Monsieur le président, madame le garde des sceaux, c’est avec un grand intérêt que j’ai écouté notre collègue M. de Rohan. J’ai d’ailleurs appris à cette occasion que l’un de ses arrière-grands-pères avait voté une certaine loi, alors que, pour sa part, il souhaite aujourd’hui aller dans le sens opposé ; c’est son choix ! Mais le problème n’est pas là.
Dans le monde où nous vivons, le Président de la République dispose de tous les moyens d’information et peut faire venir à l’Élysée, quand il le veut, les caméras de télévision. Il peut alors choisir le monologue – c’est-à-dire l’adresse solennelle au pays –, à l’occasion du journal de vingt heures regardé par tout le monde et qui est en quelque sorte un porte-drapeau. Toute la solennité de l’État est en jeu : le chef de l’État s’adresse à la nation, donc à chacun d’entre nous. Il ne lui est par conséquent pas difficile, dans des circonstances qu’il estime importantes, de s’adresser en même temps à la nation et au Parlement.
Aussi, je me suis interrogé : pourquoi cette innovation nous est-elle proposée ? Le général de Gaulle l’avait lui-même souhaitée, avez-vous dit. Or il me semble connaître suffisamment les travaux préparatoires de la Constitution pour affirmer que si le général de Gaulle l’avait voulue, il l’aurait eue ; je note, d’ailleurs, qu’aucun de ses successeurs n’a jamais souhaité disposer d’une telle prérogative.
J’ai finalement compris que, derrière son aspect après tout plutôt anodin, je dirais presque médiatique, se cachait autre chose.
Le Président a beaucoup de talent, on le sait, et le fait qu’il soit entendu par le Congrès réuni, les télévisions relayant l’événement dans le cadre républicain ne me posait pas de problème a priori. En effet, s’il pense que c’est là une manière plus heureuse de mettre en scène son talent, pourquoi pas ?
Or, par la suite, je me suis dit : cela ne va pas. En réalité, que le Président en soit ou non conscient, cette disposition est beaucoup plus importante qu’il n’y paraît.
En effet, physiquement, que va-t-il se passer ? Le Président de la République monte à la tribune, mais, contrairement au président des États-Unis lorsqu’il lit le message sur l’état de l’Union, il ne viendra pas rendre compte au Parlement, ce n’est pas son rôle. En effet, par définition, en tant que Président de la République, il n’est pas responsable devant le Parlement. Par conséquent, ce qu’il va faire nécessairement, c’est exposer son programme. Il ne viendra pas discourir ; il viendra exposer son programme.