Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 3 novembre 2010 à 14h30
Prélèvements obligatoires et endettement. – programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 — Débat et discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre séance d’aujourd’hui est le lever de rideau des débats annuels sur les textes financiers. C’est une étape que la commission des affaires sociales estime essentielle, car elle fournit un cadre indispensable à nos prises de position des prochaines semaines.

Je rappelle que c’est la deuxième fois que nous examinons un projet de loi de programmation des finances publiques, mais sans doute la première que l’exercice se fait d’une manière aussi approfondie.

En effet, notre première expérience était arrivée de manière un peu précipitée, quelques semaines seulement après le vote de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a institué cette nouvelle catégorie de lois, et, surtout, au moment même de la survenue de la crise financière qui a bouleversé tous les équilibres.

Ce deuxième exercice de programmation des finances publiques s’inscrit donc dans un contexte différent, celui de l’après-crise. C’est dans ce cadre que le Parlement est conduit à approuver, par un vote, la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques. C’est un réel progrès, car, auparavant, la stratégie était élaborée par le seul Gouvernement, à l’occasion de la transmission, au début du mois de décembre, du programme de stabilité à la Commission européenne.

L’approche globale des comptes publics qu’autorise cette nouvelle catégorie de lois, en intégrant les finances de l’État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales dans un même ensemble et en les insérant dans une perspective pluriannuelle, constitue également une incontestable avancée.

Jusqu’alors, nous pouvions seulement discuter de l’évolution des prélèvements obligatoires, ce que nous avons fait l’année dernière à la même époque et que nous faisons à nouveau cette année, en même temps que nous examinons le présent projet de loi de programmation des finances publiques. C’était évidemment un exercice utile, car il permettait un débat d’ensemble, mais il ne concernait qu’un aspect du sujet, celui des recettes ; pour les dépenses, la réflexion était renvoyée à la discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En matière sociale, toutefois, nous avions déjà un débat tel que celui que le Gouvernement nous propose aujourd’hui, puisque, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être accompagné d’une annexe B comportant une projection pour les quatre années à venir, tant pour les recettes que pour les dépenses, à la fois pour le régime général et pour l’ensemble des régimes obligatoires de base.

Au cours des derniers exercices, nous avons beaucoup critiqué cette annexe, que nous trouvions insuffisamment fournie. Aujourd’hui, s’il fallait dresser un bilan, je dirais que, malgré ses limites, notamment en termes de fiabilité et de durabilité des projections, l’annexe a l’incontestable mérite de proposer une trajectoire et de faire apparaître des tendances qui montrent avec beaucoup de clarté les difficultés du redressement des comptes.

Avec le présent projet de loi de programmation des finances publiques, nous disposons d’un outil plus complet encore et plus cohérent, d’un outil de bonne gouvernante qui manquait et que nombre d’entre nous appelaient d’ailleurs de leurs vœux. Il permet d’éclairer de façon plus lisible et transparente le débat public sur l’ensemble de nos finances, qui représentent environ la moitié de la richesse nationale.

Ce projet de loi n’est toutefois qu’une programmation. Cela signifie que les prérogatives du législateur financier et celles du législateur social sont préservées, de même que les domaines respectifs des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Cette situation pourrait toutefois évoluer si le Gouvernement retenait la proposition du rapport Camdessus de créer une nouvelle catégorie de lois. En effet, ce rapport préconise d’instituer des lois-cadres de programmation des finances publiques qui s’imposeraient juridiquement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

Certes, nous n’en sommes pas encore là, mais le Premier ministre a suggéré de lancer une consultation sur une éventuelle réforme en profondeur du pilotage des finances publiques, allant, pourquoi pas, jusqu’à l’introduction, dans la Constitution, d’une règle d’équilibre des finances publiques. Je sais que ce sujet a fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale, notamment d’interventions vigoureuses des députés centristes.

À l’évidence, ce débat nécessite une réflexion approfondie, et l’expérience des deux dernières années –singulièrement l’examen du premier projet de loi de programmation des finances publiques – doit, me semble-t-il, nous rendre particulièrement prudents en la matière.

La loi de programmation des finances publiques d’il y a deux ans a été votée dans un contexte très particulier : la crise financière venait de se déclarer, ses conséquences sur l’économie « réelle » étaient encore très incertaines, et la pertinence de l’exercice a très vite été remise en question.

La trajectoire prévue est donc devenue immédiatement caduque. Le Gouvernement ayant fait le choix, d’une part, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, et, d’autre part, de mettre en place un plan de relance significatif, les déficits et la dette publics se sont envolés vers des montants encore jamais atteints. Le Gouvernement et le Président de la République avaient-ils d’autres solutions ? Je n’en suis pas certain, d’ailleurs les chiffres nous montrent aujourd’hui que la situation tend à s’améliorer malgré tout.

Il importe désormais de remédier aux déséquilibres budgétaires et financiers considérables que connaît notre pays et de replacer nos comptes publics sur une trajectoire de désendettement à la fois crédible et efficace. L’exercice est naturellement bien plus complexe qu’il ne l’était voilà deux ans.

L’objectif affiché par le Président de la République lors des conférences nationales des finances publiques du printemps dernier et repris dans le dernier programme de stabilité présenté à nos partenaires européens est de réduire le déficit public à 3 % du produit intérieur brut en 2013.

À l’horizon de 2011, l’objectif considéré comme « majeur et intangible » est de ramener le déficit public à 6 % du PIB. Pour ce faire, le Gouvernement retient plusieurs principes.

D’abord, il estime que l’effort de redressement doit engager l’ensemble des administrations publiques : l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales. C’est effectivement indispensable, mais, en ce qui concerne les collectivités territoriales, monsieur le ministre, si vous avez décidé de reconduire les niveaux de dotations des années antérieures, comment allez-vous procéder pour leur imposer de maîtriser l’évolution de leur fiscalité et de leur endettement, dans la mesure où la Constitution pose le principe de leur libre administration ? Peut-être allez-vous jouer sur les contraintes budgétaires ? J’attends votre réponse avec impatience, car cela risque d’être un peu compliqué…

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