Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 29 novembre 2010 à 10h00
Loi de finances pour 2011 — Justice

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Je vous lis toujours avec une grande attention !

S’agissant des effectifs des magistrats, nous constatons une diminution de 76 postes. Le rapporteur spécial, M. du Luart, indique que « le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats n’a pas pu atteindre le niveau souhaitable de un pour un. Ce ratio reste durablement “défavorable” aux greffiers comme en atteste le tableau suivant ». La lecture de ce tableau révèle que ce ratio s’élevait à 0, 88 en 2006 et à 0, 86 en 2010 : il est donc en baisse. Naturellement, monsieur le ministre, comme le nombre de magistrats baissera l’année prochaine, on peut prévoir que ce ratio augmentera. Mais celui qui se réjouira de cette augmentation se félicitera d’une amélioration dépourvue de tout fondement réel – il suffit de connaître quelques notions élémentaires de mathématiques pour s’en convaincre !

Mes chers collègues, monsieur le ministre, nous pourrions continuer à citer des chiffres, mais la vérité, c’est qu’il faut inverser la tendance et accorder plus de moyens à ce ministère. Il s’agit d’une nécessité absolue et je pense que nous en serons tous d’accord.

Dans mon département du Loiret, la presse s’est fait l’écho d’une erreur des services judiciaires : cinq trafiquants de stupéfiants présumés ont été remis en liberté par erreur et l’inspection générale des services judiciaires doit se rendre à Orléans aujourd’hui même. Face à cet événement qui a provoqué des réactions et suscite l’incompréhension de nos concitoyens, il me semble tout à fait juste d’établir les responsabilités : c’est le rôle de l’inspection générale, je pense qu’elle s’en acquittera.

Sans céder à la démagogie, cet événement doit cependant être replacé dans son contexte : dès le mois de mai dernier, les chefs de cour et de juridictions d’Orléans ont alerté avec beaucoup d’insistance votre prédécesseur, monsieur le ministre, sur les problèmes causés par le manque de personnel et de moyens. Autant je pense qu’il faut établir les responsabilités dans le cas de cette erreur tout à fait fâcheuse – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, autant il faut prendre en compte son contexte. Le manque de personnel – fonctionnaires, greffiers, magistrats – se traduit et se traduira par un nombre croissant de dysfonctionnements si des mesures énergiques ne sont pas prises pour augmenter les moyens de votre ministère.

Au-delà de ces considérations budgétaires, monsieur le ministre, nous attendons de vous que vous mettiez en œuvre la collégialité de l’instruction, prévue par la loi. Nous attendons également de vous que la réforme absolument nécessaire de la législation sur la garde à vue nous soit rapidement soumise, parce que nous nous trouvons dans une situation absurde, où le Conseil constitutionnel a déclaré que les gardes à vue actuellement en cours étaient inconstitutionnelles, mais pouvaient se poursuivre encore quelques mois. Il en résulte une instabilité juridique qui conduit un nombre important d’avocats à saisir la Cour européenne des droits de l’homme : cette situation ne peut pas durer et il est donc absolument urgent d’y porter remède.

Enfin, monsieur le ministre, nous souhaiterions obtenir une précision que j’ai l’honneur de solliciter de votre bienveillance en concluant cette intervention. L’idée de supprimer les juges d’instruction paraissait chère à votre prédécesseur, or nous avons noté avec intérêt que vous n’en aviez point parlé dans votre premier discours devant une organisation de magistrats. Ce silence a été diversement interprété : pour ma part, j’ai compris que vous aviez renoncé à cette funeste idée. Je serais heureux si vous pouviez nous confirmer, monsieur le ministre, que telle est bien votre position : ce serait un point important de ce débat !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion