Je vais néanmoins exposer le problème, parce qu’il est tout à fait dans la logique de notre conception du pouvoir du Parlement.
Nous déplorons le déséquilibre qui marque la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Parlement, et, d’une façon générale, entre l’exécutif et le Parlement.
Dans l’article 34 de la Constitution de 1958, il est procédé à une énumération relativement détaillée des matières dont la loi « fixe les règles » ou « détermine les principes fondamentaux ». Ces formules ne sont pas anodines.
Cette disposition est sous-tendue par la conviction que certaines matières doivent être réservées au législateur et que le Parlement ne peut se mêler de tâches incombant à l’exécutif.
Même si la jurisprudence constitutionnelle a su rester attachée à une conception formelle de la loi et a puisé dans d’autres dispositions de la Constitution des chefs de compétence législative, la Constitution prévoit la possibilité pour le Gouvernement de s’opposer à l’intervention du Parlement dans le domaine réglementaire.
L’existence du pouvoir réglementaire autonome, qui vient réduire le champ d’intervention du pouvoir législatif, constitue une atteinte matérielle excessive au domaine d’intervention du législateur.
En ce qui concerne le pouvoir d’exécution des lois tiré de l’article 21 de la Constitution, auquel nous ne sommes pas opposés, je dirai quelques mots.
On entend fréquemment, dans cet hémicycle, le Gouvernement exprimer un avis défavorable sur les amendements parlementaires, au motif qu’il s’agit là de dispositions relevant de l’article 37 de la Constitution.
Or on sait que la précision peut, dans certains cas, changer la nature d’une disposition vague et générale. La multiplication des renvois aux décrets est très préoccupante à cet égard.
Au regard de toutes ces considérations, nous pensons qu’il serait utile de ne pas limiter le domaine d’intervention du législateur et de lui laisser la possibilité de légiférer dans des domaines relevant actuellement de l’article 37 de la Constitution.
Dans sa Contribution à la théorie générale de l’État, Carré de Malberg, que certains ont semble-t-il redécouvert, écrivait : « Il n’y a point de place dans le droit français pour une notion matérielle de la loi envisagée au point de vue de son objet [...] La distinction constitutionnelle de la législation et de l’administration ne se réfère pas à certains objets qui seraient législatifs ou administratifs en soi : elle se réfère uniquement à la différence de puissance des organes ».
Dans ce sens, il est en effet nécessaire de restaurer la primauté de la loi afin de crédibiliser l’idée qui vous est chère de renforcement des droits du Parlement, en supprimant les articles 34 et 37 de la Constitution, lesquels ont consacré la restriction du domaine de la loi au profit du domaine réglementaire. Il va de soi, mais mieux vaut le préciser explicitement, que cela ne remet pas en cause le pouvoir réglementaire dans son rôle d’application de la loi. Et l’on sait qu’il y a déjà beaucoup à faire, au regard du retard pris de manière récurrente dans la publication des décrets d’application !