Intervention de Gérard Bailly

Réunion du 24 mai 2011 à 18h30
Débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois

Photo de Gérard BaillyGérard Bailly :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est d’une grande importance pour notre pays et nos territoires.

La forêt recouvre plus de 28 % de la surface de la France et plus de 45 % de celle de mon département, le Jura, une particularité qui lui a permis d’être le premier producteur de jouets en bois, avec, notamment, la maîtrise de la tournerie et de la tabletterie.

C’est dire l’importance économique et environnementale de la forêt. Mais encore faut-il qu’elle soit correctement exploitée – après avoir vécu plus de six décennies dans ce milieu forestier, j’irai même jusqu’à dire qu’elle doit être convenablement « cultivée » !

Qu’en est-il réellement ? Pratique-t-on seulement la cueillette, de temps à autre, ou cultive-t-on réellement la forêt ? Les deux pratiques coexistent sur le terrain.

Certains propriétaires forestiers, qui ont souvent hérité d’un bien de famille, n’ont aucune connaissance du milieu et laissent faire la nature, d’où une productivité parfois bien faible. Il arrive aussi que les communes ne répondent pas aux propositions de l’ONF destinées à replanter, élaguer ou éclaircir les forêts et, dans ces cas également, la productivité est très défaillante. On peut d’ailleurs, à ce titre, regretter la fin du Fonds forestier national, le FFN, qui servait à financer les plantations.

En revanche, des parcelles sont exploitées de façon rationnelle avec des prélèvements réfléchis, réguliers, et avec des travaux d’entretien qui facilitent la croissance maximale des arbres. Je veux signaler ici le travail de conseil réalisé par les centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, les coopératives forestières, les syndicats de propriétaires forestiers, les chambres d’agriculture, très utiles pour les propriétés privées, ainsi que l’ONF, qui œuvre pour les forêts communales soumises au régime forestier, à condition toutefois que de solides volontés communales se manifestent.

Après des années de fortes turbulences pour nos forêts, marquées par des cours très variables, diverses tempêtes et plusieurs épisodes de sécheresse qui ont provoqué des maladies et des attaques d’insectes sur nos résineux, la forêt française aurait bien besoin d’un peu de stabilité, et de regarder l’avenir avec plus de sérénité.

Car le besoin en bois ne fera qu’augmenter pour la construction, les composites, les panneaux d’isolation et le bois-énergie. C’est pourquoi il est important, monsieur le ministre, que nous ayons des politiques forestières qui encouragent vraiment, et par tous les moyens, une gestion et une exploitation rationnelles de l’ensemble des parcelles forestières, communales ou privées.

Pour répondre à ces objectifs, il faut, selon moi, remédier au moins à deux handicaps importants.

Le premier est le manque de dessertes de certains massifs forestiers, principalement en montagne. Je tiens à signaler le travail important réalisé par les différents services forestiers au bénéfice d’associations syndicales autorisées, ou ASA, pour créer des voiries permettant d’accéder aux parcelles dans de bonnes conditions et d’assurer une gestion régulière de celles-ci. Mais encore faut-il qu’il y ait suffisamment de crédits pour accompagner tous ces projets et permettre de réaliser des investissements susceptibles d’apporter une grande plus-value à la filière. Hélas, ce n’est pas toujours le cas !

À propos des questions de voirie, on nous signale souvent les contraintes, voire les interdictions qui sont imposées aux projets se situant dans des zones Natura 2000 – c’est le cas de 28 % de la surface forestière du Jura. Nombre d’espaces sont ainsi sanctuarisés par la présence de faune ou de flore qui prime souvent sur l’intérêt économique de tel ou tel investissement, alors même que la France a indéniablement besoin d’une véritable forêt de production. Le ministère de l’environnement préférerait une forêt multifonctionnelle. Pourquoi pas ? À condition, bien sûr, de ne pas restreindre ses capacités de production !

Je souhaiterais que ce débat soit l’occasion de prendre acte de l’absolue priorité du désenclavement des parcelles forestières, lequel permettra d’augmenter la ressource en forêt privée mais aussi de mieux exploiter et tirer profit, dans les forêts communales, du bois d’éclaircie, des branchages et des houpiers, en incluant nos besoins pour le bois-énergie.

Deuxième handicap : nos forêts privées souffrent souvent de leur morcellement, ce qui ne permet pas une gestion et une exploitation des bois rationnelles. Nous devons chercher à favoriser au maximum leur regroupement, comme nous avons commencé à le faire dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMA. Mais nous devons aller plus loin, notamment en encourageant les ASA, qui peuvent servir à regrouper les offres par massifs pour les petits propriétaires. Cela leur permettra de bénéficier de conseils de gestions – comme je l’ai dit, ils n’ont pas toujours les connaissances nécessaires –et de mieux valoriser leurs produits.

Monsieur le ministre, si nous voulons réussir notre politique de bois-énergie, il serait opportun, lorsqu’un projet de chaufferie collective voit le jour et requiert les crédits de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, de demander, voire d’imposer une solution contractuelle avec les communes forestières et les propriétaires privés locaux pour garantir un approvisionnement de proximité.

En Franche-Comté, près de 400 chaufferies-bois ont été réalisées grâce au plan bois-énergie, avec l’ADEME et l’accompagnement financier des collectivités locales, ce qui a permis de susciter une importante demande en bois. C’est pourquoi, pour les futurs projets, il importe d’assurer un bon approvisionnement local de bois déchiqueté ou de plaquettes. Il serait en effet absurde de faire venir ce bois de loin : cela anéantirait les bénéfices des économies d’énergie et augmenterait encore le nombre de camions sur les réseaux routiers.

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