Plus sérieusement, il faut bien se rendre compte des difficultés que comporte une opération de découpage électoral : quelle que soit la volonté que l’on a d’aboutir à un résultat équilibré, c’est extrêmement difficile.
Je le répète, je voulais me protéger des excès de mon propre camp. Et c’est en cela que la commission nous était extrêmement utile : chaque fois que j’étais confronté à une demande qui me paraissait abusive, qu’elle émane d’un bord ou de l’autre, je demandais l’avis de la commission, et je me retranchais derrière.
Michel Charasse, qui a une excellente mémoire, doit se souvenir comme moi d’un déplacement durant lequel nous avions accompagné le président Mitterrand. Il s’était conclu par un dîner – rien d’extraordinaire à cela – au cours duquel un éminent membre du parti socialiste local m’avait sinon agressé, le mot serait excessif, du moins pris à partie en se plaignant du découpage. Et Mitterrand lui avait dit en substance : « Je ne vois pas de quoi vous vous plaignez ! Le découpage qui vient d’être fait vous garantit d’être réélu pendant les trente prochaines années qui viennent. Vous pourriez au moins vous tenir tranquille ! »
Encore une fois, voilà la réalité des choses ! Et Michel Charasse a raison de souligner que, quels que soient la loi électorale ou le découpage électoral, ils ne sauraient en aucun cas vous garantir le succès aux élections concernées : ce qui permet de gagner une élection, c’est la confiance que l’on suscite dans le peuple, c’est le projet que l’on a.
Quant aux ordonnances, j’ai un souvenir très précis lié au refus du Président de la République de les signer. Il faut dire que j’avais exprimé ici même, dans cet hémicycle, le vœu qu’à l’issue de ce découpage électoral on m’élève une statue ; toujours dans cette enceinte, mais au cours d’un autre débat, j’avais en un autre temps signifié – et je regrette que M. Badinter ne soit pas parmi nous ce soir pour le confirmer– mon souhait que François Mitterrand soit traduit devant la Haute Cour de justice.
François Mitterrand avait une excellente mémoire, mais il ne confondait pas les attaques personnelles et le combat politique. À l’époque des ordonnances, donc, il m’avait fait appeler à l’issue d’une réunion du conseil des ministres pour me confirmer qu’effectivement il ne les signait pas, qu’il n’en était pas question et qu’il nous faudrait passer devant le Parlement.
Je rappelle au passage, cela a été dit dans le débat…