la « modernisation » de la Constitution. Il ne s’agit pas de clivage gauche-droite, il s’agit de constater que, la société ayant évolué, le rapport entre les citoyens et les élus a été profondément modifié. À ce propos, vous pouvez interroger tous ceux qui sont sur le terrain. Ils considèrent tous, de façon très claire, que les politiques cumulent.

Tout le monde a les yeux tournés vers nous, car seule la France connaît une telle situation. Nous serions bien inspirés d’adopter les pratiques quasiment unanimes des autres pays européens. Le cumul des mandats y est rigoureusement limité. Ces pays nous regardent comme une espèce de survivance incompréhensible et archaïque.

Il s’agit donc d’un sujet très concret, dont l’évocation pourrait donner l’occasion à Mme le garde des sceaux de se lever et d’annoncer un pas du Gouvernement vers l’opposition. Cependant, même sur ce point, on nous claque la porte au nez ! Et vous voudriez que l’on continue à croire qu’il existe une réelle volonté de modernisation et de démocratisation ?

Poursuivez ainsi le débat aujourd’hui et la semaine prochaine, en claquant toutes les portes, même si les problèmes soulevés sont évidents pour tout le monde ! Notre appréciation se forgera jour après jour !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

L’amendement n° 430 soulève plus particulièrement le problème du cumul des mandats s’agissant de la présidence d’un EPCI, un établissement public de coopération intercommunale. Il s’agit d’une question intéressante qui devra, de toute façon, être prise en considération à un moment donné.

Si le Parlement n’a pas le courage de s’attaquer au cumul des mandats, les électeurs ont, eux, une idée très précise de la situation. Je vous renvoie simplement, mes chers collègues, aux résultats des dernières élections régionales : un certain nombre de présidents de région, qui cumulaient un certain nombre de mandats, ont dû céder leur place. Il faut donc faire confiance aux électeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La question du cumul des mandats ne peut pas se traiter à coup d’invectives entre ceux qui ont eu souvent le pouvoir. Chaque famille politique au pouvoir a dû faire face aux cumuls, et ce à tous les niveaux. Ceux qui ont exercé le pouvoir moins longtemps ont bien sûr moins cumulé que ceux qui l’ont exercé plus longtemps !

Le problème est posé par les citoyens. Si le comité Balladur s’en est saisi, je crois savoir que le Président de la République avait lui aussi évoqué cette question dans la lettre de mission qu’il lui avait adressée.

Or, aujourd’hui, on assiste à quelque chose d’extraordinaire ! Chers collègues de la majorité, vous qui êtes d’ordinaire si soucieux de respecter les désirs du Président de la République et, éventuellement, de suivre les propositions du comité Balladur, vous refusez de toucher aux cumuls !

Je serais tentée de dire, même si c’est malheureux, qu’il faut laisser les citoyens exprimer leurs propres critiques. Au demeurant, je suis persuadée que cette situation aura, un jour ou l’autre, des conséquences fâcheuses. De plus, elle prive notre démocratie d’un renouvellement des élus et d’un élargissement de la classe politique tout à fait salutaire. Que celle-ci se perpétue de père en fils, cela commence à lasser nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ils jugeront.

En revanche, concernant le cumul d’une fonction ministérielle et d’une fonction locale, il faut dire non ! Comme vient de le dire Mme Cerisier-ben Guiga, un tel cumul engendre un conflit d’intérêt. La sagesse l’avait, me semble-t-il, emporté en la matière, et on devrait, au moins pour freiner ceux qui ne sont pas sages, inscrire ce principe comme une règle absolue.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Puisque j’ai été interpellée par certains, notamment par M. Braye, je rappellerai que nous parlons du cumul des fonctions de ministre et d’élu ; il ne s’agit pas de n’importe quel cumul !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je regrette, monsieur Gournac, Mme Voynet n’a pas cumulé lorsqu’elle était ministre !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Si vous le permettez, monsieur le président, j’aimerais terminer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Madame Boumediene-Thiery, vous pouvez terminer, à condition de ne pas interpeller directement et nominativement les sénateurs présents dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je réponds tout simplement à ceux qui m’ont interpellée !

Je le répète, lorsqu’elle était ministre, Mme Voynet n’a pas cumulé et, si elle cumule aujourd'hui, c’est malheureusement parce qu’elle n’est pas dans l’illégalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si une loi interdisait le cumul, nous serions plus à l’aise !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Mme Voynet ne respecte pas son engagement, et celui-ci est plus fort que la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

D’ailleurs, sur ces travées, vous êtes plusieurs à cumuler.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur Braye, laissez l’orateur achever son intervention !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

C’est peut-être parce que vous vous faites élire au scrutin de liste !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Quelle hauteur ! C’est incroyable ! Mais vous nous y avez habitués.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne cessons de nous faire insulter !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

C’est incroyable, nous ne pouvons plus nous exprimer dans cette instance ! Nous en avons tout de même le droit !

Je poursuis donc ! Il est regrettable que, sur ces travées, aujourd’hui, plusieurs personnes continuent de cumuler. En outre, certaines d’entre elles cumulent depuis trente ou quarante ans. Il serait peut-être bon de rappeler que le cumul dans le temps est également néfaste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Présentez-vous et nous verrons si vous êtes élue !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Madame Boumediene-Thiery, ne soyez pas méchante avec certains de vos collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je serai très bref. Le sujet des cumuls passionne, car tout en étant très sérieux, il peut aussi facilement conduire les uns et les autres à une certaine démagogie.

Bien que je ne sois pas d’accord avec lui sur ce point – ce qui est assez rare –, je respecte absolument la position de Robert Badinter, parce qu’il a toujours fait ce qu’il a dit et dit ce qu’il a fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

En revanche, ce qui est insupportable, et vous en avez les effets collatéraux en cet instant, ce sont les donneurs de leçons, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. … qui ferraillent en permanence, ameutent l’opinion publique contre ceux qui exercent plusieurs mandats et se dépêchent de sauter sur tout ce qui passe ! Je les appelle des faux-culs !

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je mets aux voix les amendements identiques n° 179 et 429.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 108 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 364.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L’article 8 a été supprimé par l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.