Intervention de Robert Badinter

Réunion du 20 juin 2008 à 9h45
Modernisation des institutions de la ve république — Article 6

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Deuxièmement, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, mène une politique en ce qui concerne le droit de grâce qui relève de son appréciation souveraine. Il refuse de procéder à des grâces collectives, contrairement à ses prédécesseurs, MM. Chirac, Mitterrand et Giscard d’Estaing. C’est son choix personnel ; j’ajouterai que c’est une prérogative constitutionnelle. Nous ne sommes pas là pour apprécier. Cela a déjà été dit.

Le droit de grâce s’exerce face à des situations souvent imprévisibles, dont l’une, que je connais bien, a été mentionnée. Je pourrais en évoquer d’autres, tout aussi imprévisibles. Le droit de grâce est possible au regard de la Constitution. Mais pourquoi le Président nous demande-t-il de supprimer pour l’avenir – car les mandats prennent toujours fin – une prérogative que ses prédécesseurs ont utilisée parce qu’elle était nécessaire pour faire face à des crises de surpopulation pénale ?

Pourquoi constitutionnaliser un choix personnel de politique pénale et en faire non seulement une loi, mais également un principe constitutionnel liant ses successeurs, confrontés à une situation qui peut, croyez-en mon expérience, être dramatique ? Face à tel ou tel événement, on ne pourra pas faire grâce faute de pouvoir réviser la Constitution. Il y aura 1 000 ou 1 200 dossiers en instance, avec le risque d’émeutes étudiantes, de troubles sociaux ou de surpopulation carcérale.

Que le Président Sarkozy choisisse de refuser le principe de la grâce collective, c’est une chose. Mais que l’on n’entrave pas dans la Constitution le droit de ses successeurs !

Nous savons qu’il souhaite que l’on ne puisse exercer que deux mandats. On ne doit pas compromettre le droit de ses successeurs à utiliser ce qui peut se révéler nécessaire dans les circonstances les plus extrêmes. Le droit de grâce, c’est la prérogative du Président de la République. Il existe pour faire face à des situations exceptionnelles. Il n’y a pas de raison de constitutionnaliser un choix personnel de politique pénale en matière de grâce.

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