Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à la loi votée en 2008, nous avons aujourd’hui à nous prononcer sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2010 à 2014 et à poursuivre la réflexion sur les prélèvements obligatoires.
La contrainte que nous nous sommes imposée, même s’il s’agit d’un exercice difficile, a le mérite de ne pas nous cantonner dans une gestion à courte vue, année après année, sans considérer les incidences sur le futur que nous devons bâtir, ou tout du moins essayer de bâtir, ensemble.
Certains ne manqueront pas de souligner le caractère artificiel et aléatoire des schémas prévisionnels. Bien entendu, les expériences toutes récentes nous invitent à beaucoup de modestie et de prudence, tant l’évolution rapide du contexte mondial peut faire chavirer les plus belles constructions. Il est cependant nécessaire de se fixer des objectifs. Nous devons mener une politique volontariste qui permette un retour à un taux de croissance plus proche de celui de nos voisins européens. Nous le savons, dans notre pays, les réformes trop brusques ont du mal à passer.
Dans cette perspective de programmation des finances publiques, il n’est pas illogique de retenir des hypothèses macroéconomiques allant jusqu’à 2, 5 % de croissance moyenne. Un tel taux est ambitieux, mais il n’est pas irraisonnable.
En revanche, une progression de la masse salariale de 2 % en 2010, de 2, 9 % en 2011 et de 4, 5 % les années suivantes me semble, je dois le dire, un peu trop optimiste. Elle laisserait présager une forte réduction du taux de chômage, réduction que la reprise d’activité ne permet pas d’envisager à ce niveau. Cela a une incidence particulière sur le point que je souhaite évoquer, celui du redressement des comptes sociaux.
En fondant les prévisions sur une dynamique des recettes de la sécurité sociale de 4, 5 % à partir de 2012, on se donne, à mon avis, trop de facilités à laisser filer les dépenses. Or, si la branche vieillesse se trouve tendanciellement sur la voie de l’équilibre avec la réforme que nous venons de voter, tel n’est pas le cas des dépenses publiques de santé, qui doivent être strictement encadrées.
Je regrette également que le problème de la dette sociale ait été résolu par l’allongement de la durée de vie de la CADES, malgré l’engagement pris dans une loi, qui plus est une loi organique.
Je pense, comme l’a souligné M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, que le relèvement de la CRDS était une solution sage et un signe fort envoyé à nos créanciers. Comme lui, monsieur le ministre, je ne pense pas que cette mesure, qui aurait pu avoir un caractère temporaire, aurait cassé la reprise économique.
S’arc-bouter sur de grands principes, contre les évidences, n’est pas forcément une saine gestion et une bonne politique d’avenir. Cette remarque est d’ailleurs valable pour tout le monde !
Au cours de la discussion de la loi portant réforme des retraites, nous avons beaucoup évoqué les niches fiscales et sociales. Il faut reconnaître qu’elles sont nombreuses et complexes. L’obligation de réaliser des études d’impact et le remarquable travail effectué par la Cour des comptes nous permettent d’y voir plus clair, mais avouons que ce n’est pas toujours facile.
Force est de constater que, dans l’Hexagone, le corporatisme est encore très présent et que les grands principes révolutionnaires d’égalité et de fraternité ne sont pas toujours d’actualité, ce qui explique la multitude des niches fiscales et sociales, dont l’efficacité économique est aléatoire et souvent contestable.
La mise à plat des niches est évidemment nécessaire ; c’est un moyen de réduire d’une manière significative nos déficits.
Certains allégements de charges sont justifiés, car ils ont concouru, et concourent encore, au maintien d’une activité soutenue. C’est le cas par exemple du taux réduit de TVA dans le secteur du bâtiment, mais il faut éviter les effets d’aubaine.
Ainsi, le mode de calcul de la réduction générale a pu conduire les employeurs à verser une partie de la rémunération sous forme de primes ponctuelles plutôt que de manière lissée sur douze mois. Il est mis fin à ce phénomène dans le PLFSS de cette année : la réduction sera désormais calculée en fonction d’une rémunération annuelle. Cette disposition va dans le bon sens, monsieur le ministre, ainsi d’ailleurs que la taxation des retraites chapeaux et des stock-options au même taux que les revenus salariaux, soit une recette supplémentaire de plus de 3 milliards d’euros.
Au-delà de ces mesures, nous devons aussi revoir l’ensemble de notre système de prélèvements, en ayant à l’esprit qu’il doit assurer un retour à l’équilibre des différents comptes, ceux de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités locales.
Comment répartir la charge entre les diverses composantes de la richesse nationale ? Tel est bien le problème. On sait que, aujourd’hui, les revenus du travail sont sans doute trop taxés. Il faut donc trouver un juste équilibre, lequel devra reposer sur deux grands principes : la progressivité et la solidarité.
Dans la période de crise que nous traversons, nos concitoyens ont le sentiment profond d’une certaine injustice. Il nous importe donc de répartir équitablement les efforts qui doivent être faits afin de replacer notre pays dans la bonne direction.
Chacun d’entre vous a probablement sur sa table de chevet les propositions de la commission Attali. Même s’il paraît difficile de prendre au pied de la lettre toutes les suggestions qu’il contient, on ne saurait les ignorer.
Il nous faudra un grand courage politique pour respecter nos engagements de ce jour.