Vaste sujet que celui de la tenue des sessions extraordinaires ! Chaque année, depuis 2002, des parlementaires, de droite comme de gauche, font entendre leur voix pour protester contre la pratique, instaurée par le Gouvernement, de faire examiner chaque été des textes fondamentaux.
Nous avons ainsi adopté l’Acte II de la décentralisation, la réforme du régime des retraites, de la sécurité sociale, des universités, la privatisation de GDF, récemment, l’instauration d’un service minimum dans les transports, autant dire des textes structurants.
Pour ce faire, le Gouvernement et le Président de la République ont choisi la période estivale, pendant laquelle les Français sont en vacances et l’activité des organisations syndicales ralentie.
Nous considérons qu’il s’agit d’un détournement grave de la Constitution et d’une manœuvre politicienne qui n’honore pas ceux qui la pratiquent. Nous souhaitons donc, par cet amendement, encadrer de manière limitative le recours aux sessions extraordinaires.
Nous voulons redonner au seul Parlement la faculté de convoquer une session extraordinaire, à condition que la décision soit prise à la majorité des trois cinquièmes.
Actuellement, aux termes de l’article 29 de la Constitution, le Parlement « est réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale ». Le pouvoir d’initiative est donc partagé, en théorie, entre le Premier ministre et la majorité absolue des députés.
La pratique institutionnelle est tout autre.
À ma connaissance, depuis 1958, une seule session extraordinaire a été réunie sur l’initiative des députés, au mois de mars 1979.
Par ailleurs, il est clair que le pouvoir de décision a été transféré au Président de la République.
Rappelons que, en 1987, durant la cohabitation, François Mitterrand, devant l’éventualité d’une session extraordinaire consacrée à l’examen du projet de loi réformant le statut de la régie Renault, avait cru bon de rappeler la prérogative du chef de l’État en précisant que le Gouvernement ne peut ni décider la convocation d’une session extraordinaire, ni en fixer l’ordre du jour.
De même, lorsque, au mois de mars 1960, Jacques Chaban-Delmas, président de l’Assemblée nationale, informe le général de Gaulle que 287 députés ont demandé la réunion d’une session extraordinaire sur les problèmes agricoles, le lendemain, par lettre, le Président de la République lui motive ainsi son refus : les députés se sont laissé influencer par les dirigeants des syndicats agricoles et, dès lors, la réunion du Parlement qui serait déterminée par des invitations d’une telle nature ne peut être tenue.
Depuis, nul ne conteste cette lecture de la Constitution, qui confère au Président de la République non seulement le pouvoir de prendre un décret, mais aussi un pouvoir d’appréciation plus vaste.
Cette interprétation témoigne encore du glissement de nos institutions vers un empiétement accru du pouvoir présidentiel sur les compétences conjointes du Gouvernement et du Parlement.
En outre, il faut bien admettre que les sessions extraordinaires ont souvent été instrumentalisées, afin de repousser à la période estivale l’examen des mesures les plus impopulaires.
Dans ces circonstances, il nous paraît opportun de confier au Parlement l’initiative des sessions extraordinaires, sur proposition éventuelle du Premier ministre, sessions dont l’ordre du jour doit être fixé de façon suffisamment consensuelle pour emporter l’adhésion de principe d’une majorité qualifiée des membres de l’Assemblée nationale.