Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 3 novembre 2010 à 14h30
Prélèvements obligatoires et endettement. – programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 — Débat et discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Enfin, le Gouvernement juge nécessaire de développer des instruments de gouvernance des finances publiques qui, en particulier chez nos voisins européens, ont joué un rôle essentiel pour infléchir les tendances. C’est indispensable, et j’y reviendrai dans un instant en évoquant l’ONDAM.

Le rapport annexé au projet de loi, assez détaillé d’ailleurs, précise le contexte macroéconomique et les hypothèses retenues pour encadrer la programmation.

Pour ce qui est des finances sociales, objet de mon intervention, les principales hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont au nombre de trois.

La première hypothèse est que la croissance connaîtra un redressement d’abord progressif en 2010 et en 2011, avec des taux de 1, 5 % et de 2 % respectivement, puis un peu plus dynamique à partir de 2012, avec un taux moyen de 2, 5 % par an.

La deuxième hypothèse est que la masse salariale –élément qui détermine les trois quarts des recettes de la sécurité sociale – augmentera de 2 % en 2010, de 2, 9 % en 2011 et de 4, 5 % par an les trois années suivantes. Il s’agit là d’une prévision assez ambitieuse, et nous ne pouvons nous empêcher de considérer une telle hypothèse comme optimiste ou, pour le moins, très volontariste de la part du Gouvernement. Cela étant, si nous ne faisions pas preuve de volontarisme, comment pourrions-nous nous fixer des objectifs et plus encore tenter de les atteindre ? Nous nous efforcerons de vous aider dans cette tâche, monsieur le ministre.

La troisième hypothèse est que l’inflation hors tabac s’établira à 1, 5 % en 2010 et en 2011, puis à 1, 75 % les années suivantes.

Dans ce cadre, l’objectif de réduction du déficit public à 2 % du PIB en 2014 et, pour les seules administrations de sécurité sociale, à 0, 5 % du PIB, est à l’évidence exigeant : cela signifie un solde d’environ 11 milliards à 12 milliards d’euros, soit une division par deux du déficit, aujourd’hui stabilisé aux alentours de 20 milliards d’euros.

La stratégie à suivre repose sur les éléments essentiels suivants.

Tout d’abord, il faudra faire des efforts pour accroître la maîtrise de la dépense. Un objectif chiffré de dépenses est fixé pour l’ensemble des régimes obligatoires. Il correspond à une croissance annuelle moyenne des dépenses de 3, 3 %, inférieure en volume d’environ un point à celle du PIB. La réforme des retraites contribuera largement à ces efforts, mais je ne suis pas persuadé que cela soit suffisant. Cependant, là encore, sachons faire preuve de volontarisme !

Pour la branche maladie, conformément aux préconisations du rapport Briet, l’ONDAM est fixé à 2, 9 % pour 2011, puis à 2, 8 % pour 2012 et pour les années suivantes. Cet objectif est certes ambitieux, mais sans doute pas inatteignable, comme le montrent les résultats de 2010 : à la fin de l’année, l’ONDAM, qui avait été fixé à 3 %, devrait être respecté pour la première fois depuis 1997, mais au prix du gel d’un certain nombre de dépenses, à hauteur de pas moins de 450 millions d’euros.

Le PLFSS pour 2011 met en réserve 530 millions d’euros. Vous n’avez pu donner le détail de cette disposition devant la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, mais peut-être serez-vous en mesure de nous apporter quelques précisions aujourd’hui.

Pour parvenir à un ONDAM de 2, 8 % en 2012, il faudra trouver chaque année au moins 2, 3 milliards d’euros d’économies pour contenir la progression des dépenses de santé, dont l’évolution tendancielle, je vous le rappelle, est supérieure à 4 % par an.

Le rapport annexé au projet de loi fait état de la nécessité d’engager des réformes structurelles pluriannuelles, en améliorant les synergies entre les différents types de prise en charge – ambulatoire, hospitalière, médicosociale –, en modernisant les modes d’exercice des professionnels de santé, par l’extension des nouveaux modes de rémunération ou la promotion du contrat d’amélioration des pratiques individuelles, ou encore en améliorant l’efficience de l’hôpital. Sur ce dernier point, il reste beaucoup à faire !

Je suis également convaincu que l’on peut réaliser des économies dans ces différents domaines, car les marges d’efficience sont grandes. La Cour des comptes nous le rappelle d’ailleurs chaque année. Toutefois, lorsque les décisions sont prises, leur application est souvent lente, pour ne pas dire très lente… Je pense notamment ici à la convergence des tarifs entre l’hôpital public et le secteur privé, dont il est question depuis 2004 mais qui ne progresse que très lentement.

Pour les autres branches de la sécurité sociale, le rapport comporte peu d’indications, hormis l’affichage de la nécessité d’assainir les finances de la branche accidents du travail-maladies professionnelles afin de lui permettre d’élargir ses missions et de « l’impératif d’adapter la politique familiale aux évolutions économiques et sociales ». Cela est bien flou, vous en conviendrez, monsieur le ministre. Le Gouvernement a encore des progrès à faire en matière de définition, dans le cadre de ses prévisions pluriannuelles, des éléments sur lesquels il entend s’appuyer pour mieux maîtriser les dépenses ou faire progresser les recettes, en vue d’assurer l’équilibre financier des différentes branches. En effet, comme nous aurons l’occasion de le souligner lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la branche famille a été particulièrement mise à mal par toutes les mesures qui ont été prises lors des réformes précédentes.

La sécurisation des recettes est un autre élément essentiel. Elle passe par une dynamique suffisante des ressources du régime général et par la poursuite de la mise en œuvre de la stratégie de réduction des dispositifs d’exonération et d’exemption, c’est-à-dire des fameuses « niches sociales ».

Le projet de loi de programmation des finances publiques se fonde sur une progression annuelle de 4, 1 % des produits du régime général. C’est là encore un objectif particulièrement exigeant, supérieur à ce qui a été enregistré les années précédentes. Il est directement lié à la croissance de la masse salariale. Or, un point de masse salariale en moins représente une perte de ressources d’environ 2 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

Cela étant, on peut aussi atteindre cet objectif en veillant à limiter le développement des exemptions d’assiettes des exonérations de charges et de contributions sociales, c’est-à-dire en contenant la progression des « niches sociales ». Ces dernières représentent en effet des dizaines de milliards d’euros.

La commission des affaires sociales s’intéresse à cette question depuis plusieurs années. Nous avions ainsi proposé successivement, avant que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne s’emparent de ces idées, la taxation des stock-options ou l’instauration d’une flat tax, dénommée aujourd’hui forfait social. Nous avons également cherché à limiter le poids des exonérations de charges. Ainsi, l’année dernière, nous avions proposé une annualisation du calcul de ces allégements, suggestion à laquelle le Gouvernement a d’abord opposé une fin de non-recevoir.

Je relève une fois de plus que le Sénat est en avance sur son temps, puisque nos propositions, qui avaient d’ailleurs été relayées par la commission des finances, ont finalement été reprises par le Gouvernement, en ce qui concerne notamment l’annualisation des exonérations de charges, ou par l’Assemblée nationale, s’agissant de la taxation des stock-options !

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