Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, le programme n° 182 des crédits alloués à la Protection judiciaire de la jeunesse diminuent : moins 2 % en moyenne, après une baisse de 2 % en 2009 et de 1 % en 2010. Sur la période 2008-2011, 347 postes ont été supprimés.
Cette diminution globale masque des évolutions de structure importantes. En 2011, la PJJ achève son recentrage sur la seule prise en charge des mineurs délinquants. Elle cessera donc de financer la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs, à l’exception des mesures d’investigation, conformément à son projet stratégique pour la période allant de 2008 à 2011. Je ferai trois observations, qui appellent autant d’interrogations.
Première observation, le recentrage de la PJJ au pénal sur la période 2008-2011 s’est accompagné d’un renforcement de la prise en charge des mineurs délinquants. Les crédits de cette action ont augmenté de 27 % sur la période. Il était rendu nécessaire par l’évolution de la délinquance des mineurs. Le nombre de mineurs confiés au pénal à la PJJ a en effet augmenté de 40 % entre 2002 et 2009.
L’accent mis par la PJJ sur l’amélioration de la prise en charge éducative des mineurs délinquants s’est traduit par un renforcement des équipes éducatives, par une diminution globale des délais de prise en charge – certes, d’importantes disparités demeurent sur le territoire national, notamment dans les zones urbaines ; j’avais déjà eu l’occasion de l’évoquer en commission, en prenant le cas de la région Rhône-Alpes – et par une concentration de moyens importants au profit de structures accueillant les mineurs les plus difficiles. Je pense en particulier aux centres éducatifs fermés et aux établissements pénitentiaires pour mineurs.
Dans un contexte de réduction budgétaire, ce mouvement a été permis par l’imputation d’une grande partie des réductions budgétaires sur les fonctions « support », qui ont subi une baisse de 18 % de leurs crédits en trois ans, par la fin des prises en charge au civil et, enfin, par un effort de rationalisation de l’offre sur l’ensemble du territoire, avec la fermeture de structures inadaptées. Je rappelle notamment qu’une réorganisation administrative est intervenue.
Aujourd’hui, le mouvement semble atteindre ses limites. Aussi, monsieur le garde des sceaux, toute nouvelle baisse de crédits risquerait d’affecter le taux d’encadrement des mineurs et la qualité de leur prise en charge.
En effet, je souligne qu’un éducateur en milieu ouvert prend d’ores et déjà en charge 25, 1 mineurs en moyenne. Ce chiffre est au-delà de la cible fixée de 25 mineurs.
En foyer, la masse salariale représente l’essentiel des dépenses.
Dès lors, l’amélioration des taux d’occupation des structures constitue aujourd’hui l’unique levier de maîtrise des coûts.
Dans un contexte d’augmentation tendancielle de la population pénale, la commission des lois considère indispensable que les crédits de la PJJ fassent désormais l’objet d’une stabilisation, au risque de voir se développer un « effet de ciseaux » préjudiciable à la qualité de la prise en charge des mineurs délinquants et, à terme, à l’objectif de prévention de la délinquance juvénile.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre commission a estimé que l’amendement de notre collègue Roland du Luart tendant à prélever 1 % des crédits du programme Protection judiciaire de la jeunesse, soit 7, 5 millions d’euros, pour abonder le programme Justice judiciaire, risquerait de mettre la PJJ dans une situation délicate.
Voilà qui m’amène à une première interrogation : si la PJJ a rempli les objectifs assignés par son premier projet stratégique national entre 2008 et 2011, quelles seront les orientations retenues par le second projet stratégique national, qui devra orienter son action au cours de la période 2012-2014 ?
Deuxième observation, comme je l’indiquais, d’importants moyens humains et financiers ont été consacrés à la mise en place et au fonctionnement des centres éducatifs fermés, les CEF, et des établissements pénitentiaires pour mineurs, les EPM.
Avec mes collègues Alima Boumediene-Thiery et Jean-René Lecerf, nous avons constaté la qualité et la diversité des projets mis en œuvre lors de notre visite à l’EPM d’Orvault et au CEF de Doudeville.
Toutefois, un constat s’impose : un placement en CEF ou en EPM coûte très cher. Or aucune étude n’a encore permis de mesurer l’incidence de ces prises en charge sur la récidive et la réinsertion des mineurs concernés.
En outre, selon plusieurs personnes que nous avons auditionnées, cet effort budgétaire important s’effectue au détriment des foyers traditionnels et des mesures en milieu ouvert. Il est vrai que plusieurs foyers trop petits ou inadaptés ont été fermés.
Les associations s’inquiètent également de la baisse de crédits mobilisés en faveur des investigations et des réparations pénales, alors même qu’une réforme et une revalorisation de ces dispositions sont en cours.
Monsieur le garde des sceaux, les diminutions de crédits imposées à la PJJ ne risquent-elles pas de freiner la mise en œuvre de la réforme des mesures d’investigation et de réparation pénale, voire de fragiliser les services qui les exécutent ?
Troisième et dernière observation, en 2011, la PJJ cessera de prendre en charge et de financer les mesures d’assistance éducative ordonnées par les juges des enfants, ainsi que les mesures judiciaires de protection des jeunes majeurs. L’incidence budgétaire de cette évolution n’a pas été évaluée, comme l’a regretté la Cour des comptes dans un rapport du mois de septembre 2009.
En outre, de très grandes disparités existent dans la manière dont les départements exécutent les mesures judiciaires de protection.
Il ne m’a pas été possible de savoir si le désengagement de la protection judiciaire de la jeunesse s’était traduit ou non par un accroissement équivalent des dispositifs de prise en charge par les services d’aide sociale à l’enfance.
Il appartient donc à la PJJ, dont le rôle de coordonnateur de l’ensemble des acteurs de la justice des mineurs a été consacré, de s’en assurer.
En outre, j’attire de nouveau votre attention sur le fait que la frontière entre mineurs délinquants et mineurs en danger est souvent ténue.
Selon les informations qui m’ont été communiquées, 15 % des mineurs pris en charge au pénal ont été précédemment suivis par un juge des enfants en assistance éducative.
La prise en charge au pénal peut également être l’occasion pour l’institution judiciaire de découvrir les graves difficultés sociales des mineurs. Pour eux, la relation de confiance qui se noue avec une équipe d’éducateurs est essentielle : ils ne peuvent pas « passer d’une case à l’autre ».
Ne pourrait-on pas envisager de réserver des crédits pour permettre à la PJJ de continuer, à titre exceptionnel, à prendre ces mineurs en charge, en assistance éducative ou en « protection jeune majeur », après la fin de la mesure pénale ?
Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour rendre un nouvel hommage, comme je le fais chaque année, aux personnels de la PJJ, aux éducateurs, qui travaillent dans les 1 300 centres éducatifs ouverts ou fermés.