La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.
Au sein de l’article 10, nous en sommes parvenus aux amendements n° 444 et 445, faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 444, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 1° de cet article insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l'exercice de tout autre mandat ou fonction électif. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature. » ;
L'amendement n° 445, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat de parlementaire est incompatible avec l'exercice du mandat de maire d'une commune de plus de 3 500 habitants et de toute autre fonction exécutive locale. » ;
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter ces deux amendements.
M. Bernard Frimat. Avec ces amendements, j’ai conscience de vous faire approcher la plénitude, puisqu’ils portent sur un sujet dont nous n’avons pas eu beaucoup l’occasion de parler, à savoir le cumul des mandats.
Sourires
Je suis désolé que ces amendements soient discutés à ce moment du débat. Je n’en rends absolument pas responsable le service de la séance qui, pressé comme nous tous par le temps, a dû travailler très vite. Cela donne ce débat quelque peu décousu.
Je sais que vous allez être déçus, mes chers collègues, mais, sur ces amendements qui auraient mérité de longues explications, je serai bref.
M. le secrétaire d’État fait des signes d’impatience.
Sourires
M. le président. Monsieur Frimat, vous vous adressez à des initiés : ils vous comprendront à demi-mot !
Nouveaux sourires.
Si vous le dites, monsieur le président…
L’amendement n° 444 vise à poser un principe et l’amendement n° 445 est un amendement de repli. Tous deux tendent à empêcher ou à limiter le cumul.
Je veux simplement insister sur le fait que ce problème est devant nous. Je conçois qu’il ne puisse pas être résolu dans un projet de loi constitutionnelle, d’autant que vous êtes hostiles au principe que nous défendons. Nous connaissions à l’avance le sort de ces amendements, et nous l’avons vérifié tout à l’heure.
Néanmoins, je vous invite à une vision rétrospective. Chaque fois que la question du cumul des mandats a été posée, la première réaction des élus, de gauche ou de droite, fut de dire que la situation qui était dénoncée était impossible.
Nous avons connu des situations qui, aujourd’hui, paraissent aberrantes et ne seraient pas supportables. Ainsi, une même personne pouvait être parlementaire national, parlementaire européen, président de conseil régional, président de conseil général et maire. Ces situations ont existé et, à une certaine époque, elles semblaient normales.
Les gouvernements que j’ai soutenus ont à deux reprises limité le cumul des mandats. Ils ont aussi fait progresser la parité. À chaque fois, ce fut un combat. La parité a même donné lieu à de véritables batailles dans cette enceinte.
Monsieur le secrétaire d’État, nous n’allons pas trouver de solution ce soir, mais, il faut le savoir, ce problème est devant nous.
Nous pouvons toujours continuer à nous jeter à la figure le nom d’un tel ou d’une telle, de ces héros du non-cumul qui ont finalement succombé aux charmes des mandats multiples, mais alors nous n’en sortirons pas.
Je vais citer M. Marini, qui nous a honorés hier de sa présence et dont je ne regrette pas l’absence ce soir.
M. le secrétaire d’État s’exclame.
Cela ne me gêne pas !
Hier, donc, notre collègue nous invitait à la vertu, mais, en matière de cumul, la vertu n’existe pas : il faut recourir à la contrainte.
C’est à contrecœur, je le sais, que vous ne voterez pas mes amendements. Néanmoins, je suis persuadé que ce discours fait des progrès dans vos rangs et qu’un jour nous réussirons.
Pour l’heure, chers collègues, je ne retire pas mes amendements afin de ne pas vous priver du plaisir de voter contre !
Sourires
M. Frimat connaît la réponse. Un équilibre a été trouvé. D’importants progrès ont été réalisés depuis l’époque où le cumul n’était absolument pas réglementé, permettant à certains de cumuler tellement de fonctions que l’on finissait par ne plus s’y retrouver.
Vous avez veillé à viser d’abord les députés, …
… mais vous voulez, en outre, interdire tout mandat local aux sénateurs, alors qu’ils représentent précisément les collectivités territoriales.
Cela pourrait donner lieu à des échanges sans fin entre nous. Aussi, et sans me prononcer sur le fond, je vous répondrai que c’est la loi organique, et non pas la loi constitutionnelle, qui détermine les incompatibilités des parlementaires. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable sur ces propositions, qui ne sont pas de niveau constitutionnel.
Nous avons déjà eu un long débat sur le cumul des mandats.
Tout d’abord, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, ces dispositions relèvent non pas de la loi constitutionnelle, mais de la loi organique.
Ensuite, le Gouvernement n’est pas favorable à l’interdiction absolue du cumul des mandats. Les élus sont libres de ne pas cumuler s’ils le souhaitent.
Enfin, la loi organique du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux, un texte fruit d’une initiative d’un gouvernement socialiste, réalise un équilibre satisfaisant. Nous ne souhaitons pas aller plus loin.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Notre hémicycle est plein de charme, mais il est un peu vide ce soir. Sans le cumul des mandats, il serait probablement mieux garni et vous auriez un public plus nombreux, monsieur le président de la commission.
Exclamations amusées.
Le mandat de sénateur est particulièrement riche et intéressant, que vous représentiez des Français établis hors de France ou des Français de métropole. Je remplis le mien pleinement et je plains ceux qui continuent à se disperser, bêtement allais-je dire, entre trente-six mille tâches dont ils ne s’acquittent d’aucune correctement.
Ce soir, quatre sénateurs représentant des Français de l’étranger sont présents ; les huit autres sont absents, et sans cumul de mandat !
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, j’ai la conviction que le cumul des mandats tel que nous le connaissons est l’une des causes de l’affaiblissement du pouvoir parlementaire et du pouvoir législatif.
Cela dit, la question est plus complexe que ne le laisse penser la rédaction de l’amendement.
Tout d’abord, elle se pose en termes différents à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Il me paraît légitime, pour ne pas dire normal et souhaitable, qu’un sénateur ne soit pas déconnecté des collectivités locales qu’il représente. Il s’agit en effet d’une de ses missions essentielles. En revanche, le cumul est selon moi beaucoup moins évident et a des conséquences beaucoup plus graves pour l’Assemblée nationale.
Comme l’a indiqué M. le président de la commission des lois, ce n’est ni le lieu ni le moment d’ouvrir ce débat. Je tiens néanmoins à préciser que, à titre personnel, je m’oriente plutôt vers une limitation dans le temps.
Il ne me paraît pas mauvais que, pendant un certain temps, un élu national, fût-il député, cumule deux niveaux de responsabilité.
En revanche, il est plus délicat, et pas seulement en termes de cumul, qu’un même mandat puisse être renouvelé deux fois, trois fois ou plus. C’est contraire à une bonne dynamique parlementaire.
Bien que je partage la préoccupation des auteurs des amendements, je ne pourrai que m’abstenir, puisque ma vision diverge assez profondément de la leur.
J’ajoute que je m’exprime au nom des nombreux membres de mon groupe qui sont présents ce soir, car, nous, nous ne cumulons pas grand-chose !
Sourires
Il en va du cumul des mandats comme d’autres sujets. Ce qui est regrettable, c’est l’impossibilité d’engager une discussion sérieuse.
Certes, tous les mandats ne sont pas comparables. La charge de travail varie beaucoup selon que l’on est élu d’une très grande ou d’une toute petite ville et, en cas de cumul avec un mandat national, les incidences ne sont pas les mêmes.
Tout le monde le sait et toutes les familles politiques sont concernées. On constate néanmoins un refus systématique d’en discuter, chacun défendant sa formation politique ou sa propre situation.
Il existe une incompatibilité de fait entre un mandat exécutif important, celui de maire d’une grande ville par exemple, et un mandat parlementaire. Pourtant, de nombreux maires de très grandes villes sont parlementaires, ce qui entraîne les difficultés que l’on connaît.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 104, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° de cet article :
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. »
La parole est à M. le rapporteur.
Avec cet amendement, nous conservons le principe d'une commission indépendante chargée de donner un avis sur les projets de redécoupages électoraux et nous précisons ses compétences.
Cette commission ne pourrait rendre un avis sur les projets de délimitation des circonscriptions de l'élection des sénateurs, car, à la différence des circonscriptions prévues pour les élections législatives, qui peuvent être amenées à évoluer en fonction de la démographie, ces circonscriptions sont des territoires clairement définis et permanents, départements ou collectivités d'outre-mer.
Il s’agit donc d’une rectification par rapport au texte initial.
Le sous-amendement n° 343, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 104, remplacer les mots :
dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement
par les mots :
dont la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement sont fixées par une loi organique
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps le sous-amendement n° 347, qui concerne le même sujet, la commission de redécoupage territorial.
Il est fondamental que la composition ainsi que les règles de fonctionnement et d’organisation de cette commission garantissent son indépendance, notamment à l’égard de toute pression politique.
La commission des lois du Sénat ne nous rassure pas en proposant cet amendement. En effet, si on laisse à la loi la possibilité à la loi de décider du sort de cette commission et de son fonctionnement, on abandonne à la majorité le soin de décider de l’avenir de nos circonscriptions.
Dans sa version finale, le 2°de l’article 10 a pour objet de mettre en place une commission indépendante chargée de se prononcer par un avis public sur les projets et propositions de loi délimitant les circonscriptions électorales.
D’une part, il apparaît dangereux d’introduire dans la Constitution une commission sans en définir les contours : on ne sait pas de quel type de personnalités elle est composée, et en quoi elle est indépendante. Ces questions sont renvoyées à une loi qui devra déterminer la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement de ladite commission.
Mais les principes qui seront érigés par cette loi ne sont pas posés. Rien dans cet article ne garantit que la commission en question sera indépendante, dans la mesure où son sort est laissé à l’appréciation de la majorité, dans le cadre de l’adoption d’une loi simple.
Il est très probable que la future réforme – devenue nécessaire –, des découpages des circonscriptions électorales se fasse par voie d’ordonnance. Ainsi, le Parlement sera totalement dépourvu de pouvoir de contrôle.
Il convient de donner la possibilité à l’opposition de se prononcer sur une telle question, sans quoi, le redécoupage se fera au profit de la majorité t au pouvoir.
C’est pourquoi ce sous-amendement tend à fixer par une loi organique la composition et le mode de fonctionnement de cette commission. C’est le strict minimum dans le cadre d’une réforme qui cherche, c’est du moins le but affiché, à revaloriser les droits de l’opposition.
Enfin, il est nécessaire de prévoir qu’un tel redécoupage électoral doit intervenir de manière régulière, afin de tenir compte de l’évolution démographique de notre pays.
Le sous-amendement n° 347, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. - Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 104, remplacer les mots :
dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement
par les mots :
dont la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement sont fixées par une loi organique
II. - Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La loi organique visée à l'alinéa précédent définit les conditions dans lesquelles une délimitation des circonscriptions électorales intervient tous les dix ans à compter de son entrée en vigueur ».
Ce sous-amendement a été défendu.
Le sous-amendement n° 270 rectifié, présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Gourault et Payet, MM. Soulage, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly et MM. Nogrix, J.L. Dupont, C. Gaudin, Zocchetto et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après les mots :
députés ou
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 104 :
des sénateurs ou modifiant la répartition entre elles. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Ce sous-amendement tend à revenir au texte du projet de loi constitutionnelle afin que la commission indépendante donne également son avis sur les délimitations des circonscriptions des sénateurs.
L'amendement n° 185, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer le mot :
indépendante
par les mots :
pluraliste et comprenant un représentant de chaque groupe parlementaire
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mon propos concerne la création d’une commission dite indépendante qui sera chargée de rendre un avis sur les projets et propositions tendant à délimiter les circonscriptions.
La création d’une telle commission paraît nécessaire dans la mesure où elle permettrait d’étudier le redécoupage électoral d’une manière plus juste et plus objective. La refonte de la carte électorale a en effet été trop souvent, par le passé, synonyme de manœuvres politiciennes.
Cela étant, nous nous inquiétons de l’efficience du travail de cette future commission, alors que le chantier d’un redécoupage électoral vient d’être ouvert.
Il serait d’ailleurs intéressant que des précisions nous soient données sur le rôle que joue actuellement M. Alain Marleix sur ces questions. C’est en effet le secrétaire d’État chargé de l’intérieur et des collectivités territoriales qui a été choisi par le Président de la République, au détriment de Mme Alliot-Marie, pour mener à bien ce travail.
Je rappelle que, à l’Assemblée nationale, le 24 octobre 2007, Mme Alliot-Marie avançait plusieurs principes pour mener à bien la réforme de la carte électorale. Elle proposait, pour chaque circonscription, un ratio de l’ordre de 125 000 habitants, plus ou moins 10%, ce qui laissait ouverte l’hypothèse d’une correction aux proportionnelles.
Elle précisait également que le tracé des circonscriptions ne devait pas couper un canton en deux, ce qui suppose donc une réforme cantonale concomitante.
Or M. Marleix a rappelé que Mme Alliot-Marie n’avait pas été chargée de ces questions et que, quant à lui, il entendait s’en tenir à la méthode de la répartition par tranche déjà appliquée en 1986.
Il est évident que le redécoupage de la carte électorale se fera alors en fonction d’intérêts politiques et non sur des critères démographiques. La preuve en est que M. Marleix ne compte pas attendre l’issue du recensement, prévue pour la fin de l’année 2009.
Par conséquent, la nouvelle disposition de l’article 10 qui vise à mettre en place une commission indépendante, que nous ne rejetons pas, nous paraît cependant quelque peu légère. Indépendante de qui, comment et avec quels moyens ? Le texte reste muet sur ces questions.
Avec cet amendement, nous proposons de renforcer les droits et les compétences de cette commission, en proposant notamment qu’elle soit pluraliste et comprenne un représentant de chaque groupe parlementaire. C’est là, me semble-t-il, une condition minimale pour que la refonte de la carte électorale se fasse dans la plus grande transparence.
L'amendement n° 443, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Collomb, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :
, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement,
II. - Compléter le même 2° par deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette commission indépendante est composée de magistrats et de personnalités qualifiées non parlementaires, dont la nomination est soumise à l'avis d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes et statuant à la majorité des trois cinquièmes.
« Une loi précise les modalités de désignation de membres de cette commission, ses règles d'organisation et de fonctionnement et les critères sur lesquels repose la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés ou sénateurs ou répartissant les sièges entre elles. »
III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La commission indépendante visée aux trois derniers alinéas de l'article 25 de la Constitution, tel qu'il résulte de la présente loi constitutionnelle, est constituée avant le 31 décembre 2008. Elle est consultée pour la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés intervenant après l'entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle.
La parole est à M. Bernard Frimat.
Nous sommes là sur un sujet important et mon propos n’est pas de m’interroger sur ce qui se passe au sein du Gouvernement mais bien sur la commission elle-même.
Madame le garde des sceaux, cette commission indépendante sera-t-elle en place pour étudier le découpage actuellement envisagé ? Si cette commission indépendante arrivait en effet après la bataille, c'est-à-dire une fois le découpage fait et validé, son indépendance serait frappée d’une extraordinaire relativité.
Quelle est donc la date d’application du dispositif proposé ? Je me permets de vous faire remarquer qu’à l’article 34, qui prévoit les dates d’application, vous n’indiquez pas la date d’entrée en vigueur de cette commission. Nous vous demandons un engagement à ce sujet, un engagement minimal de présumée bonne foi.
Et qu’est-ce qu’une commission indépendante ? Vous affirmez que la commission est indépendante, mais de quel degré d’indépendance s’agit-il dans votre esprit ?
Nous avons fait des propositions. Je sais qu’elles sont très détaillées et qu’elles ont déjà encouru votre critique pour ce motif. Elles ne sont donc peut-être pas du niveau d’une Constitution, mais elles vont au moins vous permettre de nous dire si la composition, telle que nous l’avons envisagée, correspond à la vision que vous avez du problème ou bien si elle lui est contraire.
Qu’il faille redécouper, le Conseil constitutionnel l’a dit, et c’est une évidence, puisque la France a changé. Il nous importe de tenir compte de l’évolution de la géographie urbaine et des déplacements de population. Pourquoi serions-nous opposés à un découpage ? Nous souhaitons simplement obtenir sur ce découpage les garanties nécessaires.
Enfin, M. Hyest a, avec beaucoup de dextérité, ôté les sénateurs du dispositif. C’est une fausse garantie et il aurait été plus simple, par parallélisme avec les députés, de les maintenir et de ne pas supprimer la possibilité d’émettre un avis sur les circonscriptions sénatoriales.
L'amendement n° 81, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :
ou des sénateurs
La parole est à M. Hugues Portelli.
Il s’agit simplement de rappeler que les dispositions qui sont applicables aux députés ne sont pas actuellement transposables aux sénateurs pour ce qui concerne le second alinéa du 2°de l’article 10.
Par le sous-amendement n° 343 on entend fixer la composition et le règlement d’organisation de la commission indépendante chargée de donner un avis public par une loi organique, et non par une loi. Cette modification ne paraît pas nécessaire, une loi simple suffit. La commission a donc émis un avis défavorable.
Il en va de même pour le sous-amendement n° 347, qui prévoit en outre que cette loi organique définit les conditions dans lesquelles un redécoupage décennal des circonscriptions électorales interviendrait. Cette précision ne semble pas nécessaire. La commission y est défavorable.
Le sous-amendement n° 270 rectifié en revient au dispositif initial du projet de loi pour permettre à la commission indépendante de se prononcer sur les projets de texte délimitant les circonscriptions sénatoriales.
La commission des lois estime quant à elle que ces circonscriptions sénatoriales sont des territoires clairement définis, départements ou collectivités d’outre-mer, et qu’il n’est donc pas utile de prévoir la compétence de la commission pour se prononcer sur leur devenir. En effet, en cas de changement, il faudrait d’abord que nous en soyons saisis et ensuite viendrait la répartition des sièges entre les circonscriptions.
Concernant l’amendement n° 185, je comprends l’exigence de nos collègues, mais nous pouvons aussi prévoir une commission composée par exemple de membres de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes. C’est ce qui s’était produit en 1986, pour le redécoupage des circonscriptions législatives.
Des consultations des groupes et des partis politiques auront lieu, cela va de soi, mais il ne serait pas souhaitable que les représentants des groupes parlementaires siègent dans cette commission.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce serait contradictoire, elle ne serait plus indépendante !
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Nos collègues socialistes suggèrent que la nomination des membres de la commission soit elle-même soumise à l’avis d’une commission comprenant à parité des députés et des sénateurs qui statueraient à la majorité des trois cinquièmes. Évidemment, aucun parlementaire ne siégerait au sein même de cette commission, ce qui est logique.
La composition de la commission indépendante sera fixée par la loi. Je vous rappelle que, en 1986, la commission consultative qui avait donné son avis sur le redécoupage des circonscriptions législatives était composée de membres de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes. Son indépendance n’a jamais été mise en cause, et n’avait pas de raison de l’être.
Je pense que cette solution devrait et pourrait être adoptée. Il convient de conserver de la souplesse pour ces nominations dont nous pourrons d’ailleurs débattre lors de la discussion de la loi.
Je demande donc aux auteurs de bien vouloir retirer leur amendement.
Même si je peux avoir un avis sur la question, mon cher collègue, je laisse au Gouvernement le soin de vous répondre.
Quant à l’amendement n° 81, il est satisfait par celui de la commission des lois.
L’amendement n° 81 est retiré.Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
En ce qui concerne les délais, il faut bien entendu, dans un premier temps, attendre les chiffres définitifs de la population, qui seront publiés à la fin de 2008. Vous le savez, le recensement est désormais réalisé par enquêtes annuelles étalées sur cinq ans.
Ensuite, c’est sous la houlette de la commission indépendante que s’effectuera le redécoupage des circonscriptions des députés.
Je le rappelle, il s'agit d’une obligation imposée par le Conseil constitutionnel. Pour sa part, le Sénat avait, de sa propre initiative, tenu compte des évolutions démographiques lors de la réforme sénatoriale de 2003.
Une fois que la commission indépendante aura terminé ses travaux, nous aurons alors à débattre du redécoupage dans le cadre de l’examen d’un projet de loi, comme députés et sénateurs l’avaient fait en 1986.
À l’époque, certains avaient crié au « charcutage », mais on a vu le résultat des élections de 1988 ! Le charcutage ne devait pas être si important qu’on l’a dit, n’est-ce pas, monsieur Pasqua ?
Rires
Par la disposition en discussion, le Gouvernement entend mieux garantir l’impartialité des redécoupages électoraux. L’obligation de consulter une commission indépendante qui rend son avis publiquement a pour objet d’apporter une plus grande transparence au processus.
L’amendement de la commission des lois précise à juste titre que la commission n’a pas à se prononcer sur la délimitation des circonscriptions pour l’élection des sénateurs, puisque les sénateurs sont élus dans le cadre de départements et de collectivités d’outre-mer. Il maintient en revanche l’avis de la commission sur les éventuelles modifications de la répartition des sièges des sénateurs par département. De fait, pour la répartition des sièges, l’avis de la commission est aussi utile pour les sénateurs que pour les députés.
Ces deux modifications sont tout à fait opportunes. Aussi le Gouvernement est-il favorable à l’amendement n° 104.
En ce qui concerne la composition de la commission, le Gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de la fixer dans la Constitution elle-même. Cela alourdirait inutilement la loi fondamentale. Il est donc défavorable à l’amendement n° 443.
Il n’est pas non plus nécessaire de prévoir que cette composition est fixée par une loi organique et non par une loi ordinaire. Je comprends la philosophie de la disposition, mais, en l’espèce, cette précaution semble inutile dès lors que la Constitution précise qu’il s’agit d’une commission indépendante.
L’ancrage constitutionnel est largement suffisant pour que, si besoin est, la garantie d’indépendance de la commission puisse être examinée par le Conseil constitutionnel, qui serait saisi de la loi créant la commission.
Nous sommes donc également défavorables au sous-amendement n° 343.
L’amendement n° 185 du groupe CRC vise à prévoir la représentation de chaque groupe parlementaire au sein de la commission. Le Gouvernement y est défavorable. Une telle disposition poserait un problème d’impartialité et ne correspond pas à l’objet même de la commission, puisque nous souhaitons, pour compléter ce qu’a indiqué tout à l’heure le rapporteur, qu’y siègent également des experts, par exemple des statisticiens.
L’intervention de la commission apportera une plus grande transparence au processus et permettra de pacifier un débat qui est toujours passionné. Néanmoins, elle restera purement consultative. Le Parlement sera appelé à se prononcer dans une seconde phase, lors de l’adoption de la loi.
Enfin, le sous-amendement n° 347 vise à ce qu’une nouvelle délimitation des circonscriptions intervienne tous les dix ans. Le Gouvernement considère qu’il n’est pas utile de mentionner une périodicité. En effet, l’évolution des circonscriptions électorales est déjà une nécessité, puisque le Conseil constitutionnel s’assure que le redécoupage correspond aux évolutions démographiques ; ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une décision du Conseil. En revanche, fixer un délai dans le texte peut aboutir à des situations peu souhaitables. Ainsi, le délai peut expirer à un moment fort peu opportun, notamment pendant une année électorale. Il est donc nécessaire de laisser un peu de souplesse.
En résumé, nous sommes favorables à l’amendement n° 104 de la commission et défavorables aux autres propositions.
Monsieur Frimat, je tiens à préciser que M. Marleix, qui est placé auprès de Michèle Alliot-Marie, prépare effectivement les travaux de redélimitation des circonscriptions. Ceux-ci seront soumis à la commission que nous souhaitons créer afin qu’elle expertise le projet et rende un avis qui permettra d’éclairer la décision, comme je l’ai indiqué dans les observations que je viens de formuler.
Enfin, l’entrée en vigueur de ce dispositif ne fait pas l’objet d’une disposition spécifique puisqu’elle dépend de la loi qui déterminera l’organisation et le fonctionnement de la commission. Le Gouvernement prend l’engagement de saisir le Parlement avant la fin de l’année.
M. Michel Charasse. Monsieur le rapporteur, cher monsieur le rapporteur
Sourires
Admettons !
Pour ce qui est de la commission – et je suis heureux que Charles Pasqua soit présent parmi nous –, je voudrais rappeler que l’inventeur de ce système, ce fut Charles Pasqua, lorsque le Premier ministre, en 1986, l’avait chargé de procéder à un redécoupage. Il avait alors fait voter par le Parlement, dans une loi d’habilitation, la création et la composition de la commission, laquelle, si je me souviens bien, était composée en majorité de magistrats de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, c’est-à-dire du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation.
Pour ma part, j’avais été chargé par l’Élysée de suivre la question, Charles Pasqua se le rappelle certainement.
M. Michel Charasse. Sincèrement, je n’ai pas gardé le souvenir d’un travail abominable. La commission était réellement indépendante, et le rapporteur qu’elle avait désigné, Mme Marie-Françoise Bechtel, membre du Conseil d’État, était d’ailleurs plus proche du président Mitterrand que du Premier ministre de l’époque.
Rires sur les travées du groupe socialiste.
… avait déclaré en substance au Premier ministre ou au ministre de l’intérieur que, de toute façon, quoi qu’ils fassent, aucune loi électorale, même très inégale, ne résisterait jamais à une poussée électorale et n’empêcherait de gagner des élections.
Le président Mitterrand a refusé de signer les ordonnances, considérant qu’il ne lui appartenait pas, sur une question de cette nature, de faire le travail des assemblées, alors que la situation ne présentait aucun caractère de crise ou d’urgence.
Je livre au Sénat, à toutes fins utiles, l’analyse de la présidence de la République à l’époque : sur 577 circonscriptions, il y en avait 30 à 40 dont le découpage pouvait être contesté. Ce n’était pas un nombre colossal !
Le Président ayant refusé de signer les ordonnances, celles-ci ont été transformées en projet de loi, que le Parlement, si je me souviens bien, a adopté selon la procédure de l’article 49-3. Le Conseil constitutionnel a été saisi et a lui-même estimé, par la voix de son rapporteur – c’était alors Robert Fabre –, que, si certains écarts pouvaient paraître anormaux, l’ensemble n’était pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
M. Michel Charasse. Tout cela m’amène à la conclusion que, le système étant constitutionnalisé, la seule chose que l’on peut espérer, c’est que ce ne sera pas pire !
Rires sur les travées du groupe CRC.
M. le président. La parole est à M. Charles Pasqua, pour explication de vote
M. Michel Charasse s’exclame
M. Charles Pasqua. Je suis d’autant plus certain que M. Charasse m’écoutera avec attention qu’à l’époque nous étions en contact permanent !
Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.
Qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ? Pas la peine de faire ainsi les étonnés : c’est la logique même !
L’ambition que nous avions tous, à l’époque, était de parvenir à un découpage convenable et acceptable par l’ensemble des mouvements et des groupes politiques.
J’ai donc proposé de créer une commission composée ainsi que cela a été rappelé tout à l’heure. Quelle était ma principale attente à son égard ? C’était qu’elle me protège, non pas de l’opposition, mais des demandes excessives éventuelles de la majorité. C’était cela, la réalité des choses !
Nous avions posé les principes du découpage et défini les écarts que nous pouvions accepter selon les circonscriptions.
M. Charles Pasqua. Oui, dans la loi ! Pour le reste, évidemment, la paire de ciseaux ne pouvait pas être tenue par plusieurs personnes !
Sourires
Je remercie d’ailleurs nos amis communistes, qui, à l’époque, avaient conçu une excellente affiche §...
M. Charles Pasqua. … sur laquelle on voyait le Premier ministre et moi-même chacun en tenue de charcutier.
Sourires
C’était une très belle affiche, dont je vous remercie beaucoup. Je l’ai gardée dans mes archives !
Nouveaux sourires.
Plus sérieusement, il faut bien se rendre compte des difficultés que comporte une opération de découpage électoral : quelle que soit la volonté que l’on a d’aboutir à un résultat équilibré, c’est extrêmement difficile.
Je le répète, je voulais me protéger des excès de mon propre camp. Et c’est en cela que la commission nous était extrêmement utile : chaque fois que j’étais confronté à une demande qui me paraissait abusive, qu’elle émane d’un bord ou de l’autre, je demandais l’avis de la commission, et je me retranchais derrière.
Michel Charasse, qui a une excellente mémoire, doit se souvenir comme moi d’un déplacement durant lequel nous avions accompagné le président Mitterrand. Il s’était conclu par un dîner – rien d’extraordinaire à cela – au cours duquel un éminent membre du parti socialiste local m’avait sinon agressé, le mot serait excessif, du moins pris à partie en se plaignant du découpage. Et Mitterrand lui avait dit en substance : « Je ne vois pas de quoi vous vous plaignez ! Le découpage qui vient d’être fait vous garantit d’être réélu pendant les trente prochaines années qui viennent. Vous pourriez au moins vous tenir tranquille ! »
Encore une fois, voilà la réalité des choses ! Et Michel Charasse a raison de souligner que, quels que soient la loi électorale ou le découpage électoral, ils ne sauraient en aucun cas vous garantir le succès aux élections concernées : ce qui permet de gagner une élection, c’est la confiance que l’on suscite dans le peuple, c’est le projet que l’on a.
Quant aux ordonnances, j’ai un souvenir très précis lié au refus du Président de la République de les signer. Il faut dire que j’avais exprimé ici même, dans cet hémicycle, le vœu qu’à l’issue de ce découpage électoral on m’élève une statue ; toujours dans cette enceinte, mais au cours d’un autre débat, j’avais en un autre temps signifié – et je regrette que M. Badinter ne soit pas parmi nous ce soir pour le confirmer– mon souhait que François Mitterrand soit traduit devant la Haute Cour de justice.
François Mitterrand avait une excellente mémoire, mais il ne confondait pas les attaques personnelles et le combat politique. À l’époque des ordonnances, donc, il m’avait fait appeler à l’issue d’une réunion du conseil des ministres pour me confirmer qu’effectivement il ne les signait pas, qu’il n’en était pas question et qu’il nous faudrait passer devant le Parlement.
Je rappelle au passage, cela a été dit dans le débat…
M. le président. Pourquoi ne pas écrire vos mémoires, ce sera certainement très intéressant !
Sourires
M. Charles Pasqua. Mais je suis précisément en train de le faire, monsieur le président !
Nouveaux sourires.
Je ne prends pas souvent la parole. Alors, peut-être pouvez-vous manifester à mon égard au moins autant de tolérance qu’envers M. Badinter ! Je n’en demande pas tant !
Donc, François Mitterrand, qui avait le sens de l’humour, m’a déclaré que, si je ne méritais certainement pas qu’on m’élevât une statue pour ce projet de découpage, je ne serais pas pour autant traduit devant la Haute Cour.
Sourires
M. Charles Pasqua. J’en profite pour vous mettre en garde sur l’utilisation de cet article. Il a des vertus, certes, et chacun les connaît, mais il est appelé à contrôler les excès de la majorité plus que ceux de l’opposition !
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.
M. Jean-Pierre Sueur. J’en suis désolé, mais je reviens à l’année 2008, non sans avoir félicité nos excellents collègues mémorialistes, dont l’apport est considérable sans doute pour l’histoire, certainement aussi pour le présent, mais surtout pour l’avenir !
Rires
L'article 10 du projet de loi constitutionnelle précise que la commission « se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs ou répartissant les sièges entre elles ». La commission veut, par l’amendement n° 104, supprimer la notion de circonscriptions pour l’élection des sénateurs.
Dans le même temps, vous avez précisé, monsieur le rapporteur – vous avez abondé en ce sens, madame le garde des sceaux, et je vous remercie de la clarté de vos propos – qu’il ne saurait être question pour vous d’inscrire les modes de scrutin dans la Constitution.
Mais alors, la modification que tend à apporter l'amendement n° 104 vient contredire ce principe.
En effet, et je rappelle que nous rédigeons la Constitution et non une loi ou une loi organique, vous préjugez ce faisant que la circonscription pour l’élection des sénateurs sera toujours uniquement le département.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
...et je ne doute pas que vous pensiez que c’est la bonne. Je tiens cependant à vous faire observer que le groupe socialiste a déposé une proposition de loi, ...
... largement inspirée, d’ailleurs, d’un certain nombre de remarques émises en particulier par le comité Balladur, qui prévoit – et nous avons le droit de le faire, même si vous pouvez le contester – un collège pour les communes, un collège pour les représentants des départements et un collège pour les représentants des régions.
Ce n’est pas du tout choquant. Vous vous plaisez à considérer les uns et les autres que la place des représentants des départements et des régions dans le corps électoral pour le Sénat est minime. Mais elle est tout à fait infime par rapport à la place qui est celle des départements ou des régions ! C’est pourquoi nous proposons qu’il y ait 20 % des sièges pour les représentants des régions, 20 % pour les représentants des départements et 60 % pour les représentants des communes. Cela se discute, et vous avez le droit, chers collègues, de ne pas être d’accord avec cette proposition.
Madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, nous estimons que, dès lors qu’il est inscrit dans la Constitution que la circonscription pour l’élection des sénateurs est intangible, à savoir qu’elle ne saurait être que le département, vous prenez de facto position, et ce au sein même de la Constitution, sur les modalités de l’élection des sénateurs.
C'est la raison pour laquelle je plaide contre l’amendement n° 104 et pour la disposition adoptée à une grande majorité par l'Assemblée nationale, qui présente le plus d’ouverture possible pour l’avenir.
Je voterai l'amendement n° 443.
Cette journée aura été enrichissante : nous aurons appris beaucoup sur l’histoire, sur Thiers, sur la Constitution d’avant 1962 et sur l’histoire plus récente.
M. le président. Mon cher collègue, nous attendons votre explication de vote.
Sourires
M. Richard Yung. Monsieur le président, on peut tout de même se réjouir de la qualité des débats et du fait que nous nous instruisions autant !
Nouveaux sourires.
J’ai appris à cette occasion que le découpage électoral pouvait être une entreprise consensuelle et pacifique. J’avais plutôt dans l’idée que le sujet était assez conflictuel et que l’opération se terminait toujours par des affrontements. Si tout cela peut se faire de façon harmonieuse, tant mieux, réjouissons-nous !
Mais, pour en revenir à l’amendement n° 443, je souhaite m’attarder sur la commission indépendante, institution qui existe dans la plupart des autres grands pays, notamment les États-Unis. La création d’un organe de cette nature est normale, dans le cadre de la modernisation de notre vie constitutionnelle, puisque c’est de cela que nous débattons.
Pour ce qui est de la composition de cette commission, il est important que, aux côtés des magistrats qui, traditionnellement, en France, siègent dans toutes sortes d’institutions et qui sont issus des plus hautes juridictions – Conseil d’État, Cour de comptes, Cour de cassation –, se trouvent un nombre important de personnalités ayant une expérience de terrain. Je pense à des statisticiens, à des démographes, à des urbanistes, à des acteurs de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire à tous ceux qui ont une certaine perception de l’évolution des territoires et de la vie. Cela permettra à cette commission de réaliser un travail utile pour le pays.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Peut-être notre obstination à vouloir à tout prix inscrire dans la Constitution les conditions dans lesquelles une commission pourra être nommée, organisée et fonctionner, afin de régler au mieux les nécessaires redécoupages électoraux, vous étonne-t-elle.
Je ne remonterai pas à des temps immémoriaux pour expliquer cet entêtement. Je me contenterai de rappeler qu’au dernier trimestre de l’année 2007 il a été procédé à un autre redécoupage, celui de la carte judiciaire.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il s’est fait sans que la commission prévue ait été consultée deux fois, sans que les avis des présidents de cour aient été suivis dans la grande majorité des cas, sans que les ordres professionnels, en particulier l’ordre des avocats, aient pu parler – ils ont été réduits au silence !
M. Charles Pasqua s’exclame
Nous en verrons les conséquences dans les années à venir : une grande partie de la population, celle qui ne peut pas se déplacer, celle qui se trouve éloignée de tout, celle qui n’a pas les moyens de mettre de l’essence dans sa voiture ou qui n’a pas de voiture, ...
... n’aura plus accès à la justice.
Nous souhaitons que, pour les électeurs, l’exercice du droit de vote s’effectue dans des conditions plus satisfaisantes que l’accès à la justice qui leur sera dorénavant réservé !
Madame le garde des sceaux, je vous remercie d’avoir répondu à la question portant sur le calendrier. Comme nos débats ont une valeur interprétative, je prends acte du fait que la commission sera consultée sur le prochain découpage électoral et que le 31 décembre 2008 a été retenu comme date butoir.
Cette date est celle du dépôt de la loi !
Vous nous avez assurés que le découpage électoral n’aurait pas lieu tant que la commission ne serait pas créée, que celle-ci émettrait un avis sur le projet de découpage électoral et qu’un projet de loi serait déposé devant le Parlement avant la fin de l’année. À partir du moment où nous en avons la garantie – j’attache de l’importance aux déclarations qui sont faites en séance –, je considère qu’il s’agit d’une démarche positive.
Cela étant, madame le garde des sceaux, et je rejoins en cela l’avis de Jean-Pierre Sueur sur l'amendement n° 104, j’aurais aimé que vous nous disiez, non pas ce qu’il faut penser du découpage électoral de 1986, mais si nous nous acheminons vers un découpage du type de celui de 1986. Quel est votre sentiment ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Pasqua, vous avez bien fait de garder l’affiche en question, car elle est aujourd'hui épuisée et la vôtre a dû prendre de la valeur !
Sourires
Sur la question de la commission indépendante, je considère que la version de l'Assemblée nationale est meilleure, car elle ne distingue pas l’élection des députés de celle des sénateurs, alors que le périmètre des circonscriptions peut évoluer. En outre, cela nous donne la garantie que la commission est également compétente pour fixer le ratio entre la population et les circonscriptions.
Pour ma part, je voterai l'amendement n° 185. Il ne s’agit pas que la commission soit composée uniquement de représentants de groupes ou de forces politiques, mais nous pensons, puisque de toute façon ces mouvements sont consultés, qu’il est préférable qu’ils le soient collectivement dans le cadre de cette commission plutôt que de façon opaque.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 270 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 104.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 185 et 443 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
L'article 10 est adopté.
L'amendement n° 374, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, après les mots : « conditions d'éligibilité, », sont insérés les mots : « notamment la limite d'âge à partir de laquelle un parlementaire ne peut plus se présenter à une élection, ».
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement vise à instaurer un âge limite.
Il est étonnant qu’un individu ne puisse pas se présenter à des élections s’il n’a pas atteint un âge spécifique, mais que rien ne soit prévu en termes d’âge limite.
Cet amendement a un objet très simple : couplé avec le non-cumul des mandats dans le temps, il aurait pour effet de donner plus de places aux jeunes dans les hémicycles de nos assemblées.
Dans la plupart des secteurs d’activité, il est interdit de travailler au-delà d’un certain âge ; pourquoi n’en serait-il pas de même pour les parlementaires ?
Avec tout le respect que je leur dois, les parlementaires qui siègent depuis quarante ans et plus dans notre hémicycle sont aujourd’hui en quelque sorte inamovibles.
Il n’est pas question ici de discriminer les personnes les plus âgées. Il s’agit simplement de poser le principe selon lequel à partir d’un certain âge, qui pourrait être fixé par une loi organique, une personne ne peut plus se présenter ou se représenter à une élection nationale. Cela ne concerne donc pas les élections locales, mes chers collègues !
Notre souhait est de rajeunir, de féminiser, de métisser nos assemblées. Ce sont trois maîtres mots de toute la modernisation de nos institutions.
Ce point ne relève pas du domaine de la Constitution.
Mes chers collègues, nous avons encore de nombreux sujets importants à examiner. De surcroît, un engagement moral a été pris pour que nous finissions nos travaux dans des conditions raisonnables. Je propose que chacun défende ses amendements, que la commission et le Gouvernement donnent leur avis et qu’il n’y ait pas trente-six explications de vote. Il convient de ne pas se répéter, surtout lorsqu’il s’agit de limite d’âge. Cela pourrait finir par être désagréable !
La commission émet un avis défavorable.
Défavorable !
Je veux simplement prendre la parole contre les amendements que présente Mme Alima Boumediene-Thiery après l’article 10. Certes, on peut discuter du cumul des mandats, du cumul dans le temps, …
… mais il me semble discriminatoire d’interdire à une personne, en raison de son âge, de se présenter à une élection. C’est aux électeurs de juger !
Je pourrais vous donner des exemples, mes chers collègues, mais je ne le ferai pas. Nous connaissons tous, il est vrai, des élus de grand talent, dont l’engagement, tout au long de la vie, fut parfaitement estimable, mais qui ont présenté la candidature de trop, laquelle fut un naufrage personnel.
Mais il faut laisser aux électeurs le pouvoir de choisir.
Ces propos ne constituent nullement une profession de foi contre la féminisation, le rajeunissement, le métissage. Il revient aux formations politiques d’avoir la volonté de les promouvoir lors de la présentation de leurs candidatures.
Le fait que ce soit quelqu’un du groupe auquel Mme Boumediene-Thiery est rattachée qui formule ces remarques est peut-être emblématique, du point de vue de notre démocratie, du climat apaisé qui peut régner et qui régnera tant que nous pourrons nous exprimer tranquillement.
M. Pierre Fauchon applaudit.
Monsieur Frimat, je vous laisse le soin de convaincre Mme Boumediene-Thiery…
Je mets aux voix l’amendement n° 374.
L'amendement n'est pas adopté.
M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.
L'amendement n° 375, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 25 de la Constitution est ainsi modifié :
1° - Dans le deuxième alinéa, le mot : « également » est supprimé ;
2° - Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle fixe également les conditions dans lesquelles sont amenées à être choisies les personnes appelées à assurer, en cas d'empêchement temporaire n'entraînant pas une vacance de siège au sens de l'alinéa précédent, le remplacement des députés ou des sénateurs pour une période ne pouvant excéder six mois. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement s’inspire de l’expérience de nos amis Hollandais, dont la législation reconnaît la possibilité, pour un parlementaire en congé de longue durée ou en congé maternité, d’être remplacé, à titre temporaire, par son suppléant, pour une durée déterminée.
Nous avons souhaité que cette possibilité figure dans la Constitution.
Les causes d’empêchement temporaires sont variées : la maladie, la maternité, ou les missions de courte durée, déjà, d’ailleurs, reconnues par la loi.
La Constitution, renvoyant à la loi organique portant notre statut, ne prévoit rien sur cette question ; elle vise seulement le cas d’une vacance de siège emportant organisation d’une élection partielle.
Or, pour des raisons évidentes, il est nécessaire qu’un parlementaire puisse se faire remplacer, à titre temporaire, sans perdre son siège.
Le suppléant peut jouer alors son rôle, en garantissant au parlementaire absent un suivi et une représentation continue qui n’affectent ni son pouvoir de vote, ni son implication dans le travail législatif.
Il convient d’assurer en quelque sorte un intérim, au même titre que l’intérim du Président de la République. Bien sûr, le suppléant qui remplacera le parlementaire sera prévenu à l’avance, acceptera le remplacement. Grâce au statut de l’élu, notamment, des reconversions seront possibles.
La comparaison avec l’intérim du Président de la République est assez osée !
Madame Boumediene-Thiery, laissons à nos amis Hollandais leur spécificité !
La commission émet un avis défavorable.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, j’ai gardé le souvenir d’une ministre qui, dans les années quatre-vingt-dix, s’est fait connaître en accouchant à la une de Paris-Match. Ma chère collègue, l’adoption de votre amendement la priverait de cette publicité. Ce serait fâcheux !
Sourires
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 331, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 26 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait pour un membre du Parlement d'avoir pris part, pendant une session ordinaire ou extraordinaire, à moins de deux tiers des scrutins publics en séance, ou à moins de deux tiers des réunions de la commission permanente dont il est membre, peut faire l'objet, dans les conditions fixées par le règlement de chacune des assemblées, d'une procédure de sanction. Une loi organique fixe les motifs d'excuses susceptibles d'être invoqués par les parlementaires ainsi que les conditions et modalités de mise en œuvre de cette procédure. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mes chers collègues, il faut aussi regarder les expériences des autres pays pour s’enrichir !
Cet amendement concerne la question de l’absentéisme.
Une revalorisation des pouvoirs du Parlement passe nécessairement par la restauration d’une certaine discipline dans l’exercice de leur mandat par les parlementaires.
Dans notre hémicycle même, l’absentéisme est devenu chose courante, que nul outil ne permet de sanctionner, de quelque manière que ce soit.
Nous avons pu remarquer, ces dernières semaines, les « couacs » liés à l’absentéisme. Relevons la question préalable adoptée à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés en raison de la désertion des parlementaires, ou encore, dans cet hémicycle, les difficultés rencontrées pour atteindre le quorum lors du vote de la proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs.
Nous devons donc créer un outil qui permette de sanctionner l’absentéisme, à l’instar de ce qui se fait dans de nombreuses démocraties en Europe, y compris, d’ailleurs, au Parlement européen. C’est à cette condition que nous démontrerons notre attachement à la dignité de notre fonction.
M. Charles Pasqua proteste.
Le regroupement des séances publiques et des travaux des commissions permet à ceux de nos collègues qui malheureusement cumulent leur mandat avec un mandat local de s’astreindre à deux jours de travail par semaine au Sénat : ce n’est pas trop leur demander !
Cet amendement a pour objet d’inscrire le principe de la lutte contre l’absentéisme dans la Constitution.
Il faut effectivement réfléchir aux causes de l’absentéisme parlementaire et aux moyens de le dissuader. Je ne suis pas sûr que votre argumentation ait été complète, à cet égard, ma chère collègue, car ce ne sont pas forcément ceux qui exercent des mandats locaux qui sont absents !
J’ai même remarqué souvent que ceux qui exercent leur mandat local avec la plus grande fermeté sont aussi très présents au Parlement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Des dispositions figurent dans le règlement, mais encore faut-il les appliquer
Protestations sur certaines travées du groupe socialiste.
Je ne suis pas favorable à ce que nous traitions ce sujet à la légère. C’est un vrai problème.
Cela étant, il n’est pas de nature constitutionnelle.
L’article 15 du règlement du Sénat, qui a son équivalent à l’Assemblée nationale, …
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … prévoit, notamment, que, « en cas de trois absences consécutives non justifiées d’un commissaire dans une commission permanente, le bureau de la commission en informe le président du Sénat, qui constate la démission de ce commissaire, lequel ne peut être remplacé en cours d’année et dont l’indemnité de fonction est réduite de moitié jusqu’à l’ouverture de la session ordinaire suivante. »
Marques d’étonnement sur les travées de l’UMP.
Il n’est absolument pas besoin de faire figurer des sanctions dans la Constitution. Elles existent déjà dans les règlements des deux assemblées.
Ce type de sanction n’est pas de nature constitutionnelle, et guère de nature à faire évoluer les choses, comme l’on peut le constater, malgré les dispositions des deux règlements. La seule réelle évolution est la revalorisation du travail du Parlement, que nous vous proposons. Si les parlementaires ont davantage le sentiment de…
… compter et d’être valorisés, j’espère qu’ils seront alors plus présents.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte et A. Boyer, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 27 de la Constitution est complété par les mots : « quel que soit le mandat électif ».
Cet amendement a été retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 184, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 29 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 29. - Le Parlement se réunit en session extraordinaire à sa propre initiative ou sur proposition du Premier ministre, à la demande des trois cinquièmes des membres composant l'Assemblée Nationale, sur un ordre du jour déterminé. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Vaste sujet que celui de la tenue des sessions extraordinaires ! Chaque année, depuis 2002, des parlementaires, de droite comme de gauche, font entendre leur voix pour protester contre la pratique, instaurée par le Gouvernement, de faire examiner chaque été des textes fondamentaux.
Nous avons ainsi adopté l’Acte II de la décentralisation, la réforme du régime des retraites, de la sécurité sociale, des universités, la privatisation de GDF, récemment, l’instauration d’un service minimum dans les transports, autant dire des textes structurants.
Pour ce faire, le Gouvernement et le Président de la République ont choisi la période estivale, pendant laquelle les Français sont en vacances et l’activité des organisations syndicales ralentie.
Nous considérons qu’il s’agit d’un détournement grave de la Constitution et d’une manœuvre politicienne qui n’honore pas ceux qui la pratiquent. Nous souhaitons donc, par cet amendement, encadrer de manière limitative le recours aux sessions extraordinaires.
Nous voulons redonner au seul Parlement la faculté de convoquer une session extraordinaire, à condition que la décision soit prise à la majorité des trois cinquièmes.
Actuellement, aux termes de l’article 29 de la Constitution, le Parlement « est réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale ». Le pouvoir d’initiative est donc partagé, en théorie, entre le Premier ministre et la majorité absolue des députés.
La pratique institutionnelle est tout autre.
À ma connaissance, depuis 1958, une seule session extraordinaire a été réunie sur l’initiative des députés, au mois de mars 1979.
Par ailleurs, il est clair que le pouvoir de décision a été transféré au Président de la République.
Rappelons que, en 1987, durant la cohabitation, François Mitterrand, devant l’éventualité d’une session extraordinaire consacrée à l’examen du projet de loi réformant le statut de la régie Renault, avait cru bon de rappeler la prérogative du chef de l’État en précisant que le Gouvernement ne peut ni décider la convocation d’une session extraordinaire, ni en fixer l’ordre du jour.
De même, lorsque, au mois de mars 1960, Jacques Chaban-Delmas, président de l’Assemblée nationale, informe le général de Gaulle que 287 députés ont demandé la réunion d’une session extraordinaire sur les problèmes agricoles, le lendemain, par lettre, le Président de la République lui motive ainsi son refus : les députés se sont laissé influencer par les dirigeants des syndicats agricoles et, dès lors, la réunion du Parlement qui serait déterminée par des invitations d’une telle nature ne peut être tenue.
Depuis, nul ne conteste cette lecture de la Constitution, qui confère au Président de la République non seulement le pouvoir de prendre un décret, mais aussi un pouvoir d’appréciation plus vaste.
Cette interprétation témoigne encore du glissement de nos institutions vers un empiétement accru du pouvoir présidentiel sur les compétences conjointes du Gouvernement et du Parlement.
En outre, il faut bien admettre que les sessions extraordinaires ont souvent été instrumentalisées, afin de repousser à la période estivale l’examen des mesures les plus impopulaires.
Dans ces circonstances, il nous paraît opportun de confier au Parlement l’initiative des sessions extraordinaires, sur proposition éventuelle du Premier ministre, sessions dont l’ordre du jour doit être fixé de façon suffisamment consensuelle pour emporter l’adhésion de principe d’une majorité qualifiée des membres de l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 441, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 29 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 48 sont applicables au cours des sessions extraordinaires. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Notre amendement porte sur un sujet constitutionnel puisqu’il concerne le second alinéa de l’article 48 de la Constitution, qui prévoit la possibilité pour les membres du Parlement d’interroger régulièrement le Gouvernement lors de séances de questions orales ou de questions d’actualité.
Monsieur Sueur, votre proposition figure déjà dans la version adoptée par l’Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat y est favorable. Votre amendement est donc satisfait. Il aurait d’ailleurs dû être présenté à un autre moment du débat.
Si cet amendement est satisfait, je m’en réjouis ! Il n’empêche que les séances de questions d’actualité, qui sont si importantes – et là, je ne parle pas de la Constitution –, devraient être moins stéréotypées. Nous pourrions ainsi nous inspirer de la procédure, en vigueur dans certains pays, qui permet de répliquer et de rebondir sur la question initiale.
Je suis d’accord !
Une chose m’a toujours frappé : en dehors de la session ordinaire, lorsque le Parlement ne siège pas, il n’y a pas non plus de séances de questions d’actualité. Si des événements importants ont lieu pendant ces périodes, ...
... nous ne pouvons interroger le Gouvernement qu’en lui adressant des questions écrites.
Notre amendement tend, comme le préconise le comité Balladur, à instaurer des séances de questions d’actualité lors des sessions extraordinaires.
Encore une fois, si tel est le cas, monsieur Hyest, vous m’en voyez ravi, mais je n’en suis pas tout à fait certain.
Il est défavorable sur l’amendement n° 184.
L’amendement n° 441 étant satisfait, je demande à M. Sueur de bien vouloir le retirer.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 184.
S’agissant de l’amendement n° 441, monsieur Sueur, permettez-moi de relire le dernier alinéa de l’article 22 du projet de loi constitutionnelle : « Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement ». Nous vous serions donc reconnaissants de bien vouloir retirer votre amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 183, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 30 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 30. - L'ordre du jour des sessions extraordinaires ne peut comprendre les projets et propositions relevant du domaine de la Constitution, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946, sauf décision contraire des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Comme nous venons de l’exposer à l’amendement précédent, depuis l’été 2002, le Gouvernement détourne les règles constitutionnelles d’organisation des travaux parlementaires en décidant, avec le Président de la République, la tenue de longues sessions extraordinaires.
Il y a bien détournement et, pour le moins, interprétation abusive de la Constitution. En effet, depuis 1995, le temps du débat parlementaire est organisé en session unique, en lieu et place des deux sessions de trois mois existant précédemment.
La réforme de 1995 visait, sous l’impulsion du Président de la République, à renforcer le contrôle des assemblées sur l’activité de l’exécutif et, bien entendu, à améliorer la qualité de travail d’élaboration de la loi.
C’est actuellement tout le contraire qui se produit puisque, à un ordre du jour extrêmement chargé durant l’année s’ajoutent des sessions extraordinaires qui perdent leur rôle de complément de la session ordinaire pour devenir des moments essentiels de la vie législative.
Ces sessions extraordinaires d’été se déroulent, de fait, à une période qui permet l’adoption des textes concernés en dehors de tout contrôle démocratique et populaire réel. Pour cette raison, nous avions déposé une proposition de loi, le 25 juin 2004, visant à encadrer la tenue de ces sessions extraordinaires. Bien évidemment, cette proposition de loi n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour ni débattue dans cet hémicycle.
Pourtant, depuis cette date, la dérive s’accentue.
En 2003, le débat sur les retraites s’était poursuivi durant tout le mois de juillet ; en 2004, c’était la réforme de l’assurance maladie ; en 2006, la privatisation de GDF ; en juillet 2007, encore, MM. Sarkozy et Fillon engageaient la réforme des universités et, surtout, accordaient 14 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches avec la loi TEPA.
Le Président de la République, qui signe le décret de convocation des sessions extraordinaires, s’apprête une nouvelle fois à détourner la Constitution et à imposer, dès cet été, l’adoption d’un projet de loi abrogeant de fait les 35 heures et instaurant le service minimum dans les écoles.
Les conditions d’un débat démocratique ne sont donc pas réunies et les assemblées se transforment en chambres d’enregistrement accéléré.
Comment prendre au sérieux la volonté affirmée de renforcement des droits du Parlement dans le cadre de la révision constitutionnelle en cours ?
L’attitude du Gouvernement relève aujourd’hui de la manipulation des institutions puisqu’il n’y a nullement d’urgence à examiner ces textes. Une telle manœuvre a pour objectifd’éviter l’intervention du mouvement social, pourtant légitime, sur les décisions législatives.
Il est donc temps de préciser et de modifier la Constitution afin que le pouvoir exécutif ne puisse plus jouer avec le calendrier parlementaire, comme il est temps de redonner tout leur sens aux sessions extraordinaires en limitant le pouvoir de convocation au Parlement lui-même, sur sa propre initiative ou sur proposition du Premier ministre, ce qui fait l’objet de l’amendement précédent.
Il est également temps, et c’est l’objet du présent amendement, de limiter le champ législatif afin de réserver aux sessions ordinaires la période d’examen des projets de loi fondamentaux, c’est-à-dire ceux qui relèvent du domaine de la Constitution, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du préambule de la Constitution de 1946, sauf décision contraire des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale.
Pour toutes les raisons que nous avons déjà évoquées, une nouvelle rédaction de l’article 30 de la Constitution aurait également l’avantage de retirer au Président de la République ses compétences concernant le décret de convocation en session extraordinaire.
Vous évoquez les sessions extraordinaires, ma chère collègue, mais surtout une nouvelle catégorie de lois extraordinaires. Pour ma part, en effet, je ne sais pas ce que sont ces lois qui ne relèvent ni de la Constitution, ni de la Déclaration des droits de l’homme, ni du préambule de la Constitution de 1946 !
Il ne me paraît donc pas souhaitable d’inscrire votre proposition dans la Constitution.
L’avis de la commission est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 186, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 10 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la deuxième phrase de l'article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » » est supprimé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
L’amendement n° 438, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin de la seconde phrase de l'article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » est supprimé.
La parole est à M. Bernard Frimat.
L’amendement n° 438 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 186 ?
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer, est ainsi libellé :
Avant l'article 10 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 33 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les commissions parlementaires établissent un texte dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 42, elles font publier au Journal officiel le compte rendu intégral de leurs débats. »
La parole est à M. Michel Charasse.
Le projet de loi constitutionnelle prévoit que la discussion dans la première assemblée saisie sera désormais effectuée sur le texte établi par la commission permanente ou la commission spéciale.
Pour ne pas priver les électeurs, les citoyens ou les praticiens du droit de la connaissance des travaux préparatoires de la loi, qui sont tout de même indispensables pour comprendre ce qu’a voulu dire et faire le législateur – c’est la raison pour laquelle les travaux préparatoires de la loi discutée en séance publique sont publiés au Journal officiel –, je propose que, dans ce cas-là, les débats sur le texte de la commission, ainsi que les amendements et les propositions de la commission, soient également publiés au Journal officiel. Sinon, je ne sais pas comment les tribunaux feront pour interpréter la loi et comment les citoyens feront pour la comprendre.
Tel est l’objet de l’amendement n° 15 rectifié bis.
Si l’on me dit que cette faculté ou cette possibilité, qui me paraît être une obligation, peut être inscrite dans les règlements des assemblées, je veux bien. Mais, à partir du moment où la Constitution elle-même a prévu la publication intégrale des débats au Journal officiel, il me paraît nécessaire, par une règle de parallélisme évident, que les travaux des commissions, lorsqu’elles élaborent un texte législatif, soient également publiés au Journal officiel.
La publication au Journal officiel du compte rendu des débats prévu par l’article 33 de la Constitution est le corollaire du principe de publicité des séances.
Le fait que l’examen en séance publique pourrait porter sur les conclusions de la commission n’implique nullement la publicité des réunions des commissions. Nous ne proposons pas d’ailleurs que les commissions soient forcément publiques.
Cette publicité n’est ni nécessaire ni vraiment souhaitable.
Elle n’est pas nécessaire, car le texte issu des travaux de la commission pourra faire l’objet d’un débat en séance publique aussi approfondi qu’il peut l’être aujourd’hui, et même davantage puisque, une fois dégagé des amendements techniques et rédactionnels de commission, le débat pourra se recentrer sur les enjeux essentiels du texte. Il est donc inutile que la séance publique soit précédée d’une autre procédure publique.
Par ailleurs, le texte de la commission sera éclairé, comme le sont aujourd’hui tous les amendements, par le rapport de la commission.
La publicité n’est pas non plus souhaitable, car elle risque de priver le travail en commission de sa spécificité par rapport à la séance publique.
La discussion sur le texte de la commission n’est donc pas un motif pour assurer la publicité des travaux au sein de la commission.
En revanche, même s’il s’agit là d’une question distincte, la mise en œuvre des procédures d’examen simplifié des textes en séance publique, qui impliquerait que des amendements présentés ou rejetés en commission puissent être discutés de nouveau dans l’hémicycle, comme pourrait le permettre l’article 18 du projet de loi constitutionnelle, supposerait d’organiser la publicité du travail des commissions. Les conditions de cette publicité, circonscrite au seul cas où l’assemblée aurait accepté le principe d’un examen simplifié des textes, seraient définies dans le règlement de chaque assemblée, comme c’est le cas déjà pour les textes simplifiés de la commission des affaires étrangères.
Je vous demande donc, mon cher collègue, compte tenu de ces explications, de bien vouloir retirer votre amendement.
Monsieur Charasse, le Gouvernement partage, dans la pratique, la philosophie de votre amendement, car il est important que les débats des commissions parlementaires, compte tenu de l’importance accrue qu’ils vont prendre, puissent être publiés.
Mais la proposition que vous formulez n’est pas de rang constitutionnel. Il appartient au règlement de chacune des assemblées de prévoir, si nécessaire, cette publication. C’est d’ailleurs le cas à l’Assemblée nationale pour la tenue des commissions élargies qui statuent sur le budget. L’article 117, alinéa 2, du règlement de l’Assemblée nationale prévoit en effet la publication au Journal officiel du compte rendu des travaux de ces commissions à la suite du compte rendu de la séance plénière.
Le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement dont, encore une fois, il partage la philosophie.
Monsieur le président, il y a deux points.
D'une part, que ce soit dans la Constitution ou pas, on peut en discuter. Ce qui me paraît essentiel, c’est que les travaux préparatoires de la loi soient publiés et accessibles au public comme aujourd’hui. Là-dessus, je voudrais être très clair. Or nos débats en séance publique permettent souvent d’éclairer les citoyens, les praticiens et le juge sur le sens que nous avons voulu donner à certaines dispositions législatives, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne sont pas toujours d’une clarté évidente.
M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur me disent que l’on peut trouver un système, qu’il y a le rapport, etc.
Je souhaite vraiment que l’on aille plus loin et, même si ce n’est pas ce soir, que nous prenions les uns et les autres l’engagement de compléter nos règlements respectifs sur ce point pour arriver à une publication des travaux des commissions, sans que leurs séances soient publiques au sens où il y aurait des spectateurs – pour ma part, je suis contre l’ouverture des commissions aux spectateurs, car je trouve que l’on est privé d’une liberté d’expression formidable, et que l’on n’a ni la même liberté ni la même spontanéité qu’à huis clos – et sans aller jusqu’à la publicité intégrale.
Je souhaite donc que l’on ne prive pas les citoyens de cet élément essentiel, à propos duquel le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises, se référant notamment à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, que l’une des premières vertus de la loi, c’est qu’elle doit être claire et compréhensible pour les citoyens.
D'autre part, j’ai cru lire dans le rapport de M. Jean-Jacques Hyest une affirmation qui me paraît parfaitement contestable concernant les amendements examinés en commission et rejetés.
En effet, aucune disposition dans le texte qui nous est soumis comme dans le texte inchangé de la Constitution n’interdit de déposer un amendement en séance publique, même sur un sujet déjà examiné en commission.
Vous avez pourtant affirmé voilà deux minutes, monsieur le rapporteur, qu’à partir du moment où les amendements auraient été déposés et rejetés en commission, ils ne pourraient pas être à nouveau déposés en séance publique.
Je trouve cela anormal : c’est une restriction insupportable au droit d’amendement qui – j’insiste – ne figure dans aucun article du texte en discussion, dans aucun des articles maintenus de la Constitution.
L’impossibilité d’amender, de sous-amender, de reprendre un amendement retiré en commission serait une régression insupportable.
Je vous supplie donc, monsieur le rapporteur, de nous dire où vous avez vu, dans le texte qui nous est soumis ou dans le texte maintenu de la Constitution, qu’un amendement rejeté en commission ne pouvait pas être repris en séance publique.
Je n’ai trouvé cette disposition dans aucun des deux documents.
Je suis persuadé que, si nous la mettions en pratique après l’adoption éventuelle du texte dont nous discutons, le Conseil constitutionnel se ferait un plaisir de rétablir une fois de plus le droit d’amendement des membres du Parlement.
Je suis prêt à retirer cet amendement, compte tenu des explications des uns et des autres, étant persuadé que, dans notre règlement, sera précisé ce qu’il convient de faire pour assurer la publicité et la connaissance des débats.
Pour la clarté des débats, nous pourrons reprendre cet échange lors de l’examen de l’article 18, afin que soit respecté un certain ordre.
Je vous invite à lire, d’ici à lundi, ce qui figure dans mon rapport concernant l’article 18.
M. Michel Charasse. Je l’ai lu, et c’est bien pour cela que je suis inquiet : je ne sais pas où vous avez vu de telles dispositions restrictives.
M. le rapporteur s’exclame.
Monsieur le président, je retire l’amendement, et j’attends l’article 18 !
L'article 33 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les auditions auxquelles procèdent les commissions instituées au sein de chaque assemblée sont publiques, sauf si celles-ci en décident autrement. »
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 105 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 274 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat et Payet et MM. Merceron, Nogrix, J.L. Dupont, Dubois et Zocchetto.
Tous deux sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 105.
Faut-il insérer dans la Constitution le principe de publicité des auditions ? La commission des lois estime que non.
Bien entendu, ces auditions peuvent être publiques si la commission le souhaite, comme cela est prévu dans le règlement. Il en a toujours été ainsi. Décider qu’elles sont systématiquement publiques pourrait être dangereux : le jour où une commission ne voudrait pas que sa réunion soit publique, cela susciterait des interrogations.
De plus, comme M. Michel Charasse, je suis d’avis que cela stériliserait complètement le travail des commissions, souvent riche : ce serait la langue de bois….
Pourquoi toutes les auditions devraient-elles systématiquement être publiques ? Dans certains cas, qu’elles soient publiques peut être nécessaire. Les commissions ouvrent volontiers leurs travaux au public, quelquefois même à la presse, travaux qui gagnent à être diffusés, notamment lorsqu’il s’agit de sujets de société.
Néanmoins, rendre systématiquement publiques les auditions ne serait pas, selon moi, une bonne chose pour la revalorisation du travail du Parlement.
La parole est à M. Pierre Fauchon, pour présenter l'amendement n° 274 rectifié.
M. le rapporteur a très bien expliqué qu’il fallait respecter le caractère non pas confidentiel…
… mais particulier des réflexions des commissions : elles doivent rester non publiques, parce que nul n’ignore que toute déclaration publique risque, dans certains cas, d’être dénaturée. Rien n’empêche ceux qui le souhaitent de publier des communiqués, mais je partage tout à fait les préoccupations de M. le rapporteur : comme lui, je souhaite que l’on en reste à la pratique actuelle, qui, d’ailleurs, ne semble pas poser de problème.
L'amendement n° 82, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :
sont publiques
par les mots :
ne sont pas publiques
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques de suppression?
On peut en effet s’interroger sur la nécessité d’une telle constitutionnalisation.
Cette disposition relève davantage du règlement de chaque assemblée. C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, comme, d’ailleurs, il s’en était remis à celle de l’Assemblée nationale sur le même sujet.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 105.
M. Michel Charasse. En cet instant, ces paroles d’une chanson de France Gall me reviennent en mémoire : « Qui a pu avoir cette idée folle, un jour, d’inventer l’école ? »
Sourires
Moi, je me demande qui a pu avoir cette idée folle, un jour, d’inventer la publicité des commissions permanentes !
Nouveaux sourires.
C’est en commission que se fait le travail sérieux, notamment lorsqu’il s’agit de l’audition d’un membre du Gouvernement ou d’un responsable du secteur public ou privé. C’est alors que nous pouvons poser des questions confidentielles qui ne peuvent absolument pas être abordées publiquement, des questions relatives à la défense nationale, à la monnaie, au crédit, à la confiance dans la monnaie et le crédit, à la situation d’une entreprise, aux relations internationales, etc.
Membre de la commission des finances, je m’aperçois que, lors des auditions publiques, nombre de mes collègues comme moi-même ne posent pas les questions qu’ils souhaiteraient poser, à cause de la présence des journalistes ou de la télévision, et parce que cela les conduirait à aborder des sujets qu’il n’est pas utile, dans l’intérêt national – et non pas dans un souci de cachotterie et de non-transparence – de mettre sur la place publique.
Je partage absolument la volonté de la commission des lois de supprimer cette disposition, étant entendu que nos règlements actuels nous offrent déjà la possibilité de décider d’une audition publique.
Inscrire dans la Constitution une pratique et des règles qui existent depuis longtemps reviendrait à encombrer le texte sacré de balbutiements inutiles.
M. Bernard Frimat. N’ayant, ni dans le domaine historique, ni dans celui de la chanson française, les connaissances de M. Michel Charasse, je ne saurais donc fredonner quelque mélodie pour illustrer mon propos.
Sourires
J’en suis néanmoins parvenu aux mêmes conclusions que lui et que M. le rapporteur, mais sans doute pas pour les mêmes raisons.
Il peut être très utile que telle ou telle audition soit ouverte au public : nous avons tous le souvenir d’auditions intéressantes pour lesquelles l’ouverture à un large public ou la retransmission télévisée ont été positives.
En revanche, en faire une obligation permanente et inverser, en quelque sorte, la charge de la preuve, …
… nous obligerait à considérer que la règle est la publicité systématique, le caractère public, la présence de la télévision. Nous nous trouverions alors dans une position un peu honteuse lorsque nous déciderions de travailler « à huis clos », car nous donnerions l’impression d’avoir quelque chose à cacher.
Mieux vaut, au contraire, garder la situation actuelle, et pouvoir décider, quand nous estimons que le sujet présente un intérêt particulier pour nos concitoyens, la retransmission de telle ou telle audition, ce qui reste le meilleur moyen d’assurer la diffusion la plus large possible, ou l’ouverture au public.
Si certaines auditions méritent d’être publiques, d’autres, au contraire, quel qu’en soit l’intérêt, seraient sans doute excessivement difficiles à supporter par le public.
Un dernier argument : les locaux de la commission des lois sont tellement exigus que certains des commissaires, par courtoisie, n’assistent pas à toutes les réunions pour permettre à leurs collègues de s’asseoir : ils seraient peut-être gênés que tous les travaux soient publics !
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l'article 10 bis est supprimé.
Nous en revenons maintenant à l’article 11, dont la discussion a été entamée hier, jeudi 19 juin, avec l’examen en priorité des amendements n° 302 rectifié à 380 rectifié bis.
L'article 34 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf motif déterminant d'intérêt général, la loi ne dispose que pour l'avenir. » ;
3° Dans le cinquième alinéa, après les mots : « l'amnistie ; », sont insérés les mots : « la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, sous réserve de l'article 66 ; »
4° Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. » ;
5° L'avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.
« Des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »
Par cet article, l’Assemblée nationale a jugé bon d’inscrire dans la Constitution le principe de la non-rétroactivité de la loi tout en l’assortissant d’une exception : un « motif déterminant d’intérêt général ».
Pourquoi pas ? L’exception qui est donnée correspond, plus ou moins, à la règle posée par la Cour européenne des droits de l’homme, en ce qui concerne la non-rétroactivité de la loi dans les matières autres que la matière pénale.
Cependant, à y regarder de plus près, il y a des raisons de se demander si cet article, en réalité, ne vise pas à permettre, justement, de contourner la règle de non-rétroactivité de la loi pénale sur le fondement de ce « motif déterminant d’intérêt général ».
En effet, la détermination du Président de la République à contourner ce principe concernant le dispositif de rétention de sûreté nous fait craindre le pire. Nous avons déjà vécu une situation de ce genre voilà peu.
Le premier vice-président de la Cour de cassation, M. Lamanda, a opposé une fin de non-recevoir à la demande du Président de la République qui lui demandait de trouver un moyen de faire appliquer la rétention de sûreté de manière rétroactive.
Il n’existe donc pas de moyen de contourner ce principe, sauf à l’atténuer ou à le supprimer. Quel meilleur moyen d’y parvenir si ce n’est en révisant la Constitution ?
C’est ce à quoi tend cet article : donner au Conseil constitutionnel un motif pour permettre la rétroactivité de la rétention de sûreté, ainsi que la mise en œuvre de tous les dispositifs que le Gouvernement cherchera à créer et dont nous pouvons craindre qu’ils ne soient de plus en plus répressifs.
Il suffira que le Conseil constitutionnel considère que la lutte contre la récidive des criminels les plus dangereux constitue un « motif déterminant d’intérêt général » pour que sa jurisprudence, dans le domaine de la rétroactivité de la loi pénale, vole en éclats.
Nous rendrions certainement service au Conseil constitutionnel en supprimant une disposition en fait très dangereuse.
L'amendement n° 187 rectifié bis, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 34. - La loi est votée par le Parlement. Il ne peut déléguer ce droit. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement ne va pas vous plaire, chers collègues de la majorité !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je vais néanmoins exposer le problème, parce qu’il est tout à fait dans la logique de notre conception du pouvoir du Parlement.
Nous déplorons le déséquilibre qui marque la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Parlement, et, d’une façon générale, entre l’exécutif et le Parlement.
Dans l’article 34 de la Constitution de 1958, il est procédé à une énumération relativement détaillée des matières dont la loi « fixe les règles » ou « détermine les principes fondamentaux ». Ces formules ne sont pas anodines.
Cette disposition est sous-tendue par la conviction que certaines matières doivent être réservées au législateur et que le Parlement ne peut se mêler de tâches incombant à l’exécutif.
Même si la jurisprudence constitutionnelle a su rester attachée à une conception formelle de la loi et a puisé dans d’autres dispositions de la Constitution des chefs de compétence législative, la Constitution prévoit la possibilité pour le Gouvernement de s’opposer à l’intervention du Parlement dans le domaine réglementaire.
L’existence du pouvoir réglementaire autonome, qui vient réduire le champ d’intervention du pouvoir législatif, constitue une atteinte matérielle excessive au domaine d’intervention du législateur.
En ce qui concerne le pouvoir d’exécution des lois tiré de l’article 21 de la Constitution, auquel nous ne sommes pas opposés, je dirai quelques mots.
On entend fréquemment, dans cet hémicycle, le Gouvernement exprimer un avis défavorable sur les amendements parlementaires, au motif qu’il s’agit là de dispositions relevant de l’article 37 de la Constitution.
Or on sait que la précision peut, dans certains cas, changer la nature d’une disposition vague et générale. La multiplication des renvois aux décrets est très préoccupante à cet égard.
Au regard de toutes ces considérations, nous pensons qu’il serait utile de ne pas limiter le domaine d’intervention du législateur et de lui laisser la possibilité de légiférer dans des domaines relevant actuellement de l’article 37 de la Constitution.
Dans sa Contribution à la théorie générale de l’État, Carré de Malberg, que certains ont semble-t-il redécouvert, écrivait : « Il n’y a point de place dans le droit français pour une notion matérielle de la loi envisagée au point de vue de son objet [...] La distinction constitutionnelle de la législation et de l’administration ne se réfère pas à certains objets qui seraient législatifs ou administratifs en soi : elle se réfère uniquement à la différence de puissance des organes ».
Dans ce sens, il est en effet nécessaire de restaurer la primauté de la loi afin de crédibiliser l’idée qui vous est chère de renforcement des droits du Parlement, en supprimant les articles 34 et 37 de la Constitution, lesquels ont consacré la restriction du domaine de la loi au profit du domaine réglementaire. Il va de soi, mais mieux vaut le préciser explicitement, que cela ne remet pas en cause le pouvoir réglementaire dans son rôle d’application de la loi. Et l’on sait qu’il y a déjà beaucoup à faire, au regard du retard pris de manière récurrente dans la publication des décrets d’application !
Madame Borvo Cohen-Seat, avec cet amendement – vous en défendrez un autre du même ordre juste après –, vous empêchez le Parlement de déléguer le droit de voter la loi : il n’y a plus d’article 38. En outre, vous refusez tout partage de compétences : il n’y a donc plus également d’article 37, le domaine de la loi devenant alors universel. Tout cela est contraire aux institutions de la Ve République, que nous n’entendons pas modifier dans ce domaine.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Par cet amendement, madame Borvo Cohen-Seat, vous proposez de supprimer une novation et une avancée majeures de la Constitution de 1958, qui est la définition du domaine de la loi.
Cette même année, le Constituant a souhaité délimiter le champ dans lequel doit intervenir le législateur, les autres règles devant être fixées par un règlement autonome.
Le risque n’est donc pas que le champ législatif soit trop restreint, puisque le Conseil constitutionnel a largement défini le domaine réservé au législateur. Si l’irrecevabilité n’est pas soulevée en cours de procédure, le législateur peut parfaitement intervenir dans le domaine réglementaire.
Aujourd’hui, le risque réside plutôt dans le trop grand nombre de lois. Il importe que le législateur se consacre à des questions essentielles : la loi ne doit pas entrer dans des détails inutiles, sinon elle n’a plus d’autorité et n’est plus comprise par nos concitoyens. D’ailleurs, nous le savons très bien, certaines lois ne sont pas appliquées.
C’est pourquoi le Gouvernement souhaite conserver la distinction entre la loi et le règlement opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution. Il est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement que nous propose le groupe communiste républicain et citoyen, avec le domaine de la loi illimité, la suppression des actuels articles 34 et 37 de la Constitution et l’impossibilité de déléguer, c’est tout simplement la IVe République !
C’est exactement, à un mot près, la mention qui figurait à l’article 13 de la Constitution de 1946 : « [Il] ne peut déléguer ce droit ».
Un an après, dès 1947, on inventait les décrets-lois !
Par conséquent, puisqu’il y a toujours besoin de respiration et qu’il faut laisser chacun – exécutif et législatif – exercer les compétences qui sont les siennes, je ne souhaite pas changer le système actuel.
Madame la ministre, vous déplorez, à juste titre, le trop grand nombre de lois. Mais je vous ferai observer qu’en général c’est le Gouvernement qui légifère, pour les raisons que nous connaissons – je ne m’étendrai pas davantage –, sur tout et n’importe quoi !
Nous votons parfois des lois dont nous pourrions très bien nous passer, car les dispositions qu’elles contiennent auraient toute leur place dans des règlements.
Ce n’est pas le Gouvernement seul qui légifère, ma chère collègue. Il faut tout de même compter avec le Parlement !
L’amendement n’est pas adopté.
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je dois le dire, je suis quelque peu soulagé, car un vote contraire aurait eu une double conséquence.
D’une part, il aurait modifié les amendements qui ont déjà été adoptés hier soir, ce qui aurait été pour le moins gênant…
M. le président. D’autre part, même si cela pouvait paraître séduisant, il aurait fait tomber tous les autres amendements !
Sourires
La logique est donc respectée !
L’amendement n° 191, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° de cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme vous pouvez en juger à cet amendement, monsieur le président, j’avais deviné – je ne sais trop d’où me venait cette intuition - que le Sénat rejetterait le précédent !
Nouveaux sourires
Sans doute, mon cher collègue !
L’article 11 a été profondément modifié par l’Assemblée nationale. Il s’agissait simplement au départ d’étendre le champ des lois de programmation prévues par l’article 34 de la Constitution. Les députés ont apporté de nombreuses modifications à ce dernier.
La première, et c’est celle qui nous intéresse ici, concerne la suppression de son premier alinéa, qui, je le rappelle, précise : « La loi est votée par le Parlement ».
Cette suppression a été considérée comme cohérente par le rapporteur de l’Assemblée nationale, à la suite de l’adoption, à l’article 9 du projet de loi constitutionnelle, de la nouvelle rédaction de l’article 24 de la Constitution, laquelle prévoit notamment désormais : « Le Parlement vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement ».
Mes chers collègues, étant donné que vous venez de refuser notre précédent amendement, je précise, malgré tout, que l’article 34 représente le noyau initial et principal du domaine législatif, même si ce dernier est considérablement restreint par l’article 37.
Or, si le projet de loi constitutionnelle touche au domaine de la loi, il ne remet pas en cause l’article 37 ; de fait, le domaine réglementaire reste aussi large et toujours aussi peu défini par la Constitution, ce qui permet, nous le disions précédemment, d’opposer à certains amendements l’argument de leur nature réglementaire et non législative.
Par conséquent, nous estimons nécessaire, avec cet amendement, de rappeler à l’article 34 de la Constitution que la loi est votée par le Parlement.
Madame Borvo Cohen-Seat, on peut toujours répéter trois fois dans la Constitution que la loi est votée par le Parlement. Cela étant, vous le savez bien, une telle précision figurera à l’article 24 de la Constitution, à la suite de l’adoption de l’article 9 du projet de loi constitutionnelle.
De plus, le domaine de la loi est détaillé à l’article 34 de la Constitution, selon qu’elle « fixe les règles » ou « détermine les principes fondamentaux ». Afin d’éviter une répétition inutile, il est donc préférable de supprimer ladite mention à cet article.
Par conséquent, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement. Nous avons volontairement déplacé cette définition dans la Constitution, en inscrivant à l’article 24 : « Le Parlement vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement. Il concourt à l’évaluation des politiques publiques. » Ce faisant, la définition est à la fois plus précise et mieux située.
Monsieur le président, je suis bien obligée de le retirer, puisque l’on exclut toute répétition dans la Constitution. Mais je trouve cela pour le moins regrettable.
L’amendement n° 191 est retiré.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L’amendement n° 83 est présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.
L’amendement n° 106 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L’amendement n° 192 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 275 rectifié est présenté par MM. Mercier, Détraigne, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L’amendement n° 446 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 83.
Il s’agit de supprimer le 2° de l’article 11, de façon à interdire toute forme de rétroactivité de la loi, ce qui, je vous le rappelle, fait l’objet d’une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme. Cela a même valu au Conseil constitutionnel de voir l’une de ses décisions censurées.
La commission a estimé qu’il serait dangereux d’inscrire à l’article 11 : « Sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir ».
Un tel dispositif pourrait en effet autoriser des atteintes au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, fondé sur l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, sous couvert de constitutionnaliser le principe de non-rétroactivité, constitutionnalise également une exception à ce principe.
Or, il convient d’éviter tout conflit possible entre l’article VIII de la Déclaration de 1789 et une telle exception au principe de non-rétroactivité de la loi.
Il apparaît que le juge constitutionnel assure une protection adéquate du principe de non-rétroactivité de la loi, hors champ pénal, bien sûr, en exigeant en particulier un motif d’intérêt général suffisant. Le Conseil constitutionnel effectue en outre un contrôle de proportionnalité entre le motif d’intérêt général et l’atteinte à certains principes, tels que la séparation des pouvoirs ou le droit au recours juridictionnel effectif.
Selon cette jurisprudence, en matière de rétroactivité, seul le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère a valeur constitutionnelle. Il s’applique à toute peine ou sanction ayant le caractère d’une punition. C’est le sens de l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d’incrimination plus sévère doit demeurer intangible.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose, au nom de la commission, la suppression du dispositif articulant un principe de non-rétroactivité de la loi et une exception à ce principe.
Une telle position, me semble-t-il, fait l’unanimité au sein de la commission des lois, comme tendent à le démontrer d’ailleurs les nombreux amendements identiques qui ont été déposés, à l’instar de l’amendement n° 83 que M. Portelli vient d’exposer.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 192.
Je ne vais pas m’étendre exagérément, mais je souhaite tout de même revenir sur le 2° de l’article 11. Il est en effet pour le moins surprenant que la question de la non-rétroactivité de la loi pénale ait été en quelque sorte éludée à l’Assemblée nationale, alors que c’est à cela que tout le monde pense en lisant cet alinéa.
Pourtant, chacun devrait le savoir, la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère est un principe constitutionnel inscrit à l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Je veux le rappeler, si nous sommes aussi sensibles, en tout cas en ce qui me concerne, c’est qu’il nous a été demandé de déroger à ce principe très récemment, à l’occasion de l’examen de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
À ce sujet, nous avons eu, ici même, un débat très important : nous avons certes fini par privilégier une certaine prudence, mais cela n’a pas empêché le Sénat d’accepter le texte qui nous était proposé par le Gouvernement. L’une de ses dispositions dérogeait à ce principe de non-rétroactivité de la loi pénale et a donc été censurée par le Conseil constitutionnel.
Le Président de la République a alors tenté une autre voie en chargeant le Premier président de la Cour de cassation de trouver un moyen juridique pour contourner cette décision. Ce dernier ne l’a pas accepté et a proposé d’autres moyens pour se prémunir de la récidive.
Mes chers collègues, au vu de cette expérience récente, il s’agit donc d’un sujet extrêmement sensible. Franchement, il faut véritablement à mes yeux se débarrasser de cet alinéa voté par l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l’amendement n° 275 rectifié.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 446.
Bien entendu, je fais mienne l’argumentation qui a été développée par M. Hyest, notamment la référence à l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lequel précise : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
Nous sommes, nous aussi, très sensibles au contexte qu’ont rappelé Mmes Boumediene-Thiery et Borvo Cohen-Seat, avec cette question de la rétention de sûreté.
Dès lors que le Conseil constitutionnel a jugé que la rétention de sûreté, qui a donné lieu, ici même, à un important débat, ne pouvait être mise en œuvre à titre rétroactif, dès lors que le Président de la République a marqué publiquement son désaccord avec cette position et sa volonté de trouver un moyen pour passer outre, il nous paraît sage de nous en tenir à la tradition juridique qui est celle de notre pays depuis 1789. Cela constitue une garantie pour les citoyens, tout particulièrement s’agissant de la loi pénale.
L’amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa du 2° de cet article, ajouter les mots :
Sans préjudice de l’article VIII de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789,
La parole est à M. Christian Cointat.
Monsieur le président, cet amendement, que j’ai déposé avec M. Duvernois et Mme Kammermann et qui se réfère à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est entièrement satisfait par l’amendement de la commission.
De ce fait, je le retire.
L’amendement n° 41 rectifié est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les cinq amendements identiques ?
La mention du principe de non-rétroactivité des lois a été insérée à l’article 34 de la Constitution par un amendement de l’Assemblée nationale.
Cet amendement fait peser sur le législateur une contrainte renforcée par rapport à l’état actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Pour celui-ci, en effet, il suffit d’un motif suffisant d’intérêt général pour admettre, sauf en certaines matières, la rétroactivité de la loi. Cet amendement va plus loin en introduisant la notion de « déterminant », un peu plus forte que « suffisant ».
L’introduction de ce principe est conforme à une recommandation du comité Balladur, et le Gouvernement n’en a pas totalement partagé la philosophie.
Nous ne pensons pas qu’il soit porté atteinte au principe de non-rétroactivité des lois pénales et d’application immédiate des lois pénales plus douces. Ce principe trouve évidemment sa source dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Toutefois, les débats de votre commission et les arguments que le rapporteur a invoqués aujourd’hui encore montrent que cette disposition peut susciter des inquiétudes.
La combinaison entre l’article 34 de la Constitution modifié et l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen soulève manifestement des interrogations. Or le Gouvernement ne souhaite pas que notre droit constitutionnel donne lieu à de mauvaises interprétations et paraisse ambigu.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur les différents amendements de suppression. Il observe que la suppression pure et simple est préférable au simple rappel, peu compatible avec la solennité et la concision qui sied à un texte constitutionnel.
Il pourrait, en outre, créer des quant à la combinaison d’autres dispositions de la Constitution. Comme l’a dit Michel Charasse tout à l’heure, le mieux peut être l’ennemi du bien.
Je trouve très surprenante la rédaction de l’Assemblée nationale. Sans doute est-ce involontaire, mais, tout de même, admettre le principe de rétroactivité, dès lors que des considérations d’intérêt général, déterminantes ou significatives, l’imposent, c’est oublier complètement que le principe de non-rétroactivité est précisément fait pour protéger l’individu contre les pressions qui seraient exercées sur lui au nom de l’intérêt général ! C’est son fondement principal.
Cette rédaction prête le flanc à des interprétations et, éventuellement, à des applications extrêmement déroutantes. C’est tout à fait choquant ! En supprimant ce dispositif, il faut affirmer que nous préférons, sous réserve de textes plus élaborés, en rester à la jurisprudence et à l’état du droit actuels.
lancer un débat de commission, je tiens à rappeler que la rétroactivité peut jouer dans les deux sens et concerner des dispositions favorables au justiciable. Rappelez-vous, par exemple, la proportionnalité en matière fiscale !
La jurisprudence du Conseil constitutionnel est à peu près fixée : ce sont des cas d’espèce. Je crois qu’il faut laisser les choses en l’état et ne pas créer d’ambiguïté avec l’article VIII de la Déclaration. C’est bien ce qu’a dit Mme le garde des sceaux, et je l’en remercie.
Il peut être dangereux de refuser totalement la rétroactivité de certaines lois civiles ou sociales.
Pensez aux lois de validation d’examen, par exemple. On est bien obligé d’en passer par là, quand des médecins sont déjà installés depuis trois ans et que l’on s’aperçoit que leur concours était mauvais !
Même pas ! La commission des lois a décidé à l’unanimité que mieux valait ne pas du tout parler de cette affaire.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 83, 106, 192, 275 rectifié et 446.
Les amendements sont adoptés.
Je suis saisi, toujours sur l’article 11, de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 107, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer les 3° et 4° de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
Ces dispositions introduites par l’Assemblée nationale sont certainement celles qui ont suscité le plus de messages et de lettres de rappel auprès de tous les membres de la Haute Assemblée, au moins ceux de la commission des lois.
Et d’inquiétudes, en effet !
Il est inutile de préciser dans la Constitution que la loi fixe les règles concernant la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels.
La jurisprudence constitutionnelle du 23 janvier 1987 autorise déjà de telles répartitions par le législateur.
La loi a d'ailleurs déjà procédé à de tels regroupements. L'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, ou loi MURCEF, a ainsi confié au juge administratif l'ensemble du contentieux des marchés passés en application du code des marchés publics.
Le projet de loi portant modernisation du marché du travail, adopté définitivement le 12 juin 2008, tend, à l'inverse, à confier au juge judiciaire le contentieux de la rupture conventionnelle du contrat de travail, bien que cette rupture conventionnelle soit soumise à l'homologation de l'autorité administrative.
Le seul domaine où une telle unification du contentieux n'est pas possible est le contentieux des étrangers – c’est la décision du Conseil constitutionnel de 1989.
Toutefois, la commission présidée par M. Pierre Mazeaud poursuit une réflexion approfondie sur les moyens d'améliorer ce contentieux. Elle fera sans doute, dans les semaines à venir, des propositions à cet égard.
Il convient de supprimer aussi de cet article la référence à la parité entre les femmes et les hommes dans les domaines professionnel et social, cette mention ayant été placée à l'article 1er de la Constitution.
Les six amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 16 rectifié est présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet, MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer.
L'amendement n° 69 rectifié est présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf, Virapoullé et de Richemont.
L'amendement n° 189 est présenté par Mmes Borvo Cohen–Seat, Assassi, Mathon–Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 294 rectifié est présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mmes Dini, Gourault et Payet, MM. Deneux, Merceron et Nogrix, Mme Morin–Desailly, MM. J.L. Dupont, C. Gaudin et Zocchetto.
L'amendement n° 365 est présenté par Mmes Boumediene–Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 448 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus–Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Alquier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 3° de cet article.
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 16 rectifié .
Pour les motifs qui viennent d’être exposés par M. le rapporteur à propos de l’amendement n° 107, je propose de supprimer le 3° de l’article en question, étant entendu que, pour le 4°, c’est autre chose. C’est une mesure de coordination interne au texte qui fait suite à d’autres amendements de la commission des lois.
Je trouve tout à fait anachronique cette disposition concernant la répartition des contentieux. En effet, de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, de même, ou presque, nous faisons tous les jours de la répartition, en le sachant parfaitement. Il nous arrive presque tous les jours en effet de penser que telle matière relève du contentieux administratif, tandis que telle autre relève du contentieux judiciaire.
Tout cela ne peut que conduire à la disparition de la séparation des pouvoirs. Si nous voulons retrouver un jour un maire ou un préfet devant le tribunal correctionnel pour une erreur de virgule dans un arrêté municipal ou préfectoral, allons-y ! Mais cela ne s’arrêtera pas là et, par conséquent, je propose la suppression du 3°.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l'amendement n° 69 rectifié.
L’argumentation qu’a développée M. le rapporteur est tout à fait pertinente.
Ce qui m’a étonné dans la disposition votée par l’Assemblée nationale, c’est la concordance du vote de deux camps, qui se sont retrouvés pour faire une unanimité.
Dans le premier camp, on trouve les adversaires bien connus des deux ordres de juridiction et, donc, des juridictions administratives. Ceux- là ignorent que, pendant des années, des décennies, voire des siècles, le juge administratif a été le défenseur des libertés publiques contre l’État.
Cela, je crois qu’il faut se le rappeler.
Il ne faut pas oublier non plus la raison pour laquelle a été introduite, lors de la Révolution, la fameuse interdiction faite aux juges de juger l’État. Elle avait pour origine l’attitude des Parlements de l’Ancien Régime qui, pendant des siècles, s’est caractérisée par une hostilité foncière à l’autorité publique. Il ne faut pas s’imaginer que la justice a été de toute éternité celle que nous connaissons actuellement.
On trouve dans le second camp ceux dont on peut penser qu’ils souhaitaient des blocs de contentieux bien définis par le législateur pour une raison inavouée : ôter le contentieux des étrangers au juge administratif, à leurs yeux trop libéral.
Ce sont deux raisons que, personnellement, je récuse totalement.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 189.
Avec cet amendement, nous proposons également de supprimer le 3° de l’article 11 du projet de loi, introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur, M. Warsmann, amendement adopté à l’unanimité lors de la réunion de la commission des lois, à l’Assemblée nationale.
En séance publique, cet amendement a donné lieu à un débat s’agissant, notamment, des conséquences de cet alinéa sur le contentieux en matière de droit des étrangers, d’autant que M. Warsmann s’était bien gardé de les évoquer lui-même. Les seuls exemples qu’il avait mis en avant pour justifier cette modification ont été le contentieux en matière d’expropriation, en cas d’accident, ainsi que le contentieux sportif.
C’était sans compter sur l’intervention de son ami M. Mazeaud, qui préside une commission chargée précisément de réfléchir à la possibilité de simplifier la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, voire d’unifier, au profit de l’un d’entre eux, le contentieux de l’entrée, du séjour et de l’éloignement des étrangers.
J’ai été moi-même auditionnée par cette commission et, à cette occasion, j’ai précisé la position des élus communistes en cette matière.
Avant d’évoquer plus spécialement les conséquences de cette disposition sur le droit des étrangers, je voudrais dire que, d’une manière générale, l’alinéa en cause porte d’abord atteinte à un principe fondateur des institutions françaises qui est celui de la séparation des pouvoirs, posé par la Révolution et constamment maintenu.
On ne peut pas, sous couvert de moderniser nos institutions ou au prétexte fallacieux de donner plus de pouvoirs au législateur, remettre ainsi en cause un principe constant dans tous les régimes français et présent dans la majorité des États européens qui veut que les actions de l’administration sont contrôlées par un juge de droit public différent de celui qui s’occupe des relations de droit privé.
C’est sans doute en matière de droit des étrangers que cette disposition aurait les plus graves conséquences, puisqu’elle reviendrait à créer un juge unique alors même qu’actuellement le juge administratif et le juge judiciaire ont un rôle et des domaines d’intervention tout aussi distincts que fondamentaux.
D’un côté, le tribunal administratif vérifie que les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et des préfectures respectent les procédures. Il ne statue jamais sur le fond, seulement sur la légalité des actes administratifs.
De l’autre, le juge de la liberté et de la détention – magistrat gardien des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution – vérifie que les droits des personnes mises en rétention ou en zone d’attente ont bien été respectés depuis leur interpellation jusqu’à leur placement.
Rien ne justifie en l’espèce de regrouper ce contentieux dans l’un ou l’autre des deux ordres de juridiction, ni de créer une juridiction spéciale. Sauf, bien sûr, à vouloir empêcher que ces deux juridictions puissent libérer des personnes que la police et la gendarmerie essaient d’arrêter tant bien que mal afin de remplir les objectifs fixés par le Gouvernement en matière d’expulsions effectives du territoire.
Le fait est qu’en moyenne 70 % des mesures d’éloignement ne sont pas mises en œuvre en raison, soit de l’annulation de la procédure par le juge judiciaire ou administratif, de la non-délivrance de laissez-passer consulaire ou encore de l’impossibilité de placer une personne en centre de rétention administrative.
Beaucoup à droite estiment que le juge est une gêne à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement, alors que le juge ne fait qu’appliquer le droit, et seulement le droit.
D’où cette volonté de modifier le système dual qui existe actuellement afin de faciliter l’exécution des mesures d’expulsion et d’atteindre ainsi les objectifs assignés chaque année par le Gouvernement.
Le vrai problème, en l’espèce, vient essentiellement de la politique d’immigration du Gouvernement qui entraîne la multiplication des procédures, et donc, l’augmentation des risques d’irrégularités sanctionnés par l’autorité juridictionnelle.
Pour ces raisons, je vous propose d’adopter notre amendement visant à retirer de la présente réforme la possibilité introduite par l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Fauchon, pour présenter l'amendement n° 294 rectifié.
Nous souhaitons nous aussi la suppression du 3° de l’article 11, car cette disposition introduite par l’Assemblée nationale répond mal au problème posé. Toutefois, celui-ci est réel, et il ne suffit pas de monter au clocher en criant que la distinction des juridictions est essentielle à la séparation des pouvoirs pour le résoudre !
Malheureusement, nous n’avons pas le temps d’approfondir cette question tout à fait sérieuse. Pour la résumer, je rappellerai que la dualité des contentieux n’est pas évidente et qu’il existe des sociétés tout à fait évoluées qui ne la connaissent pas. Ainsi, le système de Guantanamo vient d’être condamné par la Cour suprême des États-Unis, et non par une juridiction particulière, ce qui ne constitue pas si un mauvais résultat !
D’une manière générale, la difficulté est la suivante. Pour ce qui est du contentieux de l’annulation, c'est-à-dire de la contestation de la régularité d’une décision administrative, il est compréhensible qu’il soit assigné à une juridiction particulière. Mais le contentieux de la réparation, qui n’existait pas au début du XIXe siècle – à cette époque l’administration n’intervenait pas autant qu’elle le fait aujourd'hui dans les activités économiques et sociales –, est tout à fait singulier, parce qu’il appartient tantôt aux juridictions administratives, tantôt aux juridictions de l’ordre judiciaire, alors que ce sont pratiquement les mêmes faits qui sont concernés.
S'agissant de la responsabilité en matière de construction, par exemple, si un problème implique une HLM, vous devez aller devant la juridiction administrative, mais si c’est un bâtiment privé, vous devez aller devant le juge judiciaire. Comprenne qui pourra !
En outre, chaque juge choisit le droit qu’il veut appliquer. On affirme parfois que cette situation n’a aucune importance, mais il n’en est rien : j’ai pratiqué ces questions dans le cadre de mon activité professionnelle, et j’ai pu constater qu’il fallait parfois attendre vingt ans pour que les deux jurisprudences se rejoignent ! Si vous êtes victime d’un accident médical, vous ne relèverez pas du même droit selon que vous êtes soigné dans un hôpital public ou dans une clinique privée !
Lorsque nous votons des lois dans ces domaines, nous croyons qu’elles s’appliquent de manière universelle et qu’il suffit de modifier le code civil. Mais les juridictions administratives ne reconnaissent pas la valeur de ce dernier ! Il faut savoir – beaucoup l’ignorent – qu’elles ne l’appliquent pas, et que, même si elles ont la faculté de s’en inspirer, elles mettent parfois bien du temps à le faire.
Je ne puis entrer dans les détails, mais cette dualité de juridictions était tellement choquante dans le domaine des accidents de la circulation, où elle avait donné lieu à deux systèmes de droit différents, que nous avons été obligés d’unifier le contentieux par une loi spéciale.
Je crois que d’autres textes de ce genre seraient les bienvenus, peut-être dans le domaine des étrangers, auquel il a été fait allusion et que je ne connais guère, ou en matière de construction, notamment.
Toutefois, nous pouvons procéder par lois spéciales, comme dans le cas des accidents de la circulation, sans pour autant nous engager dans la voie tracée par cette rédaction, dont je considère qu’elle n’est pas bonne. Ce constat ne signifie pas, d'ailleurs, que la dualité de juridictions, qui engendre tant de commentaires et d’analyses savantes, ne pose pas un réel problème, tant elle contribue à faire de notre justice un sphinx bien peu compréhensible pour les justiciables.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 365.
Le 3° de cet article a soulevé des débats et suscité une inquiétude légitime de la part de plusieurs associations œuvrant dans le droit des étrangers, qui ont alerté certains d’entre nous.
Cette disposition, telle qu’elle a été défendue à l’Assemblée nationale par son promoteur, M. Jean-Luc Warsmann, vise à permettre au législateur d’unifier des blocs de compétences afin de faciliter l’accès des justiciables au juge ; je ne reviendrai pas sur son histoire, ni sur les travaux de la commission Mazeaud, que Mme Éliane Assassi a déjà évoqués.
Toutefois, ce texte fait planer une menace sur la justice administrative, car il augure de manière assez inquiétante du traitement qui sera réservé, demain, à certains contentieux, en particulier celui des étrangers.
En effet, l’amendement introduit par M. Warsmann n’est pas seulement technique : il tend aussi à traduire la volonté du Gouvernement de créer une justice d’exception pour les étrangers, en privant le juge administratif de ses compétences.
Pourtant, dans ce domaine, nous ne saurions douter ni de la compétence ni de l’efficacité des juridictions administratives, qui garantissent aux étrangers une protection rigoureuse de leurs droits et libertés. Mais peut-être certains considèrent-ils justement qu’elles remplissent trop bien cette mission ?
La réforme qui a été engagée afin, notamment, de garantir l’indépendance de cet ordre juridictionnel est bien entendu positive, mais il ne faudrait pas que cette disposition conduise, demain, à museler le juge administratif face aux comportements parfois indignes de certaines administrations, qui traitent les étrangers de manière quelque peu arbitraire.
Par ailleurs, nous considérons qu’il est préférable d’attendre le rapport de la commission Mazeaud pour discuter de cette question et de se contenter, pour l’instant, de supprimer la disposition adoptée par l’Assemblée nationale ; d'ailleurs, si cette dernière était maintenue, il serait à craindre que la commission ne soit privée de sa compétence.
Nous entendons supprimer le 3° de l’article 11 du présent projet de loi constitutionnelle, et ce pour deux raisons principales.
Tout d'abord, cette disposition ne correspond pas à notre conception de la séparation des pouvoirs, qu’elle pourrait même remettre en cause. Au-delà des problèmes qu'elle prétend résoudre, elle vise à supprimer la faculté offerte au législateur de créer des blocs de contentieux sans considération de la dualité des ordres.
En effet, elle permettrait au Parlement de transférer sans limite au juge judiciaire le contentieux d’un certain nombre d’actes administratifs – sinon de tous ! – dans un domaine déterminé. Elle menace donc l’existence d’un juge administratif indépendant, dont plusieurs de nos collègues ont souligné l’importance.
Ensuite, elle pose problème au regard de la justice des étrangers. La décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989, qui a censuré une disposition confiant au juge judicaire la compétence des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, pourrait être mise en cause, ce qui permettrait alors d'unifier entre les mains d'un seul juge le contentieux des étrangers.
On voit donc se profiler à l’horizon la naissance d’une nouvelle juridiction spécialisée, sous la forme soit d’un juge unique, soit, comme l’a indiqué M. Fauchon, d’une loi spéciale. Pour ma part, d'ailleurs, je n’aime pas beaucoup l’expression « loi spéciale », qui me semble toujours annoncer des mesures suspectes …
Enfin, la commission présidée par M. Mazeaud poursuit ses travaux, et il est d'ailleurs assez curieux que M. Warsmann, qui en fait partie, ait présenté cet amendement avant même qu’elle ait rendu ses conclusions !
L'amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet, MM. Fortassin et A. Boyer, est ainsi libellé :
Dans le 3° de cet article, après les mots :
sous réserve
insérer les mots :
du principe de la séparation des pouvoirs visé à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et
La parole est à M. Michel Charasse.
Il s'agit d’un amendement de repli, dans l’hypothèse où le Sénat ne supprimerait pas le 3° de cet article.
Si cette disposition est maintenue, je propose de préciser que la répartition entre les ordres de juridiction s’effectue sous réserve du « principe de séparation des pouvoirs visé à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 », qui, comme l’a rappelé M. Portelli, a été défini dès 1790 et complété par plusieurs textes ultérieurs à l’époque révolutionnaire.
Il vaut mieux que les choses soient dites clairement : il n’est pas question d’accepter que le juge judiciaire puisse empiéter sur ce qui relève aujourd'hui de la juridiction administrative en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.
L'amendement n° 84, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :
Supprimer le 4° de cet article.
La parole est à M. Hugues Portelli.
L'amendement n° 58, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 4° de cet article par les mots :
dans le respect des dispositions de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, et notamment de son article 6
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
Les amendements n° 16 rectifié bis, 69 rectifié, 189, 294 rectifié, 365 et 448 sont identiques. Je me réjouis d'ailleurs de l'unanimité des groupes sur cette question importante.
Si l’amendement n° 107 de la commission était adopté, ces amendements, tout comme les amendements n° 17 rectifié bis et 84, n’auraient plus d’objet.
Le 3° de l’article 11 du projet de loi constitutionnelle, relatif à la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridictions, est issu d’un amendement présenté par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui visait à étendre le domaine de la loi à la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels.
Le Gouvernement s’en était alors remis à la sagesse de l’Assemblée nationale.
À travers plusieurs amendements, dont l’un présenté par votre commission des lois, vous proposez, mesdames, messieurs les sénateurs, de supprimer cette disposition.
Il est tout à fait exact que le Conseil constitutionnel permet déjà au législateur d’intervenir, mais dans une certaine mesure, afin de créer des blocs de compétences au profit d’un seul ordre de juridiction, dans un souci de simplification pour le justiciable.
C’est ainsi que des blocs de compétences ont pu être créés, par exemple en 1987, dans le domaine de la concurrence, au profit du juge judiciaire, ou en 2001, en matière de marchés publics, au bénéfice du juge administratif. Vous en avez récemment fait de même, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le contentieux de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au profit du juge judiciaire, au cours de l’examen du projet de loi portant modernisation du marché du travail.
S'agissant du droit des étrangers, le Président de la République a confié à la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration, présidée par M. Pierre Mazeaud, le soin de réfléchir à la simplification du contentieux. L’amendement présenté par M. Warsmann ne visait donc pas la répartition du contentieux des étrangers. Cette commission, installée en février dernier, n’a pas encore terminé ses travaux, ni par conséquent remis ses conclusions.
Dans ces conditions, Le Gouvernement s'en remet sur ce point à la sagesse de la Haute Assemblée.
En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 17 rectifié bis, aux termes duquel la répartition du contentieux entre les juridictions judiciaires et administratives devrait respecter le principe de la séparation des pouvoirs visé à l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En effet, il s’agit d’un simple rappel du droit en vigueur, et il me semble donc préférable de revenir au texte actuel de notre Constitution.
En ce qui concerne le 40 de l’article 11, qui porte sur l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles, le Gouvernement a, par souci de cohérence, fait figurer cette disposition à l’article 1er du projet de loi.
Il émet donc un avis favorable sur les amendements n° 107 et84 tendant à supprimer cette disposition précédemment déplacée.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 16 rectifié bis, 69 rectifié, 189, 294 rectifié, 365, 448, 17 rectifié bis et 84 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 503 rectifié est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 151 rectifié quinquies est présenté par MM. Puech, Arthuis, Bailly, Barraux, Bernard-Reymond, J. Blanc, Bourdin, Braye, Dallier, Dériot et Doligé, Mme B. Dupont, M. François-Poncet, Mme G. Gautier, MM. Gouteyron, Hérisson, Kergueris, Mercier, Milon, Mortemousque, Nogrix et Pierre, Mme Procaccia, M. Saugey, Mme Troendle et M. Vial.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le huitième alinéa est complété par les mots : « ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 503 rectifié.
À de nombreuses reprises, les membres de l’Observatoire de la décentralisation, présidé par notre collègue Jean Puech, ont souhaité que la loi reconnaisse clairement l’existence d’un statut de l’élu local, dont certains éléments, il est vrai, figurent déjà dans notre droit. Pour cela, ils ont proposé que l’on saisisse l’occasion offerte par la révision de la Constitution.
Nos collègues souhaitaient que cette reconnaissance prenne la forme d’une loi organique, ce qui n’est pas possible, car ce type de texte sert à appliquer ou à décliner la Constitution. S’il existe des lois organiques sur le statut des magistrats, du Parlement ou des parlementaires, c’est parce qu’il s’agit de fixer les conditions du fonctionnement d’autorités constitutionnelles. Il n’est pas possible de prévoir une loi organique pour ce qui relève de la loi ordinaire, sinon nous n’en finirions pas !
M. Puech souhaitait que soit clairement exprimée la volonté du Parlement quant à un statut des élus locaux. Je l’ai suivi sur ce point, et M. Gouteyron défendra un amendement n° 151 rectifié quinquies, identique à l’amendement n° 503 rectifié de la commission, afin de compléter le huitième alinéa de l’article 34 de la Constitution et de parvenir à la rédaction suivante :
« La loi fixe également les règles concernant :
« – Le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; »
Le code général des collectivités territoriales comporte déjà plusieurs dispositions relatives au statut des élus des collectivités territoriales.
Les dispositions relatives au statut des élus locaux reposeront donc sur un fondement constitutionnel précis, ce qui permettra de les compléter et de les améliorer.
À cet égard, beaucoup de choses ont été faites par le passé en matière de retraites, de formation ou d’autorisation d’absence pour les élus locaux. Il conviendrait donc à mon avis de revoir l’ensemble du dispositif afin que tout soit parfaitement clair et cohérent.
Qui plus est, nous allons désormais pouvoir procéder à l’évaluation des lois, beau sujet s’il en est !
L’Observatoire de la décentralisation a d’ores et déjà beaucoup travaillé sur ce sujet – il convient ici de remercier son président, M. Jean Puech, de sa persévérance –, et ses travaux se poursuivront, je pense, afin d’aboutir à un statut de l’élu local parfaitement clair et explicite.
Le sous-amendement n° 504, présenté par M. Cointat, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. Ferrand, est ainsi libellé :
I. - Au début du second alinéa de l'amendement n° 503 rectifié, remplacer les mots :
Le huitième alinéa est complété par les mots
par les mots :
Après les mots :
« assemblées parlementaires »,
la fin du huitième alinéa est ainsi rédigée :
II. - Dans le même alinéa de l'amendement n° 503 rectifié, avant les mots :
ainsi que les conditions d'exercice
insérer les mots :
, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France
La parole est à M. Christian Cointat.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons là un point extrêmement important pour les Français de l’étranger. Dès lors, vous comprendrez que j’essaie de vous expliquer les choses avec une certaine solennité.
En effet, il y a eu les lois de décentralisation, suivies d’une modification constitutionnelle. Afin que les Français établis hors de France ne soient pas laissés sur le bord du chemin, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a accepté l’amendement que j’avais déposé à l’article 39, tendant à ce que les instances représentatives des Français de l’étranger soient mentionnées dans la Constitution et relèvent du domaine de la loi dans le cadre de la priorité d’examen qui était conférée au Sénat. Nous en reparlerons le moment venu.
L’Assemblée nationale, défavorable à l’examen prioritaire du Sénat, compte tenu de la création de sièges de députés représentant les Français établis hors de France, a supprimé de cet article 39 la référence aux Français établis hors de France.
Nous aurons certes l’occasion de reparler de l’opportunité de ce choix, mais je voudrais dès à présent souligner que, alors que seule la priorité du Sénat était en cause, le vote de l’Assemblée nationale a abouti à faire disparaître de la Constitution toute référence aux Français établis hors de France et à la couverture de leurs instances représentatives par le domaine de la loi. Or il s’agit là, vous le comprendrez, d’un élément essentiel à nos yeux, tant il est vrai que cette suppression nous renvoie dans la nuit, dans une nuit où nous serons seuls puisque la décentralisation a déjà produit ses effets !
Dès lors, le sous-amendement n° 504 vise à mentionner les instances représentatives des Français établis hors de France dans l’article 34 – elles y ont d’ailleurs plus leur place que dans l’article 39 –, afin qu’elles relèvent du domaine de la loi.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite très fortement, avec toute ma conviction, à voter ce sous-amendement.
La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour présenter l’amendement n° 151 rectifié quinquies.
M. Hyest ayant en quelque sorte annoncé mon intervention, je rappellerai tout simplement que cet amendement résulte d’une initiative du président de l’Observatoire de la décentralisation à laquelle se sont associés un nombre significatif de collègues, membres ou non membres de cet Observatoire, cette initiative leur ayant paru particulièrement intéressante.
Notre collègue Jean Puech a fait observer qu’il était utile – personne au Sénat ne le contestera – que mention soit faite des élus locaux dans la Constitution.
Le mot « statut », utilisé par M. Hyest, n’apparaît pas dans mon amendement, mais c’est en réalité bien de cela qu’il s’agit. En effet, c’est une véritable reconnaissance qui est ici demandée.
Les auteurs de cet amendement avaient envisagé dans un premier temps d’insérer ce texte sous forme d’article additionnel après l’article 30 ; nous nous sommes finalement rangés à l’avis de M. Hyest Je note d’ailleurs que cet amendement sera satisfait en cas d’adoption de l’amendement n° 503 rectifié de la commission.
Le sous-amendement n° 155 rectifié bis, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mmes Kammermann et Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 151 rectifié par les mots :
et des instances représentatives des Français établis hors de France
La parole est à M. Christian Cointat.
Ce sous-amendement, qui concerne le mandat des élus des instances représentatives des Français établis hors de France, avait d’abord été déposé à un autre endroit du texte ; mais il a suivi le déplacement de l’amendement n° 151 rectifié quinquies.
À partir du moment où l’on réunit l’ensemble de la problématique dans un seul texte, la rédaction obtenue est un peu lourde. Toutefois, cette mention correspond à une revendication de longue date émanant des élus des Français de l’étranger, des conseillers membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, en vue d’obtenir un statut d’élu local. En effet, il s’agit d’élus au suffrage universel comme les autres, et l’adoption de ce sous-amendement permettrait effectivement d’aller dans ce sens.
Mais, madame le garde des sceaux, ne voulant pas abuser, je m’en remettrai à votre sagesse sur ce point, pour autant, bien entendu, que vous me donniez satisfaction sur le reste..)
L'amendement n° 43 rectifié bis, présenté par M. Cointat, Mmes Kammermann et Garriaud-Maylam et M. Ferrand, est ainsi libellé :
Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
° Après le huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - l'organisation des instances représentatives des Français établis hors de France ; » ;
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Lorsque l’on représente une population importante qui n’a pas de territoire, il convient d’être extrêmement prudent. C’est la raison pour laquelle j’ai pris un parachute ventral !
Sourires
Il est clair que, si le sous-amendement n° 504 est adopté, cet amendement n’aura plus d’objet.
L'amendement n° 453, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le quatorzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - de l'organisation des instances représentatives des Français établis hors de France ; »
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Cet amendement est quasiment identique à celui qu’a présenté notre collègue Christian Cointat. La différence entre les deux tient à leur emplacement respectif dans le texte.
Finalement, ce que nous souhaitons et qui nous semble correspondre à ce que nous défendons tous, c’est que l’Assemblée des Français de l’étranger soit considérée, ainsi que cela figure dans le quatorzième alinéa, comme une collectivité territoriale. Le problème est qu’elle n’a pas de territoire ; il s’agit donc d’une collectivité extraterritoriale, selon l’expression que nous employons souvent.
Dans ces conditions, mieux vaut, à notre avis, placer les dispositions souhaitées par Christian Cointat après le quatorzième alinéa de manière à bien préciser que nous voulons faire de l’Assemblée des Français de l’étranger une collectivité d’ « outre-frontière », selon la formule qu’emploie souvent Christian Cointat lorsque nous discutons de ces questions.
L'amendement n° 454, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France ; »
La parole est à M. Richard Yung
Cet amendement a trait au régime électoral des instances représentatives. Il vise à faire relever du domaine de la loi la fixation des règles concernant le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France. Il s’agit de tirer les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a considéré que le régime électoral du Conseil supérieur des Français de l’étranger, devenu en 2004 l’Assemblée des Français de l’étranger, relevait du domaine de la loi.
La commission est bien entendu favorable à l’amendement n° 151 rectifié quinquies, identique à son amendement n° 503 rectifié.
Elle émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 155 rectifié bis, défendu par M. Cointat, et souhaite le retrait des autres amendements, qui seront d’ailleurs satisfaits.
Bien sûr, nous pourrions discuter indéfiniment de l’emplacement le plus adéquat, mais il faut synthétiser quelque peu les choses !
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez, à travers l’amendement n° 503 rectifié, que la loi fixe les règles relatives aux conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres élus des collectivités territoriales.
Cette question relève très largement de la loi. Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de reconnaître que le libre exercice de leur mandat par les élus locaux revêtait le caractère d’une liberté fondamentale. Par conséquent, les dispositions les plus importantes, celles qui ont une incidence sur le libre exercice du mandat électoral par un élu local, sont de la compétence du législateur. Elles se rattachent aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques et aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales.
Toutefois, le Gouvernement est sensible à la position prise par la commission des lois. De ce point de vue, la disposition qu’il est proposé d’insérer à l’article 34 montrerait plus clairement que cette question est du niveau législatif. Elle serait aussi de nature à affirmer l’importance accordée au statut des élus locaux qui s’engagent sur le terrain avec beaucoup de dévouement, au service de leurs concitoyens.
C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Monsieur Cointat, le sous-amendement n° 504 vise à inclure dans le domaine de la loi le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France. Comme vous l’avez indiqué, l’article 39 de la Constitution, à la suite d’une initiative de votre part, mentionne, depuis la révision de 2003, l’existence de lois relatives aux instances représentatives des Français établis hors de France.
Le sous-amendement que vous proposez ici permettra d’asseoir plus solidement la compétence du législateur en ce qui concerne ces instances représentatives des Français établis hors de France. Cette compétence est d’ailleurs d’autant plus légitime que les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par un collège formé par des membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 503 rectifié et sur le sous-amendement n° 504. Si le Sénat les adopte, les autres amendements et sous-amendements seront donc satisfaits.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 504.
Mme Cerisier-ben Guiga et M. Yung se sont exprimés, mais ces sujets ne sont pas le monopole des Français de l’étranger.
Je tiens à remercier M. le rapporteur d’avoir réussi à mettre de l’ordre dans l’imagination foisonnante de notre collègue Christian Cointat et à simplifier la discussion, car, avec les différents amendements déposés sur le même sujet par notre collègue, il devenait difficile de savoir ce que l’on votait !
Le sous-amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 151 rectifié quinquies, le sous-amendement n° 155 rectifié bis et les amendements n° 43 rectifié bis, 453 et 454 n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 42 rectifié bis est présenté par M. Cointat, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. Ferrand.
L'amendement n° 452 est présenté par Mme Cerisier-ben Guiga et M. Yung.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - le régime législatif et l'organisation particulière des Français établis hors de France ; » ;
La parole est à M. Christian Cointat, pour défendre l’amendement n° 42 rectifié bis.
Il n’y a ni foisonnement ni débordement ! Il se trouve que les amendements qui restaient comme parachute ventral, dirai-je, …
…avaient été déposés avant même que des modifications ne soient apportées à l’amendement de la commission des lois. Or, si un sous-amendement est déposé et que l’amendement auquel il se réfère tombe, le sous-amendement n’a plus d’objet. Je n’ai donc pas retiré, par précaution, les amendements précédents.
Il y avait d’ailleurs une cohérence et une volonté politique dans les amendements que j’ai présentés.
Ces amendements avaient un triple objectif.
Le premier, c’était le régime législatif et la reconnaissance d’instances représentatives. C’est fait, et j’en remercie très chaleureusement les membres de cette assemblée et, bien entendu, Mme le garde des sceaux.
Le deuxième, c’était le statut des élus locaux. Je n’ai pas eu de réponse, mais j’ai compris que la réflexion n’était pas encore assez mûre pour qu’il soit inscrit dans ce texte, et je le reconnais d’autant plus volontiers que le mot « assemblée délibérante » montre bien que l’on n’en est pas encore à ce stade. Voilà pourquoi je n’ai pas insisté. Il s’agissait simplement d’un appel, …
Sourires
… et j’espère que l’on continuera à y réfléchir.
Le troisième objectif, c’est l’ensemble de l’organisation.
Ne croyez pas que les mots utilisés dans cet amendement soient anodins. J’’ai en effet repris une disposition de la Constitution qui est exactement à l’opposé de ce que sont les Français de l’étranger : alors que ces derniers sont des citoyens sans territoire, il est dit ceci dans la Constitution, à propos des terres australes antarctiques françaises, territoire sans habitants : « La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des terres australes antarctiques françaises ». Il serait utile, nous semble-t-il, que cette disposition soit étendue aux Français établis hors de France parce qu’ils ont eux aussi une spécificité, mais que, de surcroît, ce sont des hommes et des femmes, et qu’ils méritent d’être pris en considération.
Cependant, cette disposition étant beaucoup moins importante que celle que le Sénat a précédemment adoptée, je me rangerai à l’avis de la commission et du Gouvernement.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 452.
Notre amendement a le même objet que celui de M. Cointat.
Les Français établis hors de France sont soumis à des dispositions législatives particulières en droit civil et en droit de la nationalité. Il est donc nécessaire d’avoir un régime législatif et une organisation particulière, parce que les lois ne sont pas toujours les mêmes pour nous et pour les Français qui résident dans l’hexagone. Telle est la raison pour laquelle nous voulions faire remarquer que notre situation était un peu comparable à celle des collectivités territoriales d’outre-mer.
Cependant, comme Christian Cointat, nous estimons que l’essentiel a été acquis par le vote du premier amendement.
Ces amendements posent un problème de rédaction dans la mesure où la loi fixerait le régime législatif. J’ajoute que ces textes se recoupent largement avec ce qui a été adopté tout à l’heure.
L’amendement n° 42 rectifié bis est retiré.
Madame Cerisier-ben Guiga, l'amendement n° 452 est-il maintenu ?
L'amendement n° 452 est retiré.
L'amendement n° 59, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :
Après le 4° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le quinzième alinéa est complété par les mots : « et de la recherche » ;
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je le reprends, au nom de la commission des lois, monsieur le président.
Il s’agit donc de l’amendement n° 59 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de prévoir que la loi détermine les principes fondamentaux de la recherche comme de l’enseignement. C’est une précision pertinente étant donné l’importance de la recherche pour l’avenir de notre pays.
La commission avait émis un avis favorable sur cet amendement.
Cet amendement tend à préciser que la loi détermine les principes fondamentaux de la recherche.
Si je peux comprendre les motivations qui sous-tendent ce texte, j’indiquerai néanmoins que le Gouvernement a eu l’occasion de marquer toute l’importance qu’il accorde au secteur de la recherche. Telle est la raison pour laquelle il ne semble pas nécessaire d’en faire mention à l’article 34 de la Constitution puisque la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, qu’elle détermine les principes fondamentaux de l’enseignement., et d’autres principes.
Cela conduit déjà le législateur à intervenir très largement dans le domaine de la recherche, notamment dans le secteur de la recherche biomédicale.
Il peut également intervenir par le biais de lois de programme et bientôt de lois de programmation, comme il l’a fait avec la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche.
En outre, le législateur est nécessairement saisi de toute la dimension financière de la recherche publique par le biais des lois de finances.
Le législateur a donc déjà beaucoup d’outils à sa disposition pour déterminer les principes fondamentaux de la recherche et plus largement pour donner des orientations publiques à la recherche scientifique.
Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 450, présenté par MM. Frimat, Repentin, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le dix-huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - du droit de toute personne à disposer d'un logement décent. » ;
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Cet amendement vise à inscrire le droit au logement dans le corps même de la Constitution.
Cet amendement a été fortement inspiré par notre collègue Thierry Repentin. L’avancée qu’il prévoit devrait permettre de ne plus faire dépendre le droit à disposer d’un logement décent d’une interprétation jurisprudentielle sujette à revirement. En effet, plusieurs décisions de justice ayant à considérer l’opposabilité du droit au logement se sont contredites, et ce n’est malheureusement pas la loi du 5 mars 2007 qui va changer les choses !
Le Conseil constitutionnel, dans plusieurs de ses décisions, a reconnu que « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent » était un objectif de valeur constitutionnelle résultant à la fois des alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946 et du « principe à valeur constitutionnelle » de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation » qu’implique le préambule de la Constitution de 1946 dans son ensemble.
La mention de ce droit figure aussi à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 11 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ou encore à l’article 31 de la Charte sociale européenne.
Mais la jurisprudence a souvent varié. Rappelons-nous une affaire qui a eu lieu en 2002. Un couple invoquant les dangers de leur logement avait saisi le juge administratif des référés pour qu’il impose à la mairie de Paris et au préfet de leur procurer un logement en attendant la réhabilitation du leur. Le Conseil d’État avait rejeté cette requête, et l’on en avait déduit que le droit au logement, malgré sa valeur constitutionnelle, constituait un simple objectif à atteindre pour les pouvoirs publics et non pas un droit « invocable » par les particuliers.
Il aura donc fallu attendre le 5 mars 2007, et le mouvement médiatique des Enfants de Don Quichotte, pour que vous consentiez à rendre ce droit « opposable ». Désormais, le code de la construction et de l’habitation prévoit en effet ceci : « Le droit à un logement décent et indépendant, [...] est garanti par l’État à toute personne qui [...] n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. »
Aujourd’hui, nous vous proposons tout simplement de reprendre à votre compte la réalité jurisprudentielle selon laquelle le préambule de la Constitution a valeur de droit positif.
Pourriez-vous refuser d’inscrire le droit au logement dans l’article 34 au motif qu’il serait incongru de citer un droit fondamental qui découle déjà de l’interprétation du bloc de constitutionnalité ?
Si vous êtes cohérents, vous répondrez « non ». En effet, votre majorité l’a fait en 2004, à l’occasion de la révision constitutionnelle visant à adopter la charte de l’environnement. À ce moment-là, le Parlement avait élargi le domaine de la loi à la préservation de l’environnement, en ajoutant un alinéa là où nous vous proposons aujourd’hui d’ajouter la mention explicite du droit au logement.
Dès lors, il n’apparaît pas qu’inscrire le droit au logement dans la Constitution serait contraire à l’esprit de nos institutions. Tel est le fondement de cet amendement.
Cet amendement, malgré l’argumentation avancée par Mme Khiari, me paraît réducteur.
Les règles relatives au droit au logement relèvent déjà du domaine de la loi. Je vous renvoie à cet égard à la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
En outre, le droit au logement comporte d’autres aspects que le droit à un logement décent reconnu par la jurisprudence constitutionnelle.
L’amendement n’apporte donc pas de précision utile par rapport au préambule de 1946. Il apparaît même en retrait par rapport à l’étendue des aspects du droit au logement définis par la loi, et c’est donc justement pour rendre service au droit au logement que la commission émet un avis défavorable.
L’article 34 de la Constitution est un article certes essentiel mais qui se borne à énoncer les matières législatives.
Le droit au logement est évidemment de nature législative, mais ce n’est pas à l’article 34 qu’il faut faire figurer le droit de toute personne à disposer d’un logement décent. C’est un objectif, mais ce n’est pas une matière.
Comme vous le dites vous-même, madame Khiari, le Conseil constitutionnel a déjà déduit du préambule de 1946 que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent était un objectif de valeur constitutionnelle. Cela ne relève donc pas de la Constitution, notamment de l’article 34.
Si vous estimez qu’une reconnaissance plus explicite est nécessaire, on peut attendre les conclusions du comité Veil qui doit se prononcer sur les principes devant figurer dans le préambule.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable.
J’ai bien entendu les explications de M. le rapporteur et de Mme le garde des sceaux, mais laissez-moi tout de même vous démontrer qu’un tel amendement peut être utile.
La jurisprudence n’a pas toujours été constante. Pour guider le juge, le législateur est en droit de vouloir faire plus et mieux qu’une loi ordinaire.
La loi instituant le droit au logement opposable commence d’ailleurs à montrer ses effets pervers. En d’autres termes, il y aura certainement des juges pour vous montrer par leurs décisions que nous avons créé non pas un droit au logement opposable mais un droit à l’accès à une procédure. Et cette décision n’est qu’un avant-goût du contentieux à venir sur le droit au logement décent et indépendant.
Pas plus tard que le 5 juin, c’est sur le fondement de la charte sociale que j’ai citée tout à l’heure que le Conseil de l’Europe a rendu deux décisions dénonçant « l’insuffisance manifeste » de l’offre de logements sociaux accessibles aux personnes les plus pauvres dans notre pays. C’est la première fois que de tels constats de violation de la charte des droits sociaux en matière de logement sont établis par le comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe.
Ce jour-là, Mme Boutin a répondu à la presse en estimant que les observations du Conseil de l’Europe avaient été formulées sur la situation prévalant avant le 5 mars 2007.
Dès lors, si vous souhaitez, comme elle, consacrer avec force les engagements de l’État, si vous souhaitez, comme nous, qu’il y ait réellement un avant et un après 5 mars 2007, bref, si vous croyez au droit au logement opposable, je vous appelle à voter cet amendement n° 450.
Surprise pour surprise, monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que la démonstration de Mme Khiari était excellente mais qu’il était tout à fait pertinent, en vue de mieux garantir le droit au logement, de ne pas inscrire cette disposition dans la Constitution.
L’article 34 de la Constitution fait référence à un certain nombre de domaines. Ainsi, il prévoit :
« La loi détermine les principes fondamentaux :
« – de l’enseignement ;
« – de la préservation de l’environnement ; […]
« – du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ; »
Or le droit au logement constitue tout autant, à notre avis, un droit élémentaire. Tout citoyen français a le droit d’exercer le droit syndical et le droit au travail. Le droit à un logement décent s’inscrit dans cette même logique, et cette question est aujourd'hui cruciale.
Il est d’ailleurs choquant de constater que, sauf erreur de ma part, le terme « logement » ne figure pas dans la Constitution, alors qu’il y est question d’environnement. Nous n’avons rien contre le fait que l’environnement y soit mentionné, à plusieurs reprises d’ailleurs, et même dans le préambule ; mais ne concerne-t-il pas, lui aussi, les conditions de vie concrètes et matérielles de nos concitoyens ?
Outre l’enseignement, la préservation de l’environnement, le droit du travail, le droit syndical et de la sécurité sociale, l’article 34 mentionne aussi le régime de la propriété.
On peut certes considérer qu’il s’agit là d’une manière d’aborder la question du logement, et il est peut-être normal de citer le droit du régime de la propriété, droit extrêmement important reconnu très clairement depuis la Révolution française ; mais le fait que toute personne peut disposer en France d’un logement décent a au moins autant d’importance et de pertinence que le droit au régime de la propriété, la préservation de l’environnement, le droit syndical ou l’enseignement !
C’est pourquoi les objections qui nous ont été opposées ne m’ont pas vraiment convaincu ; de nombreux arguments plaident plutôt en faveur de la position défendue par Mme Khiari.
Monsieur Sueur, l’article 34 de la Constitution dispose que la loi détermine les principes fondamentaux non pas du droit au travail, mais du droit du travail. Pour le droit au travail, il y a le préambule de la Constitution ! Par conséquent, si nous décidions de faire figurer le logement dans la Constitution, nous n’inscririons pas le droit à un logement décent, mais le droit du logement.
Cette distinction est importante, sinon on ne comprend plus rien au texte !
Dans ces conditions, je vous demande, madame Khiari, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. Accepteriez-vous, monsieur le rapporteur, un amendement rectifié en ce sens ?
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je mets aux voix l'amendement n° 450.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 111 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 455, présenté par MM. Frimat, Assouline, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...°Après le dix-huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - de la liberté, du pluralisme et de l'indépendance des médias ; ».
La parole est à M. David Assouline.
Je reviens à la charge. Lorsque j’ai présenté cet amendement à l’article 1er, on m’a dit comprendre l’intention qui m’animait, mais considérer que cette disposition n’avait pas lieu d’être à cet endroit du texte et qu’elle devait plutôt être intégrée aux grands principes édictés dans la Constitution ou à ceux qui seront issus des travaux du comité de réflexion sur le préambule de la Constitution que préside Mme Veil. Cependant, il faut absolument que cette Constitution rénovée fasse apparaître la notion de la liberté, du pluralisme et de l’indépendance des médias.
Il s’agit d’inscrire dans la Constitution que la loi garantit explicitement le principe de liberté, du pluralisme et de l’indépendance des médias. Indépendamment de ce qui sera décidé – mais j’espère que vous voterez cet amendement –, la loi doit même veiller à ne pas porter atteinte à ce principe, et, disant cela, je pense au projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.
La loi doit garantir l’indépendance des médias en interdisant à toute entité économique dont l’activité et les revenus sont substantiellement liés à des commandes publiques de participer au capital d’une entreprise éditant des titres de presse et/ou des services de communication audiovisuelle ou électronique.
Tel est le sens de ma proposition, même si d’aucuns peuvent en faire une autre interprétation. Au demeurant, nous devrions pouvoir nous accorder sur le fait d’inscrire ce principe dans cet article de la Constitution, étant entendu que les médias envahissent notre vie depuis 1958 et qu’ils ont une influence extraordinaire sur la vie publique et sociale. Il faut donc absolument garantir leur liberté et leur indépendance.
Il va arriver un moment où nous allons devoir réviser entièrement l’article 34 de la Constitution parce que de nombreux domaines ne figurent pas dans les principes fondamentaux qui y sont énumérés !
Les principes fondamentaux de la liberté, du pluralisme et de l’indépendance relèvent du domaine de la loi.
Tout en comprenant la philosophie de cet amendement, le Gouvernement considère qu’il n’est pas utile de mentionner ces principes à l’article 34 de la Constitution, qui se borne à définir la répartition des compétences entre le domaine législatif et le domaine réglementaire.
Si la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias sont évidemment de nature législative et relèvent donc bien, à ce titre, des libertés publiques visées à cet article, il n’est pas utile de le préciser dans la mesure où l’article ne décline pas tous les champs.
Dans son deuxième alinéa, l’article 34 de la Constitution « fixe les règles concernant […] les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Si l’on mentionne la liberté de la communication audiovisuelle, il faut alors mentionner également toutes les autres libertés.
En outre, cet amendement rappelle des principes qui sont déjà garantis au niveau constitutionnel, puisque la liberté de la communication audiovisuelle est directement liée à la liberté d’opinion, à la libre communication des pensées et des opinions affirmées par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs rappelé la valeur constitutionnelle de ces principes dans ses décisions de 1982, de 1986 et de 1989, de même qu’il a reconnu, en 1984, la valeur constitutionnelle de la liberté de la presse et son rôle nécessaire dans la démocratie. Il a également érigé en objectif constitutionnel le caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L’idée est intéressante, mais la manière dont l’amendement est rédigé est plutôt inquiétante.
Actuellement, tout ce qui touche aux libertés publiques relève naturellement du domaine de la loi, cette dernière en fixant les règles au sens du deuxième alinéa de l’article 34 de la Constitution. Concernant les libertés publiques fondamentales, ce sont les articles 10 et 11 de la Déclaration de 1789 qui couvrent la libre communication des pensées et des opinions, en précisant que c’est l’« un des droits les plus précieux de l’Homme ».
Pour le moment, s’agissant de la liberté de la presse, au sens large, le domaine de la loi s’applique donc à toute la matière, et le domaine réglementaire, ramené à quelques mesures pratiques d’application, est très restreint, …
… comme on l’a vu d’ailleurs lorsque ont été créées les institutions telles que le CSA, la CNCL, la Haute Autorité, etc., et que les décisions du Conseil constitutionnel ont rappelé toutes ces règles.
Chers amis, ce soir, on nous propose d’inscrire cette disposition dans la troisième partie de l’article 34, là où la loi ne fait que « déterminer les principes fondamentaux. C’est un peu imprudent, car cela revient à opérer un déclassement partiel d’une matière qui, pour l’instant, émarge au domaine complet de la loi, puisque la loi en fixe toutes les règles.
Je propose donc à mes collègues du groupe socialiste de rectifier l’amendement afin de faire remonter l’alinéa au tout début de l’article 34, dans le premier alinéa qui suit la mention : « la loi fixe les règles ».
Puisque la commission des lois est d’accord, il est plus prudent et plus efficace d’ajouter ces précisions dans le paragraphe qui donne pleine compétence au législateur. Les deuxième et troisième alinéas de l’article 34 se liraient donc ainsi :
« La loi fixe les règles concernant :
« – les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias » ; […] ;
Le fait de remonter l’amendement à ce niveau ne nous conduirait à aucun déclassement partiel. Tant qu’à voter l’amendement, autant le mettre au bon endroit !
Je suis favorable à la proposition de Michel Charasse, et modifie mon amendement en ce sens. Une telle rectification est tout à fait satisfaisante si elle lève une ambiguïté et permet de répondre partiellement à ce que nous a expliqué Mme le garde des sceaux.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 455 rectifié, présenté par MM. Frimat, Assouline, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...°Dans le troisième alinéa, après les mots : « libertés publiques ; », sont insérés les mots : « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; ».
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
Je m’inquiétais, observant que, depuis mardi, date du début de l’examen de ce texte, aucun amendement proposé par le groupe socialiste n’avait été retenu !
M. David Assouline. C’est ce que j’allais dire. Laissez-moi faire mes effets !
Sourires
Je m’inquiétais, je le répète. Mais ce samedi matin – car nous sommes déjà samedi matin ! –, c’est la fête ! La commission des lois, dans sa sagesse, se montre favorable à cet amendement.
Cela paraît évident, mes chers collègues : vous êtes favorables au pluralisme des médias, à leur indépendance, même si celle-ci est gravement mise en danger tous les jours…On le constate dans la réalité quotidienne, et je l’ai rappelé dans mes interventions à l’article 1er.
Mais voilà que le Gouvernement, qui voulait vraiment, pour rénover la Constitution, renouer le dialogue avec l’opposition, émet un avis défavorable, nous privant d’un petit plaisir possible. Je pense que ce refus est aussi un aveu !
Je demande donc à l’assemblée de suivre l’avis de la commission des lois pour remédier à cette attitude de fermeture et permettre à notre disposition d’être améliorée par tous à l’occasion de la navette, dans un esprit constructif.
J’avais proposé, avant l’article 1er A, un amendement n° 159 tendant à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « Les droits fondamentaux sont indivisibles et sont des droits opposables. Tout résident sur le territoire français peut demander et obtenir de la puissance publique le respect de ces droits. »
Le Sénat a refusé une telle disposition, ce que je regrette. Je voterai donc cet amendement.
L'amendement est adopté. –Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
L'article 11 est adopté.
L’article 12 a été supprimé par l’Assemblée nationale.
Mais six amendements faisant l’objet d’une discussion commune tendent à le rétablir.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 109 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 138 est présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :
« Art. 34-1.- Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par une loi organique. Sont irrecevables les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 109.
Dans son texte initial, le Gouvernement donnait aux assemblées la possibilité de voter des résolutions, suivant en cela le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, présidé par Édouard Balladur. L’Assemblée nationale est revenue sur cette disposition, estimant qu’elle était dangereuse et susceptible de remettre en cause la responsabilité du Gouvernement.
Nous n’avons pas partagé cet avis.
D'abord, le Parlement doit, selon nous, assumer la fonction tribunicienne, qui est inhérente à la démocratie représentative et qui trouve dans les résolutions son moyen d'expression le plus naturel, comme en témoigne l'expérience d'une grande majorité des parlements étrangers.
Aujourd'hui, cette fonction ne peut pas vraiment se satisfaire de l'organisation de débats dans le cadre d'une question orale, par exemple, débats qui n’ont pas vocation à déboucher sur une position formalisée. Dès lors, elle utilise le seul vecteur qui lui soit permis, la loi, au risque d’en dévoyer la nature.
Lois « mémorielles » ou à caractère déclaratoire, nombre de dispositions législatives ont perdu tout caractère normatif. Malgré les critiques suscitées par ces dérives, dans lesquelles le Gouvernement porte, tout comme le Parlement, une part de responsabilité, le mouvement n’a pas été enrayé.
Les gouvernements et le Parlement, parfois même dans son histoire récente !
Ce mouvement répond à des aspirations fortes et à un vrai besoin dont seul le mode d’expression actuel est d’ailleurs en cause.
La possibilité de voter des résolutions offre ainsi une chance de recentrer la loi sur l'édiction de normes.
Par ailleurs, le vote des résolutions s’inscrirait dans un contexte très différent de celui des Républiques antérieures : sous l’empire de la Constitution de 1958, la responsabilité du Gouvernement ne peut être mise en cause que dans le cadre des dispositions de l’article 49.
Enfin, l’expérience des résolutions européennes introduites dans la Constitution par les révisions des 25 juin 1992 et 25 janvier 1999 montre que le Parlement a fait un usage très mesuré du pouvoir qui lui était reconnu.
En conséquence, la commission des lois vous propose de reprendre la disposition figurant dans le texte initial du projet de loi constitutionnelle, en prévoyant toutefois de renvoyer à la loi organique, et non aux règlements des assemblées – c’est important ! –, les modalités de mise en œuvre du droit de voter des résolutions.
Par ailleurs, seraient irrecevables les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement.
En outre, parmi les conditions fixées dans la loi organique, devraient figurer l’obligation d'un nombre minimal de signatures pour présenter une résolution et celle d’un examen préalable en commission.
Ainsi, entre la fonction de légiférer et celle de contrôler, le Parlement disposerait d’un instrument adapté pour formuler une position ou un vœu.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à suivre l’intention initiale du Gouvernement de mieux encadrer les résolutions. Cet outil extrêmement utile devrait permettre aussi de revaloriser le rôle du Parlement.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 138.
La commission des affaires étrangères s’est saisie de cette question. Nous sommes parvenus exactement aux mêmes conclusions que la commission des lois.
Je reconnais, avec M. Hyest, que le fait pour les assemblées de pouvoir voter des résolutions va établir une vraie délimitation entre le vote de la loi et le vote, par exemple, de motions mémorielles qui, il faut bien le dire, ont pu avoir sur nos relations avec des pays étrangers…
… une incidence réelle.
Permettez-moi d’insister sur deux points importants.
Tout d’abord, il est indispensable que la loi organique veille à ce que l’Assemblée nationale et le Sénat aient le même corps de règles, afin qu’il soit impossible aux assemblées d’agir chacune d’une manière différente.
M. le rapporteur acquiesce.
Par ailleurs, il est important de disposer d’un dispositif de filtrage. En effet, les motions peuvent, si l’on n’y prend pas garde, se transformer en injonctions au Gouvernement. C’est ce contre quoi avait voulu lutter le Conseil constitutionnel en son temps, puisque, sous des républiques précédentes, c’est par le biais de motions que l’on mettait en réalité en cause, de manière sournoise, la responsabilité gouvernementale, …
… sur l’ordre du jour effectivement. La bataille de l’ordre du jour était en réalité une interpellation du Gouvernement et une mise en cause de sa responsabilité.
Bien que je sois extrêmement méfiant à l’égard des résolutions, le dispositif proposé par la commission des lois offre, me semble-t-il, beaucoup de garanties et se révélera même extrêmement utile, par exemple pour appuyer le Gouvernement dans sa politique étrangère ou, en tout cas, pour faire connaître le sentiment du Parlement sur des affaires importantes, à condition toutefois que les résolutions restent votives, sans devenir injonctives.
L'amendement n° 188, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré, un article ainsi rédigé :
« Art Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. Elles s'imposent au gouvernement. »
La parole est à M. Jean-François Voguet.
Nous souhaitons, pour notre part, que les résolutions soient injonctives, et c’est le sens de notre amendement.
Cet article 12 a été fort débattu à l’Assemblée nationale, et la disposition présentée a finalement été supprimée.
Initialement, il s’agissait de la proposition n° 48 du comité Balladur, ayant reçu l’agrément du Gouvernement.
Cette disposition nouvelle aurait permis utilement de contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle les chambres ne peuvent voter de résolutions que dans les domaines prévus par la Constitution, soit, en pratique, dans un nombre très limité de cas : modification du règlement de l’assemblée, levée de l’immunité de l’un de ses membres, mise en accusation du Président de la République ou, depuis 1992, déclaration sur un projet d’acte de l’Union européenne.
La volonté du comité et du Gouvernement était donc d’offrir la faculté au Parlement, à l’instar de la grande majorité des parlements étrangers, d’adopter en tout domaine des résolutions n’ayant pas de valeur contraignante, mais marquant l’expression d’un souhait ou d’une préoccupation.
Cette disposition, dans l’esprit de ses auteurs, aurait permis également de décharger la loi de cette fonction tribunitienne, et ainsi de lui garantir son caractère normatif, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Un certain nombre de sénateurs, tous groupes politiques confondus, se sont émus de cette suppression et proposent de rétablir cet article. Nous sommes bien sûr favorables à une telle réintroduction.
Toutefois, nous allons plus loin dans la conception du rôle de ces résolutions, afin de ne pas les cantonner à une simple fonction tribunitienne. Nous souhaitons en effet qu’elles deviennent impératives pour le Gouvernement. C’est le sens de cet amendement.
L'amendement n° 278 rectifié, présenté par MM. Mercier, About, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Soulage, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Jégou, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 34-1. - Sans préjudice de l'application des articles 49 et 50, les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Comme tous, dans cet hémicycle, si je comprends bien, nous souhaitons rétablir le droit de résolution supprimé par les députés.
Cette volonté unanime cache peut-être quelques différences de rédaction et d’encadrement de l’exercice de ce droit. Mais, pour nous, il est indispensable de rétablir ce droit de résolution, qui constitue l’une des pierres angulaires du projet de loi constitutionnelle. C’est peut-être une mesure emblématique de revalorisation et de renforcement des pouvoirs du Parlement.
La suppression votée par les députés est d’autant plus regrettable que ceux-ci ont, en contrepartie, inséré dans la Constitution un article instaurant un mécanisme de déclaration thématique du Gouvernement.
J’en viens aux modalités d’exercice de ce droit.
Si nous souhaitons que le règlement des assemblées fixe les conditions d’exercice de ce droit, c’est pour que chaque assemblée décide souverainement de la manière d’exercer ce droit, à l’instar de ce qui se passe pour le vote des résolutions européennes, en vertu de l’article 88-4 de la Constitution. Ce n’est pas à une loi organique de décider pour l’une ou pour l’autre assemblée. L’amendement n° 278 rectifié vise donc au rétablissement de la possibilité pour les assemblées de voter des résolutions « dans les conditions fixées par leur règlement ». Nous espérons que les députés suivront notre position.
L'amendement n° 353, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 34 -1. - Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. Une loi organique détermine le nombre maximum de résolutions que peuvent voter les assemblées par session ainsi que leur domaine. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Comme d’autres collègues, je souhaite saluer l’initiative de M. le rapporteur de rétablir le droit, pour les assemblées, de voter des résolutions. Ce droit me semble très utile, en particulier pour les lois mémorielles et tout ce qui concerne les relations internationales, à condition, bien sûr, de ne pas les oublier au fond des tiroirs. C’est malheureusement trop souvent le cas pour certaines résolutions européennes.
Il me semble cependant que l’amendement n° 109 ne donne pas aux assemblées une maîtrise suffisante de ce droit, puisqu’il renvoie à une loi organique le soin d’en fixer les conditions d’exercice. Il y a là un risque de dérive. C’est la raison pour laquelle il faut encadrer ce droit par une loi organique.
Mon amendement vise donc à laisser aux règlements de chaque assemblée le soin de fixer les modalités d’exercice de ce droit, tout en réservant à la loi organique le soin de définir le nombre de résolutions qui pourront être adoptées, ainsi que leur champ.
L'amendement n° 456, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :
« Art. 34-1. - Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions. Celles-ci sont transmises au Gouvernement et publiées au Journal officiel. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Le vote de résolutions par les assemblées parlementaires a été historiquement une victime du parlementarisme rationalisé.
Le coup fatal a été porté par le Conseil constitutionnel saisi automatiquement des projets de règlement, dès la première session ordinaire du Parlement de la Ve République dans ses décisions des 17 et 24 juin 1959.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont eu pour effet de réduire considérablement le champ des résolutions, qui ne peuvent exister aujourd’hui, cela a été dit, que dans des cas très précis.
Le Parlement est donc placé dans une situation dans laquelle, pour pouvoir exprimer son opinion, il ne peut que recourir au dépôt de propositions de loi ou d’amendements sans véritable portée normative et dont la seule fonction est de servir de support à l’expression d’une opinion.
Il existe donc des lois, ou des parties de loi, dont le seul objet est souvent de répondre à des nécessités de communication. On a parlé des lois mémorielles. Tout cela ressortit plus à la littérature, souvent intéressante et porteuse de fortes convictions, qu’à un véritable travail législatif qui consiste à établir une norme.
Il est très important de rétablir cet article 12, qui a été supprimé par l’Assemblée nationale. Nous ne sommes pas du tout convaincus par les amendements qu’elle a présentés. Le Parlement doit pouvoir s’exprimer et prendre position sur des sujets essentiels sur lesquels nos concitoyens s’interrogent.
On ne peut pas dire qu’il faut, d’un côté, renforcer les droits du Parlement et, de l’autre, lui interdire d’user de cette procédure. Enfin, il est paradoxal de permettre le vote de résolutions sur les projets de texte européens, mais pas sur les sujets nationaux.
La seule différence entre notre amendement et celui qui a été présenté par M. le rapporteur, c’est que nous ne pensons pas qu’il soit utile de préciser que ce vote se déroule dans les conditions fixées par une loi organique et que les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement sont irrecevables. Nous estimons qu’il ne faut pas poser de limites au vote de résolutions par le Parlement.
Non, les résolutions n’auront aucun caractère normatif, ce qui n’était pas le cas sous la IVe République. Nous pensons que le Parlement doit bénéficier souverainement de la libre possibilité de s’exprimer.
Nous souhaitons que les résolutions puissent prospérer. J’ai lu avec la plus grande attention ce qui avait été dit à l’Assemblée nationale.
Nous voulons que la loi organique fixe les modalités de mise en œuvre du droit de voter des résolutions afin que les résolutions adoptées à l’Assemblée nationale et au Sénat soient de même nature et que les modalités ne soient pas différentes selon les règlements. Je tiens donc beaucoup à cette disposition.
En outre, nous excluons que les résolutions puissent mettre en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement afin que le caractère de la résolution ne soit pas détourné de son objectif comme sous la IVe République.
Si nous voulons que l’Assemblée nationale revienne sur son avis négatif, il faut prévoir un encadrement réaliste ! C’est d’ailleurs ce qu’elle recherchait. Si nous repartons sur le texte du Gouvernement, nos collègues députés ne disposeront d’aucun argument complémentaire et voteront de la même façon.
L’Assemblée nationale a ensuite imaginé, en contrepartie, d’introduire la possibilité, pour le Gouvernement, de faire une déclaration à caractère thématique. Dès lors, pourquoi modifier la Constitution sur ce point ?
C’est la raison pour laquelle les amendements n° 278 rectifié, 353 et 456 sont satisfaits ou partiellement satisfaits.
Je suis cependant obligé d’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 188, aux termes duquel les résolutions s’imposent au Gouvernement.
Dans ce cas, on pourrait penser que les résolutions sont uniquement destinées au Gouvernement.
En revanche, j’étais d’accord avec la première partie de votre amendement, madame Borvo Cohen-Seat, laquelle était satisfaite par les amendements identiques n° 109 et 138.
Dans un premier temps, nous avions pensé reprendre le texte du Gouvernement ; dans un deuxième temps, après de longues réflexions, nous vous proposons une nouvelle rédaction qui a reçu l’avis favorable de la grande majorité des membres de la commission des lois.
La commission des lois et la commission des affaires étrangères ont proposé de rétablir la possibilité pour le Parlement, initialement inscrite dans le projet de loi constitutionnelle, de voter des résolutions.
Le Gouvernement avait souhaité, en prévoyant le vote de résolutions, combler ce qui avait pu apparaître comme une lacune dans les modes d’expression du Parlement. En effet, la plupart des parlements étrangers connaissent les résolutions. C’est un mode d’expression politique pour marquer un vœu ou une préoccupation. C’est aussi un moyen de décharger nos lois de dispositions qui n’ont pas de portée normative.
Le Gouvernement n’avait pas été insensible aux craintes exprimées à l’Assemblée nationale quant aux abus qui pourraient être faits de cette nouvelle faculté.
C’est pourquoi il avait regardé d’un œil favorable les propositions alternatives de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Ces amendements empruntent une autre voie en revenant en partie au texte du projet de loi, mais avec un encadrement, en prévoyant l’irrecevabilité des propositions de résolution mettant en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement.
En tout état de cause, il appartiendra aux assemblées d’éviter toute dérive qui conduirait à permettre l’examen en séance de résolutions qui auraient pour conséquence de mettre en cause directement ou non la responsabilité du Gouvernement ou de ses membres.
De telles propositions seront irrecevables et ne devront pas même venir en discussion.
Le Conseil constitutionnel devra veiller à ce que les règles relatives aux résolutions, qu’elles soient contenues dans la loi organique ou les règlements, respectent très strictement ce cadre constitutionnel.
Ces observations importantes étant faites, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements identiques n° 109 et 138. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les autres amendements.
L’amendement n° 188, qui a été déposé par le groupe CRC, est exactement à l’opposé de ce que nous voulons faire. Je donnerai un exemple du caractère nocif de cette rédaction si elle était appliquée.
Imaginons qu’un Gouvernement doive participer à une négociation difficile à l’Organisation mondiale du commerce ou au Conseil européen, par exemple, et que l’opinion publique ou certaines professions soient fondamentalement hostiles à toutes les concessions que pourrait faire le Gouvernement. Les résolutions qui auront été votées sous le coup de l’émotion ou de la pression lieront le Gouvernement.
Comment un ministre, dans une négociation internationale, peut-il espérer arriver à un accord s’il n’a pas une certaine marge de négociation ni la possibilité de faire des concessions ?
Or on peut rédiger des motions de telle manière que le ministre sera d’avance condamné s’il fait des concessions. C’est donc une entrave grave à la liberté d’action du Gouvernement. C’est pour cette raison que certains voudraient que ces motions aient un caractère contraignant.
La commission des affaires étrangères y est fondamentalement opposée, parce que de telles résolutions seraient dangereuses pour l’action gouvernementale. Ce serait un retour à des errements et des pratiques que nous avons justement voulu bannir dans la Constitution de 1958.
Les dispositions qui ont été prises par la commission des lois permettent d’éviter ce genre d’errements, parce que, lorsque de telles motions arriveront devant la commission, elles seront déclarées irrecevables. Le filtre est donc indispensable.
Malgré l’heure tardive et l’impatience de certains de mes collègues, je prends la parole, car cette discussion me semble intéressante.
Elle montre que, si les amendements n° 109 et 138 sont adoptés, la mise au point de nos règlements ne sera pas simple.
Au fond, si j’entends bien ce que nous disent les uns et les autres, il s’agit d’un domaine qui est proche de ce que l’on appelle les vœux d’intérêt général qu’on dépose au conseil général. §
Il s’agit donc de résolutions dans lesquelles le Parlement, après débat, demandera au gouvernement d’examiner telle ou telle situation, tel ou tel problème, comme cela se fait dans les conseils généraux et régionaux.
Il convient tout de même d’apporter un certain nombre de précisions au moins verbalement. Lorsque ces amendements indiquent que « sont irrecevables les propositions de résolution mettant en cause directement ou indirectement la responsabilité du gouvernement », cela signifie que le gouvernement ne peut pas engager sa responsabilité sur la résolution au titre de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Une fois la résolution votée, dans la minute qui suit, rien n’interdit à l’opposition parlementaire, par exemple, de déposer une motion de censure en vertu de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution.
Cette possibilité est donc toujours ouverte. Si le Gouvernement en sent la nécessité, il peut lui-même dans la foulée, sans qu’il n’y ait plus de lien direct avec la résolution, mais cela peut découler de la discussion, engager la responsabilité du Gouvernement en application de l’article 49, alinéa 1, de la Constitution.
Il faudra donc veiller avec précision à ne pas mettre dans les règlements les dispositions que nous ne voulons pas y voir figurer.
En résumé, le Gouvernement n’aura pas le droit de recourir au 49-3 sur le texte, mais il pourra ensuite faire usage du 49-1, tandis que l’opposition parlementaire pourra demander l’application du 49-2 tout de suite après.
Si nous sommes tous bien d’accord sur ces points, les choses me paraissent plus claires.
Mais nous sommes dans le domaine des vœux d’intérêt général que l’on dépose au conseil général, ce qui n’a rien à voir avec les résolutions de la IVe République, dont l’objet était généralement de mettre directement ou indirectement en cause la responsabilité du Gouvernement. Même quand ces dernières étaient adoptées sans majorité constitutionnelle requise – comme M. Frimat le sait bien, une majorité constitutionnelle était nécessaire pour renverser le Gouvernement, sous la IVe République –, ce dernier se considérait, dans de nombreux cas, comme tenu de remettre sa démission au Président de la République, d’où l’instabilité permanente.
Un jour, il faudra organiser un débat sur la IVe République ! Cela promet d’être intéressant !
Je veux bien que nous délimitions le champ des résolutions afin d’en exclure les questions qui pourraient soulever des problèmes plus importants que la loi. D’ailleurs, vous avez cité les lois mémorielles, ce qui montre bien le champ que vous envisagez.
Mais je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement ne serait pas obligé de donner suite à une résolution votée par le Parlement. Sinon, quel serait le sens d’une telle résolution ?
Si telle est votre conception, c’est alors un vœu pieux, et nous nous apprêtons à affirmer que le Parlement a le droit de voter des vœux pieux !
Je cherche à comprendre.
Même si, comme l’a souligné Mme Borvo Cohen-Seat., on peut espérer que le Gouvernement tirera le meilleur parti de la résolution, sans quoi cette dernière ne servirait à rien…
…je suis d’accord avec M. de Rohan pour dire qu’elle ne s’impose pas au sens juridique du terme, …
…c’est-à-dire que le Gouvernement n’est pas obligé d’obtempérer à ce qui figure dans la résolution.
En vertu de la liberté d’expression du Parlement, nous pouvons, dans notre résolution, éventuellement critiquer, directement ou indirectement, telle ou telle disposition et souhaiter la voir réformer.
Je ne comprends pas ce qu’est une résolution mettant en cause la responsabilité du Gouvernement, et j’aimerais donc que l’on me donne un exemple. Il est un peu étrange que personne ne puisse m’en citer ! Il ne s’agit pas d’une motion de censure qui met en cause, elle, la responsabilité du Gouvernement.
Cela signifie-t-il que la résolution ne peut pas critiquer le Gouvernement ? Par exemple, en cas de grave problème du prix de l’essence et du fioul, nous pouvons apporter notre soutien aux élus et aux représentants au Conseil européen, au Président de la République, pour débloquer les mesures qu’il n’a malheureusement pas obtenues. Est-ce là mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ? Je ne comprends pas ce que cela veut dire.
Pouvez-vous me fournir un cas qui ferait l’objet d’une résolution irrecevable, au motif qu’elle mettrait en cause la responsabilité du Gouvernement ? Dans ce cas-là, je parviendrai sans doute à comprendre…
C’est pourtant parfaitement clair !
Prenons l’exemple du Livre blanc sur la défense et la sécurité intérieure. Imaginons que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre un dispositif qui modifie un certain nombre de structures, ce qui est son droit.
Le lendemain, le Parlement peut voter une résolution demandant que le Gouvernement ne change rien, par exemple, en ce qui concerne l’installation des casernes sur le territoire.
Une telle résolution ne serait pas recevable, …
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … parce qu’elle remettrait en cause l’action du Gouvernement.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe s’exclame.
En revanche, une résolution recevable serait une résolution indiquant, par exemple, que le Parlement comprend très bien la nécessité de réformer les armées, mais qu’il souhaite qu’un effort d’aménagement du territoire soit fait pour permettre l’adaptation dans des zones difficiles du redéploiement des forces militaires.
Mon cher collègue, il est une heure trente-cinq du matin et vous avez obtenu une réponse à votre question. D’autres intervenants souhaitent s’exprimer.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
La réponse de M. le rapporteur a permis de clarifier les choses, mais elle contredit quelque peu l’interprétation de M. de Rohan, à laquelle je souscrivais.
Sous le régime de la IVe République – et la peur de son retour nous envahit régulièrement, ce qui est compréhensible –, la résolution s’imposait au Gouvernement.
Aujourd’hui, la formulation est différente. La mise en cause de la responsabilité relève d’un champ subjectif tellement vaste qu’aucune résolution ne pourra être abordée au Parlement sans risque d’irrecevabilité, sauf à traiter des petites fleurs et du beau temps !
Le dispositif que nous évoquons se rapproche de celui des vœux débattus au sein de nos assemblées départementales, régionales ou communales, …
… dans la mesure où ils ne s’imposent pas, mais donnent lieu à un débat et à un avis sur une question.
Néanmoins, les possibilités de déclarer les vœux irrecevables sont très peu nombreuses. En effet, si les vœux ne pouvaient mettre en cause la responsabilité du maire, du président du conseil général, de l’ensemble de l’exécutif, bien peu pourraient être déposés !
La résolution parlementaire offre un plus au Parlement sans porter atteinte à l’exécutif.
Mais selon l’interprétation donnée par M. Karoutchi, les projets de résolution mettant en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement devraient être déclarés irrecevables en amont et ne pourraient donc même pas être discutés dès lors qu’ils conduiraient à émettre des critiques. Dans ces conditions, vous ouvrez un droit que vous vous empressez de refermer !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, …mais très brièvement !
M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur protestent.
Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président !
L’exemple donné par M. le rapporteur montre que nous nous enfonçons complètement ! Il y a un principe sacré, celui de la liberté et du droit d’expression du Parlement. Or, s’agissant du Livre blanc sur la défense, si je conviens que le Parlement ne peut évoquer les secrets militaires, je considère, dès lors qu’un droit de résolution existe, que toute parole du Parlement est légitime, et ce sur tous les aspects de ce document, en termes de vœux concernant, notamment, l’aménagement du territoire, l’organisation de la défense, du renseignement, etc. Je ne vois donc pas au nom de quoi on limiterait le pouvoir d’expression du Parlement, sauf à dire qu’il ne peut voter que des résolutions montrant que tout va bien et que le Gouvernement agit dans le bon sens.
La nature des choses, si j’ose dire, rétablira un équilibre.
Sachant qu’il existe toujours une majorité et une minorité au sein des parlements, le contenu des résolutions doit avoir un caractère suffisamment large pour aller au-delà des souhaits de la seule majorité. De ce fait, la résolution sort d’un schéma qui serait un véritable couperet pour le Gouvernement.
Je ne vois donc pas quel type de problème peut se poser puisque, je le répète, la nature des choses reprendra ses droits.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l’article 12 est rétabli dans cette rédaction, et les amendements n° 188, 278 rectifié, 353 et 456 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 389 rectifié, présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin, Vendasi et Alfonsi, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« ... - Au sein de chaque assemblée, les présidences des commissions permanentes et des délégations parlementaires sont réparties en fonction de la composition des groupes politiques. La présidence d'au moins une commission permanente de l'Assemblée nationale et du Sénat revient à un groupe politique composé de parlementaires ayant déclaré ne pas soutenir le Gouvernement. Dans le respect de ces conditions, les Règlements de chacune des deux assemblées définissent les modalités qui permettront d'organiser la répartition de ces présidences. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je rappelle que l’article 13 a été examiné par priorité le jeudi 19 juin.
L'amendement n° 461, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 36 de la Constitution est ainsi rédigé :
« . - L'état de siège et l'état d'urgence sont décrétés en Conseil des ministres.
« Leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
Cet amendement concerne l’article 36 de la Constitution relatif à l’état de siège.
Puisque l’histoire est un peu le lot de cette soirée, je rappellerai que l’état de siège, législation la plus ancienne, date de 1849. Cette disposition est aujourd'hui peu usitée.
Il n’en est pas de même de l’état d’urgence qui a été décrété en 1958, en 1961 en Algérie, en 1984 en Nouvelle Calédonie et, plus récemment, en 2005, dans les banlieues.
Par souci de clarification, et pour apporter des garanties maximales sur le plan des libertés publiques compte tenu de l’extension considérable des pouvoirs de police entraînée par la proclamation de l’état d’urgence, nous aurions intérêt à constitutionnaliser l’état d’urgence et à ne pas nous contenter d’une simple jurisprudence, si noble soit-elle, du Conseil d’État.
Le rapport Vedel, en février 1993, préconisait déjà de constitutionnaliser l’état d’urgence, et le comité Balladur a émis une proposition similaire.
Tel est l’objet de cet amendement.
Les conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence sont strictement contrôlées par le Conseil d’État. Il n’est donc pas certain que la constitutionnalisation de ce dispositif apporterait des garanties supplémentaires.
Cependant, dans la mesure où cette constitutionnalisation a déjà été envisagée à certains moments, la commission souhaite recueillir l’avis du Gouvernement sur ce point.
Le Gouvernement avait inscrit l’état d’urgence dans l’avant-projet de loi constitutionnelle. Or le Conseil d’État nous a convaincus du caractère inutile d’une telle disposition. Le régime de l’état d’urgence existe depuis 1955 et il est resté applicable après l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958. En 1985, le Conseil constitutionnel a confirmé que l’état d’urgence pouvait être prévu par la loi. Les juridictions opèrent d’ailleurs un contrôle très vigilant sur son application ; ainsi, lorsqu’il a été déclaré à la suite des violences urbaines de 2005, le Conseil d’État a pris soin de vérifier que cela était justifié.
Aussi le Gouvernement estime-t-il qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution et que son régime est correctement défini par la loi. C’est pourquoi il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 461.
En réalité, ce qui pose problème, c’est que l’état d’urgence et de l’état de siège sont régis par des lois anciennes, voire, pour l’une d’entre elles, très anciennes, et en grande partie obsolètes.
Les modalités d’application de ces lois ne soulèvent aucun problème particulier ; celles-ci sont parfaitement encadrées par la jurisprudence. En revanche, il en va différemment de leur contenu. C’est pourquoi il serait utile de procéder à une nouvelle rédaction de ces lois avant de songer à les constitutionnaliser.
Je suis fasciné par le prodigieux esprit d’ouverture du Gouvernement et par sa capacité à dialoguer !
C’est un a priori. Vous récitez votre bible !
Permettez-moi d’exprimer mon point de vue, monsieur le secrétaire d'État ! Il ne s’agit pas d’un a priori ! Cette attitude est infiniment regrettable.
Je ne suis pas en désaccord avec ce que dit Hugues Portelli, mais, pour autant, faut-il s’en remettre exclusivement à l’appréciation « captatrice » du Conseil d’État ? La déclaration de l’état d’urgence ou celle de l’état de siège ne sont pas des actes anodins. Pour cette raison, ils ont l’un et l’autre toute leur place dans la Constitution. Il est paradoxal que l’état de siège y figure, alors même qu’il n’y a jamais été fait recours, cependant que l’état d’urgence n’y est pas inscrit, alors qu’il a déjà été déclaré dans le passé.
Je regrette l’attitude fermée du Gouvernement, qui contraste avec l’ouverture d’esprit dont a fait preuve à deux ou trois reprises la commission des lois. C’est votre choix, monsieur le secrétaire d'État, mais nous jugerons à l’arrivée !
M. Bernard Frimat. Au terme de cette première semaine d’examen du projet de loi constitutionnelle, vous n’aurez accepté aucun de nos amendements. Mais ce n’est pas grave, car vous pourrez vous rattraper en deuxième semaine !
Rires.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 44 rectifié bis, présenté par M. Cointat et Mmes Garriaud-Maylam, Kammermann et Henneron, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 37 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les règlements d'application d'une loi doivent être publiés dans les six mois de sa promulgation sauf si elle en dispose autrement. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Préalablement à la présentation de mon amendement, je ferai une remarque qui n’a rien à voir avec celui-ci.
J’ai la très nette impression que le système de climatisation a été réglé pour un hémicycle comble. Il fait un froid épouvantable !
Sourires
Rires.
Nouveaux rires.
M. Christian Cointat. Or, l’hémicycle est loin d’être rempli, et ce froid rend les conditions de travail pénibles, surtout pour moi qui viens d’un pays chaud.
Sourires.
Rires.
M. Christian Cointat. J’aimerais pouvoir faire voter une résolution à ce sujet, monsieur le président !
Nouveaux rires.
J’en viens maintenant à mon amendement.
Depuis plusieurs années, nous votons un grand nombre de lois.
Malheureusement, un certain nombre d’entre elles ne sont pas appliquées ou ne sont que partiellement applicables, faute de décrets. C’est très regrettable. Le meilleur moyen d’accroître les pouvoirs du Parlement, c’est de rendre applicables les lois qu’il vote !
L’adoption de cet amendement contribuerait, me semble-t-il, à revaloriser le rôle du Parlement.
L'amendement n° 194, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 13 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 37 de la Constitution est abrogé.
La parole est à Mme Odette Terrade.
La distinction entre les règlements autonomes et les règlements d’exécution des lois a été présentée comme l’une des innovations les plus caractéristiques de la Constitution de la Ve République.
L’article 21 de la Constitution confie ainsi le soin au Premier ministre d’assurer « l’exécution des lois ». Nous ne contestons pas ce pouvoir de l’autorité réglementaire tant que les décrets en question restent subordonnés à la loi et ne contredisent pas, en raison de leur contenu, l’intention du législateur.
Dans la mesure où les renvois à des décrets d’application prolifèrent dans les projets de loi que nous examinons, nous demandons que ces décrets nous soient transmis avant publication, ce qui est rarement le cas.
Cela étant dit, il ressort du texte de la Constitution et de la pratique des institutions, laquelle s’explique en partie par le fait majoritaire, un renforcement du pouvoir réglementaire préjudiciable à un exercice démocratique du pouvoir.
La réduction à son strict minimum de l’initiative parlementaire et le recours de plus en plus fréquent aux ordonnances de l’article 38 sont autant de signes du recul du pouvoir parlementaire.
L’article 37 de la Constitution prévoit que les règlements dits « autonomes » sont pris dans des matières qui leur sont intégralement réservées, puisque toutes celles que l’article 34 n’a pas attribuées à la compétence législative appartiennent au domaine réglementaire. Ainsi, le pouvoir du Gouvernement existe en tant que pouvoir propre initial conféré à l’exécutif.
Comme nous vous l’avons dit lors de l’exposé de notre amendement visant à modifier l’article 34 de la Constitution, le renforcement des droits du Parlement nécessite de supprimer ce domaine réservé et très étendu du règlement. Rien ne justifie de déterminer précisément le domaine de la loi, sauf à vouloir limiter l’intervention du pouvoir législatif.
C’est pourquoi, après avoir demandé la suppression de l’article 34 de la Constitution, nous souhaitons la suppression de l’article 37.
Monsieur Cointat, vous proposez que les règlements d’application d’une loi soient publiés obligatoirement dans les six mois suivant sa promulgation, sauf si elle en dispose autrement.
La commission a adopté sur votre initiative un amendement à l’article 9 du projet de loi visant à ce que le Parlement mesure les effets des lois qu’il a adoptées. C’est ce que l’on appelle le contrôle de l’application des lois. De manière indissociable, le Parlement devra s’assurer d’une publication rapide des règlements d’application, ce que fait le Sénat depuis 1971. Pour ces raisons, j’estime que votre amendement ne se justifie pas.
J’ajoute que certaines difficultés peuvent survenir inopinément dans l’application d’une loi, difficultés dans lesquelles le Parlement peut avoir sa part de responsabilité, la mauvaise volonté du Gouvernement n’étant pas nécessairement en cause. Par conséquent, dans certains cas, et pour diverses raisons, il n’est pas toujours possible de publier les décrets d’application d’une loi dans les six mois suivant sa promulgation. C’est pourquoi il faut se garder d’inscrire dans la Constitution une mesure trop rigide.
En outre, comme je le rappelais à l’instant, nous avons voté un amendement qui permettra au Parlement d’exercer pleinement sa mission de contrôle en mesurant les effets des lois votées. Comme le dit le président Poncelet, cette mission de contrôle est la seconde nature du Sénat.
Pour ces raisons, je vous invite donc à retirer votre amendement, mon cher collègue.
L’amendement n° 194 présenté par Mme Terrade fait suite à l’amendement visant à supprimer l’article 34 de la Constitution. La commission émet un avis défavorable.
Le Gouvernement, dans un souci de cohérence, émet un avis défavorable sur l’amendement n° 194 visant à abroger l’article 37 de la Constitution. Il ne souhaite en effet pas supprimer les dispositions relatives au domaine de la loi qui figurent à l’article 34 de la Constitution. Je rappelle que l’amendement que vous aviez présenté tout à l’heure en ce sens a été rejeté.
Monsieur Cointat, vous proposez que la Constitution impose la publication des règlements d’application d’une loi dans les six mois suivant sa promulgation, sauf si elle en dispose autrement.
Le Gouvernement convient qu’il n’est pas admissible que l’entrée en vigueur d’une loi soit paralysée faute de décret d’application. Cependant, il n’est pas tout à fait convaincu de l’utilité de l’inscription d’un délai dans la Constitution. Il paraît préférable que chaque loi puisse librement déterminer le délai qu’elle entend laisser au pouvoir réglementaire. En effet, certaines réformes très lourdes peuvent nécessiter un délai supérieur à six mois. D’ailleurs, votre amendement permet au législateur de déroger à cette contrainte.
Pour toutes ces raisons, je vous serais reconnaissante de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
J’avais déposé cet amendement avant même que ne soit aménagé le dispositif plus important qu’a évoqué M. le rapporteur.
En quelque sorte, mon amendement était un texte d’appel dont l’objectif était de faire prendre conscience au Gouvernement de la nécessité d’une évolution. Mme le garde des sceaux a répondu dans le sens que je souhaitais. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
Il s’agit donc de l’amendement n° 44 rectifié ter.
Vous avez la parole pour le défendre, madame Khiari.
Le Parlement a voté la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. L’un des articles de cette dernière prévoyait la mise en œuvre du curriculum vitæ anonyme. Depuis lors, le Gouvernement nous mène en bateau et n’a pas pris le décret en Conseil d’État nécessaire, alors même que le curriculum vitæ anonyme reste un outil de l’égalité républicaine et que les discriminations sont synonymes de mort sociale.
C’est pourquoi nous sommes favorables à cette disposition, qui permettra de faire respecter la volonté des parlementaires.
Monsieur Cointat a soulevé un problème essentiel. Aujourd’hui, il est possible à tout gouvernement et à tout ministre de s’opposer à l’application d’une loi votée par le Parlement simplement en n’en publiant pas les décrets d’application.
Cette situation ne date pas d’hier ! Ainsi, parfois six ans après leur adoption, de très nombreuses lois restent lettre morte faute de décrets d’application. Chacun d’entre nous pourrait faire part de son expérience. En ce qui me concerne, je me souviens avoir réussi, après bien des difficultés, à faire voter un amendement concernant une question de santé. Sachez, mes chers collègues, que le décret d’application a été publié quatre ans après la promulgation de la loi !
Cette question est très importante. Il suffit que les décrets des lois que nous votons, après en avoir longuement débattu, ne soient pas publiés pour que celles-ci restent lettre morte. C’est la volonté du législateur qu’on bafoue ainsi continuellement !
Le dispositif figurant à l’article 9 à la suite de l’adoption d’un amendement de M. Hyest est certes positif, mais il n’est pas contraignant. Il faudrait prévoir une sanction ; un ministre pourra toujours se refuser à publier tel ou tel décret, et il ne se passera rien. En dépit de son pouvoir de contrôle, le Parlement n’aura pas la possibilité de contraindre ce ministre ; il pourra simplement voter des résolutions et faire des déclarations.
La proposition de M. Cointat, reprise par Mme Khiari, aurait le mérite de constitutionnaliser le délai de publication des décrets, tout en prévoyant, par bon sens, la possibilité de déroger à cette règle. Je puis vous assurer que l’adoption de cet amendement aurait des conséquences très concrètes sur l’application effective des textes que nous passons des heures à discuter et qui, souvent, restent lettre morte, parfois dans l’indifférence générale.
Je comprends la motivation de l’amendement n° 44 rectifié ter. Il est en effet très irritant de voir des lois, souvent votées dans l’urgence, ne pas être appliquées après six mois, un an ou deux ans, faute de décrets d’application.
Permettez-moi de faire quatre observations.
Premièrement, si l’on veut que l’autorité exécutive agisse dans un délai strict, il faut édicter une règle qui s’applique à toutes les autorités exécutives.
Cette règle devra viser le maire qui tarde à mettre en œuvre une délibération du conseil municipal, le président du conseil général ou du conseil régional qui ne se bouscule pas pour faire appliquer une disposition adoptée contre son gré et qui ne lui plaît pas.
Deuxièmement, si le Parlement est mécontent des retards pris dans la publication des décrets, il peut toujours mettre en cause la responsabilité du Gouvernement.
Troisièmement, mes chers collègues, le Parlement ne peut pas exiger lui-même une multiplicité de décrets qui, la plupart du temps, ne sont ni nécessaires ni utiles.
J’ajoute qu’il peut aussi veiller à proposer la suppression, dans les textes dont il est saisi, des décrets qui sont manifestement inutiles.
Nous passons notre temps à faire des amendements imposant des décrets en Conseil d’État qui ne servent à rien.
J’ai une certaine expérience ministérielle. Je peux vous assurer que la moitié, voire les trois quarts de ces décrets imposés par la loi et souvent par des amendements parlementaires ne servent à rien. Si on ne les prend jamais, c’est qu’il n’y en a pas besoin.
Quatrièmement, si nous voulons que les lois soient mises en œuvre rapidement, cessons d’imposer dans les textes législatifs des centaines de consultations d’organisations plus ou moins représentatives qu’on ne trouve pas toujours, qui chicanent sur la représentativité des uns et des autres, qui ne veulent pas être consultées ou réunies avec telle ou telle autre, qui imposent des délais de réflexion ou de concertation interne, etc. Il est souvent impossible de procéder à toutes les consultations prévues dans le délai de six mois, voire un an au plus, et on perd ainsi un temps précieux.
Il existe sûrement des moyens pour obliger le Gouvernement à tenir les délais. Mais le Parlement doit largement balayer devant sa porte, comme devant celle du Gouvernement. Prévoir ou exiger un décret d’application, c’est souvent enterrer une mesure législative au grand soulagement de tout le monde.
Depuis le début de ce débat, nous travaillons sur la manière de revaloriser le travail du Parlement. Avec l’amendement n° 44 rectifié ter, nous avons l’occasion de réfléchir à la façon de revaloriser le Parlement dans la société.
Les citoyens ne se sentent pas très concernés par nos débats. Ils nous disent : vous votez beaucoup de lois, mais on a l’impression qu’elles s’empilent, que, sur le même sujet, vous pouvez voter une seconde loi avant l’entrée en vigueur de la première, que les décrets d’application ne sont pas publiés, bref, on ne voit pas les choses bouger tout de suite.
La mesure qui nous est proposée serait sans doute parmi les dispositions les plus directement perceptibles par nos concitoyens. Lorsque le Parlement vote une loi, c’est pour que quelque chose change dans la société. Il faut donc que les décrets d’application soient publiés dans de brefs délais.
En outre, si les décrets d’application sortent rapidement, on réfléchira avant de proposer, dans les deux ans qui suivent, un autre texte sur le même sujet. Dans le cas contraire, on risque de vouloir faire voter tout de suite une seconde loi qui viendra s’empiler sur la première.
Inscrire dans la Constitution que les décrets d’application d’une loi doivent être publiés dans les six mois de sa promulgation sera profitable au travail du Parlement et à la perception de ce travail par nos citoyens.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Monsieur le président, il est deux heures cinq. Nous avons examiné soixante amendements ce soir. Il en reste deux cent quarante-trois, et nous disposons encore de cinq séances pour terminer la discussion de ce projet de loi constitutionnelle.
Compte tenu des conditions dans lesquelles nous avons travaillé, de la fatigue générale, je souhaite que le Sénat interrompe maintenant ses travaux.
L’attitude d’ouverture du Gouvernement le conduira sans doute à accéder à votre demande.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis à la disposition du Sénat et je suis prêt à siéger sans relâche.
Sourires
Il en va de même du président de séance !
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement, espérant que le Sénat fera preuve de bonne volonté au cours des prochaines séances, ne voit pas d’objection à ce que la séance soit levée.
J’ai reçu de M. Georges Mouly une proposition de loi visant à préciser l’établissement d’une servitude en dérogation à l’exigence d’une distance d’éloignement entre bâtiments agricoles et habitations ou immeubles occupés par des tiers.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 411, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 23 juin 2008, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 365, 2007-2008), modifié par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Vème République.
Rapport (n° 387, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Avis (n° 388, 2007-2008) de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le samedi 21 juin 2008, à deux heures cinq.