Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans une démocratie moderne, le contrôle et l’évaluation des politiques publiques doivent devenir une fonction essentielle du Parlement. L’article 24 de la Constitution, qui a été modifié par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, consacre expressément cette mission des assemblées parlementaires. Il convient donc de trouver les voies et moyens susceptibles de permettre au Parlement législateur d’être aussi un véritable Parlement évaluateur.
La proposition de loi de M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, qui vous est aujourd’hui soumise apporte à cet égard une contribution importante. Elle modifie en effet l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et le code des juridictions financières en vue de renforcer les moyens de contrôle du Parlement.
Cette proposition de loi permet tout d’abord aux organes compétents en matière de contrôle et d’évaluation des politiques publiques de convoquer les personnes dont l’audition est souhaitée. Elle donne également aux rapporteurs de ces instances les prérogatives conférées aux rapporteurs des commissions d’enquête : les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place ainsi que le droit de communication de tout document.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement approuve pleinement la démarche engagée en vue de renforcer les moyens de contrôle et d’évaluation du Parlement. Il est toutefois utile de rappeler qu’il est seul à pouvoir autoriser les responsables administratifs des services de l’État à se rendre devant un organe du Parlement. Le Conseil constitutionnel a confirmé, dans sa décision du 25 juin 2009, cette condition, qui découle des articles 20 et 21 de la Constitution. La modification de l’ordonnance du 17 novembre 1958 ne saurait donc être interprétée comme remettant en cause ce principe.
Par ailleurs, comme je l’ai souligné lors du débat à l’Assemblée nationale, il serait dangereux de banaliser le recours aux prérogatives spéciales que constituent le pouvoir de convocation, celui de contrôler sur pièces et sur place ainsi que le droit de communication de tout document de service. L’octroi de tels pouvoirs aux instances permanentes de contrôle et d’évaluation pouvait apparaître d’autant plus surprenant que les commissions permanentes ne disposent pas, de droit, de telles prérogatives. Elles ne peuvent en bénéficier que sur autorisation de l’assemblée, pour une durée et dans un cadre déterminés.
C’est donc très opportunément que votre commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, a appliqué aux instances de contrôle le régime prévu pour les commissions permanentes.
Je tiens d’ailleurs, à cet instant, à saluer avec beaucoup de chaleur et de vigueur le remarquable travail réalisé par le rapporteur, M. Gélard, et plus largement, monsieur Hyest, la qualité des réflexions menées au sein de la commission que vous présidez.
Il faut souligner également que la fonction de contrôle du Parlement ne se construira jamais dans la multiplication des instruments de contrainte à l’égard du Gouvernement ; elle ne se réalisera que par une vigilance concrète et continue du Parlement à l’égard de la mise en œuvre des politiques publiques, par une implication commune de parlementaires de la majorité et de l’opposition, ainsi que par l’établissement d’un dialogue constructif et confiant avec le pouvoir exécutif.
La proposition de loi assure par ailleurs la mise en œuvre du nouvel article 47-2 de la Constitution en précisant les modalités d’assistance de la Cour des comptes dans l’évaluation des politiques publiques.
Le Gouvernement n’a évidemment pas d’appréciation à porter sur la désignation des organes internes à chaque assemblée chargés de solliciter l’assistance de la Cour des comptes.
On relèvera simplement que la possibilité désormais offerte à toutes les commissions permanentes de demander la saisine de la Cour se place pleinement dans la logique du nouvel article 47-2 de la Constitution. Le Gouvernement a, du reste, prévu une disposition comparable dans le projet de loi de réforme des juridictions financières.
Il est cependant important de réguler et, si possible, de programmer les demandes d’assistance adressées à la Cour des comptes. L’Assemblée nationale a voté plusieurs dispositions en ce sens. Les amendements adoptés par votre commission des lois sur l’initiative de Jean Arthuis et d’Alain Vasselle y contribuent également. La priorité donnée aux demandes adressées par les commissions des finances et des affaires sociales garantira un contrôle effectif de l’application des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
Ces dispositions viennent utilement préciser les relations entre le Parlement et la Cour des comptes sans pour autant modifier le fonctionnement interne de la Cour.
Nous y reviendrons lors du débat, mais je tiens à dire dès à présent, de la manière la plus claire et la plus nette, que l’examen de cette proposition de loi ne nous paraît pas pouvoir être le cadre d’un débat approfondi sur l’organisation et les compétences de la Cour des comptes. Il n’en demeure pas moins que le Gouvernement entend mener à bien la réforme des juridictions financières puisqu’un projet de loi a été adopté, et chacun d’entre nous a en mémoire le travail considérable accompli par le regretté premier président Philippe Seguin.
Enfin, la proposition de loi inscrit dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 les modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d’enquête peuvent prendre connaissance du compte rendu de leur audition et faire part de leurs observations. La proposition de loi tire ainsi les conséquences nécessaires de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009. Le juge constitutionnel avait en effet précisé que ces dispositions, depuis la révision du 23 juillet 2008, devaient trouver leur place non plus dans le règlement de l’une ou l’autre des assemblées, mais dans la loi.
Ainsi, toutes les dispositions de ce texte renforceront l’efficacité du travail parlementaire et contribueront, j’en suis convaincu, à la revalorisation du rôle du Parlement, dans le respect des équilibres institutionnels auxquels nous sommes, les uns et les autres, particulièrement attachés.
Cette initiative est tout à fait complémentaire de l’engagement du Gouvernement à mettre en œuvre le plus rapidement possible les nombreuses innovations de la révision constitutionnelle, même s’il est vrai que de nombreux textes tirent leur source de cette révision et que les débats ne sont pas encore achevés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez certainement compris au travers de mon propos, le Gouvernement est favorable à l’adoption de cette proposition de loi, qu’il juge très opportune et porteuse de grande efficacité dans le travail parlementaire.