Intervention de Philippe Marini

Réunion du 20 décembre 2005 à 16h00
Loi de finances rectificative pour 2005 — Article 33

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

La commission est bien sûr favorable à cet amendement de coordination.

Toutefois, je souhaite formuler quelques brefs commentaires sur l'article 33, afin d'éclairer nos travaux.

Avec cet article, la commission des finances du Sénat a, ce qui est plutôt rare, à connaître du régime fiscal des oeuvres d'art autrement que de façon récurrente, quand elle doit s'opposer à l'inclusion des oeuvres d'art dans la base de l'impôt de solidarité sur la fortune, régulièrement évoquée par des parlementaires de toutes sensibilités politiques.

Certes, le rapport d'information sur le marché de l'art établi en avril 1999 par notre collègue Yann Gaillard a permis à la commission d'avoir une vision plus globale de la question. Elle a, à cette occasion, reconnu le caractère spécifique de ce marché, dont la situation a, depuis, sensiblement évolué. En particulier, est intervenue la loi du 10 juillet 2000, qui a fait disparaître le monopole dont jouissaient, depuis l'Ancien régime, les commissaires-priseurs. Avec la réforme de cette profession, sont apparues les sociétés de ventes volontaires aux enchères.

L'innovation majeure du présent article est l'exonération de l'ensemble des cessions d'oeuvres d'art réalisées en France par des contribuables non résidents : seraient ainsi exonérées les cessions ou les exportations de bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquités et les exportations de métaux précieux, lorsque le cédant ou l'exportateur n'a pas en France son domicile fiscal.

L'exportateur justifie soit d'une importation antérieure, soit d'une introduction antérieure, soit encore d'une acquisition en France. Ainsi, si un particulier non résident vend en France un objet précieux, il ne sera pas taxé et, si le bien acquis est ensuite exporté par un non-résident, l'exportation ne donne pas lieu à taxation.

Un problème subsiste s'agissant du partage des responsabilités entre le vendeur et l'intermédiaire pour le versement de la taxe forfaitaire. Ce point doit faire l'objet de précisions, car c'est une préoccupation des professionnels.

Par ailleurs, une question se pose : quelle est la place de la fiscalité et des charges dans la compétitivité de la place de Paris et, plus généralement, du marché de l'art français ?

En tant que rapporteur général, je ne joins ma voix qu'avec retenue au choeur de tous ceux qui dénoncent les charges excessives entravant le développement du marché.

La taxe forfaitaire sur les métaux précieux au taux de 5 % est un système relativement favorable, bien que la réforme des plus-values et leur exonération totale au bout de 12 années en restreindra encore le champ et donc le rendement. Je rappelle qu'il s'agit de 34 millions d'euros en 2003, dont un quart environ au titre des ventes publiques, tandis que l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune constitue un avantage indéniable, bien que celui-ci doive être relativisé, compte tenu des effets pervers de cet impôt.

Reste, mes chers collègues, la TVA, l'impôt neutre par excellence, qui joue en l'occurrence « à contre ». Normalement, ce pur produit de l'ingéniosité fiscale française est censé favoriser les exportations et freiner - ou du moins ne pas les encourager - les importations.

Dans le domaine des oeuvres d'art, cette qualité devient un véritable vice de fabrication : on met en place un système qui incite à exporter les oeuvres d'art et tend à décourager les importations pour le plus grand malheur du patrimoine national. Qui plus est, la taxe forfaitaire ne concerne que les particuliers qui exportent ; les professionnels en sont exonérés.

En outre, il convient de trouver une solution pragmatique aux problèmes résultant de l'application du taux normal de 19, 6 % à certains secteurs particuliers : bijoux, meubles art déco et objets de design.

Certes, les oeuvres d'art ne sont pas comprises dans l'assiette de l'impôt, mais cet avantage n'est sans doute qu'une faible compensation au regard de l'exode continu de grandes fortunes que provoque cet impôt de solidarité sur la fortune.

De ce point de vue, il me semble important ici d'insister sur le rôle du mécénat privé dans l'enrichissement des collections nationales. Il ne suffit pas de prévoir des budgets d'acquisition - d'ailleurs toujours insuffisants -, il ne suffit pas non plus de créer des incitations fiscales au mécénat d'entreprise, encore faut-il disposer d'un vivier de collectionneurs qui voudront bien contribuer à l'enrichissement du patrimoine national et auront à coeur de laisser un nom dans la grande famille des amateurs d'art.

Concernant ce dernier point, je voudrais, par comparaison avec d'autres domaines, relever que la compétitivité d'une place tient, pour une part appréciable, aux qualités fonctionnelles du marché et, notamment, à l'existence d'une autorité de marché indépendante de nature à définir des règles du jeu claires et transparentes.

Si la loi du 10 juillet 2000 a permis de faire un pas en ce sens, il reste beaucoup à faire, en particulier pour que le conseil des ventes volontaires réponde aux critères d'une véritable autorité indépendante de plein exercice.

Telles sont les quelques observations, volontairement abrégées, que je tenais à formuler au titre de cet article 33.

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