Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 20 juin 2008 à 21h45
Modernisation des institutions de la ve république — Articles additionnels après l'article 10

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Comme nous venons de l’exposer à l’amendement précédent, depuis l’été 2002, le Gouvernement détourne les règles constitutionnelles d’organisation des travaux parlementaires en décidant, avec le Président de la République, la tenue de longues sessions extraordinaires.

Il y a bien détournement et, pour le moins, interprétation abusive de la Constitution. En effet, depuis 1995, le temps du débat parlementaire est organisé en session unique, en lieu et place des deux sessions de trois mois existant précédemment.

La réforme de 1995 visait, sous l’impulsion du Président de la République, à renforcer le contrôle des assemblées sur l’activité de l’exécutif et, bien entendu, à améliorer la qualité de travail d’élaboration de la loi.

C’est actuellement tout le contraire qui se produit puisque, à un ordre du jour extrêmement chargé durant l’année s’ajoutent des sessions extraordinaires qui perdent leur rôle de complément de la session ordinaire pour devenir des moments essentiels de la vie législative.

Ces sessions extraordinaires d’été se déroulent, de fait, à une période qui permet l’adoption des textes concernés en dehors de tout contrôle démocratique et populaire réel. Pour cette raison, nous avions déposé une proposition de loi, le 25 juin 2004, visant à encadrer la tenue de ces sessions extraordinaires. Bien évidemment, cette proposition de loi n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour ni débattue dans cet hémicycle.

Pourtant, depuis cette date, la dérive s’accentue.

En 2003, le débat sur les retraites s’était poursuivi durant tout le mois de juillet ; en 2004, c’était la réforme de l’assurance maladie ; en 2006, la privatisation de GDF ; en juillet 2007, encore, MM. Sarkozy et Fillon engageaient la réforme des universités et, surtout, accordaient 14 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches avec la loi TEPA.

Le Président de la République, qui signe le décret de convocation des sessions extraordinaires, s’apprête une nouvelle fois à détourner la Constitution et à imposer, dès cet été, l’adoption d’un projet de loi abrogeant de fait les 35 heures et instaurant le service minimum dans les écoles.

Les conditions d’un débat démocratique ne sont donc pas réunies et les assemblées se transforment en chambres d’enregistrement accéléré.

Comment prendre au sérieux la volonté affirmée de renforcement des droits du Parlement dans le cadre de la révision constitutionnelle en cours ?

L’attitude du Gouvernement relève aujourd’hui de la manipulation des institutions puisqu’il n’y a nullement d’urgence à examiner ces textes. Une telle manœuvre a pour objectifd’éviter l’intervention du mouvement social, pourtant légitime, sur les décisions législatives.

Il est donc temps de préciser et de modifier la Constitution afin que le pouvoir exécutif ne puisse plus jouer avec le calendrier parlementaire, comme il est temps de redonner tout leur sens aux sessions extraordinaires en limitant le pouvoir de convocation au Parlement lui-même, sur sa propre initiative ou sur proposition du Premier ministre, ce qui fait l’objet de l’amendement précédent.

Il est également temps, et c’est l’objet du présent amendement, de limiter le champ législatif afin de réserver aux sessions ordinaires la période d’examen des projets de loi fondamentaux, c’est-à-dire ceux qui relèvent du domaine de la Constitution, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du préambule de la Constitution de 1946, sauf décision contraire des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale.

Pour toutes les raisons que nous avons déjà évoquées, une nouvelle rédaction de l’article 30 de la Constitution aurait également l’avantage de retirer au Président de la République ses compétences concernant le décret de convocation en session extraordinaire.

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