Pour autant, je veux expliquer le vote que, un peu à regret, je m’apprête maintenant à émettre en indiquant que, à mon sens, cette réforme ne va pas « entraîner », pour reprendre le texte de la motion, « une désorganisation des cours d’appel ».
J’en veux pour preuve que le ministère d’avoué n’est d’ores et déjà pas obligatoire dans tous les domaines devant la cour d’appel.
Il n’est ainsi pas obligatoire devant la chambre sociale, de sorte que, pour toutes les décisions en appel des tribunaux des affaires de sécurité sociale, pour toutes les décisions des tribunaux paritaires des baux ruraux et, surtout, pour toutes les décisions des conseils de prud’hommes, le ministère d’un avoué n’est pas nécessaire. Or y a-t-il eu un syndicaliste mandataire d’une partie devant la cour d’appel pour se plaindre de cette situation et pour évoquer la « désorganisation » de cette dernière ?
Il n’y a pas non plus de ministère d’avoué devant la chambre des appels correctionnels, et on n’y juge pas que l’infraction pénale venue du tribunal de police ou du tribunal correctionnel ; on y juge également l’indemnisation de préjudices corporels extrêmement importants.
La justice n’est donc pas désorganisée du fait de l’absence de l’avoué au stade de l’appel, mais le serait-elle à raison de l’importance du litige ?
Franchement, le fait qu’il n’y ait plus d’avoué va-t-il poser un problème lorsqu’il est fait appel d’un jugement rendu en matière de troubles de voisinage ou appel d’une décision du juge aux affaires familiales modifiant une pension alimentaire ?
Prenons un autre exemple dans le droit de la construction.
Un industriel décide de construire un complexe important et fait appel à des maîtres d’œuvre, à trente-six corps de métiers, passant un nombre indéterminé de contrats de droit privé et autant de contrats avec des assureurs.
Des problèmes surviennent, des malfaçons diverses, des difficultés financières ou des pertes matérielles qui rendent difficile le fonctionnement de l’entreprise. L’affaire sera portée devant le tribunal de grande instance, puis devant la cour d’appel, et le ministère d’avoué sera obligatoire.
Considérons le cas symétrique d’une communauté de communes qui veut créer une immense structure consacrée à la petite enfance : elle fait appel à un architecte, à des maîtres d’œuvre et à divers intervenants.
Des malfaçons apparaissent, causant un préjudice de jouissance. Le procès se déroulera devant le tribunal administratif, puis devant la cour administrative d’appel. Or il n’y a pas de ministère d’avoué devant la cour administrative d’appel.
La décision de la cour administrative d’appel sera-t-elle pour autant plus critiquable que la décision de la cour d’appel en matière civile ? Je ne le pense pas.
L’argument relatif à la désorganisation des cours d’appel, le seul sur lequel je prends position dans ce débat, ne tient donc pas réellement.