Intervention de Henri de Raincourt

Réunion du 21 décembre 2009 à 14h30
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux textes soumis aujourd’hui à votre examen sont nécessaires à la mise en œuvre d’une innovation importante due à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : désormais, le Parlement pourra contrôler les nominations envisagées par le Président de la République aux fonctions les plus éminentes concernant la garantie des libertés ou la vie économique et sociale de notre pays.

Le pouvoir de nomination du Président de la République fera préalablement l’objet, pour ces emplois ou fonctions, d’un avis public des commissions compétentes des deux assemblées du Parlement. Selon la volonté du constituant, le Parlement aura alors la possibilité de s’opposer à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs des commissions représentera au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés.

En encadrant ainsi la compétence du Président de la République, cette nouvelle prérogative donnée aux parlementaires participe au rééquilibrage des institutions de la Ve République voulu par président Sarkozy.

Cette nouvelle procédure est aussi une traduction concrète de la « République des compétences » qu’il a souhaitée, une République qui fait le choix des talents, au-delà des affinités et des sympathies.

La procédure prévue par l’article 13 de la Constitution garantira la transparence du choix des personnalités proposées à la nomination. Comme l’a fort justement souligné le président Jean-Jacques Hyest, le choix de l’exécutif s’appuiera désormais sur une délibération nourrie par l’expérience des parlementaires et leur diversité politique.

Il faut insister sur le fait que l’audition publique des candidats est, à elle seule, un gage déterminant de la dignité et de la qualité tant professionnelle que personnelle des personnes nommées. Les parlementaires qui auditionneront les candidats pourront, en effet, avant de se prononcer, évaluer non seulement leur compétence, mais aussi la pertinence de leurs projets.

Ce contrôle parlementaire permettra d’établir sans ambiguïté les aptitudes des personnes proposées et de garantir leur indépendance vis-à-vis de l’exécutif. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a souhaité, avant même l’adoption de la loi organique, que les candidats à la présidence d’Aéroports de Paris, d’Électricité de France et de la Française des jeux soient auditionnés par les commissions parlementaires compétentes, y compris lorsqu’il s’agissait d’une reconduction aux mêmes fonctions.

L’entrée en vigueur du nouvel article 13 de la Constitution est conditionnée par l’adoption d’une loi organique, qui doit arrêter la liste des emplois et fonctions soumis à la nouvelle procédure. Pour compléter le dispositif, il revient à une loi ordinaire de préciser quelle est la commission permanente compétente pour donner un avis sur chaque nomination.

Le projet de loi organique présenté par le Gouvernement a retenu, au sein d’un ensemble extrêmement hétérogène de nominations, une liste assez longue de quarante et un emplois ou fonctions. Il a ainsi ajouté une vingtaine d’emplois et fonctions à ceux dont le comité présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur avait estimé qu’ils méritaient d’être soumis à une procédure d’audition parlementaire préalable.

Il faut avant tout rappeler que la liste ne concerne que les nominations effectuées par le Président de la République, celles qui relèvent Premier ministre étant clairement exclues du champ de la loi organique.

La sélection opérée par le Gouvernement s’appuie sur les termes mêmes de l’article 13 de la Constitution. Celui-ci prévoit en effet que les emplois ou fonctions inscrits sur la liste doivent présenter une certaine importance pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la nation. Le contrôle des nominations vise donc les fonctions dirigeantes d’organismes à compétence nationale ou dont l’action peut avoir des répercussions à l’échelle nationale.

Par ailleurs, et afin de ne pas accroître démesurément le nombre de personnes dont la nomination est soumise à cette nouvelle procédure, le contrôle parlementaire ne devrait viser que la fonction de responsabilité effective, qu’il s’agisse de la présidence ou de la direction générale des organismes concernés.

Enfin, le Gouvernement a souhaité donner au contrôle parlementaire tout son sens et toute sa portée. II a donc pris le parti de ne pas inclure dans la liste les emplois et fonctions pour lesquels existe déjà un dispositif spécifique de nomination garantissant la compétence et l’indépendance des candidats. Il en va ainsi, notamment, lorsque la personne est choisie sur une liste de noms établie conjointement par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes.

Cette démarche raisonnable, à laquelle a souscrit l’Assemblée nationale, est également approuvée par votre commission des lois. Le Gouvernement ne peut que s’en féliciter.

Ces critères ont conduit à inclure dans la liste la plupart des autorités indépendantes de protection des droits et libertés, les principales autorités indépendantes de régulation, les grandes entreprises publiques et les institutions financières publiques – Banque de France et Caisse des dépôts et consignations –, ainsi que les grands établissements publics, notamment dans le domaine de la recherche, de la santé et de l’environnement.

L’étendue du contrôle parlementaire sur les nominations décidées par le Président de la République est donc indiscutable.

L’Assemblée nationale a souhaité ajouter à cette liste quatre fonctions : les présidences de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, de l’Autorité des normes comptables, ainsi que la direction générale de l’Office national des forêts.

Votre commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, le doyen Gélard, a également complété la liste avec trois autres fonctions : la présidence du conseil d’administration de Voies navigables de France, la présidence de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et la présidence de la Commission de la sécurité des consommateurs. Le Gouvernement n’y voit pas d’objection.

Au passage, je tiens à saluer le travail très approfondi de votre commission des lois et, plus particulièrement, de son rapporteur.

L’Assemblée nationale a souhaité faire figurer dans la liste les emplois ou fonctions soumis à la même procédure de contrôle parlementaire en application de la Constitution elle-même ou de lois organiques antérieures. En effet, la Constitution prévoit l’application d’un régime identique pour trois membres du Conseil constitutionnel, pour deux personnalités qualifiées du Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que pour le Défenseur des droits lorsqu’il sera effectivement institué.

Le législateur organique a prévu cette procédure d’avis préalable pour la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ainsi que pour celle du président de la Commission de contrôle du redécoupage des circonscriptions électorales.

La liste, désormais enrichie par les deux assemblées et exhaustive, permet de mesurer mieux encore l’importance de cette nouvelle prérogative constitutionnelle donnée aux parlementaires.

La répartition des emplois et fonctions entre les commissions permanentes paraît également arrêtée. Si le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi ordinaire, une répartition entre les commissions des emplois et fonctions, il appartient évidemment aux assemblées d’adapter cette ventilation aux compétences respectives de leurs différentes commissions. L’Assemblée nationale a modifié cette répartition proposée sur deux points.

Sur l’initiative de votre collègue Hugues Portelli, votre commission des lois a déterminé dans la loi ordinaire les commissions compétentes pour se prononcer sur les nominations du Défenseur des droits et des personnalités qualifiées du Conseil supérieur de la magistrature. Le Gouvernement considérait que de telles précisions relevaient davantage de la loi organique, mais il est vrai qu’elles permettent d’accroître, par une approche d’ensemble, la lisibilité du dispositif.

Enfin, l’Assemblée nationale a souhaité préciser la procédure applicable devant les commissions permanentes. Elle a modifié, dans le projet de loi organique, l’ordonnance du 7 novembre 1958 pour interdire explicitement la délégation de vote lors du scrutin destiné à exprimer l’avis de la commission compétente. Le projet de loi ordinaire a, pour sa part, été complété pour prévoir que le scrutin doit être dépouillé au même moment dans les deux assemblées.

Votre commission des lois a souhaité revenir sur l’interdiction des délégations de vote. Le Gouvernement ne peut, me semble-t-il, que prendre acte, au moins pour le moment, de cette divergence d’appréciation.

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