La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.
La séance est reprise.
Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 bis de notre règlement, qui traite de l’ordre du jour fixé par le Sénat sur la base des conclusions de la conférence des présidents.
Comme vous le savez, nous sommes dans une semaine de séances réservée par priorité au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques par la représentation nationale. C’est le Président de la République lui-même qui a voulu par cette formule donner la maîtrise de certains débats aux parlementaires.
Par conséquent, je suis très étonné que nous ayons été en fin de matinée, et ce d’une manière quelque peu légère, c’est le moins que l’on puisse dire, informés d’un changement d’horaire ! Une telle modification serait due, m’a-t-on dit, à la gestion du problème de la sécheresse. Mais voyons, celle-ci sévit dans notre pays depuis plusieurs semaines !
Dès lors je m’interroge : pourquoi avoir attendu tout ce temps pour s’en préoccuper ? Et ce problème récurrent va-t-il désormais modifier l’ordre du jour de nos séances ?
Je constate qu’à quinze heures M. le ministre était à l’Assemblée nationale pour répondre à des questions au Gouvernement, sans doute relatives à la sécheresse d’ailleurs…
Alors, monsieur le ministre, cela signifie-t-il que Sénat compte moins, que son travail est moins considéré, qu’il s’agisse de la sécheresse ou d’un autre sujet ? En tout cas, notre ordre du jour et nos horaires font l’objet d’un traitement pour le moins cavalier !
Comme vous tous, mes chers collègues, je suis un élu et j’ai l’ambition de représenter au mieux le territoire qui est le mien et ceux qui m’ont élu !
Aussi, monsieur le ministre, compte tenu de l’engagement qui avait été pris par le Président de la République et par le Gouvernement, ce que vous venez de faire au Sénat est d’une totale discourtoisie !
Monsieur Jean-Louis Carrère, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. le ministre.
Madame la présidente, je souhaiterais répondre à M. Carrère. En effet, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve l’agriculture en ce moment, il me semble tout à fait légitime que le ministre de l’agriculture ait souhaité s’occuper en priorité des paysans et des agriculteurs en détresse.
Je suis très heureux, mesdames, messieurs les sénateurs, de parler avec vous de la politique forestière de la France. Mais, aujourd’hui, l’urgence me paraît être le traitement de la situation économique des éleveurs, la définition des mesures nécessaires pour les aider, la prise en considération des interrogations légitimes des parlementaires, que sont également les députés, face à la situation des agriculteurs.
Que le ministre de l’agriculture soit présent à quinze heures à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions des députés sur la sécheresse me paraît donc légitime, je le répète.
Qu’à seize heures quinze il étudie les mesures susceptibles de remédier aux problèmes urgents de trésorerie des éleveurs en France me paraît tout aussi légitime.
Vous auriez pu le faire hier lorsque vous étiez dans votre circonscription !
M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin, monsieur le sénateur, que l’on reporte de quelques heures un débat sur la politique forestière pour permettre au ministre de l’agriculture de répondre à l’urgence des éleveurs ne me paraît pas discourtois ; c’est tout simplement justifié.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 20 mai 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de Cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-152 QPC) et qu’elle lui a adressé, le mardi 24 mai 2011, deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-153 et 2011-154 QPC).
Acte est donné de ces communications.
L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste et de la commission de l’économie, le débat sur la politique forestière et le développement de la filière du bois.
La parole est à Mme Renée Nicoux, au nom du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette année internationale des forêts, je me félicite que notre Haute Assemblée se penche sur cet enjeu crucial qu’est l’avenir de la politique forestière. En rapport avec ce qui vient d’être dit, j’ajouterai que peut-être la sécheresse aura-t-elle aussi des conséquences sur la forêt, comme cela s’est produit en d’autres moments.
La France possède le troisième parc forestier de l’Union européenne, avec plus de quinze millions d’hectares sur son territoire métropolitain et huit millions d’hectares outre-mer, ce qui représente presque un tiers du territoire. Cette situation est prégnante outre-mer, où le pourcentage du territoire occupé par la forêt est encore plus élevé, pour atteindre 96 % en Guyane.
Cet héritage inestimable est un atout indéniable pour notre pays. Aussi notre attitude en la matière doit-elle dépasser les clivages politiques. Notre politique forestière doit nécessairement s’inscrire dans le long terme et nécessiter une continuité de l’action publique.
Il est de notre devoir de la valoriser, et cela d’autant plus dans la période actuelle. Nous sommes à l’aube d’un changement radical de nos modes de vie et de consommation. Les changements climatiques, l’épuisement de nos ressources, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et le développement nécessaire des énergies renouvelables doivent nous pousser à repenser notre société.
Dans tous ces domaines, la forêt a un rôle à jouer, car elle est au carrefour d’enjeux multiples : des enjeux environnementaux, en tant que puits de carbone et élément de préservation de la biodiversité, enjeux sociaux, en tant que lieu de loisirs, de détente et de relation des citoyens avec la nature, enjeux économiques, à travers la richesse et les emplois qu’elle génère.
Pourtant, nous sommes obligés de constater que, malgré ses ressources importantes, notre pays est loin d’être l’un des leaders européens sur le marché du bois.
Certains considèrent que le potentiel de la forêt française est aujourd’hui sous-exploité et que sa gestion ne s’inscrit pas dans une logique durable. La forêt est tout simplement un « potentiel dormant » et la conséquence est sans appel : la filière bois est le deuxième poste de déficit commercial de notre économie alors que l’Allemagne, avec une superficie moindre, onze millions d’hectares contre plus de quinze millions d’hectares pour la France métropolitaine, est le deuxième exportateur de bois.
Depuis plusieurs années, les professionnels de la filière bois tirent la sonnette d’alarme. La nécessité de structurer cette filière et de se doter d’une véritable stratégie nationale dans ce domaine n’a jamais été aussi forte.
Pourtant, la France peine à le faire, et ce n’est pas par manque d’intérêt. Personne ne peut dire ici que les pouvoirs publics et les élus se désintéressent de la forêt, bien au contraire. Des Assises de la forêt aux discours d’Urmatt et d’Égletons, en passant par les nombreuses initiatives des parlementaires sur ce sujet et la multiplication des rapports, chacun semble avoir pris conscience de la nécessité de valoriser la forêt et d’inscrire l’action dans le long terme.
Mais c’est ici que réside l’un des problèmes : les débats sur l’avenir et les enjeux de la forêt sont toujours pavés de bonnes intentions, mais ils ne se concrétisent que trop rarement dans les faits.
À ce manque de concrétisation viennent s’ajouter une dégradation et un affaiblissement généralisé des services publics en charge de la politique forestière. Avec l’éclatement de l’administration des eaux et forêts en 1964, la disparition des directions départementales de l’agriculture et de la forêt, l’affaiblissement de la recherche forestière, les effets de la Révision générale des politiques publiques et le démantèlement de l’Office national des forêts, la situation est plus que préoccupante !
Si nous souhaitons une gestion durable de la forêt, les pouvoirs publics doivent maintenant traduire les discours en actes. En disant cela, je suis parfaitement consciente des difficultés qui existent pour structurer cette filière et je sais parfaitement que des initiatives très intéressantes se mettent en place un peu partout en France, au travers, par exemple, des plans pluriannuels régionaux de développement forestier. Mais force est de constater qu’aucune réelle stratégie nationale de la forêt ne permet actuellement de structurer ce secteur. Certaines décisions actuelles, notamment budgétaires, tendent même plutôt à affaiblir cette filière qu’à la renforcer.
Le débat que nous avons aujourd’hui doit donc nous amener à nous poser deux questions simples. Quelle est l’ambition de la France vis-à-vis de sa politique forestière et quelles sont les actions à mettre en œuvre sur le long terme pour les concrétiser ?
En premier lieu, il faut s’interroger sur l’avenir de nos forêts en tant que telles, et tout particulièrement sur l’avenir du bois en tant que ressource, sans oublier la gestion de notre patrimoine forestier, car, en ce domaine, nous pouvons être plus qu’inquiets !
Le constat est simple et je l’ai déjà évoqué : la filière bois est profondément déficitaire et incapable de répondre aux besoins actuels du marché. Nous disposons de l’une des plus grandes forêts européennes et, malgré cela, nous importons plus de trois millions de mètres cubes de sciages de résineux. Dans le même temps, nous n’exploitons que 40 % de la croissance naturelle du bois. En Guyane, la situation est encore plus critique. Malgré un potentiel énorme, la filière forêt bois est à peine développée et doit faire face à une concurrence de plus en plus forte des produits provenant du Brésil et même de la France métropolitaine !
Dans cette optique, la promesse du Président de la République à Urmatt d’augmenter de 40 % la production de bois d’ici à 2020 pour atteindre vingt et un million de mètres cubes supplémentaires semble irréaliste pour la seule forêt de France métropolitaine.
Nous savons tous que plusieurs facteurs sont imputables à cette situation.
D’abord, notre forêt est constituée aux deux tiers de feuillus. Or l’industrie du bois réclame actuellement de la matière résineuse pour accompagner l’essor de la construction bois.
À cela, il faut ajouter que toutes les ressources en bois ne sont pas mobilisables et, de toute façon, elles ne doivent pas l’être pour des raisons de préservation de la biodiversité ou de la qualité des sols.
Il faut aussi tenir compte du fait que certaines surfaces ne sont pas exploitables dans des conditions économiques satisfaisantes ; c’est, par exemple, le cas dans certaines régions de montagne, où le coût de débardage est supérieur à la valeur du bois.
Par ailleurs, nous ne devons pas oublier le rôle essentiel que jouent ces grands massifs forestiers dans la captation de C02.
En second lieu, nous sommes face à un véritable problème de structuration de la filière bois, en amont comme en aval.
En amont, le problème vient des difficultés rencontrées pour gérer efficacement les massifs forestiers en raison du morcellement de la propriété forestière qui rend l’exploitation de la ressource bois extrêmement difficile.
Aujourd’hui, 3, 8 millions de propriétaires privés possèdent 70 % des surfaces forestières. Mobiliser les réserves qui se trouvent dans cette forêt privée est une absolue nécessité, mais cela ne pourra se faire qu’en instaurant un véritable service public au service des propriétaires privés. La mise en place d’un outil de regroupement forestier foncier pourrait être une solution intéressante.
Dans cette optique, le rôle et les moyens des centres régionaux de la propriété forestière doivent être renforcés. En effet, ces établissements sont les seuls outils publics d’aide aux sylviculteurs, permettant à ces derniers une meilleure mobilisation et une meilleure appréciation de leur patrimoine. Or le développement de ces centres est aujourd’hui fortement limité, notamment du fait de la Révision générale des politiques publiques, alors même que les besoins s’accroissent. Le Centre national professionnel de la propriété privée forestière manque également de moyens pour coordonner ses actions et atteindre ses objectifs.
D’autres solutions existent.
D’abord, les plans pluriannuels régionaux de développement forestier, instaurés par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, pourraient apporter des réponses de par leur rôle d’identification des massifs insuffisamment exploités et de définition des actions prioritaires. Espérons qu’ils soient opérationnels le plus rapidement possible.
Ensuite, nous avons la proposition de France Bois Industries Entreprises, qui souhaite la création d’un plan « Feuillus » dont l’objectif viserait à augmenter l’utilisation des feuillus français dans la construction.
Ce manque de structuration en amont nuit au développement de l’industrie du bois. L’accès à la ressource bois peut s’avérer extrêmement difficile, pouvant conduire à des pénuries dans certains secteurs, générant par là même une envolée des prix.
L’instabilité de l’approvisionnement va de pair avec la frilosité des industries qui hésitent à investir dans la transformation et préfèrent recourir aux importations. Il est impératif d’améliorer l’accès à cette ressource pour les industries.
Pour ce faire, plusieurs solutions devront être examinées : la création d’un observatoire économique de la filière, qui permettrait de donner plus de visibilité et de transparence sur le prix de vente du bois ; la mise en place de plateformes d’approvisionnement, afin que l’offre et la demande puissent se rencontrer plus facilement ou encore la généralisation des contrats d’approvisionnement ; mais aussi et surtout, une révision complète de la politique de gestion des ressources forestières, à commencer par la politique de reboisement.
Avec la suppression du Fonds forestier national en 2000, le renouvellement des forêts s’effectue essentiellement par la régénération naturelle. La dynamique de développement de la forêt de production a été stoppée. Ce fonds avait permis de planter deux millions d’hectares et de financer quelque quarante mille kilomètres de pistes ou de routes forestières. Et ce sont ces arbres-là que nous exploitons aujourd’hui !
Il faut rappeler que personne n’avait remis en cause la pertinence ou les résultats de ce fonds lors de sa suppression ; celle-ci était la conséquence d’un problème d’acceptation de la taxe forestière, jugée par l’ensemble des contribuables trop inadaptée et négative.
Il manque donc aujourd’hui un véritable outil national de développement pour la forêt. Cette situation a été pointée du doigt à plusieurs reprises, notamment à la suite des différentes tempêtes.
Dans un rapport remis par Jean Puech au Président de la République en avril 2009, il était proposé de créer un fonds de reboisement et d’adaptation au changement climatique. Depuis, des actions ont été menées, comme le lancement du Fonds stratégique bois en septembre 2009. Cependant, les professionnels de la filière bois le trouvent inadapté aux besoins.
Il est impératif d’en faire un outil vraiment stratégique ou d’envisager la création d’un nouveau fonds ayant pour vocation principale de soutenir le reboisement.
C’est un préalable indispensable à une politique forestière raisonnée, ambitieuse et responsable, car, sans politique active de plantation, la France sera très vite limitée dans ses marges de manœuvres. Il faut garder à l’esprit que plus de quarante ans sont nécessaires pour constituer ou reconstituer une ressource forestière.
Or, en quinze ans, la quantité de plants forestiers vendus est passée de 110 millions à 28 millions par an, ce qui ne permet ni de renouveler les surfaces ni de répondre aux besoins de l’industrie à l’horizon 2030. Selon les pépiniéristes forestiers français, il faudrait revenir au minimum au niveau de plantation des années quatre-vingt-dix, soit environ 140 millions de plants annuels pour atteindre ces objectifs.
Dans ce cadre, et au vu de la structure de la demande en bois de construction et des ressources présentes sur le territoire français, certains préconisent la plantation de résineux. En effet, actuellement, en France, 59 % des volumes sur pied sont représentés par les feuillus et 41 % par les résineux. Or le sciage de résineux équivalait en 2009 à 80 % de la production de notre pays ! Une gestion rationnelle de nos ressources disponibles est donc indispensable. Il convient de mener des recherches visant à réintroduire le bois de feuillus dans la construction, conformément à ce qui se faisait auparavant, tout en menant des actions en faveur des résineux.
La France doit se doter d’une vraie politique industrielle du bois. En mars dernier, nombre d’acteurs de la filière avaient d’ailleurs appelé de leurs vœux la mise en place d’« un groupe de travail interprofessionnel et ministériel dont la mission serait de réfléchir aux moyens de moderniser notre ressource forestière et de professionnaliser notre sylviculture ».
Monsieur le ministre, cette demande est-elle à l’ordre du jour ? Dans le même esprit, la création d’une interprofession nationale du bois, seule capable de créer des synergies, paraît indispensable. Avec un acteur unique et identifié, les échanges avec les pouvoirs publics seront facilités et le dialogue entre les différents acteurs de la filière, privilégié.
Cette structuration de la filière amont du bois devrait bien sûr s’accompagner d’une remise à plat des différents usages de la forêt, afin de promouvoir le bois sous toutes ses formes et tous ses aspects, tout en luttant contre les conflits d’usage.
Sur ce point, les débats sont parfois vifs, notamment entre les défenseurs de la forêt de production et ceux de la forêt multifonctionnelle. Pourtant, je pense que ces deux visions sont très largement conciliables. Je tiens d’ailleurs à rappeler que, dans l’approche multifonctionnelle de la forêt, la production doit avoir une place de choix.
Tout d’abord, en matière environnementale, la forêt doit jouer un rôle central pour atteindre les objectifs que la France s’est fixés.
À ce titre, je tiens à préciser que certains engagements devront nécessairement être adaptés à certaines situations. Je relaye ici des inquiétudes émanant de Guyane. En effet, dans le cadre des négociations internationales concernant l’accord sur le climat pour l’après-2012, la Commission européenne ambitionne de stopper, au plus tard en 2030, la diminution de la couverture forestière de la planète et de réduire la déforestation tropicale brute d’au moins 50 % d’ici à 2020. Il est important que ces démarches prennent en compte la situation de la forêt guyanaise, fort peu exploitée. Il est vital non seulement que les besoins internes de la Guyane soient couverts par l’exploitation de ses bois, mais aussi que ces derniers trouvent des débouchés naturels dans les départements d'outre-mer, l’Hexagone, l’Europe, ou ailleurs...
Concernant les engagements pris par la France au niveau européen dans le cadre du paquet « énergie-climat », la forêt a bien évidement un rôle central à jouer. Le Grenelle de l’environnement, encore plus ambitieux, est venu compléter l’objectif des « trois fois vingt », qui vise, d’ici à 2020, à diminuer de 20 % la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre et à porter à 20 % la part des sources d’énergies renouvelables. C’est une bonne chose, mais à condition que soit mise en place une véritable régulation entre les différents usages du bois, pour que la concurrence exacerbée qui existe entre le « bois énergie » et le « bois industrie » n’aboutisse pas à l’épuisement de la ressource.
Je tiens à souligner que la multiplication des appels à projets, CRE 1, CRE 2, CRE 3, CRE 4, favorisant les gros projets à vocation de production énergétique, ne peut que fragiliser les petites et moyennes installations qui jouent un rôle structurant en milieu rural.
En effet, ces grosses unités consomment énormément de matières premières, qu’elles sont obligées d’aller chercher de plus en plus loin, et font de la concurrence au « bois industrie ». Il serait souhaitable que les installations de biomasse utilisent davantage de déchets et de bois de récupération !
À l’heure du développement durable, il serait judicieux de favoriser les projets utilisant les ressources locales, afin de développer les circuits courts, réduisant de fait nos émissions de CO2. Les massifs forestiers étant particulièrement présents dans les zones les moins favorisées économiquement et socialement, ce type d’implantation participera au dynamisme économique de nos territoires. Valoriser l’exploitation de la forêt doit permettre le développement local d’espaces ruraux fragiles.
Les défis de la filière bois sont nombreux, ils doivent nous conduire à repenser notre politique en matière de forêt privée et, parallèlement, à l’accompagner d’un service public renforcé de la forêt.
J’évoquerai donc l’avenir de l’ONF, l’Office national des forêts, qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Cet organisme gère 25 % de la surface boisée nationale et effectue 40 % des ventes de bois en France. Il remplit également de nombreuses missions d’intérêt général, comme la défense des forêts contre les incendies, la restauration des terrains en montagne ou la préservation du littoral. C’est donc un acteur stratégique incontournable de notre politique forestière, ainsi que l’outil d’une politique volontariste en faveur de la filière bois.
Or, en pleine négociation du contrat quinquennal liant l’État à l’ONF, les attaques portées contre le modèle français de gestion publique des forêts et le régime forestier refont surface. Ces attaques proviennent de l’administration centrale elle-même, comme nous avons pu le constater avec la diffusion d’une note émanant de la direction générale du trésor et destinée à la ministre de l’économie. Dans ce document sont proposées des pistes de réforme proprement inacceptables au regard de la gestion durable de notre patrimoine forestier communal.
Ainsi, le modèle économique de l’ONF serait exclusivement recentré sur des activités de contrôle et de production de services non marchands, la gestion des forêts communales étant déléguée sous forme de concession à des prestataires privés, ce qui conduirait finalement à l’abandon pur et simple des parcelles boisées les moins rentables. Les frais de garderie payés par les communes forestières seraient considérablement augmentés, ce qui, à terme, pourrait aboutir à la suppression du versement compensateur de l’État, lequel permettait pourtant à toutes les communes, quelle que soit leur capacité contributive, de bénéficier d’une gestion de même qualité de leur domaine forestier.
Il revient à l’État d’assumer ses responsabilités en termes d’aménagement du territoire et de protection des espaces naturels ; les collectivités n’ont pas à en supporter tous les coûts ! De plus, toutes ces réflexions contredisent totalement les orientations proposées par M. Hervé Gaymard dans son rapport, publié l’année dernière, et dont nous pouvions approuver certaines orientations, en regrettant cependant qu’il ait totalement oublié de prendre en considération l’outre-mer !
Ce rapport soulignait en effet que la politique forestière devait s’articuler autour de trois lignes forces : stabilité institutionnelle, confiance légitime entre tous les acteurs, et ambition, qu’il s’agisse de la mobilisation du bois ou du respect des enjeux environnementaux. Il était proposé, d’une part, d’associer les communes forestières au contrat signé entre l’État et l’ONF et, d’autre part, de recapitaliser l’ONF à hauteur de 300 millions d’euros, ce qui permettrait selon nous à cet organisme de repartir sur de bonnes bases.
Toutes ces propositions semblent bien loin désormais ! Pourtant, nous avons tous conscience des problèmes financiers rencontrés par l’ONF. Le rapport remis par notre collègue Joël Bourdin, au nom de la commission des finances, intitulé L’ONF à la croisée des chemins, était, à ce titre, riche d’enseignements. Les activités rémunératrices de l’ONF, qui sont liées à la vente de bois, sont soumises à la volatilité des cours et aux aléas climatiques. Ainsi, la chute du cours du bois a rendu intenable la situation financière de l’ONF. De plus, ses charges augmentent plus vite que ses recettes et aucune anticipation de ce déséquilibre n’a été envisagée dans le contrat d’objectifs 2007-2011.
Cependant, ces seuls éléments ne sauraient expliquer la crise traversée par l’ONF, bien au contraire. Comme l’a démontré la Cour des comptes, il apparaît que cette situation préoccupante est en grande partie liée aux choix managériaux effectués par le Gouvernement et au fait que n’ont pas été respectés les engagements contractuels, en ce qui concerne tant le montant des financements alloués que les délais de certains paiements.
Les problèmes managériaux et les restructurations brutales ont conduit à une vague de suicides des personnels.
Pourtant, est-il nécessaire de rappeler que les forestiers de l’ONF constituent une richesse inestimable. Leurs connaissances et leur qualité d’expertise sont indispensables pour notre forêt ; ils nous permettront d’atteindre les objectifs que nous nous fixerons !
Dans le même temps, l’ONF n’est pas rémunéré à la hauteur des missions d’intérêt général qu’il assume, puisque la moitié des coûts de celles-ci restent à sa charge !
Monsieur le ministre, comment développer la filière bois si, dans le même temps, nous démantelons un maillon essentiel de cette filière, à savoir l’ONF ? Je le répète, l’avenir de cet organisme est indissociable de celui de notre politique forestière. Si le Gouvernement remet en cause son existence et tente de transférer au secteur privé l’ensemble de ses activités marchandes, un coup fatal sera porté à notre régime forestier, qui est déjà en difficulté !
Beaucoup de chemin reste à parcourir. Structurer la filière bois tout en donnant des perspectives durables et raisonnées à notre politique forestière s’avérera particulièrement complexe, chacun en a conscience. Mais de nombreuses solutions existent et je pense très sincèrement que la situation difficile que nous traversons actuellement est en grande partie due à un manque de volonté politique. Il faut que les moyens mis en place soient en adéquation avec les objectifs identifiés.
J’espère que ce débat donnera lieu à une vraie réflexion et à des propositions concrètes. Nous ne pouvons plus nous en tenir aux discours. Le Président de la République avait déclaré à Urmatt : « La France n’a pas de pétrole. La France n’a pas de gaz. Mais la France a des territoires ruraux, une géographie, des ressources naturelles qui représentent un potentiel formidable. » Nous faisons tous ce même constat ; maintenant il faut passer aux actes !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
La parole est à M. Philippe Leroy, au nom de la commission de l’économie.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’évoquer certaines difficultés qui justifient l’organisation du débat qui nous réunit aujourd’hui, je tiens à débuter mon propos par un éloge vibrant de la forêt, d’une part, et de l’action gouvernementale, d’autre part.
La forêt, quoi qu’on en dise, se porte bien. Par mon discours, dans la mesure où l’on n’aide bien que les gens bien portants, je ne voudrais pas laisser entendre qu’elle serait condamnée à un déclin profond.
Elle couvre près de 30 % du territoire, à la satisfaction générale, et s’accroît chaque année d’environ 25 000 hectares. Par sa superficie, c’est l’une des grandes forêts d’Europe. Multifonctionnelle, notre forêt n’a pas seulement un rôle de production de bois ; elle rend également des services sociaux et environnementaux importants. La filière bois, qui transforme les produits forestiers, compte aujourd’hui encore 450 000 salariés directs ou indirects, soit autant qu’il y a vingt ans. Peu de secteurs économiques ont fait preuve d’une telle performance !
Or l’entretien de cette forêt ne coûte pas cher à l’État. C’est même l’un des secteurs les moins pourvus en crédits publics. Le budget consacré à la forêt s’élève en effet, pour l’année 2011, à seulement 360 millions d’euros, ce qui paraît tout à fait modeste si l’on songe aux services qu’elle rend.
Privés du FFN, le Fonds forestier national, les professionnels de la forêt demandent aux pouvoirs publics un effort financier modeste, mais ferme, qui viendrait compléter, dès cette année, les sommes prévues, pour faire face au défi forestier que nous avons à relever.
J’en reviens à mon éloge de l’État et du Gouvernement, qui, au cours des dernières années, a relancé les bases d’une politique forestière forte.
J’en veux pour preuve les deux discours du Président de la République, tenus respectivement à Urmatt et Égletons. De mémoire d’homme, et les forestiers ont la mémoire longue, on n’avait pas entendu un Président de la République s’exprimer publiquement sur les politiques forestières.
Mais, de mémoire d’homme également, on n’avait pas connu un événement comparable au Grenelle de l’environnement : c’est au Gouvernement que l’on doit l’invention de cette démarche fondamentale, qui a déjà porté ses fruits dans le domaine de la filière bois.
À la suite du Grenelle de l’environnement, en effet, l’État a pris des mesures pour encourager l’usage du bois dans la construction : les effets en sont très nettement perceptibles dans le secteur du bâtiment.
Le Grenelle de l’environnement a également conduit à la création d’un fonds stratégique destiné aux industries du bois.
Il apparaît donc clairement que le Gouvernement n’est pas resté indifférent aux problèmes de la politique forestière.
Le Grenelle de l’environnement a permis l’émergence d’un consensus : il est souhaitable de mobiliser une plus grande quantité de bois dans la forêt française, afin notamment de porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la production nationale d’énergie en 2020. C’est du bois, en effet, que viendra une grande partie de l’accroissement de la production d’énergie renouvelable.
Nous savons que nous sommes en mesure de produire jusqu’à vingt millions de mètres cubes supplémentaires de bois, dont une moitié de grumes et l’autre de bois d’industrie ou d’énergie.
L’un des principaux résultats du Grenelle de l’environnement est d’avoir favorisé l’acceptabilité sociale de cet objectif : tout le monde s’accorde à penser qu’il est possible d’accroître les récoltes d’un volume pouvant atteindre vingt millions de mètres cubes, sans abîmer la forêt française ni l’affaiblir sur le plan environnemental.
C’est pourquoi je dis avec conviction qu’un bon travail a été accompli.
Un autre aspect, également important à mentionner, appelle une analyse plus critique.
En effet, chaque fois que la filière bois bénéficie, comme aujourd’hui, d’une reprise économique, on enregistre une aggravation du déficit extérieur sectoriel…
Les esprits simples en concluent que la filière bois est condamnable, puisqu’elle représente le deuxième poste déficitaire de notre commerce extérieur.
On entend dire que les forestiers ne seraient pas malins, qu’il suffirait de faire ceci ou cela. Bref, y a qu’à… La filière serait incapable de se mobiliser : elle exporte des bois bruts et importe des produits finis ; les forestiers organisent mal l’approvisionnement de leur aval, les scieurs ne s’adaptent pas aux besoins du marché et les transformateurs industriels accusent un retard technologique.
Tout n’est pas si simple ! Si les problèmes étaient seulement ceux-là, ils auraient été résolus depuis longtemps…
Le fait est que la filière se porte plutôt bien et que le nombre de salariés du secteur demeure constant.
En réalité, le déficit est imputable pour un tiers à la faiblesse technologique des fabricants de meubles, c’est-à-dire aux insuffisances des activités de design : aussi n’est-ce pas la faiblesse technologique de nos industries qui est en cause, mais les carences du design français dans le domaine des ameublements en bois.
Alors que nous affichons de bonnes performances dans les secteurs du vêtement, du prêt-à-porter et de la haute couture, les fabricants français de meubles en bois, à l’évidence, ne font pas le poids.
Les deux tiers restant du déficit, comme l’a fait observer Mme Renée Nicoux, ont un caractère structurel : il se trouve que nous manquons aujourd’hui de bois résineux, au point de devoir chaque année en importer trois millions de mètres cubes.
La raison en est que la France est essentiellement un pays de forêts feuillues. Les résineux français sont relativement bien récoltés, traités et transformés, mais nous n’en produisons pas suffisamment. Or les marchés ne consomment pas de façon massive le bois feuillu que nous produisons en grande quantité.
Il n’est donc pas juste de condamner la filière bois actuelle et de mettre en cause sa capacité. Les problèmes sont de nature structurelle : nous produisons beaucoup de feuillus, et pas suffisamment de résineux.
Il y a cinquante ans, le même constat avait conduit à la création du Fonds forestier national, destiné à reboiser la France en essences résineuses. J’aurai l’occasion, tout à l’heure, d’évoquer l’abandon regrettable de ce fonds.
Il s’agit à présent de faire le point sur l’application du volet forestier de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Vous-même, monsieur le ministre, vous êtes bien battu pour que les articles relatifs à la politique forestière aillent dans la bonne direction.
S’agissant d’abord des plans pluriannuels régionaux de développement forestier, qui représentent une innovation fondamentale permettant de mettre en place, massif par massif, des mesures d’amélioration, nous croyons savoir que leur élaboration se heurte à un certain nombre de difficultés.
Il nous a été indiqué que les comités chargés de leur préparation ne travaillaient pas tous avec la même efficacité, et que la cohabitation, au sein de ces comités, des représentants des chambres d’agriculture et des acteurs forestiers n’allait pas toujours sans mal : la mise en place concrète des plans s’en trouverait ralentie.
S’agissant ensuite du réseau des gestionnaires forestiers professionnels, dont l’organisation est prévue par l’article 64 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et qui ont vocation à animer la filière, la parution du décret fixant leur statut semble avoir été un peu retardée. C’est un sujet sur lequel je souhaite aussi vous interroger.
Il semble que des difficultés soient également apparues dans l’application du droit de préférence, instauré par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche pour faciliter les regroupements fonciers en permettant à des propriétaires forestiers d’acheter plus aisément les parcelles riveraines. Sur ce point aussi, une clarification et une accélération du rythme me semblent nécessaires.
Je veux enfin évoquer les dispositions de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche issues d’un amendement présenté par la commission de l’économie du Sénat et créant des assurances contre les aléas climatiques dans le secteur forestier. Gérard César, rapporteur de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le groupe d’études « forêt et filière bois » du Sénat et moi-même sommes très attachés à ce dispositif, de nature à permettre une meilleure résistance des forêts face aux aléas climatiques. Ceux-ci mettent particulièrement en danger les forêts privées, en raison de la volonté insuffisante des propriétaires de reconstituer des parcelles qui leur ont fait perdre beaucoup d’argent.
Nous attendons, monsieur le ministre, le décret d’application relatif à ces assurances. Nous vous remercions pour les batailles que vous avez conduites, et pour celles que vous devrez conduire afin de faire accepter par le ministère des finances ce principe qui, même si son application n’est pas aujourd’hui parfaite, représente un progrès considérable.
Je veux à présent revenir au cœur du volet forestier de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche : il s’agit des plans pluriannuels régionaux de développement forestier.
Des crédits starter, des crédits de démarrage et de reboisement seront nécessaires pour préparer les récoltes nouvelles que nous avons évoquées, essentiellement attendues dans les forêts privées – par comparaison, les forêts domaniales et communales produiront au mieux deux millions à trois millions de mètres cubes supplémentaires au cours des prochaines années.
Selon les experts, les sommes nécessaires à la relance du reboisement sont comprises entre cinquante millions et cent millions d’euros par an pendant quelques années.
Comme vous, monsieur le ministre, nous placions certaines espérances dans le fonds « chaleur » créé à l’issue du Grenelle de l’environnement. Malheureusement, l’essentiel de ses moyens sont consacrés à d’autres secteurs.
Une autre source de financement, sur laquelle je sais que vous travaillez beaucoup, consisterait à faire bénéficier les forêts de certains moyens issus du fonds « carbone » destiné au financement du stockage du gaz carbonique.
Pour ma part, je m’interroge sur la possibilité technique, économique et politique de mettre en place, dans des délais compatibles avec le calendrier de nos projets, un système attribuant aux forêts des ressources du fonds « carbone ».
Je crains que, dans l’immédiat, nos espérances ne soient déçues par la réalité. C’est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur la manière dont nous pourrions mobiliser les quelques crédits nécessaires au démarrage de la politique forestière ambitieuse que, comme vous, nous appelons de nos vœux.
À la suite de Mme Nicoux, je considère que les besoins de reboisement illustrent les inconvénients de la suppression du Fonds forestier national. Il ne s’agit pas, en mobilisant les cinquante millions à cent millions d’euros que nous vous demandons, de reconstituer ce fonds, mais de recréer un effort important et continu en faveur de l’enrésinement, et aussi du reboisement en essences feuillues.
Faute de cet effort, nous risquons de ralentir le rythme des récoltes et de nous placer, à moyen et à long terme, en situation de déséquilibre forestier.
La forêt s’invente avec cinquante années d’avance. Les reboisements conçus aujourd’hui par les aménageurs forestiers porteront leurs fruits dans cinquante ou cent ans.
Je pense, monsieur le ministre, qu’il est fondamental de replanter chaque année, comme nous le faisions auparavant, plus de cent millions de plants, alors que nous en plantons seulement vingt-huit millions aujourd’hui.
Je crois que nous devons garder à l’esprit cet objectif ambitieux : replanter chaque année cent dix millions de plants. Ainsi, nous pourrons adapter nos forêts à nos nouvelles espérances et les rendre peu à peu résilientes en prévision d’éventuels changements climatiques dans les prochaines années.
Quant au fonctionnement actuel de la filière bois, dont les professionnels sont parfois jugés incapables de s’organiser, je veux souligner que, depuis quelque temps, des interprofessions se mettent en place, sur la base de la contribution volontaire obligatoire pour les activités de l’amont et d’une taxe affectée pour ce qui concerne l’industrie.
Comme vous le voyez, monsieur le ministre, il n’est pas exact de soutenir que les professionnels du bois restent passifs face aux évolutions en cours. S’il est vrai que des progrès peuvent être faits, les critiques qui leur sont adressées sont quelquefois un peu injustes.
Je veux aussi vous mettre en garde contre un problème que nous pourrions rencontrer, dans l’immédiat ou dans les années qui viennent : celui des conflits d’usages entre les bois d’énergie, les bois d’industrie et les grumes.
En Allemagne, des usines de panneaux ont déjà fermé, faute de pouvoir se fournir en matières premières en raison de la concurrence entre la production d’énergie et la production de panneaux.
Je ne souhaite pas que de pareilles situations se produisent en France, et que les appels portant sur les bois énergie soient à ce point alléchants qu’ils découragent la production de bois industriel, beaucoup plus intéressante pour notre économie et pour l’emploi.
Assurons-nous donc, monsieur le ministre, que les appels portant sur les bois énergie restent modestes, pour ne pas risquer de déstructurer la filière, et que l’augmentation de la puissance du chauffage au bois soit en phase avec l’amélioration des récoltes.
En somme, il s’agit de permettre un fonctionnement harmonieux de ces divers mécanismes.
Ce panorama ne serait pas complet si je n’évoquais deux sujets qui me tiennent à cœur, à savoir la situation de l’Office national des forêts et celle de la recherche et de l’enseignement dans le domaine forestier.
Monsieur le ministre, au moment où l’ONF s’apprête à négocier avec l’État son prochain contrat d’objectifs, sa situation mérite un examen particulier. Non seulement l'État ne finance plus entièrement les actions de l'ONF en matière environnementale, ses actions sur la forêt, mais encore il a mis à sa charge l’accroissement du taux de cotisation pour les pensions de ses personnels fonctionnaires – c’est la question du compte d'affectation spéciale pour les pensions –, mesure qui pèse fortement sur ses comptes.
De fait, si le budget de l’ONF est aujourd’hui structurellement déséquilibré, la raison essentielle n’est pas à chercher dans la diminution des frais de garderie qu’il facture aux communes. C’est pourquoi il est nécessaire de réexaminer les contributions respectives de l'État et des communes au budget de l'ONF.
Au sein de cet hémicycle, nous soutenons tous les communes forestières, qui, à travers le régime forestier, apportent un concours précieux à l'État pour la conduite d'une grande politique économique, sociale et environnementale.
Monsieur le ministre, je conclurai en évoquant brièvement le second sujet qui me tient à cœur, et je sais qu’il vous préoccupe également.
Nous devons reconstituer en France une grande pensée forestière. Notre pays ne compte plus d'école forestière au sens noble du terme, formant des sylviculteurs, des ingénieurs forestiers susceptibles d'être des experts internationaux, des aménageurs capables, par exemple, de porter la forêt européenne dans le concert mondial, de porter la forêt guyanaise comme modèle d'une gestion équilibrée des forêts intertropicales. La recherche et l'enseignement dans le domaine forestier ne nous permettent plus de tenir une juste place dans les discussions relatives aux normes qui s'imposent à nos industries. Plus largement, d’ailleurs, force est de constater que nous ne tenons plus suffisamment notre place dans la définition par les États des normes technologiques applicables aux autres activités industrielles.
Monsieur le ministre, les uns et les autres, nous devons prendre conscience des lacunes de la recherche et de l'enseignement en matière forestière. Les actions qui sont conduites dans ce domaine sont appréciables, elles le sont par des personnes à l'évidence intéressées et compétentes, mais en nombre trop restreint et avec des moyens insuffisants pour permettre à la France de tenir un rang mondial dans les industries du bois et dans la pensée forestière.
Pour en avoir discuté avec elle, je souscris par exemple à l’idée de Mme Nicoux – vous voyez, mes chers collègues, un consensus s’est fait jour parmi nous – de mettre sur pied des équipes pluridisciplinaires afin de promouvoir l’utilisation plus massive, d’ici à quelques années, du bois feuillu dans la construction.
J’espère que cela ne restera pas un vœu pieux… Monsieur le ministre, nous pouvons vous faire confiance, car vos états de service en matière forestière ne sont pas si mauvais que cela.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’abandonne les rats taupiers, qui nous ont occupés ce matin, pour aborder maintenant les problèmes de la forêt.
Sourires
Le journal Le Monde, dans son édition des 22 et 23 mai, titrait, dans sa page Débats : « En cette année internationale de la forêt, consacrée par l'ONU à la lutte contre la déforestation, n'est-il pas tout aussi urgent de renouer avec l'imaginaire perdu des arbres ? »
Sourires
Et l'auteur de l'article de nous emmener au pays où se déploie « l'exaltation des plaisirs enfantins trouvés à l'intérieur de la cabane de branchages », de nous transformer en acrobate sur les parcours d'accrobranches ou de nous inviter à relire Italo Calvino et son Baron perché, précurseur de l'engouement pour ces nouvelles formes d'hôtel de pleine nature.
Je ne suis pas assurée, monsieur le ministre, que ces préoccupations journalistiques soient pleinement partagées par nos amis forestiers et par ceux qui se demandent comment faire évoluer la filière bois. Vous savez leurs inquiétudes, des inquiétudes auxquelles a voulu répondre le Président de la République dans ses interventions à Urmatt et à Égletons.
Le constat est clair : la forêt française est la troisième plus vaste d'Europe ; elle occupe 30 % de notre territoire national et génère 450 000 emplois. Mais, en même temps, elle est la moins productive et la France se doit de recourir largement aux importations de bois. Le secteur forêt-bois représente ainsi le deuxième poste de déficit commercial de la France.
Les raisons de cette mauvaise performance sont à rechercher autant dans le morcellement de la forêt française, dans son appartenance, pour près des quatre cinquièmes, à des propriétaires privés dont l'activité liée à l'exploitation du bois n’est qu’accessoire, que dans la nature même des bois, car ont été privilégiés les feuillus au détriment des résineux, utilisés pour les activités industrielles.
Dans ce contexte, compte tenu du caractère stratégique de la forêt et de la filière bois, appelée à devenir, selon vos propres mots, monsieur le ministre, « une filière d'avenir au cœur de la croissance verte et écologique », plusieurs objectifs, ambitieux, ont été fixés : le développement de l'usage du bois dans la construction et pour l'énergie, le renforcement de la structuration de la filière bois, la mobilisation de la ressource et la gestion des risques.
L'Office national des forêts, outil de cette volonté, tient une place privilégiée dans ce plan stratégique, même s'il ne gère qu'un cinquième de la surface forestière, celle qui appartient à l'État et aux collectivités territoriales.
La détérioration de sa situation financière, relevée par la Cour des comptes, due autant à l'effondrement du chiffre d'affaires dans le secteur du bois qu’à l'augmentation progressive du taux des cotisations patronales imposées par l'État, a nécessité que soient prises des mesures urgentes.
Les propositions faites par notre collègue Joël Bourdin et par Hervé Gaymard, président du conseil d'administration de l'ONF, ont eu pour objectif d'optimiser l’organisation interne de l'office, de rentabiliser ses interventions dans le cadre de sa politique commerciale et d'améliorer, en les clarifiant, les relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Il serait important, quelques mois après le dépôt du rapport de M. Gaymard, de mesurer lesquelles de ces mesures peuvent être concrètement mises en œuvre et leur impact sur l'évolution de la politique forestière nationale.
Je n'ignore pas l'inquiétude qu'ont fait naître ces réflexions et les craintes exprimées tout dernièrement par les organisations syndicales à l'occasion de la signature, le 14 avril dernier, d'un protocole d'accord, inquiétudes relatives à la diminution programmée des effectifs de 1, 5 % par an, au renforcement d'une tendance ultra-productiviste pour la forêt – tendance décomplexée par la préservation d'îlots de biodiversité –, à la standardisation des produits de la filière bois et à la priorité accordée au tout-résineux après celle qui avait été accordée au tout-feuillus, enfin, à un management par objectifs éprouvant pour le personnel.
Nombreux sommes-nous à penser que la réorganisation qui se met en place auprès des personnels de l'ONF est indispensable, mais tout aussi nombreux sont ceux qui estiment incontournables les mesures urgentes pour permettre aux forestiers privés de réinvestir la forêt, conformément aux objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement.
Réinvestir, pour eux, passe assurément par des mesures fiscales. Parmi les plus significatives, on relève avec satisfaction les mesures patrimoniales – exonération partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les propriétés de bois et de forêts ou bien encore exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit –, le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt pour lutter contre le morcellement des propriétés forestières, le taux réduit de TVA pour les travaux sylvicoles et d'exploitation consécutifs aux tempêtes de 1999, le compte épargne d’assurance pour la forêt, créé par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Mais ne faudrait-il pas aller plus loin pour inciter véritablement les propriétaires forestiers à investir dans leur patrimoine et, par exemple, transformer les exonérations fiscales en crédit d'impôt, supprimer les taxes lors de l'achat de parcelles devant être boisées, reconnaître les dégâts des gibiers aux forêts et en faire supporter le coût aux chasseurs quand il est avéré qu'ils en sont à l'origine ou, enfin, dédier un fonds carbone à la reconstitution forestière ?
Ce sont autant de mesures qui justifieraient que les moyens financiers alloués à la forêt aillent au-delà des 360 millions d'euros prévus au programme 149 « Forêt » de la loi de finances pour 2011.
J'en viens maintenant à la priorité qui devrait être donnée à l'activité liée au bois d'œuvre.
L'utilisation du bois dans la construction devrait être multipliée par dix : ossatures en bois, charpentes, menuiseries intérieures et extérieures et revêtements de façade sont autant d'utilisations possibles de nos ressources en bois dès lors que celles-ci proviennent de résineux, qui sont plus adaptés que les feuillus, en l’état actuel des techniques, aux matériaux de construction.
Or, comme je l'ai indiqué, priorité a trop longtemps été donnée aux feuillus et les efforts rendus possibles à l'époque du Fonds forestier national, jusqu'en 1997, ont été suspendus, laissant les surfaces exploitées livrées à elles-mêmes.
Comment, dès lors, répondre à l'objectif gouvernemental qui est de multiplier par dix le seuil minimum d'incorporation du bois dans les constructions neuves, et ce depuis 2010 ? La suppression préconisée du permis de construire pour les travaux d'isolation thermique des habitations par l'extérieur est-elle si difficile à mettre en œuvre que l'on n’en voie guère aujourd'hui le bénéfice ?
Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre volonté d'encourager la politique forestière et le développement de la filière bois sous toutes ses formes. Je mesure combien il peut être lourd et difficile d’actionner en même temps tous les partenaires concernés, à savoir les services publics, les collectivités locales, les entreprises, les agriculteurs.
Aujourd'hui, je crains, et avec moi bien des collègues du groupe RDSE, auquel j'appartiens, que les espoirs mis dans les ambitions déclarées du discours d’Urmatt ne soient pour beaucoup que de faux espoirs.
Certes, je n'ai pas le talent oratoire de Chateaubriand, pair de France, qui, dans ce même palais, le 21 mars 1817, demandait qu'une attention particulière fût portée à la forêt française, mais, avec lui, je voudrais éviter que « les forêts précèdent le peuple et les déserts les suivent ».
Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons, à travers ce débat, la politique forestière dans notre pays en 2011, année internationale de la forêt, à un moment où se prépare le nouveau contrat d’objectifs État-ONF 2012-2016, alors même que le Président de la République a assigné des objectifs nouveaux à cette filière, objectifs que beaucoup jugent irréalisables et contraires aux intérêts de la forêt.
À Urmatt, le chef de l’État a défendu, d’une part, l’idée d’augmenter la mobilisation du bois afin de combler le déficit commercial de la France et, d’autre part, de favoriser le bois énergie afin d’atteindre l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020.
Une augmentation de la récolte de bois de 50 % est irréaliste. Depuis la suppression, en 1997, du Fonds forestier national, laquelle est la cause d’un reboisement insuffisant, le renouvellement des forêts s’effectue aujourd’hui principalement par régénération naturelle. Nous devons donc reprendre les plantations adaptées à nos besoins et aux milieux naturels, qui prennent en compte le réchauffement climatique tout en préservant la résilience des écosystèmes.
Prétendre qu’il faudrait exploiter l’intégralité de l’accroissement naturel de la forêt est un non-sens : sur le plan environnemental, d’abord, car c’est méconnaître les cycles biogéochimiques et aller à l’encontre de l’objectif de préservation de la biodiversité ; sur le plan économique, ensuite, car ce raisonnement ignore le coût d’accès à la ressource, par exemple en montagne, qui fait qu’il ne serait pas nécessairement rentable d’accroître le niveau d’exploitation dans certaines parcelles.
En outre, la rentabilité de la forêt ne se mesure pas simplement en mètres cubes de bois coupés. Croire cela reviendrait à ignorer les fonctions environnementales et sociales de ce milieu.
Sur le plan environnemental, la forêt filtre et purifie l’eau à moindre coût, lutte contre l’érosion des sols, fixe le dioxyde de carbone et constitue un réservoir de biodiversité.
Sur le plan social, elle remplit une fonction primordiale, héritée de l’abolition des privilèges à la Révolution, avec les promenades en forêt, la chasse, les loisirs...
De surcroît, les intérêts court-termistes de la rentabilité ignorent l’idée fondamentale selon laquelle le temps de la forêt n’est pas celui du marché. Je pense à la chênaie Colbert en forêt du Tronçais, dans l’Allier, chère à ma collègue Mireille Schurch, qui comprend des chênes de plus de quatre cents ans, de véritables cathédrales végétales...
Enfin, la situation n’est pas homogène entre la forêt publique et la forêt privée. Cette dernière se caractérise par une gestion sous-optimale qui s’explique, entre autres, par son morcellement en près de 3, 5 millions de petites propriétés de un à quatre hectares. Sans doute les propriétaires privés sont-ils attachés à leur patrimoine, mais ils n’ont pas toujours la volonté ni souvent l’opportunité financière de le valoriser. Pour cela, il faut aider les propriétaires forestiers, qu’ils soient publics ou privés, à s’inscrire dans une stratégie collective, et seule la puissance publique est à même de coordonner tous ces efforts.
En ce qui concerne l’aval de la filière, ce qui doit nous motiver, c’est le développement d’une filière bois à haute valeur ajoutée. Cela passe avant tout par la valorisation du bois d’œuvre, dont les métiers présentent une grande richesse sur le plan des savoirs et des techniques et qui constitue un gisement considérable d’économies de matières premières d’origine géologique auxquelles il se substitue. Et ce d’autant plus que, du point de vue commercial, le déficit de la filière bois est avant tout lié au bois d’œuvre et de trituration.
Le développement du bois-énergie à tout prix, notamment sous forme de plaquettes, n’a de sens que s’il ne se fait pas au détriment du bois d’œuvre. Certes, il s’agit d’une énergie renouvelable, mais l’impact sur l’effet de serre n’est pas nul et seul un usage local, en circuit court, permet de réduire cet impact. S’il est utile de développer raisonnablement le bois de chauffage, celui-ci doit rester un usage complémentaire de la production de bois d’œuvre.
Par ailleurs, la concurrence déloyale des filières illégales pénalise durement toute la filière bois française. On estime à près de 40 % la part illégale de nos importations de bois ! Un outil de traçabilité adéquat pourrait être un bon complément aux certifications, surtout s’il prenait en compte la distance parcourue afin de favoriser les circuits courts.
J’en viens au régime forestier, dont une note de Bercy, récente et, je dois le dire, délirante, préconise une refonte du régime forestier en vue de privatiser la gestion des forêts communales. À cette fin, il est prévu d’augmenter les coûts pour les collectivités, de majorer les frais de garderie en changeant l’assiette pour en faire un versement forfaitaire à l’hectare, qui prendrait en compte tous les services rendus par la forêt. Or une rémunération des services écosystémiques étranglerait financièrement encore un peu plus les communes ! Si vous me permettez une parenthèse, je dirai qu’il convient de rester prudent sur ce sujet qui peut être la porte ouverte à une marchandisation totale de la nature, en s’appuyant sur le mirage de la compensation écologique.
Ainsi, nous ne pouvons que dénoncer cette volonté de privatisation rampante de l’ONF, qui vise à ouvrir toutes les activités rentables aux opérateurs privés pour ne laisser à l’Office que les missions de service public jugées non rentables. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si cette idée saugrenue a été définitivement abandonnée ?
Aujourd’hui, la forêt publique est libre d’accès et elle doit le rester. L’État doit prendre ses responsabilités en maintenant le versement compensateur et en n’augmentant pas les frais de garderie.
Enfin, il ne s’agit pas seulement d’argent : depuis plusieurs années, à l’ONF, le dialogue social est rompu, comme en témoignent les suicides intervenus récemment ; il convient de réfléchir aux causes du mal-être des forestiers.
Leur travail perd de son sens, la volonté d’augmenter la production sylvicole est contredite par la baisse des effectifs. L’idée de protection d’un patrimoine national disparaît au profit d’intérêts exclusivement commerciaux. La professionnalisation compartimente, cloisonne les métiers, augmentant par là même leur dangerosité. L’intérêt national et le statut de fonctionnaire d’État vont de pair, c’est pour nous une évidence. La transmission des connaissances et des compétences nécessite une meilleure prévision dans la gestion des ressources humaines, et ces considérations devraient prévaloir sur la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Rappelons en effet que les plantations d’aujourd’hui ne seront exploitées que dans cinquante ou soixante ans.
Monsieur le ministre, ma conclusion prendra une forme interrogative : quelles missions veut-on réellement assigner à la forêt aujourd’hui, comment rééquilibrer la gestion des forêts publiques et celle des forêts privées, comment redonner du sens au métier des forestiers ?
La réflexion est aujourd’hui essentiellement économique, avec une vision court-termiste, sclérosée par la recherche de la rentabilité. Le discours du Grenelle de l’environnement et les objectifs affichés ne devraient-ils pas plutôt conduire à un renforcement du rôle de l’Etat ?
Enfin, je le répète, il n’y a pas de politique forestière sans moyens : des moyens institutionnels, humains et forestiers. Vouloir faire croire le contraire, c’est jouer les illusionnistes, la communication, l’affichage, sans véritable politique volontariste au service de la forêt et de l’intérêt général.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Claude Biwer applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous est proposé aujourd’hui est d’une importance capitale en termes de développement, d’énergie, de diversification et d’innovation.
D’abord, la filière bois concerne l’aménagement du territoire, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, grâce aux possibilités qu’elle recèle en termes d’activité économique et énergétique.
Ensuite, les richesses forestières constituent un atout important pour le développement de nos territoires. Sénateur de la Haute-Loire, donc d’un département forestier, je connais la diversité des richesses que crée cette production, particulièrement appréciée en zone de montagne.
Oui, dans certains de nos départements, la forêt est une source incontournable de richesses naturelles et d’activités de production diverses.
Le débat organisé aujourd’hui au Sénat sur la politique forestière et le développement de la filière bois est l’occasion de nous sensibiliser sur la nécessité de soutenir une filière dont l’avenir est à prendre en compte sur tous nos territoires. La forêt est présente partout en France à des niveaux différents. Si elle montre des couleurs et des visages multiples selon les régions, partout, elle constitue un atout.
En effet, la surface boisée de la France métropolitaine progresse depuis 1820 pour atteindre aujourd’hui 17 millions d’hectares, représentant 27 % de la surface du territoire. L’essentiel – 91 % – est constitué de forêts, de résineux ou de feuillus, le reste étant souvent des îlots de peupliers ou des arbres isolés.
Au côté de l’agriculture, la forêt occupe une place économique non négligeable et concourt à l’avènement de nombreuses filières organisées entre la production, la transformation, la consommation, l’entretien ou tout simplement la valorisation et la promotion. Après la filière verte, il y a la filière bois, l’énergie bois, la construction bois, la promotion et la valorisation de tout un secteur économique.
Comme l’a souligné un précédent intervenant, la forêt, richesse économique, richesse naturelle, est appréciée des chasseurs, mais aussi de ceux qui souhaitent se ressourcer, trouver la tranquillité.
La forêt, c’est aussi un enjeu en termes d’occupation foncière, d’attractivité économique. Comme on parle de surface agricole utile, pourquoi pas ne pas parler de surface forestière utile, pour laquelle un vrai projet de territoire doit exister au service de nos économies locales. C’est un enjeu pour demain, pour les générations futures.
L’homme ne doit pas l’ignorer. Il doit l’organiser dès l’instant de la plantation en adaptant les espèces au sol, au climat, à l’orientation. Il doit aussi organiser son développement, puis sa destination.
La forêt est une réalité, une force, une chance. Nous sommes face à une activité diversifiée. En effet, la filière bois emploie actuellement 231 000 salariés et réalise 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Elle regroupe des activités relevant de l’agriculture – la sylviculture – et de l’industrie – travail du bois, meubles, papeterie. Ces activités sont implantées sur l’ensemble du territoire. Les exploitations forestières et les scieries de petites dimensions côtoient les entreprises de menuiserie ou les grandes entreprises de charpentes, traverses, poteaux... La forêt doit être soutenue par une politique ambitieuse, y compris sur le plan du transport. Ainsi, le fret ferroviaire ne doit pas être oublié ; il doit au contraire être revu, sachant que des gares aujourd’hui désaffectées arrivent au cœur des entreprises concernées. Dans mon département, des voies ferrées s’arrêtent au milieu de zones forestières.
La forêt française présente une grande biodiversité, avec cent vingt-huit essences de bois. Or la biodiversité n’est-elle pas au cœur des préoccupations actuelles ? La forêt française, qui est la première en Europe pour les feuillus et la troisième pour les résineux, s’étend chaque année. Elle couvrait 11 millions d’hectares en 1950 et 16 millions d’hectares en 2006, mais elle est très morcelée.
La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, promulguée le 27 juillet 2010, visait à améliorer cette situation. Mais parallèlement, elle a suscité des inquiétudes, notamment chez les petits propriétaires qui redoutaient l’impossibilité d’acquérir les parcelles limitrophes. Les esprits se sont calmés, mais les inquiétudes furent réelles.
Chaque année, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le stock de bois sur pied s’accroît en raison de l’augmentation des surfaces, des progrès des pratiques sylvicoles, mais aussi d’une plus forte concentration en C02 dans l’atmosphère, qui agit comme un « dopant » pour la forêt. Le volume annuel de production, qui était de 81, 3 millions de mètres cubes en 1996, atteignait 103, 1 millions de mètres cubes en 2006. Dans le même temps, la récolte commercialisée est passée de 33, 3 millions à 36, 5 millions de mètres cubes.
Si l’on ajoute 22 millions de mètres cubes autoconsommés par les propriétaires et environ 8 millions de mètres cubes de bois mort, on ne récolte en fait que 60 % de l’accroissement naturel annuel, ce qui est pour le moins surprenant. On estime que 36 millions de mètres cubes n’ont pas été prélevés et viendront accroître le stock de bois sur pied. Notre forêt, sous-exploitée, nécessite des initiatives nouvelles. Les pôles d’excellence rurale, institués en 2006, ont démontré que la filière bois exigeait des initiatives valorisantes. Plus de 100 projets sur 300 en témoignent, et il s’agit non pas de projets de guichet, mais bien de projets d’initiatives.
Soucieux de ne pas dépasser le temps de parole qui m’a été imparti, je conclurai en rappelant que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a surtout exprimé la volonté de l’État d’avoir une véritable politique forestière dynamique. Elle prend en compte non seulement les principes de développement et de gestion durable, mais également la protection et la mise en valeur du patrimoine forestier naturel remarquable, sans oublier les hommes qui y travaillent quotidiennement, puisqu’elle comporte un important volet social, y compris en matière d’insertion.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.
Monsieur le ministre, je me suis inscrit dans ce débat pour vous entretenir, en tant que sénateur des Landes, des problèmes qui se posent à propos du massif des Landes de Gascogne et, plus spécifiquement, au lieu de me livrer à je ne sais quel jeu politique ou politicien, vous faire quatre propositions.
Le massif des Landes de Gascogne a subi en 2009 une tempête, la deuxième en dix ans, dont l’ampleur est la plus importante que nous ayons connue depuis le développement de la sylviculture du pin maritime dans les années mille huit cent cinquante. La tempête Martin en 1999 avait amputé le massif forestier de près de 18 % de son volume sur pied, et la tempête Klaus a dévasté plus de 35 % du volume restant. Après ces deux événements climatiques, c’est la moitié du volume initial qui a disparu. L’exploitation des chablis n’a pas permis leur valorisation comme l’avait assuré le ministre Michel Barnier, lors de la présentation de son plan intitulé « La valorisation par l’exploitation ».
Toutes les enquêtes montrent la vitesse à laquelle les prix des bois se sont érodés. Malgré cela, l’État, grâce aux primes au transport des bois attribuées aux exploitants forestiers, a continué à dépenser de l’argent public sans qu’il profite aux véritables sinistrés, les producteurs.
Afin de redonner confiance à la filière dans son intégralité, il a été envisagé d’intégrer à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 un volet assurantiel concernant le patrimoine forestier. Il est indéniable que les effets d’annonces ont supplanté la mise en œuvre d’une réelle assurance forestière. Un dispositif hybride et difficilement applicable présentant une épargne défiscalisée privée à vocation assurantielle a fini par satisfaire le Gouvernement, qui a donc renoncé à toute ambition en la matière.
Se dresse devant nous un tout autre défi qui n’a rien de médiatique mais dont les générations futures pourront profiter aisément si nous le menons à bien. Il est désormais de notre devoir de redonner confiance aux producteurs publics et privés dans la culture et l’entretien de leur forêt afin de les coupler au mieux avec nos outils de transformation. Monsieur le ministre, les productions et la mise en vente de plants forestiers s’écroulent depuis 1999, et il est compréhensible que, sans une assurance convenable, les producteurs hésitent à réinvestir exactement comme leurs prédécesseurs. Ces hésitations et atermoiements mettent en péril, en Aquitaine, les équilibres de la filière forêt-bois tels qu’ils s’étaient établis depuis de nombreuses décennies.
Pour donner un nouvel élan à notre filière, qui est tout de même le second poste déficitaire de notre balance commerciale, nous devons imaginer un mode de financement d’une réelle assurance forestière novateur. Ainsi, devant notre intérêt collectif à l’égard de la diminution des émissions de gaz à effet de serre, nous envisageons de rendre à la forêt une partie des services environnementaux qu’elle assume en la matière.
Les nombreuses parcelles non reboisées après les tempêtes Lothar et Martin de 1999 sur le territoire national pourraient faire l’objet d’une prime carbone liée à leur remise en culture. Cette remise en culture permettrait, dans un premier temps, de redonner à des terres abandonnées leur vocation de stockage de carbone et, dans un second temps, participerait à assurer l’avenir de la filière forêt-bois.
Cette dotation carbone couplée à une aide à la remise en culture serait dédiée à la création d’un fonds de garantie destiné à constituer la base financière d’une réelle assurance forestière. Elle serait prélevée sur les produits les moins vertueux en la matière, tels le béton, le fioul, certains produits alimentaires importés, les pellets, etc.
De ce fait, les communes forestières, l’État et les sylviculteurs privés, qui représentent 90 % de la surface forestière du massif des Landes de Gascogne, et 75 % de la surface et de la production nationales, réinvestiraient l’avenir de notre filière. Le seul moyen d’asseoir une réelle politique forestière d’envergure est de la doter d’un outil financier qui s’exonère de l’annualité budgétaire et du temps que certains veulent exclusivement politico-médiatique.
Ma deuxième proposition, monsieur le ministre, est de revoir la dotation des centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, face au travail colossal que représente l’accompagnement des sylviculteurs pour le nettoyage et la reconstitution des parcelles détruites par les tempêtes.
La réforme générale des politiques publiques menée par le Gouvernement a, comme dans de nombreux services publics, hypothéqué l’efficience des centres régionaux de la propriété forestière et de l’Office national des forêts. Comme cela a été dit à plusieurs reprises avant moi, il faut trouver une réponse beaucoup plus positive à ces questions.
Pour ce faire, l’outil idéal de vulgarisation des techniques forestières et de mobilisation des bois que représente le CRPF doit être doté des moyens suffisants à la mise en œuvre de ses missions régaliennes et à celles qui sont induites par les catastrophes naturelles exceptionnelles que nous venons de subir.
La propriété privée, souvent très morcelée, nécessite un accompagnement public de nature technique, juridique et fiscale qui permette son exploitation. De manière générale, sans cette mobilisation des surfaces privées, l’une de nos plus belles richesses naturelles se dépréciera. Au niveau Aquitain, il est nécessaire, notamment durant l’attaque des scolytes que subissent actuellement, entre autres, les sylviculteurs landais, de pouvoir au jour le jour accompagner les propriétaires pour qu’ils surmontent les épreuves morales, techniques et administratives du nettoyage et de la reconstitution de leur patrimoine.
Ma troisième proposition consiste à mettre en place des structures collectives d’approvisionnement et de traitement des sciages en Aquitaine et le couplage des unités de transformation à des terminaux de cogénération.
Je m’explique.
Les scieries aquitaines ont, en comparaison des unités présentes en Autriche, en Allemagne ou en Scandinavie, de faibles capacités de production. De plus, la majorité des unités de sciages nationales sont découplées d’unité de production d’énergie. C’est là aussi une caractéristique nationale qui désavantage nos sciages par rapport aux importations. En effet, la production d’énergie et sa revente à un tarif préférentiel fixé par l’État permet aux scieries étrangères concurrentes, outre la qualité des bois transformés, d’exporter en France des sciages à des prix très concurrentiels, car ils intègrent en partie les bénéfices liés à la production d’énergie.
Il est donc nécessaire de promouvoir les projets de cogénération portés par les scieries françaises afin de leur permettre de limiter les distorsions de concurrence avec nos concurrents européens. Cette difficulté ne se présentera pas tous les jours, mais il faut en tenir compte.
De plus, en amont, il faut faciliter l’accès à la matière première de ces scieries par le biais de structures d’exploitation coopératives leur permettant des économies d’échelle en matière de prospection et de regroupement.
Enfin, en aval, il faut promouvoir, M. Leroy l’a dit tout à l’heure, les outils coopératifs de finition, d’aboutage, de séchage ou de lasurage.
Ma dernière préconisation, monsieur le ministre, consiste en une incitation fiscale au regroupement des entrepreneurs de travaux forestiers pour l’émergence de sociétés d’exploitation et de transport de bois. Pourquoi ? Parce que nous avons trop souvent constaté que les entrepreneurs de travaux forestiers, les ETF, comme il est convenu de les appeler, étaient sous-dimensionnés avec une seule personne salariée, c’est-à-dire un directeur salarié, et n’étaient pas de taille à créer une situation dynamique par rapport à la filière. Il nous semble donc qu’en limitant durant deux ans aux activités complémentaires les prélèvements sur les entreprises qui feraient le choix de se regrouper, nous inciterions la restructuration, la professionnalisation et l’émancipation de ces ETF.
De la sorte, monsieur le ministre, face à des cataclysmes tels que ceux que nous venons de vivre et dans lesquels, faute d’une action politique nationale cohérente, nous restons englués dix ans après, nos ETF seraient plus à même de concurrencer leurs collègues européens.
Vous le voyez, monsieur le ministre, et je ne me lance pas dans une polémique à cette tribune, toutes ces actions qui n’ont pas connu de réponse positive dans l’urgence requièrent une grande volonté politique. Cela a été rappelé par le Président de la République et je suis tout à fait de cet avis. Il faut essayer, me semble-t-il, de redonner à la forêt cet espoir sans lequel nombre de territoires ne seront pas replantés.
Je vous incite à lire, monsieur le rapporteur, vous qui nous disiez que tout allait bien, l’éditorial d’avril du président de la revue aquitaine Forêt de Gascogne – revue qui n’est pas connue pour ses postures gauchistes –, paru sous le titre« Inciter à défricher ». Vous constaterez que, avec une certaine amertume, il dénonce tous les manquements des politiques publiques envers cette forêt de résineux.
Monsieur le ministre, nous avons besoin d’une grande politique publique en la matière. Nous espérons que l’action du Gouvernement nous aidera à surmonter ce moment difficile.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis du choix qui a été fait de consacrer un temps de débat parlementaire exclusivement à la politique forestière et à la filière bois. Trop souvent, ce secteur d’activité économique important est évoqué au détour d’un texte de loi agricole beaucoup plus vaste. Malgré toute notre bonne volonté, nous ne pouvons pas lui consacrer toute l’attention qu’il mériterait. Néanmoins, pour ce qui me concerne, en tant que rapporteur du récent projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je me suis efforcé de traiter avec soin le volet forestier que comportait ce texte.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suis particulièrement désireux de connaître l’état d’avancement de son application par le Gouvernement. Notre collègue Philippe Leroy, qui est l’initiateur du débat d’aujourd’hui, vous a notamment interrogé sur la mise en œuvre des plans pluriannuels régionaux de développement forestier. J’appuie également sa demande concernant l’application de l’article 68 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui concerne le compte épargne d’assurance pour la forêt.
Ce n’est pas M. Leroy qui est l’initiateur de ce débat, c’est le groupe socialiste !
En tout cas, il a mis ses qualités, que nous connaissons tous, au service de ce débat.
Sourires.
Ce dispositif, qui résulte d’un amendement que j’ai proposé, avec le soutien de M. le président Emorine, et qui concernait tout ce qui a trait à l’assurance, vise à étendre la couverture de la forêt française contre les risques d’incendie et de tempête, alors que 5 % seulement de la forêt privée est aujourd’hui assurée.
Ce mécanisme est indispensable, en l’absence d’une procédure d’indemnisation publique des propriétaires forestiers touchés par une catastrophe naturelle. Bien sûr, le compte épargne d’assurance pour la forêt aura un coût pour les finances publiques, puisque la prime d’assurance sera exonérée d’impôt sur le revenu. Mais je n’ose croire, monsieur le ministre, que le souci d’éviter ce coût puisse expliquer le retard de parution des décrets d’application attendus.
À propos de dépense fiscale, j’ai relevé avec grand intérêt que M. le Président de la République, lors de sa récente visite à Égletons en Corrèze, a annoncé que l’ensemble des dispositifs fiscaux incitatifs existant au bénéfice de la forêt allaient être remis à plat d’ici à la fin de l’année. C’est une urgence absolue. À défaut de crédits supplémentaires, il faut au moins s’assurer que notre politique forestière dispose d’aides fiscales bien calibrées. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que ce réexamen aura bien lieu dans le délai imparti par le Président de la République ?
Enfin, pour conclure, je voudrais évoquer la situation du premier massif forestier de France : celui de l’Aquitaine.
Vous savez que la forêt d’Aquitaine est stratégique, dans la mesure où elle produit des bois résineux, particulièrement du pin maritime, qui sont ceux dont notre pays manque globalement. Or ce massif a été durement touché par les tempêtes Martin de 1999 et Klaus de 2009, et ne s’en est toujours pas remis.
La situation s’est même aggravée ces dernières années, puisqu’une attaque phytosanitaire de grande ampleur à suivi la tempête de 2009. On estime que les scolytes et chenilles processionnaires ont détruit 30 000 hectares de plus, soit 7 millions à 10 millions de mètres cubes de bois, ou l’équivalent d’une récolte annuelle. La situation des pins touchés par la chenille processionnaire ne peut malheureusement que s’aggraver avec la sécheresse actuelle.
Le traitement de la chenille processionnaire est indispensable, mais il n’a pas besoin d’être généralisé. Il suffirait de traiter sélectivement 30 000 hectares de jeunes pins, plus particulièrement en lisière des forêts.
Les professionnels de la filière demandent que ce traitement soit intégralement financé sur fonds publics. Cette demande me paraît légitime, d’abord parce que les propriétaires forestiers ont déjà été fortement sinistrés par les tempêtes, sans être indemnisés correctement, ensuite parce que l’État a aussi sa part de responsabilité : le département de la santé des forêts a en effet lourdement sous-estimé la gravité du problème à ses débuts et n’a pas jugé bon d’organiser le traitement dès 2010.
Je précise que la profession n’attend pas tout de l’État. Elle sait aussi se prendre en main et s’apprête à mettre en place pour 2012 une caisse de prévoyance, qui alimentera un fonds d’intervention phytosanitaire.
Nous souhaitons également que le Conseil interprofessionnel du pin maritime, le CIPM, qui représente la plus grande forêt cultivée d’Aquitaine, voie très rapidement le jour.
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des éléments de réponses que vous voudrez bien m’apporter sur des sujets qui sont aussi importants pour le devenir de la forêt française en général que pour celle d’Aquitaine en particulier.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est d’une grande importance pour notre pays et nos territoires.
La forêt recouvre plus de 28 % de la surface de la France et plus de 45 % de celle de mon département, le Jura, une particularité qui lui a permis d’être le premier producteur de jouets en bois, avec, notamment, la maîtrise de la tournerie et de la tabletterie.
C’est dire l’importance économique et environnementale de la forêt. Mais encore faut-il qu’elle soit correctement exploitée – après avoir vécu plus de six décennies dans ce milieu forestier, j’irai même jusqu’à dire qu’elle doit être convenablement « cultivée » !
Qu’en est-il réellement ? Pratique-t-on seulement la cueillette, de temps à autre, ou cultive-t-on réellement la forêt ? Les deux pratiques coexistent sur le terrain.
Certains propriétaires forestiers, qui ont souvent hérité d’un bien de famille, n’ont aucune connaissance du milieu et laissent faire la nature, d’où une productivité parfois bien faible. Il arrive aussi que les communes ne répondent pas aux propositions de l’ONF destinées à replanter, élaguer ou éclaircir les forêts et, dans ces cas également, la productivité est très défaillante. On peut d’ailleurs, à ce titre, regretter la fin du Fonds forestier national, le FFN, qui servait à financer les plantations.
En revanche, des parcelles sont exploitées de façon rationnelle avec des prélèvements réfléchis, réguliers, et avec des travaux d’entretien qui facilitent la croissance maximale des arbres. Je veux signaler ici le travail de conseil réalisé par les centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, les coopératives forestières, les syndicats de propriétaires forestiers, les chambres d’agriculture, très utiles pour les propriétés privées, ainsi que l’ONF, qui œuvre pour les forêts communales soumises au régime forestier, à condition toutefois que de solides volontés communales se manifestent.
Après des années de fortes turbulences pour nos forêts, marquées par des cours très variables, diverses tempêtes et plusieurs épisodes de sécheresse qui ont provoqué des maladies et des attaques d’insectes sur nos résineux, la forêt française aurait bien besoin d’un peu de stabilité, et de regarder l’avenir avec plus de sérénité.
Car le besoin en bois ne fera qu’augmenter pour la construction, les composites, les panneaux d’isolation et le bois-énergie. C’est pourquoi il est important, monsieur le ministre, que nous ayons des politiques forestières qui encouragent vraiment, et par tous les moyens, une gestion et une exploitation rationnelles de l’ensemble des parcelles forestières, communales ou privées.
Pour répondre à ces objectifs, il faut, selon moi, remédier au moins à deux handicaps importants.
Le premier est le manque de dessertes de certains massifs forestiers, principalement en montagne. Je tiens à signaler le travail important réalisé par les différents services forestiers au bénéfice d’associations syndicales autorisées, ou ASA, pour créer des voiries permettant d’accéder aux parcelles dans de bonnes conditions et d’assurer une gestion régulière de celles-ci. Mais encore faut-il qu’il y ait suffisamment de crédits pour accompagner tous ces projets et permettre de réaliser des investissements susceptibles d’apporter une grande plus-value à la filière. Hélas, ce n’est pas toujours le cas !
À propos des questions de voirie, on nous signale souvent les contraintes, voire les interdictions qui sont imposées aux projets se situant dans des zones Natura 2000 – c’est le cas de 28 % de la surface forestière du Jura. Nombre d’espaces sont ainsi sanctuarisés par la présence de faune ou de flore qui prime souvent sur l’intérêt économique de tel ou tel investissement, alors même que la France a indéniablement besoin d’une véritable forêt de production. Le ministère de l’environnement préférerait une forêt multifonctionnelle. Pourquoi pas ? À condition, bien sûr, de ne pas restreindre ses capacités de production !
Je souhaiterais que ce débat soit l’occasion de prendre acte de l’absolue priorité du désenclavement des parcelles forestières, lequel permettra d’augmenter la ressource en forêt privée mais aussi de mieux exploiter et tirer profit, dans les forêts communales, du bois d’éclaircie, des branchages et des houpiers, en incluant nos besoins pour le bois-énergie.
Deuxième handicap : nos forêts privées souffrent souvent de leur morcellement, ce qui ne permet pas une gestion et une exploitation des bois rationnelles. Nous devons chercher à favoriser au maximum leur regroupement, comme nous avons commencé à le faire dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMA. Mais nous devons aller plus loin, notamment en encourageant les ASA, qui peuvent servir à regrouper les offres par massifs pour les petits propriétaires. Cela leur permettra de bénéficier de conseils de gestions – comme je l’ai dit, ils n’ont pas toujours les connaissances nécessaires –et de mieux valoriser leurs produits.
Monsieur le ministre, si nous voulons réussir notre politique de bois-énergie, il serait opportun, lorsqu’un projet de chaufferie collective voit le jour et requiert les crédits de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, de demander, voire d’imposer une solution contractuelle avec les communes forestières et les propriétaires privés locaux pour garantir un approvisionnement de proximité.
En Franche-Comté, près de 400 chaufferies-bois ont été réalisées grâce au plan bois-énergie, avec l’ADEME et l’accompagnement financier des collectivités locales, ce qui a permis de susciter une importante demande en bois. C’est pourquoi, pour les futurs projets, il importe d’assurer un bon approvisionnement local de bois déchiqueté ou de plaquettes. Il serait en effet absurde de faire venir ce bois de loin : cela anéantirait les bénéfices des économies d’énergie et augmenterait encore le nombre de camions sur les réseaux routiers.
Je voudrais aussi évoquer le vœu des communes forestières de ne pas voir l’Office des forêts démantelé ou supprimé. On sait en effet que celui-ci est mis à mal financièrement par le surcoût lié aux pensions, qui s’élève à 50 millions d’euros et pourrait atteindre 90 millions d’euros en 2016. Il va falloir trouver une solution acceptable par toutes les parties.
Je voudrais aussi être le porte-parole d’un certain nombre de communes qui ont souscrit des prêts du Fonds forestier national sous forme de travaux exécutés par l’État, dits « prêts en travaux ». Elles souhaiteraient reprendre la gestion des peuplements créés, ce que leur autorise à faire une circulaire du 31 août 1998, qui avait instauré un dispositif de remboursement anticipé. Dans mon département, 86 communes avaient fait ce choix. Or certaines aimeraient quitter ce dispositif et souhaiteraient connaître rapidement les conditions de sortie. Il paraît, monsieur le ministre, qu’une circulaire est rédigée, mais qu’elle n’est pas signée à ce jour… Je vous remercie des informations que vous pourrez nous donner à ce sujet.
Je conclus : notre forêt doit produire plus et mieux ! Notre filière bois est un atout considérable pour notre pays, l’emploi, notre économie et nos communes forestières. À nous de lui témoigner plus de considération !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’entrerai pas ce soir dans des considérations techniques sur la politique forestière.
Je ne parlerai pas, non plus, du débat relatif au programme forêt ou aux frais de garderie. Mes collègues Renée Nicoux – rappelons qu’elle est à l’origine de ce débat – et Jean-Louis Carrère sont intervenus précédemment sur ces thèmes avec force et compétence.
Je parlerai de confiance. Dans notre pays, nos concitoyens ont tissé au fil des siècles un lien particulier avec leur forêt. Le traumatisme causé par les tempêtes de décembre 1999 et de janvier 2009 témoigne de cet attachement et de cette place particulière qu’occupe la forêt dans notre vie.
Dans le département de l’Aisne, les forêts couvrent environ 123 000 hectares sur 7 369 kilomètres carrés, dont 70 % sont détenus par des propriétaires privés. La forêt publique comprend pour sa part treize forêts domaniales, soit 24 %, et 84 forêts communales – 5 % – ou établissements publics relevant du régime forestier.
À eux seuls, les massifs de Retz, en forêt de Villers-Cotterêts, ainsi que ceux de Saint-Gobain et de Coucy-Basse représentent 21 335 hectares.
Ces forêts, gérées par l’Office national des forêts, jouent un rôle parfaitement identifié dans l’aménagement et le développement durable des territoires, dans le domaine économique et de l’emploi en zone rurale – exploitation de la ressource en bois, valorisation des produits forestiers et de la filière bois –, en matière de préservation de l’environnement, de biodiversité et de qualité des paysages, mais aussi au travers des fonctions sociales – accueil du public, pratiques sportives et cynégétiques, tourisme, etc. Elles constituent les principaux espaces naturels du département ouverts au public.
Pourtant, depuis plus d’un an, un conflit oppose l’ONF à la population et aux élus locaux à propos de la forêt de Saint-Gobain. L’exploitation actuelle est perçue comme brutale et uniquement organisée pour renflouer les caisses de l’ONF. Coupes à blanc, coupes en lisière de village ayant un impact désastreux sur le paysage ou destruction des chemins forestiers sont dénoncées localement.
Ce conflit illustre parfaitement l’incompréhension qui peut régner aujourd’hui entre les populations de communes forestières et l’ONF, qui bénéficiait pourtant d’une excellente image et d’une réputation sans taches.
Jusqu’à ce jour, l’ONF a en effet su développer dans le département de l’Aisne des partenariats efficaces avec les collectivités locales pour assurer l’entretien et la propreté générale des forêts domaniales avec, comme corollaire, la mise en place de nombreuses actions liées au développement touristique et à l’accueil du public dans les massifs domaniaux. Des conventions d’objectifs sont ainsi conclues depuis 1999 avec le conseil général et viennent d’être renouvelées.
Mais l’ONF, vraisemblablement frappée par la RGPP – à moins qu’il n’y ait une autre explication ? – ne se retrouve-t-elle pas contrainte de privilégier une vision de rendement de son action ?
Le rapport d’information, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur l’enquête de la Cour des comptes sur l’ONF souligne la dégradation de la situation financière de l’Office depuis 2008.
Les forêts communales et domaniales sont un bien public qui appartient à l’ensemble de la population qui se l’est approprié. Leur gestion doit donc demeurer publique. Les deux piliers de celle-ci doivent rester équilibrés : la gestion économique, mais également les missions d’intérêt général comme la préservation de la biodiversité.
Cette incompréhension grandissante de l’action de l’ONF est selon moi dangereuse, monsieur le ministre. Hervé Gaymard parle de « confiance légitime » dans son rapport remis au Président de la République le 15 octobre 2010.
C’est bien là le mot essentiel. À l’heure où les projets de filières bois et de création de réseaux de chaleur se multiplient, il est primordial de restaurer ce climat de confiance entre l’ONF et les acteurs locaux.
C’est indispensable à la poursuite d’une politique forestière ambitieuse sur nos territoires ; c’est essentiel à la poursuite des efforts engagés pour développer les filières bois sur nos territoires ; c’est essentiel au regard des enjeux environnementaux et sociaux de ces filières, notamment en termes d’emplois créés.
Ainsi, dans l’Aisne, une étude préalable à la réalisation d’un schéma départemental pour la structuration d’une filière bois-énergie, remise au conseil général, estime que près de 2 400 emplois pourraient être créés au niveau régional dans le secteur de la construction des chaufferies, infrastructures et équipements, dont près de 40 % dans le département.
Une telle politique ne peut être que co-construite. Comme le souligne, là encore, M. Gaymard, l’ONF doit être l’outil d’une politique ambitieuse de la filière bois.
Sans cette confiance réciproque entre, d’une part, les acteurs locaux que sont les associations et les collectivités locales, notamment les communes et, d’autre part, l’ONF, le défi de la filière bois ne pourra pas être relevé.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme certains d’entre vous le savent peut-être, j’ai assuré pendant plusieurs années la présidence de la Fédération nationale des communes forestières, la FNCOFOR, fonction dans lesquelles j’avais du reste succédé à notre ancien collègue Jacques-Richard Delong.
C’est à ce titre que nous nous sommes livrés à une sorte de petit coup d’État lorsque j’ai paraphé, pour la première fois, le contrat État-ONF 2007-2011, en vigueur encore aujourd'hui, signé à l’occasion de l’assemblée générale des communes forestières le 24 juin 2006 à Épinal ; agréable souvenir… Néanmoins, ce souvenir est un peu troublé dans la mesure où, quelques semaines après la signature, j’ai vu poindre des charges additionnelles, liées au financement de la retraite des fonctionnaires, à l’établissement d’un bail pour des maisons forestières antérieurement mises à disposition de l’établissement… Je crois bien m’être laissé aller à dire à ce propos, à l’occasion de ma dernière assemblée générale de la FNCOFOR, à l’automne 2007 à Clermont-Ferrand, que l’État s’apprêtait à « reprendre d’une main ce qu’il avait donné de l’autre ». Mais qui s’en étonnerait ?
Aujourd’hui, l’équilibre financier de l’ONF, qui a de surcroît été confronté à la grave crise économique de 2008-2009, reste précaire.
La question de ce « CAS pension » – en l’occurrence le taux de contribution des opérateurs de l’État au compte d’affectation spéciale des pensions civiles des fonctionnaires – est devenue cruciale pour l’avenir de l’établissement, ainsi que le soulignait le remarquable rapport de M. Hervé Gaymard au Président de la République.
La hausse additionnelle de ce taux – prétendument stabilisé à 33 % en 2006, actuellement de 65 % et toujours en progression de trois points environ par an, soit à terme un surcoût annuel net de l’ordre de 80 millions d’euros – a constitué un véritable « choc des retraites ». C’est là l’expression employée par la Cour des comptes, dans une mission effectuée en 2009, qui a fait l’objet d’un rapport d’information de notre collègue Joël Bourdin et d’une audition en commission des finances le 21 octobre 2010.
Il est aujourd’hui question que les communes forestières signent tout de même le contrat 2012-2016. Je ne peux certes que m’en féliciter.
Elles le feront sans doute, en dépit de l’amertume qu’a suscitée dans la forêt publique la divulgation d’un rapport confidentiel de quatre inspecteurs généraux de l’administration. Le président de la FNCOFOR, mon successeur Jean-Claude Manin, vous a fait part de son sentiment en évoquant les appels – selon lui déplacés – de ces hauts fonctionnaires au sens de la responsabilité des élus que contenait, semble-t-il, ce document, voué comme tous ses pareils en dépit d’une confidentialité affirmée, à une divulgation rapide.
Les dernières années ont permis d’approfondir le partenariat entre l’ONF et les communes forestières dans de nombreux domaines, pourtant réputés difficiles : augmentation de la mobilisation des bois, plus 750 000 mètres cubes récoltés au bout de cinq ans, développement des ventes groupées et des contrats de ventes de bois façonnés, mise en place d’une Commission nationale de la forêt communale... De plus, cette évolution s’est faite dans une période particulièrement défavorable sur le plan économique et tout en réalisant des efforts de réorganisation interne de l’ONF et en assumant une réduction d’effectifs sans précédent : moins 20 % en dix ans.
Les conditions d’une réflexion de fond objective sur une contribution des communes forestières plus équitable et plus incitative en faveur d’une gestion forestière durable et dynamique– sujet sensible s’il en est, notamment au sein de notre assemblée – sont peut-être pour la première fois enfin réunies.
Mais le rendez-vous de la préparation de ce nouveau contrat pour l’ONF et les forêts publiques sera manqué si ni l’ONF ni les communes forestières n’ont les moyens de poursuivre leur travail au sein d’un établissement rendu et maintenu structurellement déficitaire, où les relations sociales comme celles qui sont entretenues avec les partenaires ne pourront que redevenir conflictuelles. Ce serait là un grand malheur pour la forêt publique, mais je suis sûr, monsieur le ministre, que vous êtes capable de l’éviter !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite du débat que nous avons aujourd’hui car, si le développement de la filière bois est devenu, selon une expression jadis célèbre, une « ardente obligation », il n’en a pas toujours été ainsi.
À Urmatt, puis à Égletons, le Président de la République a su rappeler le rôle essentiel que la forêt française doit tenir dans notre économie et la nécessité de réduire notre déficit d’autant plus paradoxal que nous avons le troisième massif forestier d’Europe.
Ma région, la Lorraine, cinquième région forestière de France par son taux de boisement, a d’ores et déjà anticipé ce mouvement, et c’est avec plaisir que je signale qu’elle accueille le premier pôle d’enseignement et de recherche dans ce domaine. Un rapport rendu public voilà quelques jours par le conseil économique et social régional fait l’inventaire des atouts et des faiblesses de la filière bois et pose quelques questions de fond qui vont bien au-delà des limites de ma région et que je reprends ici.
De quelle marge de manœuvre disposons-nous sur un marché du bois de plus en plus mondialisé ? Comment aider l’effort d’investissement de la première transformation des scieries et des entreprises de seconde transformation, investissement d’autant plus lourd que nombre de ces entreprises sont de petite taille ? Comment stimuler la montée en puissance du bois dans la construction ? Enfin, comment éviter un conflit que l’on constate souvent entre le bois énergie et le bois industrie ?
Rien ne se fera, monsieur le ministre, si l’on veut renforcer la filière bois sans les communes forestières, et c’est le point sur lequel je voulais insister, après quelques-uns de ceux qui m’ont précédé, notamment Yann Gaillard.
En France, la forêt publique domaniale et communale représente 25 % de la surface de notre forêt et 40 % de la production de bois. C’est dire à quel point son rôle est essentiel compte tenu du morcellement et des difficultés que connaît la forêt privée.
Les communes forestières ont engagé un partenariat étroit avec l’ONF pour développer la filière bois, valoriser les ressources de la forêt publique tout en travaillant avec la forêt privée et répondre ainsi aux attentes des collectivités locales, qui, de plus en plus, créent des chaufferies bois. Plusieurs dizaines de communes de mon département, la Meurthe-et-Moselle, ont mis en place de telles installations. L’une de ces communes, Blâmont – 1 200 habitants – a créé une chaufferie bois qui alimente l’ensemble des bâtiments communaux – le collège, la maison de retraite – à la satisfaction de tous. Ce sont de telles opérations qu’il nous faut pouvoir encourager et développer.
C’est la raison pour laquelle il est essentiel de préserver la situation financière de la forêt communale et, bien sûr, en premier lieu, de ne pas imaginer comme solution possible l’augmentation des droits de garde, faute de quoi nombre de communes renonceront purement et simplement à exploiter une forêt par ailleurs fragilisée par la tempête de 1999, notamment dans l’ouest et l’est de la France.
Comme vous le savez, monsieur le ministre – certains de mes prédécesseurs à cette tribune l’ont rappelé – les communes forestières se sont inquiétées il y a quelques mois lorsqu’elles ont eu connaissance d’une note de la direction du trésor remettant en cause le régime forestier et le rôle de l’ONF, et ce en contradiction avec le rapport qu’Hervé Gaymard a remis en octobre dernier au Président de la République.
Le conseil d’administration de la FNCOFOR, dont je fais partie – je parle sous l’autorité de Yann Gaillard, qui a succédé à Jacques-Richard Delong – nous avait alertés, et vous lui aviez répondu, monsieur le ministre, par un courrier très clair et très précis, qui a apaisé les craintes des communes forestières. C’est la raison pour laquelle je serais très heureux aujourd’hui que vous puissiez réaffirmer devant le Sénat, qui représente l’ensemble des communes de France, en particulier ce soir les 12 000 communes forestières car ce sont elles qui sont mises à l’honneur, votre volonté de maintenir le régime forestier essentiel au développement de la forêt communale, la mission de service public de l’ONF, sans laquelle rien ne se fera, et le versement compensateur de l’État à l’ONF au titre des services rendus aux communes.
Votre engagement permettra à la préparation du futur contrat de plan État-ONF pour 2012-2016 de se dérouler dans les meilleures conditions. Je sais l’attachement que vous portez à la forêt française et à l’avenir de la filière bois, et je ne doute pas que vous aurez à cœur de donner à cet égard tous apaisements au Sénat.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Guy Fischer remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs orateurs l’ont dit, l’avenir de la politique forestière française est un enjeu majeur. Je me réjouis de pouvoir en discuter avec vous cet après-midi, avec quelques heures de retard, je le reconnais volontiers, mais, cela dit, j’étais ce matin au Sénat pour parler des rats taupiers notamment, j’y suis cet après-midi, j’y serai encore ce soir, et quand je n’étais pas au Sénat, j’ai essayé de trouver un peu de temps pour être sur le terrain auprès des paysans.
Si je souscris évidemment à l’éloge de Philipe Leroy envers la forêt et les massifs forestiers français, je partage également les inquiétudes qui ont été exprimées par un certain nombre d’entre vous, notamment par Jean-Louis Carrère, sur la forêt des Landes, durement touchée par la tempête Klaus, laquelle a laissé des stigmates qui sont visibles encore aujourd’hui. À ce propos, croyez bien que je veille tout particulièrement au déblocage des 415 millions d’euros promis sur huit ans pour reconstituer 150 000 hectares de forêt. Cela me paraît indispensable pour préserver l’avenir de la forêt des Landes.
La forêt, vous l’avez tous dit, représente plus d’un tiers du territoire français, soit 16 millions d’hectares, et je rappelle, comme Renée Nicoux, que s’y ajoutent 8 millions d’hectares de la forêt tropicale guyanaise. C’est donc aussi un enjeu majeur pour les départements et les territoires d’outre-mer.
La forêt est, à l’évidence, une chance pour la France.
C’est un enjeu stratégique dans la lutte contre le changement climatique en raison de la captation de carbone que permettent les forêts.
C’est un élément déterminant du développement des territoires ruraux. Il n’y aura pas de ruralité sans développement des massifs forestiers.
C’est évidemment aussi un atout économique majeur puisque la forêt représente un chiffre d’affaires de 60 milliards d’euros et 425 000 emplois directs.
On parle beaucoup dans les journaux et dans les médias de l’importance de l’industrie automobile, je ne la conteste pas, mais la forêt compte plus d’emplois que l’industrie automobile et il me semble que l’on en parle moins.
On vante sans cesse les mérites de l’aéronautique française ; c’est, bien entendu, mérité, mais l’excédent commercial lié à l’agriculture et à la forêt est bien plus important que celui de l’aéronautique. Par conséquent, je souhaite que nous remettions la question forestière au cœur des débats politiques et économiques de la nation. De ce point de vue, je me réjouis que nous puissions avoir un débat sur ce sujet aujourd’hui.
La forêt est un atout, mais cet atout n’est pas assez valorisé. Nous en avons discuté lors de l’adoption de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Le président Emorine avait déjà beaucoup insisté sur ce sujet, M. Philippe Leroy également. C’est un atout que nous avons délaissé pendant plusieurs années à force de ne pas prendre un certain nombre de décisions qui s’imposent.
La France possède le troisième massif forestier européen et nous avons une filière bois déficitaire – cela a été rappelé – d’environ 7 milliards d’euros en 2010. Nous avons 30 % du territoire en forêts et la France exporte 9, 3 milliards d’euros de produits en bois pour en importer 15, 7 milliards d’euros.
Pour dire les choses simplement, il y a quelque chose qui cloche. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le royaume de la forêt française et qui mérite d’être changé.
Ce déficit est lié à plusieurs éléments dont deux me paraissent essentiels.
Le premier, c’est le manque de compétitivité de la filière dans un certain nombre de domaines, et je rejoins ce qui a été dit sur la question du design mobilier. Quand vous demandez aujourd’hui à des jeunes quels meubles ils veulent acheter, vous constatez que, malheureusement, ce ne sont pas ceux que nous fabriquons. Il est donc nécessaire de revoir la conception de ces produits.
Le second élément, c’est le manque de résineux, comme l’a dit Philippe Leroy. Les résineux sont moins coûteux et permettent d’avoir des objets d’usage plus courant. Ils permettent donc d’avoir des débouchés économiques plus faciles.
Sur ce sujet, il y a des solutions. Je ne vois pas pourquoi l’Allemagne, qui a sensiblement la même proportion de forêts que nous, sur un territoire plus petit, emploie 175 000 personnes de plus que nous dans sa filière. Dans la situation économique actuelle, pouvons-nous faire une croix sur la possibilité d’avoir 175 000 emplois supplémentaires ?
Comment peut-on faire pour gagner en compétitivité, pour réorganiser cette filière, pour mettre en place tous les leviers économiques qui permettront de l’exploiter au mieux ?
D’abord, permettez-moi une remarque générale qui a déjà été formulée par bon nombre d’entre vous : tout cela demande une stratégie de long terme. S’agissant du bois, on ne peut pas obtenir des résultats en un an, deux ans, voire trois ans comme ce peut être le cas dans certaines filières économiques. C’est une affaire de décennie, si l’on veut vraiment en tirer le meilleur parti. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous nous engagions d’un point de vue stratégique en matière de valorisation de la forêt.
La première action dans laquelle nous devons nous engager, c’est le renforcement de notre tissu industriel. Il n’y aura pas de valorisation de la forêt s’il n’y a pas en aval une industrie de la forêt – scieries, industrie du panneau, industrie du papier – qui soit la plus performante possible. Nous avons mis en place le fonds bois en 2009 pour répondre à cet impératif. Il est complété par les subventions Adibois et par des prêts d’OSEO depuis cette année. Je souhaite que nous fassions le maximum pour que ce fonds soit utilisé de la manière la plus efficace possible.
Il s’agira ensuite, une fois que nous aurons développé cette industrie, de trouver des débouchés dans la construction et l’énergie. Il ne suffit pas d’avoir des industries de transformation, encore faut-il qu’elles aient les débouchés les plus opérationnels possibles.
Nous avons multiplié par dix le seuil d'incorporation du bois dans les constructions neuves. Je peux me tromper, mais j’ai l’impression que, grâce aux mesures que nous avons mises en œuvre, la filière bois pour la construction est en train de prendre, en France, un essor nouveau. Il me semble même que, d'un point de vue culturel, la préférence traditionnelle des Français pour les maisons en pierre par rapport aux maisons en bois n’est plus aussi prégnante.
Par ailleurs, nous avons augmenté le tarif de rachat de l'électricité produite à partir du bois. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis battu – à Matignon, pour être très précis – pour que ce tarif tienne compte des petites structures et ne soit pas réservé aux très grandes scieries. En effet, à défaut, ce sont quasiment les trois quarts des scieries françaises qui auraient été exclues du bénéfice de ce tarif de rachat.
La question des conflits d’usage entre bois d'industrie et bois d'énergie, soulevée par Philippe Leroy, appelle des réponses très précises.
Tout d’abord, nous avons des obligations d'expertise sur la ressource pour chaque projet. Des cellules « biomasse » ont été mises en place auprès de tous les préfets afin de suivre ce dossier et de conduire les expertises nécessaires. Dans les cas difficiles, l’expertise est même assurée par le ministère de l’agriculture. En Bourgogne, par exemple, nous sommes ainsi en train d'examiner un certain nombre de conflits d'usage.
De manière plus générale, nous suivons deux principes très simples pour résoudre les conflits d'usage.
Premièrement, la hiérarchie des usages – bois d'œuvre, puis bois d'industrie, puis bois énergie – est le seul chemin vertueux, le seul qui soit réellement créateur de valeur.
Deuxièmement, nous attachons une importance particulière au respect de la performance énergétique des projets, car nous ne pouvons évidemment pas nous permettre de gaspiller de la biomasse, qui est une ressource rare. C’est pourquoi nous devons choisir les projets qui ont les rendements les plus élevés.
En outre, nous devons nous engager dans la voie du renforcement de l'interprofession.
Ce qui est vrai pour l'agriculture – j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à plusieurs reprises – l’est aussi pour la filière bois : il n'y a d'avenir pour le bois que dans une interprofession unie. Une interprofession rassemblée, c’est une interprofession qui gagne !
Les divisions, les querelles de chapelles, l’incapacité à se rassembler sont le drame de l'agriculture française, et notamment de la forêt. Comme pour les autres filières agricoles, il faut, je l’ai déjà dit et je n’aurai de cesse de le répéter, une interprofession unie pour la forêt.
S’agissant du secteur de la viticulture, nous avons réussi à rassembler les interprofessions dans un certain nombre de régions en vue de gagner des parts de marché en France et à l'étranger. Je ne vois pas pourquoi nous n’arriverions pas à faire de même pour la filière bois. J'en appelle à la responsabilité de tous les acteurs de cette filière, que j’ai eu l'occasion de rencontrer il y a quelques jours : ils doivent apprendre à travailler ensemble pour passer d'une logique de confrontation à une logique de coopération.
Nous devons également œuvrer en faveur d’une gestion dynamique de la forêt. À cet égard, je répondrai à toutes les questions très précises qui m'ont été posées.
Tout d’abord, nous avons étendu le plan simple de gestion à la majorité des forêts de plus de 25 hectares, ce qui doit permettre une meilleure programmation des coupes et donc une meilleure sylviculture. Le décret, qui se trouve actuellement au secrétariat général du Gouvernement, sera publié dans les tout prochains jours. C’est un moyen d’optimiser la gestion des forêts de plus de 25 hectares.
Par ailleurs, nous avons publié en décembre 2010 la circulaire sur les plans régionaux de développement forestier, qui précise les modalités d'élaboration de ces derniers. Le travail a commencé dans toutes les régions, sous la houlette des préfets. Certes, monsieur Leroy, des améliorations sont toujours possibles ; si des difficultés devaient apparaître, nous les corrigerions.
Pour ce qui est de la création du statut de gestionnaire forestier, il va de soi que les 120 experts forestiers sont opposés à la remise en cause de leur monopole. Ils déplorent notamment que le statut proposé n'assure pas l'indépendance des gestionnaires forestiers professionnels.
Pour régler la difficulté, nous avons proposé d'interdire aux gestionnaires forestiers professionnels la vente de bois provenant des parcelles dont ils ont la gestion. Afin d’éviter tout problème juridique, j’ai soumis au Conseil d’État le projet de décret que j’ai préparé en vue de parer aux difficultés liées au statut de gestionnaire forestier.
La mesure concernant le droit de préférence des propriétaires voisins doit permettre de lutter contre le morcellement forestier des massifs français, qui constitue un handicap important.
Cette mesure est opérationnelle depuis l’entrée en vigueur de la loi, mais je ne vous dissimulerai pas que son application soulève de gros problèmes quant à la publicité de vente ou à la recherche des voisins. Il est vrai que l'on combat ici une habitude ancestrale : le morcellement des forêts et le droit de préférence des propriétaires voisins.
Je souhaite donc travailler, en concertation avec les professionnels, à la réécriture de cet article, puis trouver le véhicule législatif le plus approprié pour procéder à la modification nécessaire. Même si nous savons qu’il nous faut aller vite, car cette disposition est indispensable à la mise en œuvre d’une meilleure gestion de la forêt, nous reprenons la copie et nous la corrigeons en tenant compte des problèmes posés.
Une gestion dynamique de la forêt passe aussi, bien entendu, par la révision du contrat d'objectifs de l'Office national des forêts, qui doit aboutir en juillet 2011.
Je voudrais redire ici, avec la plus grande gravité, que nous sommes tous attachés à cette institution forestière. Il est hors de question de remettre en cause le régime forestier et la mission de service public qu’assure l'ONF au bénéfice de nos communes. Il est tout à fait regrettable que des notes émanant de très sympathiques directeurs, sous-directeurs ou chefs de bureau de l'administration centrale aient circulé dans la presse. Libre à eux d'exprimer leur position sur le sujet, mais, en République, c'est encore le Gouvernement, donc le ministre, qui tranche !
Il n'y aura privatisation ni de l'ONF ni des forêts communales, tout simplement parce que cela ne correspond ni à l'intérêt général ni à l’intérêt des forêts.
En revanche, nous le savons tous, le service public a un coût, et l’ONF est en déficit. Ainsi que l’a fort justement souligné Hervé Gaymard dans son rapport, l’État, l’ONF et les communes forestières sont tous responsables de la pérennité de ce modèle. L'État prendra ses responsabilités, mais je compte aussi sur l'ONF et les communes forestières pour réaliser des efforts – nous en discuterons tous ensemble – en vue de parvenir à un équilibre financier acceptable.
C’est une chose que de transformer le bois, le couper, mieux le gérer, mieux organiser les parcelles, trouver des débouchés, et ce avec le soutien de l'ONF, mais encore faut-il, comme Jean Boyer l’a dit tout à l'heure, pouvoir transporter le bois.
Nous avons pris, en 2009, un décret visant à autoriser le transport de bois rond dans des véhicules de plus de 40 tonnes sur des itinéraires spécifiques définis au niveau départemental. Mes services travaillent à améliorer la cohérence entre les départements et la cartographie des itinéraires, notamment pour ce qui concerne le département des Landes.
Certes, je connais la position de M. Henri Emmanuelli sur le sujet, mais il me semble essentiel de prévoir un transport adéquat.
Je sais que l'état des chemins et des routes départementales est un vrai sujet.
En matière d’arbitrage, ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même cherchons toujours, vous le savez, à trouver une voie de passage qui soit la plus responsable possible.
Enfin, il me semble important de faire face aux aléas climatiques et sanitaires.
Nous avons mis en place, avec la loi de modernisation, un dispositif assuranciel, auquel Gérard César et Jean-Paul Emorine sont, je le sais, particulièrement attachés, afin d’améliorer la protection financière des propriétaires forestiers face aux tempêtes.
Les décrets de défiscalisation de l'assurance forêt et le compte épargne forêt seront opérationnels dans peu de temps. Ils doivent d'abord recevoir l'avis du Comité national de la gestion des risques en forêt, qui a été créé par décret au mois de mars dernier. L'arrêté de nomination paraîtra très prochainement et nous pourrons ensuite publier des décrets qui tiendront compte des propositions formulées par Jean-Louis Carrère, car elles me semblent aller tout à fait dans le sens que j’ai indiqué à propos de la mise en place du dispositif assuranciel.
Mais avant de mettre en place ce dispositif, nous devons régler immédiatement, je le dis à l’attention de Gérard César et de Jean-Louis Carrère, pour le massif des Landes, les difficultés sanitaires qui se posent depuis maintenant plusieurs années.
Nous avons une divergence d'appréciation, je ne le cache pas, sur la chenille processionnaire.
Je me suis renseigné à plusieurs reprises auprès de mes services : les dernières observations – menées en partenariat avec les professionnels, je tiens à le préciser – montrent que les défoliations de lisières ont diminué par rapport à 2009 et que les défoliations de peuplements ont quasiment disparu, avec moins de 400 hectares touchés. Tels sont les résultats dont je dispose, mais je suis prêt à en reparler avec vous, quand vous le souhaiterez, monsieur César.
Dès lors, en toute responsabilité, il ne me semble vraiment pas nécessaire de prévoir un traitement, sachant que le seul traitement efficace a un coût financier et qu’il présente un risque particulièrement élevé en termes de toxicité. J'estime donc que le bilan coût/avantage est négatif.
En revanche, s'agissant des scolytes, qui sont un vrai problème, les professionnels m'en ont parlé à plusieurs reprises, il n'existe qu'une seule stratégie de lutte efficace, qui se déroule en trois temps. Premièrement, je l’ai vu sur place, la priorité absolue est de procéder à la récolte et à l'éloignement des bois scolytés. Deuxièmement, il faut recourir à un traitement insecticide des piles de bois. Troisièmement, enfin, il est nécessaire de broyer les jeunes peuplements non commercialisables et les rémanents de l'exploitation forestière, de manière à s'assurer de l’éradication des scolytes.
À la suite des remarques qui m’ont été faites, notamment par les élus landais, le plan d'action contre les scolytes, élaboré avec les représentants locaux de la filière, a été lancé le 15 mars dernier, c'est-à-dire voilà quelques semaines seulement. Il représente, je le précise, un coût de 7 millions d'euros pour le budget de l'État, mais cette somme permet de financer le traitement systématique des piles de bois en bordure de route, qui a donc commencé à cette date.
Enfin, s'agissant de l’hylobe, ce charançon qui mange les jeunes plants et pose lui aussi d’importants problèmes sanitaires, nous avons réagi très rapidement : j’ai autorisé, à la demande de la profession, et quelles que soient les critiques qui m’ont été adressées, une dérogation de cent vingt jours pour le traitement au Suxon Forest.
J’estime qu’il fallait répondre d’urgence à la préoccupation des professionnels et que, dès lors, il n’y avait pas d’autre solution.
Avant de conclure, je soulignerai la nécessité de relancer l’investissement en forêt, sujet sur lequel Renée Nicoux a, avec raison, beaucoup insisté. C’est en effet une nécessité absolue, car nous n’avons plus aujourd’hui les moyens de garantir le renouvellement des volumes exploités.
Le niveau des plants vendus est au plus bas depuis trente ans.
Si ma mémoire est bonne, il ne représente plus aujourd’hui qu’un tiers du niveau de 1990.
La situation est donc préoccupante.
Si l’on ne fait rien, non seulement notre déficit en résineux risque de se creuser, mais en outre certaines essences d’arbres, telles que le hêtre, aujourd’hui largement représenté en France – je pense à la hêtraie de Lyons-la-Forêt, dans mon département, qui est l’une des plus belles d’Europe –, pourraient avoir totalement disparu de nos forêts dans une centaine d’années.
Il y a donc urgence à réagir. On ne peut pas compter uniquement sur la résilience naturelle des forêts : il faut reboiser, et reboiser intelligemment, en augmentant la part des résineux et en assumant cette augmentation.
Investir en forêt, c’est également, je tiens à le souligner, soutenir la recherche en génétique forestière et en sylviculture.
J’ai demandé à l’l’INRA – Institut national de la recherche agronomique –, au CEMAGREF – Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts –, au CIRAD – Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement –, et au FCBA – institut technologique forêt, cellulose, bois-construction-ameublement –, qui entretiennent des liens très forts avec l’ONF, de travailler ensemble sur ces questions majeures de recherche forestière.
C’est un élément d’excellence essentiel pour la sylviculture française ; c’est également la seule solution pour adapter nos massifs forestiers aux changements climatiques qui touchent aujourd'hui l’ensemble du territoire français.
Pour retrouver les conditions de l’investissement en forêt, il n'y a qu’une seule solution – vous l’avez tous évoquée, et je me réjouis qu’il existe un consensus sur ce sujet –, c’est la réforme de la fiscalité forestière.
La fiscalité forestière actuelle est illisible ; elle n’incite pas à la mobilisation du bois ; elle n’incite pas à l’investissement en forêt.
Le Président de la République l’a redit avec force à Égletons, la réforme de la fiscalité forestière est une priorité absolue pour relancer l’investissement en forêt.
Je rappelle au passage que la plupart des dispositifs fiscaux seront de toute façon caducs en 2013. Il y a donc urgence à avancer dans ce domaine.
À la demande du Président de la République, je travaille à une remise à plat de la fiscalité forestière. Celle-ci doit être incitative et prendre en compte le temps important qui est nécessaire pour obtenir le retour économique de l’investissement en forêt.
Je tiens à vous dire, cher Gérard César, qu’il y aura donc bien une remise à plat de la fiscalité forestière et que je souhaite, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, parvenir avant la fin de l’année à des solutions concrètes sur ce sujet. C’est une priorité absolue à mes yeux car, si rien n’est fait, toute notre action pour reboiser, pour favoriser l’industrie forestière, pour lui ouvrir des débouchés, pour relancer nos exportations, pour lutter contre les crises sanitaires dans le massif des Landes, tout cela n’aura servi à rien, faute de perspectives d’avenir pour la sylviculture française.
Au-delà de ces dispositifs fiscaux, nous devons aussi faire preuve d’imagination pour ce qui est du financement.
Il nous faut tirer un meilleur parti de la biomasse forestière, en approfondissant les partenariats avec l’ADEME – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie –, ou le fonds « chaleur ».
Nous devons inventer une méthode de rémunération des sylviculteurs pour leur contribution au stockage de carbone. En effet, alors qu’il existe une rémunération carbone pour les éleveurs qui, avec beaucoup de détermination et de courage, continuent à pratiquer l’élevage sur herbe, avec toutes les difficultés que cela peut comporter, notamment en zone de montagne, je ne vois pas pourquoi il n’existerait pas de rémunération des sylviculteurs au titre du stockage de carbone.
C’est une solution qui me paraît prometteuse, même si elle est difficile à mettre en place.
À cet égard, je tiens à souligner que le paquet « énergie-climat » nous offre une solution très simple et très pragmatique. À partir de 2013, les industriels devront acheter aux enchères leurs quotas d’émissions. Au moins la moitié du revenu de ces enchères devra financer des actions de lutte contre le changement climatique. Je souhaite donc que, conformément à ce que le Président de la République a déclaré à Égletons, une juste part de ce revenu des enchères soit affectée à la forêt. C’est encore la solution la plus simple pour garantir la rémunération de la contribution des forestiers au stockage de carbone.
Vous le voyez, nous ne manquons ni d’imagination, ni d’inventivité, ni surtout de détermination pour défendre l’avenir de la filière sylvicole française. Elle le mérite, et je me réjouis qu’un débat sur ce sujet ait pu avoir lieu aujourd'hui au Sénat.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.
Nous en avons terminé avec le débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante, sous la présidence de M. Roger Romani.