Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 20 juin 2008 à 21h45
Modernisation des institutions de la ve république — Article 11

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Par cet article, l’Assemblée nationale a jugé bon d’inscrire dans la Constitution le principe de la non-rétroactivité de la loi tout en l’assortissant d’une exception : un « motif déterminant d’intérêt général ».

Pourquoi pas ? L’exception qui est donnée correspond, plus ou moins, à la règle posée par la Cour européenne des droits de l’homme, en ce qui concerne la non-rétroactivité de la loi dans les matières autres que la matière pénale.

Cependant, à y regarder de plus près, il y a des raisons de se demander si cet article, en réalité, ne vise pas à permettre, justement, de contourner la règle de non-rétroactivité de la loi pénale sur le fondement de ce « motif déterminant d’intérêt général ».

En effet, la détermination du Président de la République à contourner ce principe concernant le dispositif de rétention de sûreté nous fait craindre le pire. Nous avons déjà vécu une situation de ce genre voilà peu.

Le premier vice-président de la Cour de cassation, M. Lamanda, a opposé une fin de non-recevoir à la demande du Président de la République qui lui demandait de trouver un moyen de faire appliquer la rétention de sûreté de manière rétroactive.

Il n’existe donc pas de moyen de contourner ce principe, sauf à l’atténuer ou à le supprimer. Quel meilleur moyen d’y parvenir si ce n’est en révisant la Constitution ?

C’est ce à quoi tend cet article : donner au Conseil constitutionnel un motif pour permettre la rétroactivité de la rétention de sûreté, ainsi que la mise en œuvre de tous les dispositifs que le Gouvernement cherchera à créer et dont nous pouvons craindre qu’ils ne soient de plus en plus répressifs.

Il suffira que le Conseil constitutionnel considère que la lutte contre la récidive des criminels les plus dangereux constitue un « motif déterminant d’intérêt général » pour que sa jurisprudence, dans le domaine de la rétroactivité de la loi pénale, vole en éclats.

Nous rendrions certainement service au Conseil constitutionnel en supprimant une disposition en fait très dangereuse.

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