Je vais essayer de faire montre d'esprit de synthèse !
Nous avons déjà débattu de cette question de manière approfondie à deux reprises lors de la discussion budgétaire, en particulier à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Écologie et développement durable », puis une nouvelle fois en commission mixte paritaire.
Or la commission mixte paritaire a estimé qu'il serait prématuré d'adopter un tel dispositif, pour les raisons que je vais maintenant rappeler.
Tout d'abord, il faut définir l'assiette de la taxe, ce qui n'est pas si simple. Même le dispositif élaboré au sein de la commission des finances n'est pas exempt de tout reproche. Je vais tâcher de vous en persuader, mes chers collègues.
Mme Létard et les autres intervenants ont souligné que, dans l'esprit des promoteurs de cette contribution, il s'agit d'assujettir à la taxe ceux qui proposent à la consommation des produits textiles, quelle que soit leur origine, qui sont pour une large part, nous le savons, de bas de gamme et importés de pays où les conditions sociales et la réglementation du travail sont extrêmement éloignées de celles que nous connaissons en France.
Cependant, en tout état de cause, tout prélèvement au stade de la distribution se répercute sur les conditions d'approvisionnement, donc sur la production. Or, je le redis, si les produits visés sont importés dans une très large mesure, une partie d'entre eux est issue de l'industrie textile subsistant sur notre territoire ou en Europe. Séparer alors le bon grain de l'ivraie, que l'on me pardonne cette expression, n'est pas un exercice aussi simple qu'il y paraît.
Nous devons donc encore nous donner le temps de la réflexion, pour que l'assiette de la taxe soit définie de telle sorte que celle-ci, si elle doit exister un jour, ne se répercute pas de manière critiquable sur telle ou telle filière économique.
Telle est la raison principale qui a conduit la commission mixte paritaire à estimer qu'il n'était pas possible de valider le dispositif présenté dans l'immédiat. Les interrogations qu'il suscite sont davantage d'ordre économique que d'ordre juridique. Nous sommes certainement en mesure, comme l'a indiqué le communiqué de presse des présidents des deux commissions des finances, de faire progresser la réflexion sur cette question dans les mois à venir.
Pour l'heure, je pense qu'il convient d'en rester là ; nous ne pouvons faire davantage. Il me semble qu'il faut avoir la lucidité et le courage de reconnaître, compte tenu de tous les éléments dont nous disposons, que passer maintenant à un stade opérationnel risquerait de nous amener à faire des erreurs. Les promoteurs de la mesure obtiendraient certes l'effet d'affichage qu'ils souhaitent, mais au risque peut-être de porter préjudice à des emplois, à des secteurs économiques, à des entreprises qui méritent tout notre intérêt.
On ne peut pas non plus prétendre que ne pas créer la taxe risquerait de provoquer la disparition d'activités d'insertion existantes. C'est à mon avis aller un peu vite en besogne !
Certes, ces activités d'insertion sont extrêmement utiles et méritent tout à fait d'être encouragées sous toutes leurs formes, ce à quoi le Gouvernement contribue d'ailleurs efficacement grâce aux contrats d'avenir et aux contrats d'accompagnement vers l'emploi, car la mise en oeuvre de ce dispositif, qui s'est considérablement amplifié, se diffuse dans toutes les associations concernées. Le soutien ainsi fourni à ces activités d'intérêt général est beaucoup plus important que ce que la taxe dite « Emmaüs » permettrait.
Par conséquent, mes chers collègues, soyons assez lucides pour garder le sens des proportions. Le Gouvernement, que la majorité de cette assemblée soutient, a fait, dans le domaine de l'emploi aidé, des pas absolument considérables, ce qui permet aux entreprises d'insertion de maintenir et de développer leur volume d'activité.
Je voudrais donc convaincre nos collègues de retirer leurs amendements, car je pense sincèrement que nous ne pouvons pas mieux faire, ce soir, qu'afficher notre intention de résoudre équitablement et efficacement, dans les mois à venir, le problème posé.