Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 21 décembre 2009 à 14h30
Représentation devant les cours d'appel — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, conformément à l’annonce du Gouvernement le 9 juin 2008, le projet de loi qui est soumis à notre examen aujourd’hui réforme les professions d’avoué et d’avocat en organisant leur fusion.

En supprimant l’obligation de recourir à un avoué devant les cours d’appel, le présent texte s’inscrit dans une logique d’achèvement de la réforme de 1971 que nous ne saurions retarder davantage. En effet, force est de constater qu’aujourd’hui la dualité d’intervention en appel est difficilement compréhensible par le justiciable et rend ses démarches trop complexes.

À cet égard, plusieurs rapports, notamment ceux des commissions présidées par Jacques Attali, d’une part, et par maître Jean-Michel Darrois, d’autre part, ont relevé la nécessité de modifier le fonctionnement du procès en appel.

Madame le garde des sceaux, nous partageons votre triple ambition de garantir une meilleure lisibilité du rôle des différents acteurs du procès, de simplifier les démarches du justiciable et de réduire le coût du procès en appel. Le justiciable pourra dorénavant s’adresser à un professionnel unique, habilité à le conseiller, à le représenter en justice et à plaider son dossier devant les deux degrés de juridiction.

De plus, en favorisant la dématérialisation progressive des échanges devant la cour d’appel, qui évitera à l’avocat de se déplacer à la cour d’appel pour effectuer les actes de procédure, le présent projet de loi constitue une nouvelle étape vers la modernisation de la justice française que nous appelons de nos vœux.

Par ailleurs, je tiens à souligner que le groupe UMP soutient pleinement la démarche qui était la vôtre, madame la ministre d’État, de concevoir ce texte en concertation avec les professions juridiques.

Permettez-moi de citer quelques chiffres éloquents : quatorze cours d’appel ont été visitées et plus de deux cents des quatre cent trente-quatre professionnels recensés ont été rencontrés. Les premiers présidents de cour d’appel ont été associés à la réforme. J’ajoute, madame le garde des sceaux, que vous avez également spécialement missionné une éminente personnalité, M. Michel Mazard, avocat général à la Cour de cassation.

Je me réjouis que ces consultations vous aient conduite à évoluer sur un certain nombre de points et à lever quelques ambiguïtés du texte.

Cependant, si nous partageons pleinement votre objectif de simplification de l’accès à la justice en appel, votre projet de loi ne me semble pas être allé assez loin quant à la réparation des préjudices causés aux avoués et à leurs personnels.

Je me félicite, à cet égard, que la commission des lois se soit entièrement dédiée à garantir aux avoués et à leurs personnels salariés une indemnisation encore plus juste et à favoriser leur reconversion. Je tiens à saluer le travail de très grande qualité de notre rapporteur Patrice Gélard.

Je souhaite insister sur plusieurs points du texte que notre commission a modifiés.

En premier lieu, le groupe UMP et moi-même considérons que la mise en place d’une courte période transitoire est sinon nécessaire, du moins utile, s’il s’agit, d’une part, de permettre la reconversion des avoués et l’accompagnement des salariés et, d’autre part, de faciliter la restructuration des offices et la constitution d’une clientèle.

Toutefois, madame le garde des sceaux, si cette période transitoire peut sembler utile, disons-le clairement, elle crée une période d’incertitude pour les avoués et les salariés. Elle pourrait également poser, dans une certaine mesure, un problème de distorsion de concurrence entre les avocats et les avoués.

C’est pourquoi la commission des lois a reporté le début de cette période du 1er janvier 2010 à la date de la publication de la loi, afin de la raccourcir de douze à neuf mois. De plus, nous avons souhaité, pendant cette période, qu’il revienne à la partie intéressée de renoncer à l’assistance de son avocat, pour confier à l’avoué, devenu avocat, la mission de plaider.

En deuxième lieu, je tiens à rappeler la ligne de conduite qui est la nôtre, et sur laquelle nous ne saurions transiger. Notre objectif, c’est que les 2 000 personnes, dont la vie professionnelle va être bouleversée par le présent texte, soient dotées des meilleures garanties pour saisir de nouvelles opportunités professionnelles.

Nous nous réjouissons ainsi de la liberté de choix qui est donnée aux quatre cent trente-quatre avoués entre plusieurs professions du monde juridique. Grâce à de nombreuses passerelles, vers la magistrature ou les offices ministériels, ils auront la possibilité d’exercer une autre profession que celle d’avocat. Il ne s’agit pas d’une simple déclaration d’intention, des avoués ayant d’ores et déjà pu intégrer la magistrature, par exemple.

Cependant, nous n’avons pas été totalement satisfaits par le système d’indemnisation des avoués qui nous a été soumis.

La commission propose de confier au juge de l’expropriation le soin de déterminer l’indemnité spécifique allouée aux avoués, afin d’assurer la réparation du préjudice qu’ils subissent du fait de la loi.

Toutefois, madame le garde des sceaux, considérant que cette proposition ne constitue pas l’unique solution à notre souhait commun d’améliorer la situation des avoués, nous restons bien évidemment ouverts à d’autres suggestions.

De plus, garantir une indemnisation plus juste, c’est aussi prendre en compte la situation particulière des plus jeunes avoués, qui sont particulièrement touchés par cette réforme. Beaucoup d’entre eux ont dû contracter un prêt pour l’acquisition de leur office. En garantissant aux jeunes avoués de percevoir au moins le remboursement de leur apport personnel et du capital restant dû, vous étiez sur la bonne voie.

Nous avons néanmoins souhaité aller plus loin et prévenir toute forme d’injustice, en confiant au juge de l’expropriation le soin de déterminer l’indemnité spécifique allouée aux avoués en fonction de leur âge.

En troisième lieu, madame le garde des sceaux, nous avons complété les mesures particulières que vous aviez prévues en faveur des salariés d’avoués qui seraient licenciés et des collaborateurs des avoués.

En prévoyant que ces salariés perçoivent, dès lors qu’ils comptent un an d’ancienneté ininterrompue dans la profession, des indemnités de licenciement calculées à hauteur d’un mois de salaire par année d’ancienneté, l’amendement que j’ai présenté avec mon collègue Raymond Couderc, et qui a été retenu par la commission des lois, devrait permettre d’améliorer l’indemnisation de ce personnel salarié.

Toujours afin de garantir une meilleure équité, la commission a prévu, sur l’initiative de notre rapporteur, le versement direct par le fonds d’indemnisation des sommes dues au titre du licenciement des salariés des avoués.

Par ailleurs, dans le contexte de crise économique que nous connaissons, nous avons souhaité agir de manière proactive, afin de favoriser la reconversion rapide de plusieurs centaines de personnes qui se trouveront contraintes de rechercher un nouvel emploi.

C’est pourquoi la commission a adopté, d’une part, un amendement du rapporteur créant une indemnité exceptionnelle de reconversion et a institué, d’autre part, une exonération de charges sociales patronales pour l’emploi de salariés qui faisaient partie du personnel des avoués. Il s’agit d’inciter les anciens avoués devenus avocats et l’ensemble des professions juridiques et judiciaires réglementées à recruter ces anciens salariés d’avoués.

Madame le garde des sceaux, vous avez annoncé qu’une convention entre l’État, la Chambre nationale des avoués et les représentants des salariés serait signée dès la publication de la loi. Nous saluons votre démarche qui devrait permettre un accompagnement personnalisé dans chaque cour d’appel, avant même que les licenciements soient intervenus.

Vous avez en outre obtenu dans le budget la création de trois cent quatre-vingts postes dans les services judiciaires auxquels pourront postuler les salariés d’avoués selon leur niveau de formation. C’est une bonne nouvelle. Sur ce point, pouvez-vous nous préciser quand auront lieu ces recrutements ?

En quatrième et dernier lieu, votre texte permet de simplifier la gestion des caisses de retraite, puisque seuls les avoués devenant avocats dépendront de la Caisse nationale des barreaux français pour leurs années d’avocat ; les autres continueront à dépendre de la Caisse d’assurance vieillesse des officiers ministériels.

Toujours guidée par le souci de justice, la commission des lois a amélioré les conditions selon lesquelles les caisses de retraite des avoués et des avocats assumeront leurs obligations à l’égard des anciens avoués, et je m’en réjouis.

En conclusion, madame le garde des sceaux, ce projet de loi constitue une réelle avancée pour la modernisation de notre justice et respecte les obligations de réglementation européenne. Nous répondons ensemble au double enjeu posé par cette réforme, à savoir améliorer l’accès de nos contribuables à la justice et garantir les meilleures conditions d’indemnisation et de reconversion des avoués et de leurs salariés.

Au vu de ces quelques observations, le groupe UMP votera le texte de la commission des lois, suivant ainsi le rapporteur qui a fait preuve d’une grande sagacité.

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