Monsieur le ministre, ma question, qui concerne les rats taupiers, pourrait faire sourire s’il ne s’agissait d’une véritable préoccupation pour les agriculteurs français.
Depuis 2000, le campagnol terrestre figure dans la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets de l’annexe B de l’arrêté du 31 juillet 2000.
Comme le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire le soulignait, en juin 2010, dans sa réponse à la question orale de notre collègue Gérard Bailly, « si la lutte contre son développement n’est pas obligatoire, sa propagation peut néanmoins justifier des mesures spécifiques de lutte obligatoire ».
Comme le préconisent les auteurs du programme interrégional de recherche « Campagnols terrestres et méthodes de lutte raisonnée » et du rapport de décembre 2010 de la mission du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, la lutte doit être prudente et raisonnée, coordonnée, collective et précoce.
Nul ne condamne l’utilisation maîtrisée et très localisée de produits chimiques, notamment de la bromadiolone, qui est reconnue comme un produit efficace et un complément indispensable aux techniques de piégeage, à la politique de protection des prédateurs ou encore à la plantation de haies, particulièrement dans les situations alarmantes.
Pourtant, la Suède, chargée par l’Europe de rédiger un rapport sur l’utilisation de ce produit, a émis un avis défavorable qui entraînera le retrait inéluctable de son homologation.
Le problème posé par l’indemnisation des dégâts est plus préoccupant encore. En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé dans votre réponse à la question écrite de M. Morel-A-l’Huissier, député, publiée le 15 mars 2011, ni le Fonds national de garantie des calamités agricoles ni le Fonds national de gestion des risques en agriculture n’indemnisent aujourd’hui les dégâts provoqués par le campagnol.
Nos exploitants agricoles, conscients de leurs responsabilités, ne recourent ni systématiquement ni abusivement à des produits chimiques, en raison tant de la complexité de la réglementation européenne que de l’ampleur des investissements nécessaires pour s’adapter aux nouvelles contraintes. En revanche, ils sont confrontés à une absence d’indemnisation de leurs pertes et de leurs dommages.
Une double inquiétude, que je relaie ici, les tenaille.
D’une part, ils sont préoccupés par les délais qui leur sont imposés pour utiliser un moyen de lutte efficace, dans la mesure où l’action raisonnée contre les campagnols s’appuie sur un réseau d’épidémiosurveillance mis en place à l’occasion du plan Écophyto 2018, issu du Grenelle de l’environnement, et où, par ailleurs, l’Europe, sur les préconisations de la Suède, demande d’interdire l’utilisation de la bromadiolone.
D’autre part, ils s’inquiètent des prochaines orientations françaises et européennes d’indemnisation, puisque la Commission européenne, consultée sur la prise en compte de ce type de dégâts dans le cadre des fonds de mutualisation de la nouvelle PAC, impose à la France de démontrer le caractère exceptionnel de ces dommages.
Je serais heureuse, monsieur le ministre, que vous puissiez apaiser nos exploitants agricoles sur ces deux points.