Madame Borvo Cohen-Seat, vous interrogez le Gouvernement sur une affaire très grave, présente dans la mémoire de tous ceux qui, dans notre pays, souhaitent mieux comprendre ce qu’a été, pour l’ensemble de nos compatriotes, la guerre d’Algérie.
Universitaire, militant pour l’indépendance de l’Algérie, Maurice Audin a été porté disparu en 1957, à la suite de son arrestation à Alger par des militaires français. Une plainte a été déposée par son épouse dès le 4 juillet 1957. Cette plainte a conduit à un non-lieu, prononcé en avril 1962, pour insuffisance de charges.
Si les proches, la famille, les amis politiques de Maurice Audin ont soutenu de façon constante que ce dernier était décédé au cours d’une séance de torture – appelons un chat un chat – conduite par des officiers du renseignement de l’armée française, il semble que les pouvoirs publics aient au contraire considéré à l’époque que Maurice Audin s’était évadé durant un transfert de son lieu de détention et qu’il n’avait plus donné de signes de vie depuis cette évasion.
En 2001, l’épouse de Maurice Audin a souhaité déposer une nouvelle plainte pour séquestration et crime contre l’humanité après les révélations d’un général sur cette affaire. Un nouveau non-lieu a toutefois été prononcé par la justice française en juillet 2002.
Dans le cadre de cette dernière procédure judiciaire, et c’est la précision que je tenais à vous apporter, le ministère de la défense n’a, à aucun moment, été saisi par le magistrat instructeur d’une quelconque demande de déclassification ou de communication d’informations éventuellement liées à cette affaire qui seraient protégées par le secret de la défense nationale.
Mes prédécesseurs et moi-même n’avons jamais eu à nous prononcer sur une telle demande, pas plus d’ailleurs que la Commission consultative du secret de la défense nationale, dont l’avis est requis, en pareil cas, aux termes de l’article L. 2312-1 du code de la défense.
Madame la sénatrice, je tiens à vous assurer, et je vous prie de croire à ma forte conviction personnelle, que, si des faits nouveaux qui justifieraient la réouverture de l’information judiciaire devaient être portés à la connaissance de la justice, il va sans dire que le ministère de la défense et des anciens combattants, qui ne peut que souscrire à l’exigence de vérité que vous avez évoquée, étudierait avec bienveillance, dans le respect des procédures prévues par la loi, toute éventuelle demande de déclassification de documents protégés qui lui serait adressée.
En effet, plus de cinquante ans après les faits, il semblerait raisonnable que la France mette enfin sa conscience en paix avec le souvenir de la tragédie algérienne, sous tous ses aspects, et l’affaire Maurice Audin est l’un de ceux qui méritent d’être totalement connus.