Intervention de André Reichardt

Réunion du 24 mai 2011 à 22h45
Contractualisation dans le secteur agricole — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en réponse aux conséquences de l’ouverture des marchés que le Gouvernement, via la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, a notamment mis en place une contractualisation obligatoire entre producteurs et acheteurs. Cette voie de régulation des marchés, faut-il le rappeler, avait été fortement souhaitée par la profession agricole, plus particulièrement par les producteurs de lait.

La formalisation écrite des relations commerciales entre les producteurs et leurs premiers acheteurs devient donc la règle. Elle a pour objectif de donner plus de visibilité, aux agriculteurs, d’abord, dans un but de protection, mais aussi aux transformateurs et aux distributeurs, avec l’objectif de maîtriser, pour les premiers, leurs débouchés sur de longues périodes, et, pour les seconds, leurs approvisionnements.

Cette obligation de contrat écrit, couplée à l’interdiction, depuis le 28 janvier dernier, des remises, rabais et ristournes pour les transactions de fruits et légumes frais, constitue une réelle avancée en faveur de la stabilisation des revenus des producteurs français, avancée qu’il nous faut saluer.

Cependant, même s’il semble encore un peu tôt pour dresser un bilan objectif de la mise en œuvre des premiers contrats passés entre producteurs et acheteurs, certaines interrogations sur les modalités de ces contrats, relayées par les représentants du monde agricole, méritent dès à présent d’être prises en considération ; des réponses doivent y être apportées rapidement.

Trois points me paraissent devoir être relevés.

Tout d’abord, d’un point de vue général, les exploitants agricoles français sont actuellement soumis à d’importantes contraintes issues, d’une part, de l’hypervolatilité des cours des matières premières et, d’autre part, de la hausse importante du coût des intrants, notamment la facture énergétique.

Monsieur le ministre, afin de garantir un revenu final correct aux agriculteurs, il me semble nécessaire, en ce qui concerne les modalités de détermination du prix d’achat, de travailler à l’intégration d’une variable prenant en compte les coûts de production supportés par le producteur.

Par ailleurs, l’obligation de contrat ne porte que sur le premier acheteur. Dans ce cadre, les coopératives sont considérées comme premier acheteur et les centrales d’achat qui se fournissent auprès de ces coopératives n’ont pas d’obligation de contractualisation. Dans un contexte particulièrement tendu entre les producteurs et la distribution, il semble important de réfléchir aux modalités de généralisation de cette obligation aux centrales d’achat des grandes et moyennes surfaces, même si elles n’interviennent pas en tant que premier acheteur.

Dans le secteur des fruits et légumes, plus particulièrement, le choix d’une durée minimale de contractualisation de trois ans vise, par l’effet de lissage ainsi produit, à contribuer à restaurer la stabilité des prix des produits. Ce dispositif semble toutefois encore peu adapté à la volatilité, en termes de volume, ainsi qu’à la diversité des productions concernées. Les aléas climatiques – la sécheresse que notre pays rencontre à l’heure actuelle en constitue un exemple frappant – peuvent notamment affecter de manière totalement imprévisible les quantités de productions livrables.

Une attention toute particulière doit donc être apportée, dans la rédaction des contrats, aux modalités de révision du contrat, qui constituent déjà une mention obligatoire, afin de permettre une souplesse et une réactivité accrues en cas d’aléas climatiques.

N’oublions cependant pas qu’il existe, par ailleurs, d’autres problèmes qui ne pourront pas être réglés par la contractualisation : il s’agit notamment de ceux qui sont liés aux différences importantes de coûts de main-d’œuvre entre les pays de l’Union européenne. C’est un poste important de charges dans le secteur des fruits et légumes. Les régions frontalières, comme l’Alsace, souffrent particulièrement du manque d’harmonisation en la matière des politiques sociales et fiscales nationales.

Dans le secteur laitier, enfin, si le choix d’une contractualisation minimale de cinq années va dans le sens d’une stabilité à moyen terme des revenus pour les producteurs, il faut toutefois veiller à ce que la collecte du lait soit égale pour tous, qu’ils se trouvent en montagne, proches ou éloignés d’une usine. Le lait doit continuer à être collecté sur l’ensemble du territoire national. Or, à ce jour, les coopératives laitières ne représentent que 20 % de la collecte nationale, alors qu’aux Pays-Bas ou au Danemark on n’est pas loin des 100 %. Cela perturbe la distribution, qui a la possibilité de s’alimenter ailleurs que dans l’Hexagone. Des efforts sur la structuration du secteur laitier sont donc encore à mener.

En conclusion, je dirai que, si tout ne peut pas être réglé grâce à la contractualisation, il faut travailler autant que faire se peut à améliorer le dialogue entre producteurs et distributeurs et, pour que cela fonctionne, il est nécessaire d’avoir une organisation économique des producteurs et des interprofessions forte et solide, de manière à pouvoir répondre aux attentes des distributeurs et des consommateurs.

Monsieur le ministre, les enjeux liés à la réforme de la PAC, maintenant proche, doivent tous nous inciter à travailler au renforcement de l’organisation et de la structuration des grandes filières agricoles nationales.

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