Je ne doute pas que vous souscriviez à cette règle, ma chère collègue !
Par « règle de responsabilité », nous voulons signifier que les gouvernements ne doivent être tenus pour responsables que de ce dont ils ont la maîtrise : le niveau des dépenses, qu’elles soient budgétaires ou fiscales, et les mesures nouvelles en recettes.
Pour que l’esprit de cette règle de responsabilité soit bien respecté, un dispositif constitutionnel est nécessaire. Ainsi, le Conseil constitutionnel lui-même pourrait un jour être le gardien du bon ordre des choses en matière budgétaire ; en particulier, il pourrait contrôler la conformité des lois financières annuelles à une loi-cadre pluriannuelle relative aux finances publiques.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, va assurément dans le bon sens, mais bien des conditions sous-tendent encore les raisonnements que nous pouvons faire en la matière.
Tout d’abord, il est nécessaire que la loi de programmation pluriannuelle soit intelligible et puisse être comprise par tout lecteur attentif. C’est pourquoi nous sommes attachés à ce que les normes de dépenses, à l’exception de celles qui sont relatives à la sécurité sociale, soient exprimées en milliards d’euros constants sur une base annuelle, plutôt qu’en pourcentages d’augmentation moyens sur une séquence pluriannuelle. Comme le disait mon excellent prédécesseur Alain Lambert, je ne vais pas faire mes courses avec des millièmes de point de produit intérieur brut ! C’est pourquoi la commission des finances a adopté plusieurs amendements tendant à exprimer les normes de dépenses en milliards d’euros constants sur une base annuelle. Je vous sais gré, monsieur le ministre, de les avoir acceptés, car ils permettent de clarifier le texte et de le rendre plus opérant.
De la même façon, nous saluons votre initiative d’interdire enfin aux opérateurs de l’État de recourir à l’emprunt ; nous avons considéré que cette logique devait être poussée jusqu’à son terme, c’est-à-dire que cette règle devait être permanente.
Mais, bien entendu, l’édifice que nous nous efforçons de bâtir – avec un maximum de dépenses pour l’ensemble des administrations publiques d’un côté, un minimum de recettes de l’autre – ne tiendra et ne sera harmonieux que si tous les acteurs jouent bien leur rôle.
Jusqu’à la révision constitutionnelle, le respect de la trajectoire reposera sur l’autodiscipline. En ce qui concerne les crédits des missions pour 2011, il importe déjà, monsieur le ministre, que vous vous montriez totalement convaincant à l’égard de vos collègues, que les gestionnaires ministériels de ces crédits s’approprient, en quelque sorte, la loi de programmation, et qu’ils la considèrent comme étant véritablement de portée contraignante.
C’est là qu’intervient aussi le contexte économique. Comme vous le savez, pour la commission des finances, le taux de croissance ne se proclame pas. C’est une conviction que nous affirmons de longue date. Le taux de croissance s’observe une fois que l’année est passée, d’où notre souci de prudence. C’est pourquoi nous avons souhaité qu’un scénario alternatif, bâti sur la base du taux de croissance potentiel de l’économie – 2 % par an –, puisse permettre de mieux concrétiser le raisonnement sous-tendant la loi de programmation pluriannuelle.
J’ai compris, monsieur le ministre, et nous reviendrons sur ce point à l’occasion de l’examen de votre amendement, que vous acceptiez le principe d’un tel scénario alternatif. Pour vous, l’obligation essentielle est de ramener le déficit public à 3 % du PIB, et, dans l’hypothèse où les circonstances économiques et la croissance seraient un peu ou sensiblement moins favorables, des efforts supplémentaires seraient faits, à hauteur d’un volume annuel de 4 milliards à 6 milliards d’euros, par réduction des dépenses fiscales et des niches sociales. Par ailleurs, vous nous avez indiqué que vous seriez attentif aux effets éventuels de la situation de l’emploi sur d’autres paramètres, par exemple sur le déséquilibre financier du régime de l’assurance chômage.
L’amendement que vous exposerez tout à l’heure montre que nous nous rencontrons dans le raisonnement, même si ce n’est pas dans la présentation du dispositif même de la loi. Cela nous permet de constater, de notre côté aussi, que le dialogue est particulièrement fructueux.