Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dette se creuse dangereusement depuis plusieurs années, en particulier depuis 2007, où la trajectoire des comptes publics est devenue très inquiétante. Ce sont vingt points de PIB de dette publique supplémentaire en trois ans !
Avec 47 milliards d’euros de dépenses prévues pour 2011, le service de la dette sera pratiquement le premier poste budgétaire de l’État, avec l’éducation nationale.
Certes, il y a la crise, qui provoque une accélération des déséquilibres. Mais ce n’est pas le seul phénomène en cause. En effet, la France se distingue de nombre de ses voisins européens par le soin qu’elle met à exonérer d’impôts telle ou telle catégorie professionnelle ou sociale dès lors qu’une réclamation se présente. À la gestion raisonnée des comptes publics s’est substitué le clientélisme fiscal.
En vérité, c’est une décennie de baisses d’impôts qui porte la responsabilité de la situation catastrophique dans laquelle nous sommes. Un rapport montre que la dette publique serait inférieure de vingt points environ à ce qu’elle est aujourd’hui en l’absence de baisse de prélèvements pendant la dernière décennie. D’ailleurs, M. Carrez n’a pas écrit autre chose en indiquant que l’État s’était privé d’environ 120 milliards d’euros de recettes en cumulant les baisses d’impôts appliquées depuis 2000.
Sans relâche, sans retenue, vous avez abusé des niches fiscales et des exonérations au profit des entreprises et des contribuables souvent les plus favorisés : moins de TVA, moins de taxe professionnelle, moins de cotisations sociales employeurs, moins de fiscalité sur le patrimoine et sur les plus-values, etc. ! Tout cela, bien entendu, sans une once d’efficacité économique, de justice sociale ou de redistribution fiscale. Bref, une politique de Robin des bois à l’envers !
En effet, la politique de l’endettement par les baisses d’impôts est la pire des injustices, car elle enrichit doublement les plus aisés. D’une part, leurs impôts baissent. D’autre part, leurs placements en général sont bien rémunérés et bien sécurisés. Bref, une vaste opération de redistribution à l’envers. Certaines catégories ciblées gagnent à la fois – si je puis m’exprimer ainsi – « au tirage et au grattage », tandis que d’autres, majoritaires, font les frais de la rigueur.
Monsieur le ministre, après trois années de laxisme, l’heure est venue de se montrer un peu plus sérieux. Il faut avoir le courage de réparer ce que l’on a démoli. C’est l’objet de votre texte, qui annonce la rigueur, énumère ses modalités, mais se garde bien d’en décliner les conséquences.
Comme par hasard, vous fixez comme objectif de diminuer drastiquement le déficit public annuel à compter de 2012. Énième promesse d’amincissement déclamée la main sur le cœur en parfaite corrélation avec le calendrier électoral, même si vous n’aimez pas que l’on vous le rappelle !
Pour parvenir à une réduction du déficit aussi abrupte – vous espérez le limiter à 2 % du PIB en 2014 –, les hypothèses économiques sont particulièrement surprenantes. La croissance gagnerait un point de moyenne annuelle. L’évolution de la masse salariale verrait son rythme doublé. L’inflation n’évoluerait presque pas, malgré une masse salariale en forte hausse et un chômage en forte baisse. Bref, une forme de miracle économique se produira dans une vingtaine de mois, sans que nous puissions d’ailleurs en distinguer un quelconque signe avant-coureur au moment où nous débattons…
J’aimerais croire autant que vous à cet avenir radieux, mais quelque chose me dit que vous-même n’y croyez pas ! D’ailleurs, la commission des finances du sénat et son rapporteur général, M. Marini, ont fait des propositions à mon sens nettement moins « candides ».
Au-delà de vos hypothèses fantasques, ce sont les conséquences concrètes de vos orientations qu’il nous faut mettre en lumière. L’action de l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales payeront en effet le prix fort des mesures que vous envisagez.
D’abord, pour l’État, ce sont les dépenses de personnel et les dépenses d’intervention qu’il faudra rogner. Moins d’enseignants dans les écoles, moins de policiers dans les quartiers, moins d’emplois aidés dans les associations, moins de crédits pour l’action sociale, pour l’environnement, pour la culture… voilà ce que cela signifie pour les Français !
Ensuite, pour la sécurité sociale, c’est la logique des déremboursements et des franchises, dont vous annoncez l’amplification. M. Vasselle le dit d’ailleurs de manière limpide : « Il faut plus de 2 milliards d’économies chaque année pour contenir les dépenses de santé ». On pourrait ajouter : « et autant de transferts sur les assurés ».
Enfin, pour les collectivités territoriales – Bernard Angels vient de le dire excellemment –, nous touchons à l’absurde. Les dotations seront gelées, tandis que l’administration de l’État poursuivra son chantage financier envers les élus locaux.