Intervention de Rachida Dati

Réunion du 20 juin 2008 à 9h45
Modernisation des institutions de la ve république — Article 5, amendements 176 267 16

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je voudrais rappeler que la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels exige la réunion de deux conditions.

La première est l’existence d’une menace grave et immédiate pesant sur les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux.

La seconde condition est l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.

Je répondrai aux auteurs des amendements identiques n° 175, 363 et 426 que l’article 16 de notre Constitution est lié à des circonstances historiques, notamment aux événements de 1940, et qu’il n’a été mis en œuvre qu’une seule fois lors de la guerre d’Algérie, en 1961. Il est donc difficile de dire que son utilisation a été abusive.

Mais ce n’est pas parce que cet article n’a pas été utilisé depuis quarante ans qu’il est inutile.

Depuis 1945, nous avons eu une grande chance, aucune guerre n’a affecté le territoire. Malheureusement, nous vivons aujourd’hui dans un monde où des risques graves existent, même s’ils ont changé de nature.

Nous avons déjà eu un débat sur les attaques terroristes à l’Assemblée nationale, où l’on m’avait opposé que leur nature ne pouvait les faire entrer dans le champ de l’article 16. Or ces attaques pourraient viser simultanément, on l’a vu dans d’autres pays, plusieurs institutions du pays et interrompre le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

On ne peut donc totalement exclure que nous connaissions une situation tout à fait exceptionnelle dans ces circonstances. Si cela arrive, il faut que le Président de la République puisse exercer les pouvoirs exceptionnels pour y faire face.

C’est pourquoi le Gouvernement a considéré qu’il était sage de maintenir cette disposition dans notre Constitution. L’expérience de 1961 a montré que la difficulté résidait non pas dans sa mise en œuvre abusive, mais plutôt dans la durée et l’encadrement de son application. C’est ce qui est proposé par l’article 5 du projet de loi constitutionnelle.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements identiques.

Avec les amendements n° 176 et 267 rectifié, vous souhaitez qu’on aille encore plus loin dans le renforcement du contrôle opéré sur la prolongation du recours à l’article 16.

Dans un premier temps, vous proposez, par le biais de l’amendement n° 176, que le Conseil constitutionnel puisse exercer un contrôle à tout moment et que le Parlement se prononce à la majorité des trois cinquièmes par un vote après un débat en séance publique.

Avec l’amendement n° 267 rectifié, vous proposez que la seconde consultation du Conseil constitutionnel intervienne au bout de quinze jours au lieu de trente jours.

Les dispositions du projet de loi qui prévoient des rendez-vous au bout de trente jours, de soixante jours, puis « à tout moment » respectent l’équilibre que vous réclamez.

Cette solution nous paraît satisfaisante et il n’est pas nécessaire de permettre une nouvelle saisine du Conseil constitutionnel dès l’expiration du délai de quinze jours, alors qu’il a déjà été consulté au moment de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels.

Donc, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

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