Comme je partage très largement le diagnostic établi par notre excellent rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, je me bornerai à évoquer trois points : l’endettement, les prélèvements obligatoires et l’articulation de ce projet de loi de programmation avec l’Europe.
Concernant l’endettement, beaucoup de chiffres ont été donnés. Le Gouvernement estime que la dette publique représentera 85 % du PIB en 2014, tandis que la commission des finances, un peu moins optimiste, prévoit, quant à elle, qu’elle sera de 88, 5 %.
Lorsque j’ai été nommé rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », la dette publique de l’État avoisinait les 1 000 milliards d’euros. À la fin de l’année 2010, celle-ci sera de 1 241 milliards d’euros, et atteindra un peu plus de 1 330 milliards d’euros à la fin de l’année 2011. Nous devons être obnubilés par cette masse financière pour chercher à résoudre le problème.
Pour ma part, j’estime que l’objectif central n’est pas tant de réduire notre déficit public à 3 % du PIB en 2013, mais de retrouver la situation que nous avons connue en 2006 et en 2007, avec un solde primaire équilibré : les dépenses et les recettes de l’État sont en équilibre, le déficit n’étant dû qu’au financement des intérêts de la dette. Or nous pouvons atteindre cet objectif en 2013 ou en 2014 selon l’évolution du contexte économique.
Stabiliser le volume des dettes de l’État est nécessaire pour rassurer nos concitoyens, mais aussi les marchés financiers. Ainsi, nous montrerons que nous parvenons progressivement, grâce aux mesures détaillées contenues dans ce projet de loi de programmation, à maîtriser la dépense publique.
Monsieur le ministre, j’ai noté avec intérêt qu’il sera impossible, à partir de 2011, de consacrer des surplus de recettes fiscales ou des moindres dépenses de charges d’intérêt de la dette à autre chose qu’au désendettement. J’en accepte le principe, mais ne pourrions-nous pas l’appliquer dès 2010 ? Ce serait une bonne opération car, en 2010, nous allons avoir une non-dépense de la dette de l’ordre de 1, 5 milliard à 2 milliards d’euros au titre de la charge d’intérêt. Il serait bon d’en profiter pour rembourser par anticipation quelques emprunts et réduire ainsi, pour l’année prochaine, de 186 milliards d’euros à 184 milliards d’euros notre objectif d’endettement à moyen et à long terme sur les marchés. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour mettre en pratique cette méthode.
Concernant les prélèvements obligatoires, le groupe UMP se félicite que le Gouvernement ait fixé dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des objectifs chiffrés en matière de mesures nouvelles sur ces prélèvements.
Les avis peuvent diverger sur ce point. Certains pensent qu’il faut augmenter les prélèvements obligatoires pour réduire les déficits ; d’autres estiment au contraire que, dans une perspective de mondialisation comme celle que nous connaissons, nous avons un intérêt majeur à ce que le taux des prélèvements obligatoires dans notre pays ne soit pas plus élevé que celui de nos principaux concurrents, notamment au sein de l’Union européenne et plus spécialement de la zone euro.
Or, il existe de fait une sorte de championnat international en matière de prélèvements obligatoires. Les nôtres oscillent entre 42 % et 44 % du PIB. Il est clair qu’en la matière la thèse que nous défendons rejoint la vôtre, monsieur le ministre : il faut les stabiliser voire les réduire, ce qui ne nous empêche pas de redéployer une partie de nos ressources fiscales dans les limites de ce taux de prélèvements.
Il est également clair que les travaux qui vont être engagés sur la fiscalité du patrimoine, les diverses taxes affectées au financement des retraites ou de la sécurité sociale, dont M. Jégou nous parlait longuement ce matin, signifient que le redéploiement est l’objectif vers lequel il faut tendre. Au contraire, l’idée d’augmenter les impôts me paraît déraisonnable, dans un pays où les prélèvements obligatoires frôlent déjà 43 % du PIB.
Nous remportons deux championnats en Europe aujourd'hui : celui des taux de prélèvements obligatoires, qui sont en moyenne beaucoup plus élevés en France qu’ailleurs, et celui du taux d’épargne des ménages, qui est l’un des meilleurs d’Europe.
Par conséquent, toute mesure de redéploiement de la fiscalité visant à faire participer davantage l’épargne des ménages aux investissements productifs et au développement de notre pays irait dans le bon sens.
Pour ce faire, monsieur le ministre, plutôt que d’envisager une augmentation des impôts, il faut créer les instruments d’épargne longue qui nous manquent, et transformer les placements privilégiés par nos concitoyens – comme les assurances vie ou les plans d’épargne en actions – en des instruments d’épargne à long terme. C’est de cette manière seulement que nous pourrons financer les énormes investissements nécessaires au développement de notre technologie et de notre compétitivité sur le plan international.
Le choix politique du Gouvernement est de ne pas majorer les prélèvements mais simplement de mettre un peu d’ordre, notamment dans l’impôt sur le revenu. Il faut reconnaître, monsieur le ministre, que pour moi qui ai participé – il y a très longtemps – à la création de l’impôt unique sur le revenu, ce dernier s’apparente plus à celui des pays en voie de développement qu’à celui des grandes démocraties concurrentes !
Par conséquent, le redéploiement que j’évoque implique forcément de reprendre, après l’étude de la fiscalité du patrimoine, celle des revenus, avec la progressivité qui s’impose et qui me paraît correspondre à la sociologie actuelle de notre pays.
Enfin, je tiens à souligner le problème posé par l’articulation entre les lois de programmation des finances publiques, les programmes de stabilité et le fameux « semestre européen ».
Cette question a fait l’objet d’un large débat à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, et vous vous êtes engagé à transmettre au Parlement le projet de programme de stabilité. Jusqu’à aujourd’hui, nous ignorions le contenu du programme de stabilité transmis à Bruxelles, alors même qu’il entraînait pour nous toute une série de conséquences législatives. C’est là un fait extraordinaire ! Il est clair que nous devons participer, en amont, à la préparation de ce programme de stabilité.
Vous avez accepté à l’Assemblée nationale le principe d’une proposition de résolution, mais notre commission des finances souhaite aller plus loin encore, en soumettant le projet de programme de stabilité à un débat parlementaire, suivi d’un vote. Le vote est-il opportun ? Doit-on se contenter d’un débat ? Dans les deux cas, il convient d’assurer l’information des commissions des finances des deux assemblées et d’organiser un débat, et plus largement d’associer le Parlement. En effet, dès lors que l’on examine de façon simultanée la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, le débat concernant le programme de stabilité est important.
L’ensemble des informations financières doit en effet parvenir de façon cohérente au Parlement. Cette année est d’ailleurs révélatrice de cette nécessité. La dispersion des mesures fiscales dans les deux textes, les convergences complexes et les organisations « en tuyaux d’orgue » – pour le moins tordus ! – démontrent l’intérêt qu’il y aurait à avoir un débat parlementaire au mois d’avril, en adéquation avec le calendrier du semestre européen. Il conviendrait de parvenir à un accord, au Sénat ou en commission mixte paritaire, sur ce point capital pour l’avenir de notre programmation des finances publiques.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, et compte tenu des propositions de la commission des finances, notre groupe votera unanimement le projet de loi de programmation des finances publiques. J’espère que vous saurez tenir bon face à ceux qui souhaitent, en dépit de déclarations contradictoires, majorer quelques crédits ou actions pour répondre à certaines demandes ; j’espère aussi qu’aucune crise financière ne viendra démolir l’ensemble des hypothèses économiques mondiales retenues.
Nous pensons que vous disposez de l’énergie nécessaire à la mise en œuvre de ce texte, c’est pourquoi nous le voterons !