Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 24 mai 2011 à 18h30
Débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Ma deuxième proposition, monsieur le ministre, est de revoir la dotation des centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, face au travail colossal que représente l’accompagnement des sylviculteurs pour le nettoyage et la reconstitution des parcelles détruites par les tempêtes.

La réforme générale des politiques publiques menée par le Gouvernement a, comme dans de nombreux services publics, hypothéqué l’efficience des centres régionaux de la propriété forestière et de l’Office national des forêts. Comme cela a été dit à plusieurs reprises avant moi, il faut trouver une réponse beaucoup plus positive à ces questions.

Pour ce faire, l’outil idéal de vulgarisation des techniques forestières et de mobilisation des bois que représente le CRPF doit être doté des moyens suffisants à la mise en œuvre de ses missions régaliennes et à celles qui sont induites par les catastrophes naturelles exceptionnelles que nous venons de subir.

La propriété privée, souvent très morcelée, nécessite un accompagnement public de nature technique, juridique et fiscale qui permette son exploitation. De manière générale, sans cette mobilisation des surfaces privées, l’une de nos plus belles richesses naturelles se dépréciera. Au niveau Aquitain, il est nécessaire, notamment durant l’attaque des scolytes que subissent actuellement, entre autres, les sylviculteurs landais, de pouvoir au jour le jour accompagner les propriétaires pour qu’ils surmontent les épreuves morales, techniques et administratives du nettoyage et de la reconstitution de leur patrimoine.

Ma troisième proposition consiste à mettre en place des structures collectives d’approvisionnement et de traitement des sciages en Aquitaine et le couplage des unités de transformation à des terminaux de cogénération.

Je m’explique.

Les scieries aquitaines ont, en comparaison des unités présentes en Autriche, en Allemagne ou en Scandinavie, de faibles capacités de production. De plus, la majorité des unités de sciages nationales sont découplées d’unité de production d’énergie. C’est là aussi une caractéristique nationale qui désavantage nos sciages par rapport aux importations. En effet, la production d’énergie et sa revente à un tarif préférentiel fixé par l’État permet aux scieries étrangères concurrentes, outre la qualité des bois transformés, d’exporter en France des sciages à des prix très concurrentiels, car ils intègrent en partie les bénéfices liés à la production d’énergie.

Il est donc nécessaire de promouvoir les projets de cogénération portés par les scieries françaises afin de leur permettre de limiter les distorsions de concurrence avec nos concurrents européens. Cette difficulté ne se présentera pas tous les jours, mais il faut en tenir compte.

De plus, en amont, il faut faciliter l’accès à la matière première de ces scieries par le biais de structures d’exploitation coopératives leur permettant des économies d’échelle en matière de prospection et de regroupement.

Enfin, en aval, il faut promouvoir, M. Leroy l’a dit tout à l’heure, les outils coopératifs de finition, d’aboutage, de séchage ou de lasurage.

Ma dernière préconisation, monsieur le ministre, consiste en une incitation fiscale au regroupement des entrepreneurs de travaux forestiers pour l’émergence de sociétés d’exploitation et de transport de bois. Pourquoi ? Parce que nous avons trop souvent constaté que les entrepreneurs de travaux forestiers, les ETF, comme il est convenu de les appeler, étaient sous-dimensionnés avec une seule personne salariée, c’est-à-dire un directeur salarié, et n’étaient pas de taille à créer une situation dynamique par rapport à la filière. Il nous semble donc qu’en limitant durant deux ans aux activités complémentaires les prélèvements sur les entreprises qui feraient le choix de se regrouper, nous inciterions la restructuration, la professionnalisation et l’émancipation de ces ETF.

De la sorte, monsieur le ministre, face à des cataclysmes tels que ceux que nous venons de vivre et dans lesquels, faute d’une action politique nationale cohérente, nous restons englués dix ans après, nos ETF seraient plus à même de concurrencer leurs collègues européens.

Vous le voyez, monsieur le ministre, et je ne me lance pas dans une polémique à cette tribune, toutes ces actions qui n’ont pas connu de réponse positive dans l’urgence requièrent une grande volonté politique. Cela a été rappelé par le Président de la République et je suis tout à fait de cet avis. Il faut essayer, me semble-t-il, de redonner à la forêt cet espoir sans lequel nombre de territoires ne seront pas replantés.

Je vous incite à lire, monsieur le rapporteur, vous qui nous disiez que tout allait bien, l’éditorial d’avril du président de la revue aquitaine Forêt de Gascogne – revue qui n’est pas connue pour ses postures gauchistes –, paru sous le titre« Inciter à défricher ». Vous constaterez que, avec une certaine amertume, il dénonce tous les manquements des politiques publiques envers cette forêt de résineux.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d’une grande politique publique en la matière. Nous espérons que l’action du Gouvernement nous aidera à surmonter ce moment difficile.

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