Avec cet amendement, nous proposons également de supprimer le 3° de l’article 11 du projet de loi, introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur, M. Warsmann, amendement adopté à l’unanimité lors de la réunion de la commission des lois, à l’Assemblée nationale.
En séance publique, cet amendement a donné lieu à un débat s’agissant, notamment, des conséquences de cet alinéa sur le contentieux en matière de droit des étrangers, d’autant que M. Warsmann s’était bien gardé de les évoquer lui-même. Les seuls exemples qu’il avait mis en avant pour justifier cette modification ont été le contentieux en matière d’expropriation, en cas d’accident, ainsi que le contentieux sportif.
C’était sans compter sur l’intervention de son ami M. Mazeaud, qui préside une commission chargée précisément de réfléchir à la possibilité de simplifier la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, voire d’unifier, au profit de l’un d’entre eux, le contentieux de l’entrée, du séjour et de l’éloignement des étrangers.
J’ai été moi-même auditionnée par cette commission et, à cette occasion, j’ai précisé la position des élus communistes en cette matière.
Avant d’évoquer plus spécialement les conséquences de cette disposition sur le droit des étrangers, je voudrais dire que, d’une manière générale, l’alinéa en cause porte d’abord atteinte à un principe fondateur des institutions françaises qui est celui de la séparation des pouvoirs, posé par la Révolution et constamment maintenu.
On ne peut pas, sous couvert de moderniser nos institutions ou au prétexte fallacieux de donner plus de pouvoirs au législateur, remettre ainsi en cause un principe constant dans tous les régimes français et présent dans la majorité des États européens qui veut que les actions de l’administration sont contrôlées par un juge de droit public différent de celui qui s’occupe des relations de droit privé.
C’est sans doute en matière de droit des étrangers que cette disposition aurait les plus graves conséquences, puisqu’elle reviendrait à créer un juge unique alors même qu’actuellement le juge administratif et le juge judiciaire ont un rôle et des domaines d’intervention tout aussi distincts que fondamentaux.
D’un côté, le tribunal administratif vérifie que les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et des préfectures respectent les procédures. Il ne statue jamais sur le fond, seulement sur la légalité des actes administratifs.
De l’autre, le juge de la liberté et de la détention – magistrat gardien des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution – vérifie que les droits des personnes mises en rétention ou en zone d’attente ont bien été respectés depuis leur interpellation jusqu’à leur placement.
Rien ne justifie en l’espèce de regrouper ce contentieux dans l’un ou l’autre des deux ordres de juridiction, ni de créer une juridiction spéciale. Sauf, bien sûr, à vouloir empêcher que ces deux juridictions puissent libérer des personnes que la police et la gendarmerie essaient d’arrêter tant bien que mal afin de remplir les objectifs fixés par le Gouvernement en matière d’expulsions effectives du territoire.
Le fait est qu’en moyenne 70 % des mesures d’éloignement ne sont pas mises en œuvre en raison, soit de l’annulation de la procédure par le juge judiciaire ou administratif, de la non-délivrance de laissez-passer consulaire ou encore de l’impossibilité de placer une personne en centre de rétention administrative.
Beaucoup à droite estiment que le juge est une gêne à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement, alors que le juge ne fait qu’appliquer le droit, et seulement le droit.
D’où cette volonté de modifier le système dual qui existe actuellement afin de faciliter l’exécution des mesures d’expulsion et d’atteindre ainsi les objectifs assignés chaque année par le Gouvernement.
Le vrai problème, en l’espèce, vient essentiellement de la politique d’immigration du Gouvernement qui entraîne la multiplication des procédures, et donc, l’augmentation des risques d’irrégularités sanctionnés par l’autorité juridictionnelle.
Pour ces raisons, je vous propose d’adopter notre amendement visant à retirer de la présente réforme la possibilité introduite par l’Assemblée nationale.