Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 21 décembre 2009 à 14h30
Représentation devant les cours d'appel — Discussion d'un projet de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État :

Une fraction des honoraires d'avocat sera désormais mise à la charge de la partie perdante, au titre des dépens prévus par l'article 695 du code de procédure civile.

La troisième modalité de cette modernisation consiste à développer les nouvelles technologies. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises devant votre commission des lois, la dématérialisation est un atout pour l'efficacité des procédures et la rationalisation des dossiers. Il s’agit de l’un des points sur lesquels je souhaite pouvoir m’investir avec l’ensemble des parlementaires.

D’une part, pour les actes de procédure, les avocats ne seront plus obligés de se déplacer dans les cours d'appel. Il n'y aura donc pas de surcoût pour le justiciable. D’autre part, l'obligation d'introduire l'instance par voie électronique, à peine d'irrecevabilité, est prévue par un décret publié le 9 décembre dernier. Je souligne que cette dématérialisation s’appliquera d’abord à la seule déclaration d'appel à compter du 1er janvier 2011. Par la suite, elle sera progressivement étendue à l’ensemble de la procédure.

Je suis consciente des difficultés potentielles en la matière. Pour cette raison, un groupe de travail est réuni mensuellement, avec le Conseil national des barreaux et les services de la Chancellerie, afin de préparer la dématérialisation. D’ailleurs, deux expérimentations – votre rapporteur a pu, me semble-t-il, voir l’une d’elles – sont menées dans les cours d’appel de Versailles et Douai. L’objectif est de généraliser cette dématérialisation à l’ensemble des cours d’appel d’ici à la fin du premier semestre de l’année 2010. Je pense que nous y parviendrons.

Enfin, pour favoriser le dialogue entre les chefs de cour et les avocats, le projet de loi prévoit qu'un avocat, désigné parmi les bâtonniers du ressort, sera chargé de traiter des questions relatives à la communication électronique.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, le dispositif général de la réforme que je vous propose aujourd’hui. Comme vous pouvez le constater, il s’agit, malgré le précédent des tribunaux d’instance, d’une réforme de grande ampleur. Dès lors, elle est évidemment susceptible d’entraîner un certain nombre de conséquences, notamment pour les avoués et leurs employés. Pour cette raison, dès que j’ai eu en charge ce texte, c’est-à-dire à l’été dernier, je me suis particulièrement attachée à limiter les effets négatifs que la réforme pourrait faire peser sur eux.

Des mesures d'accompagnement sont donc prévues par le projet de loi. Celles-ci répondent à une triple exigence. D’abord, l’idée principale est de favoriser l'activité des personnes concernées, sur le fondement du libre choix, en prévoyant un certain nombre de passerelles vers d'autres professions du droit. Ensuite, le texte établit une juste indemnité pour le préjudice subi. Enfin, il est prévu d’éviter des ruptures trop brutales en aménageant une période transitoire qui soit raisonnable.

Parmi ces trois mesures d’accompagnement, je présenterai d’abord les passerelles vers les autres professions judiciaires et juridiques.

Comme je l’ai dit voilà un instant, les avoués qui le souhaitent deviendront automatiquement avocats. Par ailleurs, pour leurs collaborateurs juristes, puisqu’ils sont un certain nombre, les conditions d’accès à cette profession seront assouplies. L'accès aux métiers d'officiers publics ministériels sera facilité pour les avoués et pour les collaborateurs d’avoués, compte tenu de leur formation et de leur expérience.

L'ensemble de ces passerelles sera mis en œuvre dès 2010 et les décrets nécessaires seront publiés dès la promulgation de la loi. De manière générale, je vous soumettrai, si vous le souhaitez, les projets de décrets tels qu’ils sont préparés actuellement, sous réserve de vos amendements. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, présenter autant que possible les projets de décret prévus en même temps que le texte législatif me semble une bonne façon de légiférer.

Par ailleurs, dans le cadre du budget 2010, j'ai obtenu la création de 380 postes dans les services judiciaires, auxquels pourront postuler les salariés d'avoués. Je le précise dès maintenant, les trois catégories de la fonction publique, A, B et C, seront concernées. Un concours adapté, incluant une épreuve valorisant l'expérience professionnelle, sera organisé pour les salariés souhaitant devenir greffiers. Pour ceux qui souhaiteront rejoindre la catégorie C, la sélection s'effectuera sur dossier et entretien, et ce dès le mois d’avril prochain.

En outre, le projet de loi qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit une juste indemnisation de la fermeture des offices d’avoués.

Sur ce point, vous le savez, dès ma nomination à la fonction de garde des sceaux, j’ai souhaité améliorer la rédaction du texte initial aux termes de laquelle l’indemnité prévue devait s’élever, pour une raison que j’ignore d’ailleurs, à 66 % de la valeur de l’office concerné, un pourcentage qui, selon moi, n’était pas équitable et ne correspondait à aucune des règles qui président à notre droit. Lors de l’examen de ce texte par l'Assemblée nationale, j’ai proposé et obtenu que cette indemnité soit portée à 100 % de la valeur de l’office et qu’elle soit directement versée par le fonds d’indemnisation de la profession d’avoué.

Se posaient non seulement le problème du montant de l’indemnisation, mais également celui des délais.

Désormais, le préjudice subi par les avoués devra être réparé par une indemnité intervenant dans un délai raisonnable.

Dans son ensemble, ce dispositif est la garantie d’une indemnisation adaptée, rapide et uniforme, qui évite l’allongement de toutes les procédures. C’est pourquoi je vous inviterai, mesdames, messieurs les sénateurs, à le maintenir.

D’autres mesures sont prévues pour adapter l’indemnisation à des situations concrètes.

En effet, il est essentiel de bien prendre en compte la réalité. Certains avoués exercent leur profession depuis de très nombreuses années, approchant parfois l’âge de la retraite, tandis que d’autres, qui débutent, ont toute leur carrière professionnelle devant eux. Le même problème se pose d’ailleurs pour les salariés d’avoués.

Si nous faisons la comparaison avec ce qui s’est passé en 1971, il est évident que nous nous adressons à un public beaucoup plus restreint. Dès lors, il est indispensable d’individualiser le plus possible les situations afin d’y apporter concrètement les réponses les plus adaptées.

Concernant les avoués qui ont acquis récemment leur office, l’indemnité sera portée à un montant égal à la somme de l’apport personnel et du capital restant dû au titre de l’emprunt contracté pour l’acquisition, afin d’éviter une perte. Cette indemnisation devra intervenir dans un délai raisonnable.

Ainsi, dès le début de l’année 2010, les avoués pourront bénéficier d’un acompte sur l’indemnisation due, qui s’élèvera à 50 % du dernier chiffre d’affaires connu.

Les avoués endettés pourront obtenir le remboursement du capital restant et la prise en charge des éventuelles pénalités prévues au titre d’un remboursement anticipé. À compter du remboursement, ils pourront bénéficier des revenus tirés de l’office sans, pour autant, avoir à supporter un remboursement d’emprunt. Cette anticipation leur permettra de bénéficier d’ores et déjà des revenus qu’ils tireront de leur office.

Quant aux avoués qui partiront à la retraite, ils bénéficieront, dans le cadre de la réforme, des mêmes avantages fiscaux que ceux qui cédaient leur office pour partir en retraite. C’est, là aussi, une mesure non négligeable.

Par ailleurs, une attention particulière est apportée aux salariés.

Si ces salariés suivent leur employeur dans sa nouvelle profession d’avocat, ils conserveront les avantages qu’ils auront acquis en application de leur convention collective.

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