Madame Assassi, vous posez une question concrète. En dehors de mes fonctions ministérielles, j'ai eu à traiter ce dossier, qui me tient à coeur, dans ma ville jumelée avec une ville roumaine.
En outre, en 2002, j'avais assisté, avec le Premier ministre de l'époque, M. Jospin, à une réunion au cours de laquelle ces questions avaient été évoquées avec les représentants du monde associatif français et roumain.
Cinq ans après, les problèmes que vous posez sont bien réels.
Un bilan général concernant l'amélioration des procédures a bien été réalisé dans le cadre du groupe de liaison opérationnel, même s'il n'a pas porté sur une analyse des situations au cas par cas, que vous souhaitez à juste titre, madame la sénatrice. Concernant cette analyse, une demande a été faite par l'assistante technique mise à disposition par la France auprès de l'Autorité nationale roumaine pour la protection des droits de l'enfant, au début de l'année 2007, pour faire une évaluation de la situation des mineurs rapatriés en Roumanie en 2006. Cette demande a été dernièrement réitérée par lettre de l'ambassadeur de France en Roumanie.
En France, le travail de repérage et de contact avec ces mineurs est essentiellement assuré par les services de police et, dans les grandes métropoles, par des associations, dont celle que vous avez citée. Leur prise en charge par le dispositif de protection de l'enfance relève ensuite très majoritairement des services départementaux sur décision judiciaire. Ces services ont donc aussi connaissance de ces mineurs et de leur situation.
Le rapport de la mission sur les conditions d'accueil des mineurs isolés en France réalisé en 2005 par l'Inspection générale des affaires sociales suggère plusieurs pistes d'amélioration, en incitant à ne pas opérer de dichotomie entre les mineurs qui recherchent une intégration et ceux qui la fuient, le droit à être protégés leur étant commun.
En Roumanie, les autorités nationales soulignent que le travail accompli par le groupe de liaison opérationnel a eu une influence favorable sur les politiques mises en oeuvre dans le pays : plan d'action contre les trafics d'enfants et en faveur des victimes, programme de prévention des départs, création d'un réseau de onze centres d'accueil, dont le centre d'accueil Gavroche à Bucarest. Les autorités roumaines revendiquent la reconnaissance de leur responsabilité et de leur capacité à assurer la protection de leurs mineurs. Depuis une quinzaine d'années, j'ai pu m'en rendre compte par moi-même, les choses ont bien évolué. Un arrêté gouvernemental instaure notamment une obligation pour les services départementaux de diligenter une enquête sociale en urgence et de faire le suivi de la situation des enfants rapatriés pendant au moins six mois après leur retour.
La France continue d'apporter un soutien important dans ce domaine à la Roumanie dans le cadre d'une coopération bilatérale. Des actions de prévention et d'accompagnement du retour des mineurs, par exemple, sont, à ce titre, soutenues par le ministère des affaires étrangères.
Pour ces mineurs isolés, la recherche de l'amélioration de leur protection et de la coopération judiciaire dans la lutte contre les trafics peut également se poursuivre avec la Roumanie dans le cadre de l'accord bilatéral.
Cet accord, signé le 1er février 2007 à Bucarest, a pour objectif de permettre la poursuite du travail entrepris dans le cadre de l'accord de 2002, entré en vigueur au début de 2003, et qui avait été signé pour une durée de trois ans. Ce travail a pu être réalisé grâce au groupe de liaison opérationnel, structure réunissant des professionnels de terrain de toutes les institutions concernées en France et en Roumanie.
Le texte de l'accord est parfaitement conforme à la législation française, elle-même conforme aux conventions internationales. L'article 375 du code civil définit la notion de mineur en danger et dispose que des mesures judiciaires d'assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice pour sa protection. L'article 375-1 attribue au juge des enfants la compétence en la matière, mais l'article 375-5 dispose que, en cas d'urgence, le procureur de la République a les mêmes pouvoirs que le juge des enfants à charge de saisir celui-ci dans les huit jours.
C'est pour couvrir ces cas d'urgence que le texte de l'accord a été modifié, afin d'inclure le cas où le procureur, dès qu'il est saisi, lance la procédure d'évaluation de la situation du mineur en Roumanie en lien direct avec les autorités de ce pays, et peut éventuellement lever la mesure en vue du rapatriement.
Il convient, par ailleurs, de souligner que les autorités roumaines sont très demandeuses du rapatriement des mineurs en Roumanie, au motif notamment que le système de protection des droits de l'enfant roumain permet aujourd'hui d'assurer la protection des enfants victimes et d'effectuer un travail de prévention. Elles reconnaissent que les délais accordés pour conduire les enquêtes sociales étaient trop longs. Elles ont prouvé depuis lors qu'elles pouvaient, si nécessaire, répondre plus vite.
Il importe que, conformément à la loi, la protection judiciaire du mineur en danger soit assurée. La loi française interdit l'expulsion et la reconduite à la frontière des mineurs, et l'accord ne revient pas sur ces interdictions. Il appartiendra toujours à l'autorité judiciaire, qui doit être saisie de toute situation de mineur étranger isolé, d'évaluer la mesure à mettre en oeuvre dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
Enfin, en ce qui concerne la mise en oeuvre concrète du texte de 2007, la prochaine visite officielle du Président de la République en Roumanie sera mise à profit pour souligner auprès de la partie roumaine l'attachement de tous les acteurs français au renforcement de la concertation entre les autorités roumaines et françaises, pour agir le plus efficacement possible dans l'intérêt des enfants. Ce sera aussi l'occasion de voir si se posent encore des problèmes d'application concrète des textes et si des dysfonctionnements subsistent. En concertation avec les élus et avec les associations, nous allons bien préparer cette visite de manière à dissiper les éventuelles incompréhensions et à résoudre les difficultés concrètes qui peuvent encore exister dans la pratique.