Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question vise à faire le point sur la politique de prêt des oeuvres d'art détenues par l'État - essentiellement le Louvre, disons-le - en faveur des musées de province, politique édictée par l'article 73 bis de la loi du 13 août 2004.
Je rappellerai brièvement que cet article, adopté à l'unanimité, après avis favorable du Gouvernement, avait été mis au point en concertation directe avec M. Loyrette, directeur du Louvre, et les services du ministère. L'unanimité dont je parle s'étend donc très au-delà de l'enceinte législative, tout le monde étant conscient de l'urgence qu'il y avait à mettre fin à l'excessive concentration à Paris de nos oeuvres d'art, spécialement de nos oeuvres majeures. Cela concerne aussi, monsieur le président, la ville de Marseille, même si celle-ci peut s'honorer d'avoir créé, au cours des années récentes, de remarquables musées.
Pour ce qui est de l'esprit de cet article, l'objet de notre démarche est ambitieux : il ne s'agit pas seulement d'apporter des contributions ponctuelles, momentanées, aux musées de province, qui ont de grands mérites, mais dont les présentations restent d'un intérêt trop restreint en un temps où le grand public gorgé d'images de toutes sortes n'est guère attiré par l'ensemble des collections, si intéressantes soient-elles pour les spécialistes, et préfère admirer les chefs-d'oeuvre, ce que le texte dénomme les « oeuvres significatives ».
Or il se trouve que, à la différence de ce qui se passe pour le patrimoine architectural, largement répandu dans l'Hexagone, de même que pour la musique ou l'art lyrique, en particulier grâce à la multiplication des festivals, les chefs-d'oeuvre de l'art plastique restent jalousement enfermés au sein des grands musées nationaux de Paris.
Au-delà de l'explication historique, on fait valoir que cette concentration permet à ces oeuvres d'être admirées par un nombre beaucoup plus important de personnes, et l'on cite avec complaisance les 7 millions de visiteurs qu'accueille le Louvre chaque année.
Entre nous soit dit, je doute de la totale bonne foi de cette explication. Mais, je doute surtout qu'elle corresponde à l'idée qu'on peut se faire de la notion de culture vivante.
Allez au Louvre, franchissez vaillamment les divers obstacles qui font que l'accès aux oeuvres est en lui-même assez mal malaisé - c'est quelquefois un véritable parcours du combattant ! - et vous pourrez constater que la plupart des visiteurs ne s'arrêtent guère pour regarder les oeuvres, si ce n'est l'inévitable Joconde. Pour le reste, la grande majorité défile, le but de sa visite étant d'avoir « fait » le Louvre. C'est ce qui me permet de dire, avec un sourire en coin, que ce sont les oeuvres exposées qui voient les 7 millions de visiteurs, mais que les 7 millions de visiteurs ne voient guère les oeuvres exposées et les regardent encore moins.