Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’entrerai pas ce soir dans des considérations techniques sur la politique forestière.
Je ne parlerai pas, non plus, du débat relatif au programme forêt ou aux frais de garderie. Mes collègues Renée Nicoux – rappelons qu’elle est à l’origine de ce débat – et Jean-Louis Carrère sont intervenus précédemment sur ces thèmes avec force et compétence.
Je parlerai de confiance. Dans notre pays, nos concitoyens ont tissé au fil des siècles un lien particulier avec leur forêt. Le traumatisme causé par les tempêtes de décembre 1999 et de janvier 2009 témoigne de cet attachement et de cette place particulière qu’occupe la forêt dans notre vie.
Dans le département de l’Aisne, les forêts couvrent environ 123 000 hectares sur 7 369 kilomètres carrés, dont 70 % sont détenus par des propriétaires privés. La forêt publique comprend pour sa part treize forêts domaniales, soit 24 %, et 84 forêts communales – 5 % – ou établissements publics relevant du régime forestier.
À eux seuls, les massifs de Retz, en forêt de Villers-Cotterêts, ainsi que ceux de Saint-Gobain et de Coucy-Basse représentent 21 335 hectares.
Ces forêts, gérées par l’Office national des forêts, jouent un rôle parfaitement identifié dans l’aménagement et le développement durable des territoires, dans le domaine économique et de l’emploi en zone rurale – exploitation de la ressource en bois, valorisation des produits forestiers et de la filière bois –, en matière de préservation de l’environnement, de biodiversité et de qualité des paysages, mais aussi au travers des fonctions sociales – accueil du public, pratiques sportives et cynégétiques, tourisme, etc. Elles constituent les principaux espaces naturels du département ouverts au public.
Pourtant, depuis plus d’un an, un conflit oppose l’ONF à la population et aux élus locaux à propos de la forêt de Saint-Gobain. L’exploitation actuelle est perçue comme brutale et uniquement organisée pour renflouer les caisses de l’ONF. Coupes à blanc, coupes en lisière de village ayant un impact désastreux sur le paysage ou destruction des chemins forestiers sont dénoncées localement.
Ce conflit illustre parfaitement l’incompréhension qui peut régner aujourd’hui entre les populations de communes forestières et l’ONF, qui bénéficiait pourtant d’une excellente image et d’une réputation sans taches.
Jusqu’à ce jour, l’ONF a en effet su développer dans le département de l’Aisne des partenariats efficaces avec les collectivités locales pour assurer l’entretien et la propreté générale des forêts domaniales avec, comme corollaire, la mise en place de nombreuses actions liées au développement touristique et à l’accueil du public dans les massifs domaniaux. Des conventions d’objectifs sont ainsi conclues depuis 1999 avec le conseil général et viennent d’être renouvelées.
Mais l’ONF, vraisemblablement frappée par la RGPP – à moins qu’il n’y ait une autre explication ? – ne se retrouve-t-elle pas contrainte de privilégier une vision de rendement de son action ?
Le rapport d’information, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur l’enquête de la Cour des comptes sur l’ONF souligne la dégradation de la situation financière de l’Office depuis 2008.
Les forêts communales et domaniales sont un bien public qui appartient à l’ensemble de la population qui se l’est approprié. Leur gestion doit donc demeurer publique. Les deux piliers de celle-ci doivent rester équilibrés : la gestion économique, mais également les missions d’intérêt général comme la préservation de la biodiversité.
Cette incompréhension grandissante de l’action de l’ONF est selon moi dangereuse, monsieur le ministre. Hervé Gaymard parle de « confiance légitime » dans son rapport remis au Président de la République le 15 octobre 2010.
C’est bien là le mot essentiel. À l’heure où les projets de filières bois et de création de réseaux de chaleur se multiplient, il est primordial de restaurer ce climat de confiance entre l’ONF et les acteurs locaux.
C’est indispensable à la poursuite d’une politique forestière ambitieuse sur nos territoires ; c’est essentiel à la poursuite des efforts engagés pour développer les filières bois sur nos territoires ; c’est essentiel au regard des enjeux environnementaux et sociaux de ces filières, notamment en termes d’emplois créés.
Ainsi, dans l’Aisne, une étude préalable à la réalisation d’un schéma départemental pour la structuration d’une filière bois-énergie, remise au conseil général, estime que près de 2 400 emplois pourraient être créés au niveau régional dans le secteur de la construction des chaufferies, infrastructures et équipements, dont près de 40 % dans le département.
Une telle politique ne peut être que co-construite. Comme le souligne, là encore, M. Gaymard, l’ONF doit être l’outil d’une politique ambitieuse de la filière bois.
Sans cette confiance réciproque entre, d’une part, les acteurs locaux que sont les associations et les collectivités locales, notamment les communes et, d’autre part, l’ONF, le défi de la filière bois ne pourra pas être relevé.