Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 21 décembre 2009 à 14h30
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’introduction en 2008 du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution permettant aux commissions permanentes du Parlement de contrôler certaines des nominations faites par le Président de la République constitue, sur le principe, un réel progrès pour notre République. Je dis bien « sur le principe », car les modalités d’application retenues par le constituant ont abouti, de droit, à tempérer une procédure qui aurait mérité un meilleur sort.

Les deux textes dont nous discutons aujourd’hui souffrent en effet du choix de la procédure que devront mettre en œuvre nos commissions permanentes. En choisissant de retenir une majorité des trois cinquièmes pour qu’un veto soit opposé, la procédure a en partie été vidée de son efficacité. Dans un pays comme le nôtre, où la marche forcée du fait majoritaire étouffe l’aspiration de beaucoup à s’écarter de la logique du bipartisme, il est difficilement concevable qu’une partie substantielle de la majorité s’affranchisse des consignes présidentielles en s’opposant à une nomination décidée par le Président de la République.

Monsieur le ministre, les talents sont, heureusement, parfois compatibles avec les affinités. Nous entendons très bien qu’il serait difficile d’aboutir à un système dans lequel l’opposition se serait vu attribuer, de fait, un pouvoir de blocage inversement proportionnel à son poids politique dont elle aurait pu abuser par simple envie d’obstruction. Mais voyez la façon dont le Sénat américain, qui doit approuver à ses deux tiers les nominations effectuées par le président, parvient toujours à trouver un modus vivendi assurant la continuité de la vie de la nation !

Par ailleurs, nous estimons que c’est à juste titre que la commission des lois a considéré que rien n’obligeait à retenir une procédure identique dans les deux assemblées, tout en maintenant un dépouillement simultané. De façon générale, il faut faire confiance aux parlementaires de tous bords, dès lors que l’intérêt général est en jeu.

À notre sens, il eût été opportun, et surtout plus démocratique, d’aller au bout de la logique qui sous-tend le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution en donnant aux commissions un droit d’approbation de la personne pressentie. Ainsi, cette personne aurait endossé ex ante toute la légitimité, toute l’autorité que lui aurait conférées la double confiance du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.

En ces temps difficiles où est remis en cause tout ce qui a trait, de près ou de loin, aux institutions, il est indispensable d’affermir le caractère irréprochable de notre République. Or des exemples récents – je citerai pour mémoire la nomination à la présidence d’EDF et le conflit d’intérêt avec Veolia – ne manquent pas qui alimentent la défiance de certains de nos compatriotes à l’égard des élus de la République. Nous ne pouvons rester inactifs.

Occasion en partie manquée, la révision constitutionnelle le fut tout autant s’agissant de la répartition du droit de nomination entre le Président de la République, au titre de l’article 13 de la Constitution, et le Premier ministre, au titre de l’article 21 du même texte. Ne sachant toujours pas trancher quant à l’essence véritable de la Ve République, le constituant a maintenu cette architecture complexe, qui nourrit l’opacité. Il est ainsi significatif que le juge administratif ait mis longtemps à trouver la qualification juridique du décret signé par le Président de la République en conseil des ministres et revêtu du contreseing ministériel. Or de cette qualification dépend naturellement le régime contentieux et, par voie de conséquence, l’étendue du contrôle juridictionnel.

De plus, est tout aussi significative la difficulté rencontrée pour l’établissement de la liste exhaustive des emplois pourvus par décret. Si le présent projet de loi organique permet une première recension de certains de ces emplois, il n’en demeure pas moins que leur détail reste éparpillé entre divers textes de nature organique, législative ou simplement réglementaire. Nous regrettons ainsi que l’hypothèque de la complexité et de l’opacité qui ont régi les processus de nomination n’ait pas été levée. Nous convenons toutefois que les majorités qui se sont succédé ont parfaitement su en user et en abuser…

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