Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 21 décembre 2009 à 14h30
Représentation devant les cours d'appel — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Un avoué, c’est quelqu’un qui a d’emblée choisi d’exercer cette profession et qui aurait pu, s’il l’avait voulu, s’installer comme avocat. Les avoués qui vont disparaître n’ont donc pas nécessairement tous vocation à devenir avocats.

De plus, il me semble que la profession d’avocat n’attend pas après eux. Rappelons qu’un nombre croissant d’avocats travaillent principalement en étant commis d’office et en étant rémunérés au tarif de l’aide juridictionnelle.

Je ne m’étendrai pas sur le fait que les avoués n’ont pas de clientèle propre et qu’ils n’ont aucune chance d’en acquérir d’ici au 1er janvier 2011, puisqu’ils vont devenir les concurrents directs de leurs principaux pourvoyeurs d’affaires.

Quatrièmement, sait-on ce qu’il adviendra des 1 650 salariés qui vont perdre leur emploi, alors que rien, dans la situation de leur « entreprise », ne le justifiait ? A priori, on l’ignore !

Certes, 380 emplois leur ont été réservés dans le budget du ministère de la justice, cela a été rappelé par les orateurs qui m’ont précédé.

Certes, quelques-uns ont d’ores et déjà quitté la profession et d’autres vont partir à la retraite. Mais, pour la grande majorité d’entre eux, il s’agit bien d’un licenciement, qui ne survient pas pour des raisons économiques ni à la suite de fautes qu’ils auraient commises. En réalité, il s’agit bel et bien d’un licenciement qui fait suite à une décision politique !

Dans la situation économique actuelle, où l’on craint plus une augmentation du chômage qu’une diminution, le moment paraît fort mal choisi. Même si l’avoué devient avocat, il sera obligé de licencier. En effet, un avocat n’a pas besoin du même nombre de collaborateurs qu’un avoué, les chiffres en attestent !

Cinquièmement, les conditions dans lesquelles les avoués seront indemnisés sont-elles correctes ? L’indemnité prévue est-elle juste et équitable ? Non !

Même si le débat qui s’est déroulé à l’Assemblée nationale a permis d’améliorer sensiblement l’indemnisation, il n’en reste pas moins vrai qu’elle correspond en réalité au simple rachat de l’étude, mais ne dédommage pas les préjudices subis. Heureusement, M. le rapporteur a, là aussi, bien travaillé.

Le groupe de l’Union centriste se réjouit donc de la manière dont M. le rapporteur de la commission des lois a examiné ce texte et des propositions qu’il fait. Si l’on peut considérer qu’il est, à terme, d’utilité publique de supprimer un échelon dans la procédure d’appel, comme cela a déjà été fait en 1971, il n’en est pas moins vrai que les conditions dans lesquelles s’effectue cette réforme ne sont pas correctes, notamment au regard des personnes touchées. Notre rapporteur s’est efforcé de remédier à une telle situation.

À titre personnel, je tiens à vous dire, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, que j’ai été frappé par la dignité et l’incompréhension des avoués que j’ai rencontrés. L’un d’eux m’a dit cette phrase : « Notre profession est morte d’invisibilité ». Je crains malheureusement que cette remarque ne reflète bel et bien une triste réalité : jusqu’à présent, les avoués faisaient leur métier – et la grande majorité d’entre eux très bien –, ils gagnaient plutôt bien leur vie, étaient de bons patrons pour leurs salariés et ne demandaient rien à personne, ne faisant pas parler d’eux… Peut-être auraient-ils dû ?

Madame le garde des sceaux, je crois que les avoués vivent très mal depuis la publication des préconisations de M. Attali ; je crois que leurs propositions visant à faire évoluer leur métier n’ont pas été entendues ni même écoutées ; je crois que leur invisibilité ne signifiait pas médiocrité ou insignifiance et que ni la justice ni le justiciable ne sortiront gagnants de cette suppression telle qu’elle a été prévue.

Nous nous félicitons donc des travaux de la commission des lois. Le texte qu’elle propose améliore les conditions d’indemnisation du personnel salarié et prévoit une indemnisation plus équitable des avoués. Soutenant l’action de M. le rapporteur, je vous proposerai toutefois, mes chers collègues, quelques amendements de précision et un amendement visant à prolonger d’une année supplémentaire la période transitoire, de telle sorte que les avoués et leurs personnels ainsi que la justice et les justiciables n’aient pas à regretter les conditions de mise en œuvre de cette décision politique.

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