Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela vient d’être excellemment dit par mes collègues Patrice Gélard et Jean Arthuis, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, aussi brève soit-elle, n’en revêt pas moins une réelle importance.
Déposée à l’Assemblée nationale par le président Bernard Accoyer, cette proposition de loi vise à la fois à tirer certaines conséquences de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, notamment le fait que le Parlement a désormais pour mission non seulement le contrôle de l’action du Gouvernement, mais également l’évaluation des politiques publiques, et à inscrire dans la loi, et non dans le seul règlement des assemblées, plusieurs modalités relatives au contrôle et à l’évaluation de ces politiques.
Ce faisant, cette proposition de loi donne pleinement corps à la nouvelle mission d’évaluation des politiques publiques voulue par le législateur constitutionnel. Nouvelle ambition pour le Parlement, nouvelle mission pour la Cour des comptes, nouvelle exigence pour le Gouvernement : elle doit nous permettre de franchir encore une étape dans la recherche de la meilleure efficacité de nos politiques, au bénéfice de nos concitoyens.
Concrètement, cette proposition de loi tend, pour l’essentiel, à organiser les conditions de fonctionnement du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, le CEC, mis en place à l’Assemblée nationale dans le cadre de la réforme de son règlement du 27 mai 2009.
La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de l’article 3 de cette proposition de loi, article qui permet au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat, de leur propre initiative ou sur proposition d’une commission permanente dans son domaine de compétence ou de toute instance permanente de chaque assemblée, de saisir la Cour des comptes d’une demande d’évaluation d’une politique publique.
En effet, l’article 47-2 de la Constitution, tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, consacre la mission d’assistance de la Cour des comptes au Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement et, conjointement, au Parlement et au Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances, de l’application des lois de financement de la sécurité sociale et de l’évaluation des politiques publiques.
Dans le cadre actuel, trois dispositions spécifiques servent de fondement aux demandes d’assistance de la Cour des comptes formulées par le Parlement.
Tout d’abord, l’article 58 de la LOLF dispose que les commissions des finances des deux assemblées peuvent, d’une part, demander l’assistance de la Cour des comptes pour contrôler l’exécution des lois de finances, d’autre part, solliciter la Cour pour réaliser des enquêtes sur la gestion des services et des organismes qu’elle contrôle.
Ensuite, l’article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières permet aux commissions des affaires sociales des deux assemblées de demander à la Cour des comptes, d’une part, de se saisir de toute question relative à l’application des lois de financement de la sécurité sociale, d’autre part, de procéder à des enquêtes sur des organismes soumis, dans ce domaine, à son contrôle.
Enfin, l’article L. 132-4 du code des juridictions financières permet aux commissions d’enquête du Parlement de demander à la Cour des comptes de procéder à des enquêtes.
La proposition de loi vise à compléter ces dispositions afin d’autoriser d’autres instances parlementaires à demander à la Cour des comptes d’effectuer un travail d’évaluation ou de contrôle des politiques publiques.
Toutefois, afin d’éviter un afflux trop important de demandes et un engorgement de la Cour des comptes, la proposition de loi instaure un filtrage des demandes par les présidents de chacune des deux assemblées. Ainsi, l’article 3 prévoit que, sur proposition d’une commission permanente dans son domaine de compétence ou sur proposition de toute instance permanente créée au sein de l’une ou l’autre des assemblées, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat peuvent saisir la Cour des comptes d’une demande d’évaluation d’une politique publique. Ils peuvent également saisir la Cour de leur propre initiative.
Ce dispositif apporte donc les précisions nécessaires à la mise en œuvre concrète de la mission d’assistance au Parlement de la Cour des comptes. Nous y sommes naturellement favorables. Néanmoins, comme la commission des finances et son président Jean Arthuis, la commission des affaires sociales a souhaité le compléter par deux précisions.
La première vise simplement à reprendre le principe posé par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur le règlement de l’Assemblée nationale, à savoir que les demandes formulées par les instances visées par la proposition de loi ne peuvent porter sur le contrôle et l’évaluation des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, pour lesquelles les commissions des finances et des affaires sociales des deux assemblées sont seules compétentes.
La seconde a pour objet d’affirmer la prééminence des demandes d’assistance formulées par la commission des finances et par la commission des affaires sociales, procédures qui ont été instaurées par des dispositions de nature organique et qui ont clairement fait leur preuve. En effet, les moyens de la Cour ne sont pas extensibles à l’infini et celle-ci doit en outre, comme l’a clairement affirmé le Conseil constitutionnel, assurer un équilibre entre la réponse aux demandes provenant du Gouvernement et celles qui lui sont adressées par le Parlement.
Avant de terminer cette brève intervention, je voudrais une nouvelle fois saluer devant vous l’excellence des liens que la commission des affaires sociales a établis et qu’elle entretient avec la Cour des comptes. Ces relations étroites et fructueuses sont la preuve que la Cour remplit pleinement son rôle d’assistance à nos travaux de contrôle parlementaire. Elles prennent la forme de rendez-vous réguliers à travers la publication, au mois de septembre, du rapport de la Cour sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale et celle, au mois de juin, du rapport de certification des comptes de la sécurité sociale.
D’autres occasions sont fournies par la remise des travaux que nous sollicitons de la Cour. Récemment, par exemple, la Cour nous a remis une enquête très fouillée sur la politique de lutte contre le sida en France. Les demandes d’enquêtes adressées à la Cour sur le financement de la pandémie grippale H1N1 et sur la tarification des établissements médico-sociaux, publics et privés, devraient être tout aussi riches d’enseignements. Ce dernier thème fait écho aux travaux menés au Sénat sur la question de la prise en charge de la dépendance. Il nous a été permis d’en saisir la Cour grâce à l’extension de son champ de compétences, introduite par le Sénat dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
Ainsi, sous réserve de l’adoption des deux ajouts que je vous ai présentés, et que la commission des lois – je l’en remercie –, a intégrés dans son texte, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l’adoption de cette proposition de loi.