Notre volonté, tout au long de ces débats, est de moderniser l’exercice par le chef de l’État de ses attributions, non pour renforcer ses pouvoirs propres mais, au contraire, pour les démocratiser.
Nombre de nos amendements visent donc à limiter les prérogatives du Président de la République, auxquelles le Gouvernement n’a pas souhaité toucher ou, comme c’est le cas avec celui-ci, à mieux encadrer le dispositif proposé par le projet de loi.
Nous reconnaissons l’avancée que constitue la limitation du droit de grâce, prérogative qui se situe plus dans une tradition monarchique que républicaine.
L’article 6 prévoit, fort opportunément, de cantonner ce droit de grâce aux grâces individuelles, ce qui prive le Président de la République du droit d’accorder des grâces collectives.
Ces grâces devaient être abandonnées. Elles constituaient, en effet, une sorte de soupape de la justice républicaine, selon l’expression de M. Guy Carcassonne, puisque la tradition de telles grâces tenait lieu de mécanisme de régulation de l’engorgement des lieux de détention.
En revanche, la suppression des grâces collectives devrait être l’occasion pour le Gouvernement de nous donner des éléments sur l’action qu’il compte mener, s’agissant, comme vient de l’indiquer M. Frimat, des 63 838 détenus qui peuplent nos prisons depuis le 1er juin, alors que nous ne dénombrons que 50 746 places disponibles.
Nous avons toujours contesté les grâces collectives en raison des sorties sèches, sans accompagnement des détenus, qu’elles entraînent, mais la suppression de cette prérogative présidentielle doit, madame le garde des sceaux, vous conduire à revoir votre politique pénale et votre régulation de la population carcérale.
Je referme cette parenthèse, qui me semble néanmoins capitale, pour en revenir à l’article 6, dont je rappelle les termes : « Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. Il exerce ce droit après avis d’une commission dont la composition est fixée par la loi. »
Si nous sommes d’accord sur le premier point, il nous semble, en revanche, que le second pose problème.
Certes, il est nécessaire d’encadrer le droit de grâce à titre individuel afin d’éviter tout risque de dérive, mais qu’il le soit par une commission dont nous ignorons tout de la composition, puisqu’elle sera déterminée par une loi ultérieure, n’est pas acceptable.
Ce choix est d’autant plus difficilement compréhensible que, avant la révision constitutionnelle de 1993, c’était le Conseil supérieur de la magistrature qui donnait son avis au chef de l’État avant que celui-ci exerce son droit de grâce. C’est également ce que proposait le comité Balladur.
Aussi, dans le prolongement de cette idée, nous proposons que le droit de grâce présidentielle soit plus strictement encadré, puisque exercé après avis, d’une part, des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat et, d’autre part, du Conseil supérieur de la magistrature », plutôt que, comme je viens de le dire, après avis d’une énième commission dont nous ne savons rien.
Nous proposons également que le décret de grâce soit « contresigné par le Premier ministre et le garde des sceaux », et ce afin de marquer politiquement une décision qui sera nécessairement politique.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je ne doute pas que vous voterez en faveur de cet amendement.