Concernant la masse salariale, chaque augmentation de 1 % de la valeur du point d’indice accroît de 800 millions d’euros la dépense de l’État et de 1 milliard d’euros environ celle des collectivités locales et des hôpitaux. Le gel du point d’indice est donc indispensable, sachant que le salaire moyen brut par tête a progressé de 2, 2 % par an de 1999 à 2009 pour une inflation annuelle de 1, 7 %. Avec un objectif de maîtrise de la masse salariale, cette progression n’est donc pas soutenable.
La deuxième disposition vise à réduire de 10 % les dépenses de fonctionnement et d’intervention d’ici à 2013.
La simple stabilisation des dépenses de guichet imposerait de réaliser 5, 7 milliards d’euros d’économies sur trois ans afin de contrecarrer l’évolution naturelle de ces dépenses. Les maîtriser nécessite donc de passer par une modification des paramètres législatifs ou réglementaires qui régissent le niveau et les conditions d’ouverture des droits aux prestations. Pour 2011, la réduction des dispositifs de guichet ne représenterait que 1, 7 milliard d’euros.
Concernant les dépenses d’intervention, aucun chiffrage des économies attendues n’est précisé. Cette politique, même si elle est difficile à faire accepter à nos concitoyens, est indispensable.
La troisième disposition tend à geler en valeur les concours de l’État aux collectivités territoriales. Celles-ci devront donc réduire leurs dépenses, ce qui ne sera pas une mince affaire.
Les administrations de sécurité sociale devront, elles aussi, participer à cet effort, car, avec un déficit prévisionnel de 32, 8 milliards d’euros en 2010, soit 1, 7 % de PIB, elles représentent un enjeu majeur de la réduction du déficit public. Le Gouvernement se fixe un objectif ambitieux de maîtrise des dépenses dans ce secteur : réduire le déficit à moins de 12 milliards d’euros en 2014, soit 3 milliards d’euros ou 4 milliards d’euros par an, en fixant un ONDAM à 2, 9 % en 2011, puis à 2, 8 % les années suivantes.
Pour les dépenses d’assurance vieillesse, la réforme des retraites devrait suffire à rééquilibrer le régime selon le Gouvernement. Comme je l’ai dit ce matin en présentant mon rapport pour avis, il est très difficile d’être aussi optimiste que vous sur ce point, monsieur le ministre. Néanmoins, nous aurons l’occasion d’en reparler.
En l’absence d’éléments précis sur les dépenses qui seraient réduites ou supprimées, ce qui laisse dubitatif sur la réalité de leur réduction, le Gouvernement compte sur l’amélioration de la conjoncture et du marché du travail, donc sur la progression de la masse salariale et des recettes de la sécurité sociale.
À cet égard, on ne peut que regretter de ne pas disposer d’information sur la contribution des organismes de sécurité sociale autres que ceux du régime général à la réduction du déficit, alors que ceux-ci sont censés jouer un rôle important. Je rappelle que, compte tenu du vieillissement de la population, qui tire à la hausse les dépenses d’assurance vieillesse et d’assurance maladie, et compte tenu du progrès technique, qui renchérit le coût des soins, la maîtrise des dépenses de sécurité sociale ne pourra pas être atteinte sans réforme structurelle.
Du côté des recettes, le Gouvernement parie sur une hypothèse de croissance spontanée annuelle comprise entre 15 milliards d’euros et 19 milliards d’euros à compter de 2012, liée à une « surréaction » des recettes fiscales. De tels rythmes de progression apparaissent clairement surestimés compte tenu de la multiplication des dépenses fiscales qui ont réduit l’assiette et donc la dynamique des principaux impôts.
Par ailleurs, je me réjouis que la commission des finances ait rétabli la limitation à quatre ans de la durée de nouvelles niches, tant il est nécessaire pour le Parlement de pouvoir contrôler le coût des dépenses fiscales chaque année sur la durée de la programmation.
Il faut le redire, les objectifs indiqués dans les projets de loi de programmation des finances publiques ne sont pas contraignants et les trajectoires décrites n’ont qu’une valeur purement indicative. Notre exercice a donc ses limites. L’exemple de la précédente loi de programmation doit d’ailleurs nous inciter à la prudence, puisque, en partie du fait de la crise mais pas seulement, la plupart des engagements n’ont pas été tenus et les règles édictées n’ont pas été respectées.
Je prendrai deux exemples, qui ont d’ailleurs déjà été cités.
Ainsi, la règle édictée par l’article 11 de la précédente loi de programmation, qui prévoyait de gager les niches fiscales et sociales, a été systématiquement bafouée par le Gouvernement, notamment lors de la baisse du taux de la TVA dans la restauration, qui a entraîné une perte de recettes de 3 milliards d’euros pour l’État.
En outre, le Gouvernement utilise des artifices pour contourner les règles budgétaires qu’il a lui-même édictées : changements de périmètre de la norme de dépenses permettant de réduire le montant des dépenses de l’État prises en considération, recours aux dépenses fiscales à la place des crédits budgétaires ou encore recours croissant aux opérateurs de l’État pour échapper aux normes édictées pour les ministères. Toutes ces pratiques contreviennent aux règles de bonne gouvernance des finances publiques. Or je crains que ces tours de passe-passe comptables et budgétaires ne se reproduisent malgré les règles plus contraignantes du projet de loi.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que la double norme de dépenses ne soit pas transgressée par le Gouvernement grâce à ces divers types de contournements. C’est indispensable ! Cela réclame une véritable responsabilisation du Gouvernement et des responsables de programmes.
Ayant ces éléments présents à l’esprit, vous comprendrez que je reste sceptique sur la portée du texte que nous examinons aujourd’hui.
Au final, les lois de programmation des finances publiques permettent, sinon d’améliorer le pilotage de la gestion des comptes publics, du moins de donner aux gestionnaires une visibilité et une stabilité de leurs moyens, et de renforcer l’information du Parlement.
Malgré le scepticisme que j’ai exprimé sur la capacité d’une règle normative à contraindre les gouvernements à être vertueux en matière de maîtrise des dépenses publiques et de sécurisation des recettes, le groupe centriste, dans sa grande majorité, votera ce projet de loi. Celui-ci contient en effet plusieurs dispositions intéressantes et utiles pour améliorer le pilotage des finances publiques.
Je forme le vœu que le Gouvernement, contrairement aux habitudes prises par le passé, respecte au maximum les règles qu’il édicte, même si je sais que la veille d’une élection présidentielle n’est jamais propice à la maîtrise des dépenses publiques.