Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 7 constitue en quelque sorte le prétexte du dépôt de ce projet de loi constitutionnelle.
En effet, la réforme de nos institutions, qui nous réunit aujourd’hui, est principalement issue du souhait de l’actuel Président de la République de venir s’exprimer devant le Parlement. C’était d’ailleurs un désir qu’il avait exprimé au préalable lorsqu’il n’était que candidat à l’élection présidentielle. Je ne reprendrai que quelques mots de son programme de campagne, mais ils sont significatifs.
Nicolas Sarkozy tenait alors ces propos : « Je rendrai compte régulièrement de mon action devant les Français et devant le Parlement. » Il est donc clair qu’il se voyait en chef de l’exécutif. « Je renforcerai les pouvoirs de celui-ci, notamment de l’opposition, parce que je ne veux pas gouverner seul et que je pense qu’une démocratie se protège des risques de dérive lorsqu’elle est capable d’organiser et d’accepter ses propres contre-pouvoirs. ».
Je ne suis pas la seule à le dire, on peine à trouver le renforcement des pouvoirs du Parlement et ceux de l’opposition. Mais, en tout cas, on voit bien la concrétisation législative de la première idée du Président.
Le risque de dérive existe donc bel et bien, puisque le Parlement ne disposera pas des moyens de résister à la pression politique exercée par le Président lors de sa venue devant le Congrès.
Le projet de loi ne prévoit aucune contrepartie à cet article, puisque le débat ne sera même pas suivi d’un vote et le Président ne sera évidemment pas responsable devant l’Assemblée nationale. Le Président de la République nous propose bel et bien, contrairement à ce qu’il affirmait durant la campagne présidentielle – les propos de campagne, on sait ce que cela vaut ! – de gouverner seul. Là encore, les mots sont importants.
Dans notre Constitution, ce n’est pas le Président qui gouverne, mais le Premier ministre et le Gouvernement. Cependant, le fait de venir s’exprimer, autant de fois qu’il le souhaitera, devant le Parlement aura justement pour effet de rendre en réalité caduque la responsabilité du Gouvernement.
À l’avenir, il n’est pas difficile d’imaginer que c’est le Président qui, à la tribune du Congrès, fera le discours de politique générale que fait aujourd’hui le Premier ministre.
Ce faisant, il devient officiellement le chef de l’exécutif, le chef de la majorité parlementaire – ce qu’il est déjà dans les faits – et perd sa qualité d’arbitre et de Président censé représenter tous les Français.
Sur ce sujet, on a déjà dit beaucoup de choses : il est aussi le chef du parti de la majorité et, lors de ses visites en province, il réunit les parlementaires de la majorité, mais aussi les militants du parti majoritaire… Tout cela est déjà connu, et on nous propose de le constitutionnaliser !
Voilà pourquoi cet article rompt à l’évidence l’équilibre déjà fragile de nos institutions : il met en cause le principe de la séparation des pouvoirs, que la Constitution avait précisément entendu respecter en instaurant, certes de façon bien imparfaite et insuffisante, quelques contre-pouvoirs égalisant un tant soit peu les relations entre l’exécutif et le législatif. Et encore, je n’évoquerai ni le droit de dissolution, ni l’article 16 de la Constitution !