Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 20 juin 2008 à 9h45
Modernisation des institutions de la ve république — Article 5

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Vous me connaissez, je suis toujours très calme !

En ce qui concerne cet article très important, je me demande si l’encadrement qui est proposé ne complique pas et n’aggrave pas les choses par rapport à la situation actuelle, puisque le Conseil constitutionnel se voit saisi d’une possibilité de donner des avis, voire davantage, et cela finalement au détriment des pouvoirs du Parlement.

Nous ne comprenons pas du tout pourquoi, en situation de crise, le Parlement n’a plus rien à dire, sinon saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il donne un avis sur l’opportunité de maintenir l’article 16.

Nous ne voulons absolument pas d’une banalisation de l’usage de l’article 16, qui n’a été appliqué qu’une seule fois. Nous pensons qu’une démocratie moderne et sûre d’elle-même ne peut se permettre de déléguer à un homme seul la gestion d’une situation exceptionnelle, dans une version modernisée de nos institutions. Ce sont l’ensemble des pouvoirs publics qui doivent s’attacher à affronter les états de crise exceptionnelle.

Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré à l’Assemblée nationale que nous n’étions pas à l’abri de circonstances particulières liées au terrorisme. Attention ! Si, à chaque menace terroriste, on envisage une mesure aussi radicale, on risque de réduire le niveau de gravité à partir duquel les pleins pouvoirs pourraient s’appliquer, et d’élargir les cas d’application aux exigences de la sûreté de l’État ou de la sécurité publique.

Bien entendu, nous sommes pleinement conscients des responsabilités qui sont celles du Chef de l’État et de l’ensemble des pouvoirs publics en cas de crise. Mais nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à l’article 16, qu’il est très important de supprimer.

Pour terminer, mes chers collègues, je voudrais avancer un dernier argument. Vous savez que l’article 16 est une exception dans la tradition démocratique du monde occidental. Aucun des pays développés démocratiques d’Europe ne possède un dispositif juridique autorisant une telle concentration de compétences aussi contraire aux principes républicains.

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