Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Conseil d'État a vocation, de par ses arrêts, à faire respecter la loi par la puissance publique, grâce à une jurisprudence adéquate.
C'est le cas pour les communes qui, ayant été sollicitées par l'État, sur la base de textes réglementaires, pour transmettre les dossiers de passeports et de cartes d'identité, demandent, via la justice administrative, la mise en oeuvre de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, selon lequel « aucune dépense à la charge de l'État ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi ».
Tant les cours administratives d'appel que le Conseil d'État prononcent régulièrement des condamnations à l'encontre de l'État, via la recevabilité des demandes en dédommagement. Des communes vont donc être indemnisées à ce titre, après une procédure devant les cours et tribunaux administratifs tels que ceux de Versailles, Villeurbanne, Besançon ou Audincourt. Je ne les citerai pas tous, tant les recours vont se multiplier si cette situation perdure.
Les communes doivent établir la réalité de leur préjudice en lien direct de causalité, selon le principe général régissant ce type de contentieux. Cela ne pose pas de problème, mais engendre naturellement des disparités quant aux montants des indemnisations. Je souhaite donc savoir si les collectivités seront traitées sur un pied d'égalité en percevant une indemnisation ad hoc ou si tous les exécutifs communaux devront ester en justice.
Il convient, en effet, de souligner que, contrairement à la loi, la jurisprudence, qu'elle soit civile ou administrative, autorise les fluctuations financières sur le montant des indemnisations, selon que tel ou tel paramètre est retenu ou non par le juge, par exemple le temps moyen de traitement d'un dossier ou la prise en compte d'une période de prescription.
Selon moi, toutes les collectivités doivent être traitées sur un pied d'égalité, ce qui serait possible si un barème de remboursement ainsi que les modalités dudit remboursement étaient mis en place par l'État. Cette voie, madame le ministre, va-t-elle être suivie par les pouvoirs publics ?
Un tel dispositif, voire une spécialisation totale de certains membres du Conseil d'État dans un contentieux qui connaîtra une croissance exponentielle, éviterait également l'engorgement prévisible des tribunaux administratifs.
Mon propos vise tout autant à assurer une égalité de traitement qu'à éviter l'apparition d'une cascade contentieuse liée à cette indemnisation ad hoc, cascade qui ne serait, bien sûr, profitable à personne.